Verset à verset Double colonne
Le psaume 15 répondait à cette grave question : Qui habitera auprès de l’Éternel ? Le psaume 16 montre ce que le fidèle trouve en Dieu : le meilleur des héritages, la sécurité dans la vie et dans la mort, la joie à toujours (comparez Psaume 23). L’esprit de l’Évangile, manifeste déjà dans le psaume précédent, déborde ici par-dessus toutes les limites des révélations de l’ancienne alliance. Le croyant a si bien compris du cœur ce qu’est pour lui l’Éternel, que même la perspective du Schéol, si effrayante pour ses contemporains et jadis pour lui-même (Psaumes 6 et 30), ne l’arrête plus et qu’il prononce à cet égard des paroles que sa génération devait trouver insensées.
On a posé, relativement à ce psaume, la question que l’Éthiopien posait à Philippe, concernant Ésaïe chapitre 53 : Est-ce de lui-même que parle le prophète, ou de quelque autre ? (Actes 8.34) C’est bien de David qu’il est question et non du Messie, mais de David uni à Dieu et parlant de la douceur et des privilèges de cette union en des termes si élevés, qu’ils ne se sont pleinement réalisés que dans la personne du Saint parfait, de ce Saint que le psalmiste voit venir comme descendant de sa race, ainsi que le dit Pierre, (Actes 2.29-31).
Delitzsch fait observer que tous les signes auxquels se reconnaissent les psaumes davidiques se trouvent ici réunis : pensées jaillissant avec force et se pressant en foule, langage parfois dur, audacieux jusqu’à la violence, puis s’apaisant soudain en un mouvement harmonieux, quoique toujours rapide, formes grammaticales archaïques et ne se retrouvant que dans d’autres psaumes de David, pensées et mots remontant, par leur origine, jusqu’aux éléments les plus indubitablement authentiques de la loi du Sinaï.
La première partie du psaume expose quelle est la bonne part du fidèle, en opposition à celle des infidèles (versets 4 à 6). La seconde développe les conséquences actuelles et lointaines du choix de David (versets 7 à 11).
Écrit, hébreu : Mictham. Ce titre se retrouve en tête des Psaumes 56 à 60 et du cantique d’Ézéchias (Ésaïe 38.9). D’innombrables conjectures ont été faites au sujet de ce terme, que l’on a rapproché d’une racine arabe signifiant cacher, on du mot hébreu désignant l’or, pour lui donner soit le sens de poème inédit ou profond, soit celui de parole d’or, joyau ; on y a vu encore l’indication d’un accompagnement musical, discret, voilé. Une légère modification le rapproche du mot cathab, écrire.
Je me suis réfugié. Cette parole est le seul indice d’un danger auquel le psalmiste aurait été exposé. Au reste, à toute heure le fidèle se réfugie de la vie du monde dans le sein de Dieu. Bien vite la supplication se change en actions de grâces.
Et aux saints… Le psalmiste s’adresse à la fois à l’Éternel, comme à son souverain bien et à ceux qui lui sont consacrés et qu’il appelle saints. La construction grammaticale que nous admettons et qui donne à la phrase un sens si clair, ne s’obtient que par la transposition du mot et (en hébreu une seule lettre), que l’on met devant le mot saints au lieu de le laisser devant le mot nobles. Sans cette correction, admise par plusieurs exégètes, la phrase reste lourde et son sens difficile à saisir.
Le nom de saint est donné à Israël (Exode 19.6), en sa qualité de peuple appartenant en propre à l’Éternel. David pense ici à ceux qui prennent au sérieux cette position d’élus de l’Éternel. Il reconnaît en eux la vraie supériorité que le vulgaire cherche partout ailleurs.
Les nobles. On traduit aussi : les excellents, les hommes illustres. David donne ce titre à ceux qui en sont dignes devant Dieu. La gloire est le reflet de la sainteté. Du regard de l’esprit, le psalmiste la discerne chez les saints, à travers les voiles qui la cachent, mais qui disparaîtront tôt ou tard. Comparez Colossiens 3.3-4.
Le psalmiste interrompt subitement son chant joyeux pour exprimer l’horreur dont il est saisi à la vue de ceux qui cherchent leur bonheur ailleurs qu’en Dieu.
Nombreux… hébreu : Nombreux seront leurs tourments, ils échangent… un autre. L’indignation se trahit ici par la concision presque énigmatique du langage. Dire : ils changent de Dieu, serait faire trop d’honneur aux idoles. Mais toute l’ingratitude et l’infidélité des Israélites idolâtres est stigmatisée par ce mot : un autre ! Comparez Ésaïe 42.8 ; Ésaïe 48.11. Au reste le mot autre, si vaste et si général, désigne non seulement les idoles proprement dites, mais tout ce qui n’est pas le Dieu vivant. Saint Paul fait en quelque sorte la traduction évangélique de cette parole de notre psaume, lorsqu’il dit : Ce qui m’était autrefois un gain, je l’ai regardé comme une perte… et je regarde toutes choses comme une perte, pourvu que je gagne Christ… (Philippiens 3.7-8, Philippiens 3.10).
