Verset à verset Double colonne
Ce morceau appartient au document appelé le second élohiste, qui est renfermé dans le document jéhoviste, mais qui cependant emploie toujours le nom d’Elohim. Ce récit présente de frappantes analogies avec le récit jéhoviste Genèse 12.10-20 ; aussi plusieurs interprètes ont-ils estimé que ces récits n’étaient que deux traditions différentes du même fait. Voir nos conclusions sur ce point à la fin du chapitre.
De là : d’Hébron, où il était établi (Genèse 13.18).
Contrée du Midi. Voir à Genèse 12.9.
Kadès. Voir à Genèse 14.7 ; Sur. Voir Genèse 16.7.
S’établit… séjourna. Après avoir été établi quelque temps aux confins du désert, il revient vers le nord pour séjourner pendant un temps à Guérar. Sur le sens du mot gour (séjourner), voir Genèse 12.10, note.
Guérar. Sur l’état politique de cette ville au temps d’Abraham, voir Genèse 10.14-19. Elle était encore dans les premiers siècles de notre ère le siège d’un évêché chrétien. Il n’en reste aujourd’hui que quelques pans de murs en ruines et quelques vestiges d’anciens puits, situés dans une vallée à trois lieues au sud de l’ancienne Gaza. Ces débris portent le nom de Khirbet-el-Djérâr.
La conduite d’Abraham est plus coupable encore qu’elle ne l’avait été en Égypte (Genèse 12.11-16). Comment l’humiliation qu’il avait subie, dans cette circonstance n’empêche-t-elle pas le retour d’une telle faute ? Comment a-t-il le courage d’exposer Sara à un pareil danger, après que Dieu vient de lui annoncer qu’elle mettra au monde avant la fin de l’année le fils de la promesse ?
On a également peine à comprendre que Sara à l’âge de quatre-vingt-dix ans (Genèse 17.17), ait pu allumer la passion d’Abimélek. Ce sont ces difficultés qui ont engagé plusieurs interprètes à ne voir ici qu’un second récit du fait raconté au chapitre 12, fait qui se serait passé beaucoup plus tôt.
De nuit. Il ne s’agit pas de la nuit qui suivit l’enlèvement, car le verset 18 suppose qu’un certain temps s’était écoulé, entre l’enlèvement de Sara et l’intervention de Dieu pour la délivrer.
Tu vas mourir. D’après le verset 17, Dieu avait, envoyé une maladie sur Abimélek et sur sa maison. Dieu ne veut pas frapper Abimélek sans l’avertir ; il lui déclare le danger auquel il se trouve exposé sans le savoir.
Elle a un mari ; comparez la loi Deutéronome 22.22, qui reproduit probablement une coutume déjà existante.
Ne s’était pas approché. À cause de la maladie indiquée versets 17 et 18.
Dieu a reconnu l’innocence d’Abimélek. Aussi la maladie qu’il lui a envoyée a-t-elle été non un châtiment, mais un obstacle apporté à la consommation du péché.
De pécher contre moi. Au point de vue pédagogique de la loi de l’Ancien Testament, un acte commis inconsciemment, mais en soi contraire à la loi, tombe sous le coup du châtiment divin. Il en était de même au sentiment des païens (Œdipe épousant sa mère sans la connaître). Toute l’institution des sacrifices repose sur ce principe.
Il est prophète : en hébreu, nabi ; Cette parole motive la promesse de l’intercession d’Abraham et de son efficacité.
Abraham demeure la bouche fermée et Abimélek insiste.
À quoi as-tu pensé ?… littéralement : Qu’as-tu vu, que tu aies agi de la sorte ? D’autres commentateurs prennent le verbe voir au sens propre : Qu’as-tu vu dans ma conduite et dans celle de mes gens qui ait pu te pousser à une telle dissimulation ? Mais dans ce cas, il faudrait : Qu’as-tu vu ici ?
