Verset à verset Double colonne
La limite orientale de la Terre promise aux Israélites devait être proprement le Jourdain (Nombres 34.12). Mais le fait que les Amorrhéens, voués à la destruction avec les autres Cananéens, s’étaient récemment emparés de toutes les contrées situées à l’est du Jourdain, eut pour résultat la conquête de ce pays par Israël et cette circonstance amena ainsi l’établissement d’une partie considérable du peuple en dehors des limites de la Terre sainte proprement dite. C’est cette conquête non primitivement prévue et qui n’aurait pas eu lieu sans le refus de Sihon, roi des Amorrhéens (Nombres 21.21), que retrace ce chapitre. Ce récit est envisagé comme résultant de la combinaison des sources élohiste et jévohiste.
De grands troupeaux. Ils les avaient amenés d’Égypte (Exode 12.38) et les avaient augmentés sans doute par les prises faites sur les peuples vaincus. Il est possible que les deux tribus eussent joué un rôle prépondérant dans la conquête du pays et reçu une part plus considérable de troupeaux comme butin, comme nous pouvons constater que ce fut le cas pour la demi-tribu de Manassé (comparez verset 39). Sur l’apparence de contradiction entre l’abondance de bestiaux ici mentionnée et Nombres 12.4, voir à ce passage, note.
Jaézer ; voir Nombres 21.32.
Galaad : nom géographique très élastique qui désigne parfois tout le territoire qu’occupaient les royaumes des deux rois Amorrhéens au-delà du Jourdain, depuis l’Arnon (au sud), qui se jette dans la mer Morte, jusqu’au Mandour (au nord), qui se jette dans le Jourdain un peu au-dessous de la mer de Galilée. Parfois aussi le nom de Galaad s’applique spécialement aux contrées situées immédiatement au nord et au sud du Jabbok qui traverse ce pays de l’est à l’ouest. C’est une région extrêmement riche en vastes pâturages, en magnifiques forêts de chênes et en fertiles terres labourables. On l’a appelée le paradis des nomades. L’on ne peut donc s’étonner de la demande des tribus qui paraissent avoir été particulièrement riches en bétail. Ce pays est aujourd’hui rempli de ruines qui attestent sa riche population d’autrefois.
Cette demande était entachée d’un sentiment d’égoïsme dont probablement ceux qui l’adressaient ne se rendaient pas compte. C’est ce qui motive la réponse sévère de Moïse.
Le reste du peuple pouvait aisément perdre courage en se voyant privé d’une partie si considérable de sa force matérielle à la veille de la guerre nouvelle qu’il s’agissait d’entreprendre. Un mécontentement jaloux pouvait aussi s’emparer d’eux, en voyant leurs frères s’établir paisiblement dans le pays qu’ils venaient de conquérir tous ensemble, tandis qu’eux-mêmes allaient courir à de nouveaux dangers.
Ainsi firent vos pères. Ceux qui ne craignent pas d’exercer aujourd’hui une influence si décourageante sur leurs frères, jouent, le même rôle que les espions quarante ans auparavant (chapitres 13 et 14).
Kadès-Barnéa : voir note en fin de chapitre 10.
Jusqu’à la vallée d’Escol. Ce fut dans cette partie du pays que les espions rencontrèrent les Anakim, dont la mention remplit le peuple d’effroi. Voir Nombres 13.24, note.
Le Kénizien : voir Genèse 15.19, note.
Vous venez remplacer vos pères : vos pères n’ont pas plutôt été emportés par le châtiment de Dieu que vous vous hâtez de les remplacer pour pécher et être consumés comme eux.
Il continuera de le laisser au désert. Dieu ne voudra pas davantage aujourd’hui introduire en Canaan un peuple incrédule et découragé, qu’il ne l’a voulu autrefois ; et, privé de son secours, Israël sera infailliblement refoulé au désert d’où il vient de sortir et où il périra.
Parcs à brebis : enclos entourés de murs faits de pierres sèches et à hauteur d’homme, où l’on enfermait le bétail pendant la nuit.
Nous bâtirons… des villes : ils relèveront les villes prises à l’ennemi Deutéronome 3.19.
Devant les fils d’Israël. Bien loin de rester en arrière, ils vont faire en toute hâte les préparatifs dont ils ont parlé au verset 16 ; ce travail achevé, ils tiendront même à honneur de former l’avant-garde de l’armée (Deutéronome 3.18 ; Josué 1.14 ; Josué 4.12. Il est évident qu’en agissant ainsi, ils ne comptent pas laisser leurs familles à la merci des peuples environnants. Voir au verset 24. Les reproches sévères de Moïse les ont à la fois humiliés et stimulés.
Nous ne posséderons rien… : Notre participation à la conquête ne nous donnera aucun droit à réclamer une possession dans le pays de Canaan proprement dit.
