Verset à verset Double colonne
Cette réponse s’adresse aussi à Éliphaz, dont le point de vue n’a pas encore été examiné en face. Oui, certes, Dieu est juste ; c’est là un axiome que Job ne veut pas contester. D’autre part, il ne peut avouer des fautes qu’il n’a pas commises, et, puisque ses malheurs prouvent que Dieu le tient pour coupable il faut que la justice de Dieu soit d’une autre nature que la vertu que l’homme appelle de ce nom. C’est le droit du plus fort. Dieu fait ce qu’il veut et a toujours raison ; l’homme est impuissant.
Voilà à quelles pensées désespérantes Job en est réduit par la thèse de ses deux amis. Aussi, après avoir reconnu qu’il se trouve en face d’un pouvoir écrasant qu’il plaît à ses amis d’appeler de la justice (Job 9.2-12) et s’être livré à un accès de révolte contre un tel Dieu (versets 13 à 35), va-t-il remplir de ses plaintes le chapitre 10 tout entier.
Je sais qu’il en est ainsi, c’est-à-dire que Dieu est juste (Job 8.20).
Devant Dieu. Allusion à Job 4.17. Mais ici l’idée est légèrement différente : comment un homme serait-il juste en plaidant contre Dieu ? Il serait bientôt réduit au silence par une foule de questions qui l’étourdiraient en lui faisant sentir sa petitesse. C’est ce qui aura lieudans les chapitres 38 et suivants.
Il ne lui répondrait pas. L’homme serait incapable de répondre à Dieu.
Il se rapporte ici à Dieu.
Ce morceau rappelle Job 5.9-16, à cette différence près qu’ici la puissance de Dieu n’est point présentée comme se proposant des buts salutaires.
Les hauteurs de la mer : le sommet des vagues. Dans Amos 4.13, l’Éternel est présenté comme marchant sur les hauteurs de la terre.
Il crée : a créé et conserve (Psaumes 104.30).
Les régions reculées… : les constellations australes, qui pour notre hémisphère sont comme renfermées dans un appartement éloigné.
Reprise littérale de Job 5.9 sur ce point Job est pleinement d’accord avec Éliphaz.
Quel être terrible que ce Dieu tout-puissant qui est en même temps invisible !
Dieu est tout-puissant, mais sans entrailles. Job proteste contre ce Dieu-là. Il y a une amère ironie dans tout ce passage, en même temps qu’un profond découragement.
Rahab : nom donné dans les livres poétiques de la Bible à un monstre marin et malfaisant, qui a pour auxiliaires les forces de la nature (Job 26.12) ; soit le Léviathan (Job 3.8), qui se précipite sur les astres pour les dévorer, soit plutôt la personnification de l’abîme des mers qui aurait cherché à engloutir la terre ferme. Notre passage serait une allusion à une victoire remportée, autrefois sur cette puissance redoutable Ailleurs, par exemple, dans Esaie 30.7 et Job 41.9, Rahab désigne l’Égypte.
Je choisirais… Dans l’effroi que cause la présence de Dieu, comment pourrais-je choisir les termes les meilleurs pour présenter ma défense ?
Si même je l’appelais : le citais en justice.
Dans un tourbillon, qui me jette dans l’effroi.
Littéralement : S’il s’agit de la force du vigoureux, Dieu dit : Me voici. Et s’il s’agit de droit, Dieu dit : Qui m’assignera ?
C’est ainsi que Dieu a réponse à tout.
Ma bouche. Voir verset 14.
Il me ferait passer… Voir verset 3. Cette dernière pensée, si nettement formulée, le révolte et il lance à Dieu une accusation qui dépasse en vivacité tout ce qu’il a dit jusque-là (versets 21 à 24).
Innocent, je le suis ! Et non plus, comme au verset 20 : si j’étais innocent. Dût-il m’en coûter la vie je ne veux pas plus longtemps farder la vérité.
C’est tout un, pour moi, de vivre ou de mourir. D’autres : pour Dieu, de laisser vivre ou de faire mourir ; voir fin du verset 22.
Dieu empêche même les juges de voir clair.
Si ce n’est lui, qui est-ce donc ? Car enfin rien n’arrive sans sa volonté.
Mais sans aller au loin chercher des preuves de l’injustice de la Providence, restons-en à mon cas.
J’espérais voir encore le bonheur Job 7.7 ; mais c’en est fait !
Nacelles de jonc. Voir Ésaïe 18.2, note.
Si, par un grand effort sur moi-même, j’essaie d’oublier ma souffrance et de m’égayer, cela ne me réussit pas : mes douleurs me font bientôt trembler de nouveau. Elles sont sans doute l’indice d’une faute dont il te plaît de me croire coupable. Puisque il en est ainsi, il ne me sert de rien d’essayer de me justifier.
La neige prend à elle, plus que l’eau, toutes les souillures qui viennent à la toucher.
Savon : dans Ésaïe 1.25, potasse.
Quand… : À supposer même que j’aie réussi à me disculper entièrement.
Mes habits. Les vêtements sont personnifiés. Job les a ôtés pour se laver, mais il est replongé dans un bourbier et ses habits ne veulent plus de lui.
Qui pose sa main sur nous deux : pour nous imposer silence, comme un supérieur et nous juger.
Dans les conditions présentes, je ne puis me défendre. La partie n’est pas égale. Si Dieu voulait me laisser respirer, je pourrais parler et je montrerais que je ne suis pas coupable comme on le croit.