Verset à verset Double colonne
1 Et les deux anges arrivèrent à Sodome le soir. Et Lot était assis à la porte de Sodome. Et Lot, les voyant, se leva pour aller au-devant d’eux, et il se prosterna le visage contre terre,Pendant que l’Éternel s’entretient avec Abraham, les deux envoyés continuent leur route jusqu’à Sodome. Les faits qui suivent prouvent surabondamment que l’iniquité de cette ville est arrivée à son comble et appelle les châtiments de Dieu.
Les deux anges. Le terme hébreu signifie envoyés et désigne tout être chargé d’un message divin.
À la porte. La porte de la ville était en Orient ce qu’était la place publique à Athènes et à Rome. C’est là que siégeait le tribunal ; c’est là aussi qu’on se réunissait pour se communiquer les nouvelles du jour.
Se leva. L’hospitalité est considérée en Orient comme un devoir sacré ; cependant Lot est le seul qui aille au-devant des deux arrivants.
Se prosterna. Voir Genèse 18.2, note.
En refusant, les envoyés veulent voir si l’invitation de Lot est une simple formule de politesse ou s’il tient vraiment à exercer l’hospitalité. Ce trait appartient aussi à l’épreuve. Comparez l’allusion à ce fait Hébreux 12.2.
Un festin. Le mot hébreu signifie boisson, puis festin. Dans ce dernier sens, il désigne toujours un repas considérable.
Pains sans levain : parce qu’ils devaient être faits rapidement.
Les enfants : la corruption est donc à son comble.
Que nous les connaissions. Péché contre nature. Romains 1.27.
Considérant, à la manière orientale, les lois de l’hospitalité comme sacrées, Lot expose, pour défendre ses hôtes, sa vie et même l’honneur de ses filles. Il y a là un certain obscurcissement du sens moral. Comparez la conduite du vieillard de Guibéa, Juges 19.23-24. Lot n’avait pu se défendre complètement de l’influence du milieu dans lequel il s’était établi. La fin du chapitre montrera les dernières conséquences de cette première faute.
C’est pour cela : pour être à l’abri de tels attentats. Comparez Genèse 18.5.
Il fait le juge. On peut conclure de ces mots qu’il leur adressait souvent de semblables reproches et qu’ils étaient las de voir au milieu d’eux ce juste dont la conduite et les paroles étaient un appel continuel à leur conscience.
L’épreuve est faite maintenant ; les anges peuvent agir en toute justice. La population entière s’était, en effet, associée à cet acte odieux.
En vertu de la loi de la solidarité, la justice de Lot eût pu sauver sa famille, comme celle de dix justes aurait pu sauver toute la ville.
Un grand cri. Voir Genèse 18.20.
Pour détruire : dans le cas où les habitants se conduiraient mal.
Fiancés de ses filles ; littéralement : ses gendres prenant ses filles. Étaient-ils déjà mariés ? Dans ce cas, ils auraient épousé d’autres filles que celles dont Lot parlait au verset 8. Mais plus probablement ils ne sont appelés gendres que par anticipation, en tant que fiancés. Car il n’est pas parlé d’autres enfants de Lot.
Il leur sembla… Habitués à voir le mal impuni, ils ne croient pas que Dieu puisse intervenir. Il en était de même au moment où Dieu envoya le déluge et il en sera encore de môme quand Christ reviendra pour juger le monde (Luc 17.26-30).
Par cette incrédulité, ils rompent le lien de solidarité qui les unissait à la famille de Lot.
Dès que l’aube parut. Toutes les scènes précédentes s’étaient passées durant la nuit.
Qui sont ici. Ces mots opposent la femme et les filles de Lot, qui sont, avec lui dans la maison, à ses gendres qui n’ont pas voulu s’y rendre pour échapper avec lui.
Comme il tardait. Il lui était pénible de quitter ce lieu, sa maison et ses biens, auxquels il s’était attaché.
Ils le mirent hors de la ville. C’est jusque-là seulement qu’ils le conduisirent.
L’un d’eux. Il semble que l’un des deux messagers divins qui étaient restés sur la terre ait reçu la mission particulière de sauver Lot, tandis que la fonction de l’autre ait été plutôt de détruire Sodome. L’ange sait que si Lot et les siens se retournent et s’arrêtent, pour contempler le spectacle terrible qui s’offrira à leurs regards, ils courent le risque d’être saisis, eux aussi, par le désastre.