De l’autre côté du Jourdain, à l’orient. Cette expression : mééber : de l’autre côté, signifie proprement : en passant de l’autre côté du Jourdain. Elle est employée, qu’il s’agisse de passer de l’est à l’ouest ou de l’ouest à l’est. Et précisément à cause de ce double sens est ajouté le mot : à l’orient, pour bien faire comprendre que ce terme est employé ici au point de vue du peuple, une fois qu’il sera établi dans le pays de Canaan.
Devant l’Éternel : sous les yeux de l’Éternel comme chef de l’armée. Faut-il voir ici une allusion à la présence de l’arche au milieu de l’armée ?
Tout homme équipé, littéralement : tout homme dont les reins sont ceints, c’est-à-dire tout homme alerte, tout guerrier de l’élite, en opposition à ceux qui ne sont plus ou ne sont pas encore dans l’âge de la plus grande force. Nous savons, en effet, par Josué Nombres 4.13, que quarante mille hommes seulement de ces deux tribus et demie passèrent le Jourdain, tandis qu’en additionnant les chiffres de Nombres 26.7 ; Nombres 26.18 ; Nombres 26.34, nous arrivons pour ces deux tribus et demie à un total d’environ cent dix mille combattants. Il en restait donc soixante-dix mille pour garder les familles et les troupeaux.
D’entre vous, littéralement : pour vous ; pour faire ainsi le service à la place de vous tous.
Vous serez quittes : opposé à l’expression : Votre péché vous atteindra, verset 23.
À Eléazar. Moïse sait qu’il ne sera plus là pour vérifier l’exécution de l’arrangement ; c’est pourquoi il en inculque ainsi la teneur aux chefs du peuple.
Une fois que l’attachement de ces deux tribus à l’ensemble du peuple est affirmé par leur participation à la conquête de Canaan, Moïse peut consentir à l’espèce de séparation extérieure qui va se faire entr’elles et les autres tribus. Mais si elles se refusent à l’accomplissement de cette condition, il doit exiger d’elles qu’elles passent le Jourdain avec tout le peuple et s’établissent avec lui dans la terre de Canaan. Si l’on y réfléchit, on comprend bien le motif qui fait ainsi parler Moïse : une forte cohésion intérieure pourra seule prévenir les dangers de la séparation extérieure.
La moitié de la tribu de Manassé. C’est la première mention qui soit faite de cette demi-tribu dans notre récit, où il n’avait été question jusqu’ici que de Gad et de Ruben. Le livre de Josué nous la montre aussi jointe constamment aux Rubénites et aux Gadites. Nous ignorons quand elle s’est associée à la demande faite par ceux-ci à Moïse. Voir versets 39 à 42.
Sihon et Og : voir Nombres 21.21-35.
Il ne s’agit pas encore ici de la prise de possession de la contrée par ces tribus mais seulement de la reconstruction des villes, dont il a été parlé verset 16. Les Gadites rebâtirent Dibon (Nombres 21.30) et Aroër, aujourd’hui Araïr, tout à fait au sud, près de l’Arnon ; Ataroth, au nord-ouest, au pied des monts Abarim ; puis tout à fait au nord, près de Rabbath-Ammon, Jaézer (Nombres 21.34) et Jogbéha, aujourd’hui Djabéhat ; enfin, à l’ouest, dans la plaine du Jourdain. Beth-Nimra, la Nimra du verset 3 (aujourd’hui un monceau de ruines nommées Nimrin) et Beth-Haran. Atroth-Nophan, inconnue.
Les Rubénites rebâtirent Hesbon (Nombres 21.25) et cinq villes dans le voisinage de cette capitale : Eléalé, aujourd’hui El-Al (Ésaïe 15.4), un peu au nord de Hesbon, au sommet d’une colline d’où l’on domine tout le pays de Belka ; Kiriathaïm, aujourd’hui Kureyat, au sud des monts Attarus (Jérémie 48.1) ; Nébo, aujourd’hui Nebbé (Ésaïe 15.2), non loin de la montagne du même nom ; Baal-Méon (Ézéchiel 25.9), qui se retrouve dans des ruines qui portent le nom de Myun et enfin Sibma, encore inconnue et peut-être identique au, Sébam du verset 3 (Ésaïe 16.9).
Ce travail de reconstruction accompli par les tribus de Gad et de Ruben ne détermina point la répartition qui fut faite par Josué de tout le territoire entre ces deux tribus. Car plus tard (Josué 13) Ruben reçut en partage toute la contrée la plus méridionale entre Hesbon et l’Amon, y compris Dibon et Aroër rebâties par Gad, tandis que Gad reçut la contrée plus septentrionale, entre Hesbon et le Jabbok. Ce manque de groupement géographique montre bien qu’il ne s’agissait encore que d’une possession provisoire. S’il était question d’une fixation de territoire définitive, Gad ne pourrait avoir pour sa part les villes les plus méridionales en même temps que les plus septentrionales.
