Verset à verset Double colonne
Les psaumes 16 et 17 forment comme les deux parties d’un tout. L’un et l’autre sont la prière d’un homme pieux, qui trouve en Dieu un bonheur infiniment préférable à la prospérité de ses ennemis. La joie du croyant est l’élément dominant du premier de ces psaumes ; le bon droit du persécuté, en opposition à la méchanceté de ses adversaires, forme le thème du second.
La pensée générale, aussi bien que les détails du Psaume 17, s’adaptent parfaitement au récit 1 Samuel 23.26, qui nous fait voir David et sa troupe enveloppés par les armées de Saül et délivrés par un incident inattendu.
Après une invocation (versets 1 et 2), le psalmiste rappelle son intégrité (versets 3 à 5) et se place sous la garde de l’Éternel (versets 6 à 9). Un regard sur l’imminence du danger et l’acharnement de ses ennemis (versets 10 à 12) donne une nouvelle ardeur à sa requête ; mais, comme c’est souvent le cas dans les psaumes de David, le calme revient soudain et le psaume se termine en rappelant combien les joies les meilleures des hommes de ce monde sont inférieures à celles qui sont réservées au fidèle (versets 13 à 15).
C’est avec une conscience sans reproche que le psalmiste se présente devant l’Éternel. La justice dont il parle au début, comme au terme de sa prière (versets 1 et 15) et qui supporte l’épreuve, du jugement divin (versets 1 à 5), est l’entière sincérité d’un cœur sans fraude (Psaumes 32.2 ; Jean 1.48). Telle est en effet la condition indispensable de tout exaucement (Jean 9.31 ; 1 Timothée 2.8). Cependant la certitude avec laquelle le psalmiste parle de sa justice est si complète que d’anciens interprètes se sont demandé s’il n’y avait pas lieu de voir dans ce psaume tout entier une prophétie directe concernant le Christ. Il est vrai que les paroles des versets 3 à 5, prises dans un sens absolu, ne peuvent convenir qu’au seul juste qui ait vécu sur la terre. Nous comprenons néanmoins qu’un Israélite pieux, tel que David, se sentant innocent, des perfides desseins dont on l’accusait, ait pu s’exprimer de la sorte. Entouré d’ennemis aussi haineux qu’injustes, il a conscience d’être sincèrement désireux de marcher avec Dieu ; la persécution même tient sa foi et sa vigilance en éveil. Sa justice n’est que relative sans doute. Il dira en d’autres temps : Nettoie-moi des fautes cachées (Psaumes 19.13), ou : N’entre pas en jugement avec ton serviteur, car aucun vivant n’est juste devant toi (Psaumes 143.2). Mais dans le cas présent il se sent innocent. Nous avons donc ici un des cas nombreux où un psalmiste, tout en parlant en son propre nom ou au nom des Israélites fidèles, exprime des sentiments dans lesquels le Seigneur, bien des siècles plus tard, a pu se reconnaître lui-même.
Prière, hébreu : Thephilla. C’est la désignation la plus générale et sans doute la plus ancienne des psaumes, qui sont tous des prières (Psaumes 72.20). Les autres titres : Schir, Mizmor, etc., font allusion à l’emploi liturgique ou musical des psaumes. Les cinq prières qui ont conservé dans la suscription le titre de Thephilla n’offrent aucun indice d’accompagnement musical. Ce sont les Psaumes 17, 86, 90, 102, 142.
La voix de la justice, littéralement : Entends la justice.
Qu’en présence de ta face… littéralement : Que mon droit sorte de devant ta face, soit rendu manifeste par la clarté de ta face.
Tu ne trouves point de mauvaises pensées. On a traduit ce verset de différentes façons : Tu n’as rien trouvé ; ma pensée n’a pas dépassé mes paroles, ou encore : Si j’ai eu des pensées mauvaises, elles n’ont pas passé par mes lèvres. La traduction que nous avons admise nous semble à la fois la plus littérale et la plus simple. Le creuset divin n’a rien amené au jour de mauvais, soit dans les pensées, soit dans les paroles.
Les agissements des hommes : expression correspondant au train de ce monde, dont parle saint Paul (Éphésiens 2.2), qui est la violation continuelle des paroles de l’Éternel. Un homme poursuivi comme l’était David est sans cesse exposé à user de tous les moyens, bons ou mauvais, pour sortir de détresse, à suivre les conseils d’amis mal avisés, à répondre à l’injustice, au meurtre, à la cruauté, par des procédés analogues. En face de tant de sollicitations diverses, le psalmiste a réussi à se tenir dans la voie de la justice.
Rends admirables tes gratuités. Le verbe hébreu que nous traduisons par rends admirables, signifie : mettre à part, élever au-dessus de toute comparaison. Tout ce qui est divin est admirable. Ce que David attend, dans sa situation sans issue, est une intervention miraculeuse de l’Éternel.
La prunelle, fille de l’œil. Ce terme : fille de l’œil, exprime la dépendance toute spéciale dans laquelle la prunelle ou plutôt la pupille est placée par rapport à tout l’ensemble de l’organe. Comparez Lamentations 3.13, où le trait est appelé fils du carquois. À l’idée de dépendance s’ajoute aussi ici celle du besoin de protection.
À l’ombre de tes ailes. Nous trouvons dans ce verset comme un écho du cantique de Moïse (Deutéronome 32.10-11). L’image des ailes protectrices est familière à David et a été employée par Jésus (Matthieu 23.37).
Les ennemis acharnés, littéralement : ceux qui me haïssent de toute leur âme.
Les derniers mots que le psalmiste vient de prononcer réveillent dans son cœur l’image effrayante du danger qu’il court.
Graisse,… arrogance. L’insensibilité (comparez Psaumes 119.70) et l’orgueil sont les deux traits distinctifs des ennemis de David. Par égoïsme, leur cœur reste fermé aux sentiments de justice et de miséricorde.
Les voilà sur nos pas. Hébreu : Ils ont déjà entouré nos pas. Toute retraite est donc fermée. L’ennemi, sûr de vaincre, n’attend plus qu’un moment favorable pour commencer l’attaque. Le pluriel nos pas montre que le persécuté n’est pas seul, quoiqu’il soit l’objet principal de la poursuite des ennemis.
La supplication redouble, mais l’assurance de la délivrance se fait jour et le psalmiste contemple d’un œil calme les succès des méchants, succès si peu dignes d’envie, en comparaison de la bonne part réservée au croyant.
L’image du verset précédent continue. Avant que le lion ait pris son élan, le défenseur intervient.
Étends-le sur le sol. Le même verbe hébreu est employé pour désigner le mouvement du lion qui ploie les genoux pour se coucher (Genèse 49.9 ; Nombres 24.9). Ici il les ploie sous l’épée du vainqueur.
Les hommes de ce monde ou de ce temps-ci. Le Seigneur dira dans le même sens : les enfants de ce siècle (Luc 16.8).
Leur part est dans cette vie, dans les biens de cette vie et non en l’Éternel ; c’est le contraire de ce qui est dit du fidèle (verset 15 et Psaumes 16.5).
Ils se gorgent des biens…, hébreu : Tu remplis leur ventre de tes provisions.
Ils ont de nombreux fils. Une nombreuse postérité est indiquée ailleurs comme une récompense accordée par l’Éternel à ceux qui le craignent (Psaumes 127.3 ; Psaumes 128.3, