Verset à verset Double colonne
Le compte-rendu de la législation sinaïtique se termine, comme le Livre de l’alliance (Exode 20.22-23.19), par un discours d’exhortation et d’avertissements (comparez Exode 23.20-33), dans lequel l’Éternel, par la bouche de Moïse, invite le peuple, au nom de ses intérêts les plus chers, à observer fidèlement les lois qu’il vient de lui donner. Seulement, tandis que l’exhortation qui terminait le Livre de l’alliance, se rapportait au moment de l’entrée dans Canaan, celle qui termine tout le Lévitique suppose le peuple établi dans la terre que l’Éternel lui donnera et décrit l’avenir heureux ou malheureux dont il sera lui-même l’artisan.
Après le préambule (versets 1 et 2), un premier morceau, verset 3 à 13 décrit le bonheur assuré au peuple en cas de fidélité ; le second, versets 14 à 39, les malheurs accumulés et enfin l’exil dont il sera frappé en cas d’infidélité. Dans un troisième (versets 40 à 45), Dieu assure le peuple de sa miséricorde toujours prête à lui rouvrir ses bras dès qu’il se repentira et se retournera vers lui.
On rencontre dans ce discours un certain nombre d’expressions qui ne se trouvent nulle part ailleurs dans l’Ancien Testament et plusieurs autres qui ne se rencontrent plus que dans les livres prophétiques. En raison des premières, des critiques, comme Dillmann, reconnaissent l’originalité de ce discours. Mais on suppose, en raison des dernières, que le texte a subi plus tard des infiltrations. Cependant de telles expressions pourraient être aussi le résultat d’une imitation de la part des écrivains postérieurs.
Trois défenses se rapportant : la première, à l’idolâtrie (verset 1 ) ; la seconde, au sabbat (verset 2) ; la troisième, au respect du sanctuaire de l’Éternel (fin du verset 2). Ces défenses résument donc la quintessence religieuse de la loi. On peut faire de ces deux versets la clôture du morceau précédent, ou bien y voir, comme nous le faisons ici, le préambule du discours suivant.
Idoles : hébreu elilim, proprement vanités ; choses de rien, auxquelles rien ne répond dans la réalité.
Pierre ornée de figures : monument dressé de manière à attirer de loin la vue.
Près d’elles, ou bien : sur elles ; et dans ce cas ce seraient les dalles sur lesquelles on faisait ses dévotions.
Marchez dans mes statuts : comparez Lévitique 18.3 et Lévitique 20.23. Nous avons adopté des termes un peu différents de ceux par lesquels dans ces passages nous avions rendu les termes hébreux.
Dans leur saison. Les deux saisons de pluie sont : la première, en automne, d’octobre à décembre, pour amollir le sol qui doit être ensemencé ; et la seconde, au printemps, avant la moisson pour faire grossir le grain.
Son produit : expression qui se retrouve Deutéronome 11.17, etc.
Comparez Amos 9.13 La moisson sera si abondante que le battage du blé durera jusqu’en septembre et la vendange si considérable qu’elle durera jusqu’à la fin d’octobre.
Que personne vous effraie. Absence de toute surprise et même de toute alerte ; pensée qui revient dans le Deutéronome et souvent dans les prophètes.
La proportion de 1 contre 20 s’élèvera même à celle de 1 contre 100.
Vous ferez sortir l’ancienne. Si nombreux que soient les habitants, ils n’épuiseront pas les provisions ; il faudra donc enlever les restes de la vieille récolte pour emmagasiner la nouvelle et remettre ensuite les vieux produits sur les nouveaux. Quelques-uns rapportent le terme de faire sortir à l’exportation des produits, comme nouvelle source de prospérité.
Bénédiction spirituelle, qui couronne les autres et y met le sceau. Dieu habitera en personne au milieu de son peuple, le dirigera par son Esprit et se complaira en lui.
Les anciens exploits garantissent les futurs bienfaits.
Ézéchiel 34.25 et suivants offre sans doute une réminiscence de notre passage.
