Verset à verset Double colonne
1 Et l’Éternel visita Sara, comme il l’avait dit ; et l’Éternel accomplit pour Sara ce qu’il avait promis.Après vingt-cinq ans d’attente, la foi d’Abraham est récompensée et le fils, si longtemps désiré et si souvent promis, naît enfin. Mais aussitôt la promesse accomplie, une nouvelle épreuve est imposée au patriarche : il doit abandonner son fils ainé et manifester par là sa foi aux promesses qui concernent le cadet.
Comme il l’avait dit : Genèse 18.10.
Ce qu’il avait promis : à plusieurs reprises à partir de Genèse 12.2.
Que Dieu lui avait dit : Genèse 17.21 ; Genèse 18.10.
Isaac Voir Genèse 17.17, note.
Comme Dieu le lui avait ordonné : Genèse 17.9-14. C’est donc ici l’accomplissement de toutes les promesses antérieures.
Ce rire n’est plus celui de l’incrédulité (Genèse 18.12) ; c’est l’expression d’une joyeuse surprise (Genèse 17.17).
Le sentiment prolongé de l’humiliation a fait place chez Sara à une sorte de fierté. Le style poétique de ce verset a fait supposer que nous avons ici un fragment d’un hymne analogue aux cantiques d’Anne (1 Samuel 2.1-10) et de Marie (Luc 1.47-55).
On sevrait les enfants à l’âge de deux à trois ans et l’on célébrait à cette occasion une fête de famille. Ismaël, qui était âgé de treize ans une année avant la naissance d’Isaac Genèse 17.25, devait donc avoir en ce moment seize à dix-sept ans.
Qui riait. Le même mot signifie plaisanter (Genèse 19.14) ; se divertir (Exode 32.6) ; jouer (Zacharie 8.5). Les LXX et la Vulgate le traduisent ici aussi par jouer. D’après ce sens, Ismaël aurait joué familièrement avec le petit Isaac et ce serait cette familiarité qui aurait offensé Sara, comme compromettant la dignité du seul héritier légitime d’Abraham.
D’autres donnent à ce rire un sens plus grave ; ils y voient une moquerie. Fier de sa supériorité en âge et en force, Ismaël aurait tourné en ridicule ce petit enfant et, les promesses qui lui étaient faites. C’est dans ce sens que saint Paul a compris cette expression (Galates 4.29). Quoi qu’il en soit, Sara exprime à cette occasion sa ferme volonté que la situation de son fils comme héritier, soit mise hors de toute atteinte (verset 10).
Il entrait dans les plans de Dieu qu’Ismaël fût séparé de la famille élue. Aussi Abraham doit-il consentir aux exigences de Sara, lors même qu’elles sont excessives et inspirées par la passion.
Dieu console Abraham en lui promettant pour Ismaël une part dans la bénédiction assurée à ses descendants.
Dès le matin. Il paraît que c’était de nuit que Dieu avait parlé à Abraham. L’obéissance est immédiate.
Le mot l’enfant dépend du verbe prit et non de mit, comme plusieurs le prétendent.
Dans le désert de Béerséba, qui s’étend au sud de la localité ainsi désignée. Sur la position de Béerséba, voir au verset 31. L’auteur emploie ici ce nom par anticipation. Voir le même procédé Genèse 12.6, Genèse 12.8 ; Genèse 13.18, etc.
Elle jeta. Il ne résulte point de ce mot qu’elle le portât, comme on l’a pensé pour en conclure que l’auteur de ce fragment regardait Ismaël comme étant encore un tout jeune enfant. Le mot jeter signifie qu’Hagar, après avoir soutenu Ismaël mourant de soif, l’abandonne et le laisse s’affaisser sous un arbrisseau du désert.
Hagar ne peut se résoudre ni à le voir rendre le dernier soupir, ni à le perdre entièrement de vue.
Dieu entendit. Nouvelle allusion au nom d’Ismaël (Dieu entend). Comparez Genèse 17.20.
L’ange de Dieu : appelé l’ange de l’Éternel dans les morceaux jéhovistes. Voir l’appendice à la fin du chapitre.