Les trois excuses alléguées enfin par Abraham sont aussi insuffisantes l’une que l’autre :
Les mariages du genre de celui d’Abraham (verset 12) furent plus tard interdits par la loi (Lévitique 18.9, Lévitique 18.11 ; Lévitique 20.17 ; Deutéronome 27.22), mais ils étaient fréquents chez les peuples de l’Orient (Cananéens, Arabes, Égyptiens, etc.).
Lorsque Dieu m’a fait errer. Ces mots désignent le moment où Dieu a donné à Abraham l’ordre de quitter son pays et sa parenté. Le verbe est au pluriel : m’ont fait errer, peut-être parce que le mot Elohim qui signifie Dieu est en hébreu un pluriel et qu’Abraham veut s’accommoder au langage des païens.
Dans cette partie, le récit diffère du morceau semblable Genèse 12.10-20. Tandis qu’Abraham a été renvoyé d’Égypte, ici le droit lui est accordé de demeurer dans le pays.
Pièces d’argent, probablement sicles, poids de la valeur de quatorze grammes et demi. Ces mille pièces d’argent représentent-elles la valeur des présents qu’Abimélek vient de faire à Abraham, ou bien est-ce un nouveau présent ajouté aux précédents ? Cette seconde opinion nous semble préférable, parce qu’on ne comprendrait pas qu’Abimélek évaluât de la sorte son offrande et parce que ce présent paraît avoir un but spécial.
La signification de ce passage difficile dépend du vrai sens du mot que nous avons rendu par dédommagement. Il signifie littéralement : couverture d’yeux. Plusieurs prennent ce terme au sens propre et pensent qu’il s’agit d’un voile que Sara doit acheter avec cette somme et qu’elle doit porter dorénavant, afin que tous sachent en la rencontrant qu’elle est une femme mariée. D’autres pensent que ce dédommagement, payé par Abimélek, en constatant que Sara était mariée, sera pour elle ce qu’est le voile pour toute femme mariée. Une troisième explication plus simple est celle-ci : Une couverture d’yeux peut signifier un dédommagement, en tant que le dédommagement couvre la faute aux yeux de ceux qui en ont été les témoins. Abimélek voudrait donc dire : En donnant cette somme, je paie l’amende pour ma faute devant tous les gens de ta maison.
La fin du verset : mais sur le tout… , a été entendue d’une multitude de manières. Le sens littéral est : Tu es reprise, convaincue de faute ; tu reçois le blâme. Cette traduction nous paraît aussi la meilleure pour le sens : Abimélek vient de dire : Je paie l’amende ; puis il ajoute : Mais c’est toi qui as les torts. Sara en effet aurait dû l’avertir au moment où il l’a fait conduire dans son harem.
Dieu guérit. Les versets 6 et 18 montrent en quoi avait consisté la maladie qui avait frappé Abimélek et sa maison.
L’Éternel. Le rédacteur introduit ce nom étranger à ce morceau pour établir la continuité de son récit avec les premiers versets du chapitre suivant, qui sont jéhovistes. Comparez Genèse 22.1.
Les deux scènes pareilles, celle du chapitre 12 et celle-ci, présentent donc des différences très considérables, qui ne permettent pas de les identifier. Quant à l’analogie qui existe entre elles, il faut se rappeler qu’elles reposent toutes deux sur un arrangement pris d’avance entre Abraham et Sara et dont l’effet devait se reproduire chaque fois que les circonstances y donnaient lieu.
Sans doute, Sara était maintenant plus âgée d’une vingtaine d’années ; mais, à cette période de l’histoire de l’humanité, son âge était l’équivalent de celui d’une femme de nos jours âgée de quarante à cinquante ans.
La culpabilité d’Abraham est considérablement aggravée par cette répétition de la même faute, surtout si l’on songe à la leçon qu’il avait reçue la première fois. Mais nous retrouvons ici le caractère de toute l’histoire sainte, qui n’hésite jamais à mettre dans tout leur jour les fautes de ses héros.