Seigneur. Lot reconnaît dans ces hommes une manifestation de l’Éternel. Aussi s’adresse-t-il à celui qui lui a parlé, comme à l’Éternel et c’est l’Éternel qui répond par sa bouche.
Lot est loin d’avoir la foi d’Abraham. Envahi par la terreur, il supplie l’Éternel de ne pas le faire aller jusqu’à la montagne, qu’il craint de ne pouvoir atteindre.
Peu de chose. Lot insiste sur la petitesse de la ville : c’est une si petite exception que le châtiment n’en serait pas moins exemplaire.
Encore ceci : le salut de Tsoar s’ajoutant à celui de Lot.
Je ne puis rien faire. Car les justes ne doivent pas périr avec les méchants.
Tsoar dérive de la racine tsaar, être petit. Son nom primitif était Béla (Genèse 14.2). Sur son emplacement, voir au verset 28.
L’Éternel… d’auprès de l’Éternel. Ou bien le sens est que l’Éternel, en tant qu’agissant par l’un des deux anges présents, fit descendre les éléments destructeurs d’auprès de l’Éternel trônant dans les cieux ; ou bien l’auteur veut dire que l’Éternel, qui est dans les cieux, envoya les éléments destructeurs d’auprès de lui-même (En hébreu, on répète souvent le nom au lieu d’employer le pronom). Ce second sens est plus naturel, car si c’étaient les messagers eux-mêmes qui avaient donné le signal du cataclysme, l’auteur l’aurait dit sans doute.
Du ciel. Le feu tombe du ciel, mais c’est la volonté de l’Éternel qui est la cause première du phénomène. Un orage violent éclate ; la foudre tombe de toutes parts ; le sol tout imprégné de bitume prend feu ; bientôt il s’effondre et l’eau du lac voisin se précipite dans cette immense dépression.
Détruisit ; littéralement : bouleversa, mit sens dessus dessous.
En arrière ; littéralement : de derrière lui (Lot). Au lieu de marcher avec son mari, la femme de Lot, contrairement à l’ordre de l’ange (verset 17), se retourne pour contempler encore cette ville où elle a laissé son cœur. Elle était probablement déjà hors de portée de l’incendie qui ravageait la plaine ; mais elle put être asphyxiée par les vapeurs empestées qui s’élevaient du sol et son cadavre se recouvrit bientôt de cette croûte saline que l’on retrouve sur toutes les pierres et les rochers au bord de la mer Morte.
La tradition juive, conservée par le livre de la Sapience (Sapience 10.78) et par l’historien Josèphe, croyait retrouver le corps pétrifié de la femme de Lot dans une colonne de sel qui se trouvait à l’extrémité méridionale de la mer Morte. Comme les intempéries de l’air modifient souvent la forme de ces rochers, nous ne savons pas si la colonne dont parle Josèphe est la même que celle dont parlent les voyageurs modernes. Cette dernière a douze mètres de haut ; elle présente vaguement la forme d’une femme debout. Elle se dresse au sommet d’une longue colline de roche saline qui domine de trente à quarante mètres la rive méridionale de la mer Morte et que les Arabes appellent Djébel-Usdum (montagne de Sodome).
Dès le matin, Abraham, de son côté, s’est rendu à l’endroit d’où l’on domine toute la vallée. Il ignore encore le résultat de son intercession. Quel spectacle que celui qui frappa alors ses regards et qui lui apprit le sort des villes de la Plaine !
Deux auteurs païens parlent de cette catastrophe. Le géographe romain Strabon raconte, dans sa description de la mer Morte, que, d’après les renseignements pris auprès des habitants de la contrée, il y avait là autrefois treize villes, dont Sodome était la métropole. Ces villes auraient été détruites par un tremblement de terre accompagné de jets de flammes et d’asphalte liquide ; les rochers eux-mêmes se seraient embrasés et les villes auraient été les unes englouties, les autres abandonnées par leurs habitants. Tacite parle aussi d’éclairs et de flammes qui auraient réduit en désert cette contrée précédemment fertile et couverte de grandes villes.
Où étaient situées les quatre villes de la Plaine ? On a supposé longtemps que leur territoire comprenait tout l’espace qu’occupe maintenant la mer Morte et qu’avant la catastrophe le Jourdain traversait toute cette vallée pour aller se jeter dans la mer Rouge, beaucoup plus au sud. Mais la configuration du terrain ne permet pas d’admettre cette hypothèse.