Là où il est (Ismaël et non pas Dieu) : dans cette position désespérée, au milieu du désert, où il ne semblait pas que Dieu pût être présent. Elle semble penser que Dieu n’habite que dans la proximité d’Abraham, où il est adoré. Comparez Genèse 28.16.
Je ferai de lui une grande nation. Comparez la promesse Genèse 16.10-12. C’est tout ce que demandait Hagar pour son fils ; car elle n’avait aucun sens pour la promesse spéciale qui faisait de l’héritier d’Abraham l’instrument du salut du monde.
Ouvrit les yeux. Le calme une fois rétabli dans son cœur, elle aperçut ce que le désespoir l’avait empêchée de voir.
La promesse Genèse 16.12 commence à s’accomplir.
Désert de Paran ; voir Genèse 14.6. Par ce mariage, Ismaël devient encore plus étranger à la race sainte et se rapproche de la race de sa mère.
Comme le chapitre 14, ce morceau nous présente le patriarche dans ses relations avec les princes, ses voisins. De même que les morceaux qui précèdent, ce trait appartient à l’histoire du développement de sa foi. Car il est probable que la propriété de ces puits dans le sol de Canaan était pour lui, comme plus tard l’achat de la caverne de Macpéla, une prise de possession anticipée de la terre que Dieu lui avait promise.
En ce temps-là : pendant qu’Abraham habitait à Béerséba.
Avec Picol. Comme il s’agit d’une alliance, Abimélek se fait accompagner d’un témoin. Abraham ne portait pas le titre de roi et n’avait pas d’armée organisée ; néanmoins il était assez puissant pour qu’Abimélek désirât l’avoir pour allié.
Dieu est avec toi… Abimélek a tiré cette conclusion de la prospérité dont jouit Abraham.
Tu ne tromperas… Abimélek avait assurément des raisons de se défier de la véracité d’Abraham (chapitre 20).
J’ai agi avec bonté. Quoique offensé par Abraham, Abimélek lui avait fait des présents et avait mis tout son pays à sa disposition (Genèse 20.11-46).
Abraham est prêt à conclure une alliance ; mais pour qu’elle soit établie sur des bases solides, il tient à régler tout d’abord un différend intervenu entre lui et les serviteurs d’Abimélek.
La réponse d’Abimélek témoigne de la même droiture que sa conduite au chapitre 20. Il ressort de ces paroles et du récit suivant qu’il a restitué à Abraham le puits réclamé par lui.
Selon la coutume orientale, Abraham fait alors des présents au roi ; ce dernier s’engage, en les acceptant, à le laisser demeurer librement dans son pays et à le protéger au besoin. Comparez Ésaïe 30.6 ; Ésaïe 39.1 ; 1 Rois 15.19.
Après la conclusion de l’alliance, Abraham met à part sept brebis de son troupeau qu’il offre à Abimélek, afin qu’il soit bien constaté que l’affaire spéciale du puits est définitivement réglée à son avantage. Abimélek, en les acceptant, témoignera de ces deux faits : que le puits a réellement été creusé par Abraham et qu’il demeure sa propriété à toujours.
C’est ensuite de ce serment solennel que le puits en question a reçu le nom de Béerséba, puits des sept et en même temps puits du serment. Car, en hébreu, les mots que nous traduisons par serment et prêter serment dérivent du mot sept, comme si nous disions pour jurer : septenner. Sept est en effet le nombre sacré par excellence et lorsqu’on prêtait un serment particulièrement solennel, on l’attestait par un acte symbolique où ce nombre jouait un rôle.
Béerséba, la localité la plus méridionale du pays de Juda, se trouvait sur la route des caravanes d’Égypte, à douze heures d’Hébron. On voit encore en cet endroit deux puits profonds qui fournissent une eau excellente et abondante et s’appellent Bir-es-Séba. Ils sont entourés des ruines d’une ville qui a existé jusqu’au moyen-âge et qui était le siège d’un évêché chrétien.