Si ce tableau est relativement court par rapport au suivant, c’est que la fidélité conduit directement au bonheur, tandis que l’infidélité a de nombreux degrés, qu’elle est l’objet d’un long support et ne déploie que graduellement ses effets les plus pernicieux.
Première menace, pour le cas ou Israël n’obéirait pas aux commandements de son Dieu (verset 14) et en viendrait même à les mépriser et à briser l’alliance qui l’unit à l’Éternel (verset 15).
Maux effrayants, littéralement : l’effroi.
Cette expression ne se retrouve pas dans le Pentateuque, mais bien dans les prophètes. Deux causes de cet effroi : la maladie et des guerres malheureuses. La maladie, sous les deux formes de la langueur ou de la fièvre ; la guerre, sous trois formes : celle d’incursions et d’invasions passagères, razzias après lesquelles l’ennemi s’en retourne chargé de butin ; Puis celle des batailles rangées et perdues ; enfin celle de l’assujettissement complet à l’ennemi, suivi d’un découragement tel qu’on ne songe plus même à résister (Juges 6.3)
Je tournerai ma face contre vous : tout cela comme provenant de l’Éternel.
Seconde menace, pour le cas où, malgré ces premiers jugements, Israël refuserait de rentrer dans la bonne voie : sécheresse et terrible stérilité qui abattra leur force.
Sept fois. Le nombre sept désigne ici, comme souvent, un nombre de fois indéterminé ; comparez Proverbes 24.16 ; Psaumes 119.16 ; Ésaïe 4.1, etc.
La force qui fait votre orgueil : la fertilité extraordinaire du pays, sur laquelle vous comptiez.
Que peut l’homme, que peut la terre sans les dons du ciel, la pluie et la chaleur ? Comparez Osée 2.21-22
Marchez contre moi : l’opposition à Dieu directe et raisonnée, résultant, de l’aigreur produite par les précédents châtiments.
Selon vos péchés, non : à cause de vos péchés, comme au verset 18, mais : conformément à la grandeur de vos péchés. Les animaux sauvages se multiplient dans un pays ravagé par les maladies, la guerre et la famine (2 Rois 17.25 ; Exode 23.29).
Vous vous presserez. Réfugiée dans les villes fortes, la population des campagnes y sera décimée par la peste.
Vous serez livrés : obligés de vous rendre à discrétion par le manque de vivres (verset 26).
Longue incidente, image de cette longue et affreuse détresse.
Votre soutien : le pain soutient le corps comme un bâton sur lequel on s’appuie (Genèse 18.5 ; Psaumes 104.15). Il y aura si peu de farine et le combustible sera si rare que dix familles feront cuire leur petite provision dans un seul four et en une seule fois. Et ce que chacune rapportera, elle le distribuera au poids entre les siens, ne pouvant en donner à chacun selon sa faim.
Cinquième menace : Dernier degré du châtiment, quand Israël sera parvenu à l’endurcissement complet. Ce ne sont plus ici des désolations momentanées, telles que celles des guerres syriennes ou assyriennes (2 Rois 6 ; 2 Rois 15.29 ; 2 Rois 18.13) ; c’est la ruine complète dont le peuple est ici menacé, telle qu’elle fut consommée pour Israël par Salmanazar et Sargon et pour Juda par Nébucadnetsar.
Avec fureur : avec l’exaspération d’un ennemi dont la rage s’est accrue par une résistance persistante. Ce mot terrible est le dernier trait du tableau.
Comparez 2 Rois 6.28 ; Lamentations 2.20 ; Lamentations 4.10.
La colère de Dieu atteint tout d’abord les monuments de l’idolâtrie : les colonnes solaires (voir Ézéchiel 6.4, note) et les idoles ; abattues, celles-ci ressemblent à des cadavres de dieux gisant pêle-mêle avec ceux des Israélites égorgés.
Vous aura en dégoût : énergique contrepartie du verset 11. La profonde aversion de Dieu pour le mal et pour celui qui s’y livre obstinément peut seule expliquer de telles malédictions.