En effet, tandis que la mer Morte est à 394 mètres au-dessous du niveau de la Méditerranée, la vallée de l’Araba, entre la plaine de Sodome et la mer Rouge, s’élève peu à peu jusqu’à une hauteur de 240 mètres au-dessus de la Méditerranée et, par conséquent, de 631 mètres au-dessus de la mer Morte. Jamais le Jourdain n’aurait pu franchir cette barrière. D’ailleurs, le lac, de Génésareth étant déjà lui-même à 191 mètres au-dessous du niveau de la Méditerranée, il est évident que le miroir primitif de la mer Morte devait dès l’origine se trouver beaucoup plus bas encore.
Un lac a donc toujours occupé la partie septentrionale du bassin de la mer Morte. Mais il était de moindres dimensions et c’est à la suite du cataclysme que la mer s’est étendue vers le sud. En effet, dans sa partie méridionale, la profondeur de l’eau ne dépasse pas six mètres, tandis que, dans la partie septentrionale, elle atteint jusqu’à 350 mètres. Une dépression du sol de quelques mètres a donc suffi pour que les eaux du lac vinssent occuper toute cette partie méridionale autrefois à sec ; et c’est, par conséquent, là que devaient se trouver les villes détruites.
Quant à Tsoar, plusieurs savants la cherchent sur la langue de terre qui sépare en partie la mer Morte en deux bassins ; mais toutes les données que nous possédons sur cette ville fixent plutôt sa position au midi de cette mer. D’après Genèse 13.10, en effet, elle devait être située à l’extrémité de la plaine du Jourdain. Deutéronome 34.3 ne s’oppose pas à cette manière de voir. Josèphe et Ptolémée la placent en Arabie et le premier dit expressément que c’est jusqu’à cette ville que s’étend la mer Morte.
Au moyen-âge, une ville de ce nom était le siège d’un évêché et l’une des stations de la route de commerce qui conduisait du golfe élanitique (l’extrémité nord-est de la mer Rouge) à Jérusalem, route qui ne peut avoir suivi la côte orientale de la mer Morte. À une lieue environ au sud de cette mer, on trouve les ruines d’un château fort qui sont probablement les derniers restes de Tsoar.
Ce verset est intéressant pour l’étude des documents de la Genèse. L’auteur élohiste ne donne que ce bref résumé des événements que l’auteur jéhoviste a racontés en détail. Le but pour lequel le rédacteur a intercalé cette notice de l’élohiste est probablement de faire ressortir le fait que Lot a été sauvé en considération d’Abraham.
À la montagne : les montagnes de Moab, à l’est de la mer Morte.
Il craignait. L’Éternel lui avait accordé que Tsoar ne serait pas détruite, mais cette promesse ne dissipe pas ses craintes ; ici encore se manifeste l’insuffisance de sa foi.
Dans une caverne. Encore aujourd’hui, les nombreuses cavernes de ces montagnes servent souvent d’habitation. Comparez Genèse 14.6.
Les filles de Lot croyaient-elles qu’ils étaient à eux trois les derniers restes de l’humanité ? Ou que leur race s’éteindrait parce que personne ne voudrait les épouser ? La facilité avec laquelle leur père se livre à l’attrait du vin et le double inceste qu’elles commettent, montrent combien la contagion de la corruption de Sodome avait atteint profondément la famille de Lot.
Moab. Le sens de ce mot est : semence du père, ou : issu du père. Ce nom, qui est celui du peuple qui habita plus tard cette même contrée, rappellerait, selon l’auteur, le crime qui lui avait donné naissance.
Ben-Ammi : fils de mon peuple. Allusion semblable, exprimant peut-être cette idée, que la naissance de cet enfant n’est pas due à un sang étranger à la race paternelle. Les fils d’Ammon, ou Ammonites, habitèrent plus lard au nord du pays de Moab.
Le souvenir de Lot et de ses filles est demeuré vivant dans les lieux où ils ont vécu. C’est ainsi que les Arabes nomment actuellement la mer Morte Bahr-Lût (mer de Lot). C’est ainsi encore qu’une pointe de rocher, située sur la rive orientale de cette mer, porte le nom de Bint-Scheich-Lut (fille du chef Lot).