Retournèrent au pays des Philistins. Cette notice paraît contradictoire avec le verset 34, qui place Béerséba dans le pays des Philistins. Mais il faut sans doute distinguer entre le pays des Philistins proprement dit, situé près de la côte et où résidait Abimélek et le pays des Philistins au sens large, comprenant les steppes de l’intérieur où se trouvait Béerséba. Le verset 23 prouve en tout cas qu’Abimélek regardait Béerséba comme faisant partie de ses domaines.
Planta un tamarisc. L’arbre ainsi nommé est gracieux et étalé ; il croit dans les contrées arides et salées ; il abonde dans les environs de la mer Morte, où il s’élève très haut et fournit beaucoup d’ombre. C’est un arbre de longue durée et son feuillage reste vert. Le choix de cet arbre avait certainement une portée symbolique et est en rapport avec l’expression Dieu d’éternité, à la fin du verset. En ce moment où le patriarche venait de reconnaître solennellement les droits d’Abimélek sur cette contrée qui faisait partie du territoire promis à sa postérité, il éprouve le besoin de se rappeler que le Dieu qui a fait les promesses est éternel et peut les accomplir dans la suite des temps.
Invoqua le nom de l’Éternel, comme dans tous les endroits où il avait fixé pour quelque temps son domicile (Genèse 12.7-8 ; Genèse 13.18). Il considère donc aussi ce pays des Philistins comme faisant partie de la terre promise.
Séjourna longtemps. C’est sans doute là qu’Isaac était né ; c’est encore là qu’Abraham revient après le sacrifice de son fils (Genèse 22.19). Ce n’est qu’avec le chapitre 23, trente-sept ans après la naissance d’Isaac, que nous retrouvons Abraham à Hébron. Ainsi Abraham avait quitté Hébron aussitôt après la destruction de Sodome, pour aller se fixer dans le désert entre Kadès et Sur (Genèse 20.1). Mais il n’y demeura pas longtemps et vint faire un séjour à Guérar, d’où il ne tarda pas à partir pour s’établir à Béerséba.
Toutes ces migrations d’Abraham se placent entre l’annonce de la naissance d’Isaac et cette naissance elle-même. On voit que ces données diverses peuvent très bien s’emboîter les unes dans les autres et qu’il n’est pas besoin de supposer, avec certains commentateurs, que le domicile habituel d’Abraham était d’après l’un des documents, Hébron, d’après l’autre, Béerséba.
Il est souvent parlé dans les livres historiques de l’Ancien Testament de l’ange de l’Éternel (Genèse 16.7 ; Genèse 22.15 ; Nombres 22.23, etc.), ou de l’ange de Dieu (Genèse 21.17 ; Exode 14.19, etc.). Les Psaumes emploient aussi cette expression (Psaumes 34.8 ; Psaumes 35.5, etc.). Dans les Prophètes, nous trouvons celles d’ange de la face (Ésaïe 53.9) et d’ange de l’alliance (Malachie 3.1).
Les interprètes diffèrent sur l’idée qu’on doit se faire de l’être ainsi désigné. On peut distinguer chez eux quatre manières de voir plus ou moins distinctes.
Laquelle de ces opinions est le plus conforme aux données de l’Ancien Testament sur l’ange de l’Éternel ? Pour résoudre cette question, qui n’est point sans gravité, rappelons d’abord que le terme hébreu maleach, traduit par angelos chez les LXX et par ange dans nos versions, a un sens abstrait et désigne proprement un envoi, une délégation. La traduction ordinaire a ce grand inconvénient que le terme d’ange désigne dans notre langue une classe d’êtres déterminée, absolument comme ceux d’homme, d’animal, de plante.
L’emploi de ce terme peut donc facilement prêter au malentendu ; car, d’après ce que nous venons de dire du vrai sens de ce terme hébreu, l’envoyé de Dieu, le maleach, peut appartenir à toute classe d’êtres. Ce peut être un être divin ; ce peut être un ange créé ; ce peut être aussi un homme, comme dans Malachie 3.1, où il désigne le précurseur du Messie : Voici, j’envoie mon messager (maleach) devant moi ; puis encore dans Malachie 2.7 et Ecclésiaste 5.6, où ce terme est appliqué au sacrificateur ; ou bien dans Aggée 1.13, où il désigne le prophète lui-même.