L’épée derrière vous : l’épée de l’ennemi qui les poursuivra et les dispersera dans les pays les plus éloignés, semblable à l’épée du chérubin qui tenait Adam banni du paradis.
La terre se complaira. Expression qui a quelque chose d’ironique et d’amer. La terre délivrée de ses habitants, violateurs de la loi, éprouve une sorte de soulagement. On traduit fréquemment s’acquittera (de ses sabbats). Il ne nous paraît pas que le verbe ratsa puisse avoir ce sens, (en tout cas pas au kal).
En ses sabbats : les années de repos (sabbatiques ou jubilaires) dont la terre a été privée par l’infidélité de ses habitants. Ce repos forcé la dédommagera des exigences outrées qu’on lui a fait subir par un travail sans relâche ; comparez 2 Chroniques 36.21. Les termes ici employés n’obligent point à admettre que le nombre des années d’exil ait répondu exactement à celui des années où la loi sabbatique avait été violée.
Et aura son plaisir en ses sabbats. Le verbe ratsa est ici à l’hiphil, ce qui ne nous oblige pas à lui donner un sens nouveau, mais nous paraît simplement indiquer la manifestation de la satisfaction éprouvée. La personnification de la terre continue. Ceux qui ont traduit le kal par s’acquittera, doivent rendre l’hiphil par faire s’acquitter, faire payer. Wogue justifie ainsi ce sens : D’abord la terre, est censée débitrice envers Dieu d’un certain nombre de chômages (s’acquittera) ; puis l’écrivain se ravise et après avoir dit : La terre s’acquittera, il rectifie sa pensée : Que dis-je ! Elle fera payer (aux hommes)…
C’est ingénieux mais très recherché.
Contrepartie des versets 7 et 8.
Le bruit d’une feuille… Terreurs continuelles et imaginaires.
Le pays de vos ennemis vous dévorera. Les conditions d’existence, durant cet exil, seront si difficiles, qu’un grand nombre d’entre eux périra.
Ceux qui auront survécu à la ruine continueront à souffrir sous le poids du châtiment de leurs propres iniquités et de celles de leurs pères.
Lesquelles sont avec eux : les iniquités des pères avec lesquelles ils n’ont pas rompu (Exode 20.5).
Ce morceau final est la base des promesses par lesquelles les prophètes subséquents terminent leurs plus terribles menaces.
Il faudra qu’ils en arrivent à reconnaître non seulement leurs fautes, mais aussi la nécessité dans laquelle Dieu s’est trouvé de procéder à leur égard comme il l’a fait et comment il a dû leur rendre la pareille de leur conduite envers lui.
Alors : c’est le grand mot de ce morceau.
Et qu’ils acquiescent. Plusieurs traduisent ici aussi, comme au verset 34, le verbe ratsa par s’acquitter.
De mon alliance : cette alliance que Dieu semblait avoir oubliée. Si Dieu résiste aux orgueilleux, il fait grâce à celui qui s’humilie.
Jacob est placé en tête et à part comme étant le plus étroitement lié à ce peuple, qui est tout entier sa postérité, tandis qu’Abraham et Isaac ont eu des descendants étrangers au peuple d’Israël.
Je me souviendrai du pays : de ce pays maintenant désolé, mais qui est toujours le leur et qui les attend.
Dieu réaffirme la menace pour pouvoir reprendre et réaffirmer avec plus de force la promesse dans le verset suivant.
Ils auront beau avoir agi ainsi envers moi ; je ne romprai point pour cela avec eux à toujours.
C’est ici implicitement la promesse du retour de la captivité, énoncée plus explicitement Deutéronome 30.3-5.
Conclusion. Ce verset clôt non seulement ce discours, mais tout l’ensemble des lois qui précédent, depuis le chapitre 25 de l’Exode (selon les uns) ou le chapitre 25 du Lévitique (selon d’autres).
Au mont Sinaï : voir Lévitique 25.1.