Les tourments réservés aux infidèles contrastent avec la gloire des hommes pieux, verset 3.
Leurs libations de sang. C’était toujours du vin que païens et Israélites répandaient dans leurs libations ; mais ce vin qui n’est pas consacré à l’Éternel fait au psalmiste l’effet de sang. D’ailleurs les mains qui le répandent sont criminelles.
Les noms qu’ils invoquent. La loi interdisait de prononcer les noms des faux dieux (Exode 23.13).
Après la parenthèse du verset 4, le cantique reprend son cours.
L’Éternel. C’est le seul nom que le psalmiste connaisse.
Ma part d’héritage. Allusion aux promesses faites aux Lévites. N’ayant pas reçu, comme les autres tribus, de territoire en Canaan. Ils vivaient des dons faits à l’Éternel (Nombres 18.20-23). Le psalmiste prend le sens spirituel de cette promesse, pour se l’appliquer. Sa richesse, sa joie, le breuvage qui restaure son âme, est en Dieu, c’est là une possession qui ne peut lui être ôtée (Luc 10.42). Comparez Psaumes 73.25-28 ; Lamentations 3.24.
Les cordeaux. Le psalmiste continue l’image du verset 5. Diverses parts d’un domaine sont mesurées au cordeau. Il parcourt du regard celle qui lui est échue.
Oui, je vois…, littéralement : Oui, mon héritage est beau pour moi, à mes yeux.
Mon conseil. Il est étrange qu’il soit si difficile à l’homme de choisir une part aussi excellente que celle dont parle le psalmiste. C’est là une preuve de la puissance de séduction avec laquelle l’esprit de mensonge agit dans le monde. Il ne faut rien moins, pour déterminer le bon choix, qu’un conseil divin, qui n’est pas une pression irrésistible, mais qui sollicite l’homme à se tourner vers Dieu. Remarquons que l’Éternel est à la fois le conseiller, le donateur et l’héritage lui-même.
Mes reins. Cette expression est sans doute employée ici, comme au Psaumes 7.10, pour désigner le siège des affections et des dispositions qui tiennent plus de la vie instinctive que du raisonnement. Comparez Psaumes 73.21 ; Proverbes 23.16. Les impressions confuses qui peu à peu se transforment en pensées et en résolutions, poussent David à louer l’Éternel pour le choix qu’il lui a fait faire.
L’être humain tout entier, le cœur, l’âme et le corps, trouve en Dieu sécurité, repos et vie.
Le cœur, ce qu’il y a de plus intime en l’homme, la source de sa vie morale, correspond à l’esprit dans la parole de saint Paul : Que tout ce qui est en vous, l’esprit, l’âme et le corps, soit conservé irrépréhensible pour l’avènement de notre Seigneur Jésus-Christ (1 Thessaloniciens 5.23).
Mon âme, littéralement : ma gloire. L’âme, avec son ensemble de merveilleuses facultés, est la gloire de l’homme.
Ma chair. Le corps, tout matériel qu’il soit n’en fait pas moins partie intégrante de la personne humaine. En ceci la révélation de l’ancienne alliance se distingue profondément de la philosophie platonicienne qui voit dans le corps un élément absolument étranger et même opposé à la vraie nature de l’homme.
Ma chair reposera… Dans un joyeux élan de foi, le psalmiste prend possession de ce qui ne devait être révélé que bien des siècles plus tard (voir Psaumes 6.6, note). En dépit de toutes les apparences, il ne doute pas que l’Éternel, qui s’est donné à lui, ne le sauve de la mort. Les termes de notre psaume ne désignent, il est vrai, pas encore clairement la résurrection et l’on peut se demander si le psalmiste n’a pas eu en vue plutôt la possibilité d’être préservé de la mort. Une telle assurance d’ailleurs ne serait pas moins étrange dans sa hardiesse que la foi à la résurrection. La comparaison avec Psaumes 17.15 nous autorise à penser que c’est bien d’une conservation de la personne humaine dans la mort elle-même qu’il est ici question et d’un chemin de la vie traversant le Schéol, pour en faire sortir le fidèle par un glorieux réveil. Cet espoir a pu paraître déçu, mais la résurrection de Christ est venue lui donner une éclatante confirmation. Pleinement accomplie en la personne du Christ, fils de David (Actes 2.29-32), cette parole le sera par Christ à l’égard de tous ceux qui l’ont attendu et qui croient en lui.
Celui que tu aimes. Voir Psaumes 4.4, note.
Le sépulcre, littéralement : la fosse. Les Septante, suivis par Actes 2.27, ont traduit par corruption. Sainteté et vie sont inséparables. Sainteté parfaite et corruption même momentanée sont incompatibles. Dieu est la source de la vie ; au saint encore imparfaitement uni à lui, il accorde de délivrances imparfaites et parfois des guérisons momentanées ; au saint parfaitement uni à lui, il donne la délivrance définitive de la mort par la résurrection.