Ce peut même être un objet inanimé, comme dans Psaumes 104.4 : Il fait des vents ses anges. Ce mot désigne donc non pas seulement un ange dans le sens que nous donnons à ce mot, mais un être quelconque chargé d’une délégation divine.
Étudions maintenant les passages principaux où ce terme est employé.
Le plus explicite est certainement le chapitre 33 de l’Exode, comparé avec le chapitre 23 du même livre. Dans Exode 23.20-23, Dieu promet à Moïse et aux Israélites qu’ils ne seront pas seuls pour combattre les Cananéens et faire la conquête de leur pays, mais qu’ils seront accompagnés d’un envoyé divin (la traduction : un ange, est, nous l’avons vu, inexacte) et que cet envoyé, que Dieu ne caractérise pas encore, marchera à leur tête, les gardera dans le chemin et les introduira en Canaan (verset 20).
Au verset 21, Dieu, afin d’engager Israël à ne pas irriter cet envoyé, indique de quelle nature il est : Il ne pardonnerait pas vos désobéissances, dit Dieu, car mon nom est en lui. Ces derniers mots ne peuvent signifier seulement : Car il est mon représentant : le nom de Dieu dans l’Écriture étant la révélation de son être intime, Dieu veut dire : Car ma nature, plus particulièrement ici, ma sainteté, habite en lui et elle agira par lui ; en d’autres termes : Ma sainteté, réagissant par lui contre votre péché, vous détruirait. Voilà pourquoi il serait si dangereux de l’irriter.
Les chapitres 32 et 33 nous placent au moment où cet avertissement terrible est sur le point de trouver son application. Israël a fabriqué le veau d’or et s’est prosterné devant cette idole. C’est le crime digne de mort. Dieu va détruire son peuple. Trois mille hommes sont déjà tombés. Le lendemain matin, Moïse intercède (Exode 32.30-32). Dieu consent à épargner le peuple et à lui accorder de nouveau un envoyé, mais lui-même, dit-il, ne saurait monter au milieu d’un pareil peuple ; car il les consumerait en chemin (Exode 32.33-33.3).
Israël se lamente (Exode 33.4). Dieu répond : Humilie-toi et je verrai ce que je ferai (verset 5). Le peuple s’humilie plus profondément (verset 6) et Moïse profite de cette situation pour intercéder en sa faveur : Tu m’as dit : Fais monter ce peuple ; et maintenant tu m’envoies sans me dire quel sera l’envoyé qui montera avec moi (versets 12 et 13). Dieu, touché par l’humiliation de son peuple, lui répond alors : Ma face ira (verset 14). En effet, répond Moïse, si ta face ne vient, il vaut mieux rester ici (versets 15 et 16). Il parle ainsi parce qu’il a besoin d’entendre la confirmation de la promesse. Dieu lui répète la même déclaration (verset 17). Moïse s’enhardit alors jusqu’à lui demander une grâce plus grande encore, celle d’être admis à voir sa gloire, ce qui a lieu dans la mesure où Dieu peut accorder ce privilège à un mortel (versets 17 à 23).
Il résulte de la comparaison de ces deux passages que l’être que Dieu appelle ma face (chapitre 33) est précisément le même que celui qu’il avait d’abord accordé à Israël pour conducteur (chapitre 23). Le terme ma face correspond à l’expression précédente : Mon nom est en lui. Tout comme la face d’un homme est la révélation de son âme, ainsi son nom est l’expression de son caractère.
Il résulte de plus de la comparaison des versets 15 et 16 du chapitre 33 que cet être que Dieu appelle ma face est en un sens distinct de Dieu, mais dans un autre sens Dieu lui-même ; comparez Exode 33.3 et 5 : Je ne monterai point, de peur que je ne te consume en chemin, avec Exode 23.21 : Ne l’irrite point, car il ne pardonnera pas votre péché.
Cette même identification se retrouve dans la parole de Jacob, Genèse 48.15-16 : Que le Dieu devant la face duquel mes pères ont marché, le Dieu qui m’a nourri depuis que je suis au monde, l’envoyé qui m’a délivré de tout mal, bénisse ces enfants.