Il est remarquable que le souvenir de la reconstruction de ces villes par telle ou telle tribu se fût conservé, malgré la répartition différente qui en fut faite ensuite par Josué.
Dont les noms furent changés. Cette remarque s’applique sans doute aux deux villes précédentes ; les noms des deux divinités païennes de Nébo et de Baal choquaient, les oreilles des Israélites. Il est probable que Baal-Méon doit être identifié avec Méon du verset 3 ; nous aurions là un exemple de ces changements d’appellation.
Ils donnèrent des noms : peut-être dans le sens où nous voyons (versets 41 et 42) que Jaïr et Nobach appelèrent de leurs noms des villes qu’ils conquirent dans le nord. Le nouveau nom pouvait consister dans l’adjonction à l’ancien nom de celui de la tribu qui avait rebâti ces villes ; ainsi le nom de Dibon-Gad (Nombres 33.45) donné à l’ancienne ville de Dibon.
La conquête du pays de Galaad au nord du Jabbok ayant déjà été racontée comme un fait accompli (Nombres 31.32 et suivants), nous devons envisager la notice suivante comme retraçant un épisode particulier de cette expédition. La raison pour laquelle cette notice est placée ici est facile à comprendre. L’auteur veut expliquer par quelle raison la tribu de Manassé se partagea en deux demi-tribus et pourquoi l’une de ces deux moitiés devint, avec Ruben et Gad propriétaire d’un territoire à l’est du Jourdain. Cette demi-tribu s’était distinguée dans la conquête de la contrée qui s’étend depuis la rive nord du Jabbok jusque bien au nord de la mer de Galilée. En récompense de cet exploit elle reçut de Moïse, sans doute à sa demande, ce vaste territoire, dont elle rebâtit les villes, en même temps que les Rubénites et les Gadites en faisaient autant au sud du Jabbok.
Quoiqu’il ne soit, parlé (Nombres 26.29) que d’un fils de Makir, nommé Galaad, il ressort de Genèse 50.23 qu’il en eut d’autres. Plusieurs passages montrent que cette famille était particulièrement belliqueuse (Josué 17.1 ; 1 Chroniques 5.18). Au lieu de : les fils de Makir, on peut traduire : des fils de Makir, puisqu’il est constant qu’un certain nombre des familles descendant de lui reçurent leur territoire à l’ouest du Jourdain (Josué 17.1 et suivants).
Fils de Manassé : non son fils unique, comme on pourrait le conclure de Nombres 26.29 et de Genèse 50.23, mais son premier-né (Josué 17.1 ; 1 Chroniques 7.14).
Marchèrent. Il semble qu’il y eut quelque chose de spontané dans l’expédition ainsi accomplie, ce qui s’accorde bien avec, l’humeur guerrière attribuée à la famille de Makir.
Contre Galaad. Le principal d’entre les fils de Makir a porté le nom de Galaad, mot qui en arabe paraît signifier le rude. Est-ce lui qui a donné son nom à la contrée ? Ce serait en contradiction avec le récit Genèse 31 ; ou bien est-ce le pays conquis qui a donné son nom aux conquérants. Mais le fils de Makir qui portait le nom de Galaad vivait avant la conquête. On peut donc supposer que l’origine des deux noms est indépendant et que le nom géographique de Galaad doit s’expliquer dans le sens de région rude et pierreuse, ce qui ne contredit pas Genèse 31.
Il faut remarquer que plusieurs des familles issues de Galaad habitaient à l’ouest du Jourdain (Josué 17.2).
Moïse donna. Le sort ne fut pas plus consulté dans ce cas que dans celui de Gad et de Ruben (voir versets 22, 29, 33 ; Deutéronome 3.12-13.
À Makir : à ceux de ses descendants qui formèrent la famille des Makirites dont il est parlé Nombres 26.29.
Il s’agit ici d’une nouvelle expédition, commandée par Jaïr, dans des contrées encore plus septentrionales.
Jaïr, d’après 1 Chroniques 2.21, descendait d’un père de la tribu de Juda nommé Hetsron et d’une mère de la tribu de Manassé, descendante de Makir.
S’empara de leurs bourgs. Leurs se rapporte aux Amorrhéens du verset 39 ; ces bourgs étaient situés dans le district montagneux de Basan (Deutéronome 3.14). Sur un Jaïr postérieur, voir Juges 10.3.
Et Nobach alla. Encore une expédition dirigée par un membre de la même famille (1 Chroniques 2.23) et qui eut lieu du côté de l’est, car il est probable que Kénath doit être identifiée avec la Kanata postérieure, située au nord de Botsra.