Parmi les envoyés de Dieu, il y en a donc un supérieur aux autres, en qui sa sainteté habite et qui le reflète comme la face reflète l’âme et le représente comme le nom représente la personne. C’est lui qui est tout spécialement son intermédiaire auprès du peuple élu, sans doute parce que ce peuple est le dépositaire et l’instrument de l’œuvre suprême, celle du salut divin préparé à la terre.
Ces deux passages de l’Exode expliquent l’origine de l’expression d’Ésaïe l’ange de sa face (Ésaïe 53.9). Ce terme, interprété à la lumière de l’Exode, ne signifie pas seulement : l’ange qui part de devant la face de Dieu, ou l’ange qui manifeste sa présence, mais l’ange qui est lui-même la face de Dieu. Ce nom : l’ange de sa face, est placé comme terme explicatif du nom de l’Éternel lui-même : Dans toutes leurs angoisses, il (l’Éternel) était avec eux et l’ange de sa face les a sauvés. Le sauveur d’Israël dans le désert, veut dire le prophète, a été l’Éternel, l’ange de sa face.
Le passage Malachie 3.1 présente la même intuition. Après avoir annoncé dans les premiers mots la venue de l’envoyé terrestre qui précédera le Messie et lui préparera le chemin, l’Éternel promet la venue du Messie lui-même et il le fait en ces termes : Et soudain viendra dans son temple le Seigneur (Adonaï) que vous cherchez, l’ange de l’alliance (Maleach habberith) que vous désirez. L’identité essentielle entre Adonaï et le Maleach résulte d’abord du parallélisme entre les deux propositions relatives : que vous cherchez, et : que vous désirez. À la suite du précurseur (Malachie 3.1 ; Malachie 4.5-6), un seul personnage peut être encore l’objet de la recherche et du désir d’Israël, le Messie ; et le Messie, c’est Adonaï, l’ange ou le médiateur de l’alliance.
Le fait que ces deux expressions désignent, dans la bouche de Dieu qui parle ici, une seule et même personne, ressort en second lien du verbe et du pronom au singulier : viendra dans son temple. Cet Adonaï, qui est l’ange de l’alliance, vient dans le temple de Jérusalem comme dans son temple. Cette parole fait en même temps comprendre que cet envoyé, qui doit être le Messie, est le Dieu qui habite et qui est adoré dans le temple de Jérusalem. Après avoir fondé l’alliance, puis donné la loi sur Sinaï, par le ministère de ses serviteurs les anges (dans le sens ordinaire du mot), il vient lui-même couronner son œuvre en fondant l’alliance nouvelle.
D’après toutes ces déclarations du Pentateuque et des Prophètes, la vraie notion de l’ange de l’Éternel est donc celle que nous avons caractérisée plus haut comme la quatrième. Mais ajoutons qu’il n’y a pas de raisons de penser que l’envoyé de l’Éternel soit toujours et partout dans l’Ancien Testament cet envoyé suprême. Le passage même, Exode chapitres 32 et 33, prouve que Dieu peut se servir aussi d’agents d’ordre inférieur, de simples anges. C’est peut-être le cas dans l’histoire d’Hagar et dans d’autres apparitions encore. Néanmoins, comme Dieu a une multitude de paroles, mais qu’il n’en a qu’une qui s’appelle la Parole, parce qu’elle est non seulement une parole parlée, mais encore Sa Parole parlante (Jean 1.1-3), il a de même une multitude de serviteurs dont il peut faire ses envoyés, mais il en est un qui est son Envoyé dans le sens éminent du mot, parce qu’il appartient à son essence et qu’il est le principe absolu, essentiel, parfait, de sa révélation. Nous avons cru pouvoir expliquer par là les mystérieux pluriels Genèse 1.26 (faisons et notre).
Cet être divin se manifeste aux hommes sous une forme sensible. Cette forme n’est pas toujours la même. Parfois, dans le silence de la nuit, celui qui reçoit une révélation divine entend, comme Samuel, une simple voix. D’autres fois, c’est une forme humaine qui apparaît, et, à chaque fois, cette forme est en rapport avec les circonstances de l’homme honoré de cette révélation. À Abraham, nomade et voyageur, l’envoyé de l’Éternel apparaît sous la forme d’un voyageur qui demande l’hospitalité (Genèse 18). À Jacob, qui doit recevoir le pardon de ses anciens péchés, avant de rentrer dans la Terre Sainte, il apparaît sous la forme d’un adversaire avec lequel le patriarche doit soutenir une lutte prolongée (Genèse 32.23-32). À Josué, qui va entreprendre la conquête, du pays de Canaan, il se présente comme un général d’armée (Josué 5.13-15). Dans d’autres cas, c’est sous la forme d’un objet matériel que l’envoyé, de l’Éternel se manifeste. Ainsi la Face de Dieu, qui accompagnait les enfants d’Israël dans le désert, manifestait sa présence dans une colonne de feu et de nuée qui les éclairait et les guidait. Fréquemment, l’apparition de l’Envoyé de l’Éternel est simplement mentionnée, sans qu’il soit spécifié sous quelle forme a eu lieu cette apparition. Enfin, le plus souvent l’intervention de l’Éternel a lieu sans qu’il soit fait mention de l’envoyé, l’auteur ne se préoccupant pas de cette distinction.
Ceux qui se rattachent à la seconde ou la troisième des explications indiquées allèguent le fait que le Nouveau Testament parle encore des apparitions de l’ange du Seigneur, même après la venue de Jésus-Christ ; comparez par exemple les chapitres 1 et 2 de Matthieu et de Luc. Mais, nous l’avons vu, même dans l’Ancien Testament, rien n’oblige à voir toujours dans l’envoyé de l’Éternel l’envoyé suprême. Quand il est dit dans les Psaumes que l’ange de l’Éternel campe autour de ceux qui le craignent (Psaumes 34.8), ou que l’ange de l’Éternel chassera les méchants (Psaumes 35.5), cette expression peut signifier : l’ange que l’Éternel chargera dans chaque, cas de cette commission. Pourquoi n’en serait-il pas ainsi dans le Nouveau Testament ?
Du reste, l’expression employée en grec signifie simplement : ange du Seigneur (sans article), ce qui ne doit pas se traduire par l’ange du Seigneur, mais par un ange du Seigneur. Nous faisons remarquer ici aux lecteurs qui connaissent le grec un seul passage, Apocalypse 16.5, dont la construction montre bien qu’il ne faut pas appliquer à la langue grecque le sens hébraïque de l’état construit, d’après lequel l’article est toujours sous-entendu devant le mot à l’état construit.
L’ange de l’Éternel dans l’Ancien Testament ne refuse pas l’adoration due à Jéhova seul, tandis que l’ange du Seigneur, qui interprète à Jean la vision apocalyptique, dit à Jean qui se prosterne devant lui : Je suis ton compagnon de service et celui de tes frères les prophètes ; adore Dieu. Cet ange est donc un être tout différent de celui qui conduisait Israël au désert et qui s’est incarné en Christ. On a allégué spécialement le fait que, dans le discours d’Étienne, l’expression grecque ange du Seigneur (Actes 7.30-35) correspond à celle de l’ange de l’Éternel (Exode 3.2). Mais Luc cite d’après le texte des LXX, qui ne voyaient probablement eux-mêmes dans l’ange de l’Exode qu’un ange quelconque.
Bien loin de s’opposer à notre manière de voir, comme le pensent plusieurs théologiens, le Nouveau Testament la confirme, au contraire, dans bien des passages, tout particulièrement dans ceux où Jésus est présenté comme l’incarnation de l’être divin, qui représentait l’Éternel, accompagnant et guidant Israël au désert (1 Corinthiens 10.4-9) ; appelant les prophètes (Jean 12.41) ; concourant même à l’acte de la création (1 Corinthiens 8.6 ; Jean 1.1-4 ; Hébreux 1.2-4). Le Nouveau Testament complète ainsi la révélation ébauchée dans l’Ancien. Celui-ci ne nous présente que quelques apparitions d’un être divin intermédiaire entre Dieu et son peuple. Le Nouveau Testament nous enseigne à voir dans cet être le Fils éternel de Dieu qui s’est dépouillé de son état divin pour revêtir l’état humain et sauver ceux dont il a fait ses frères.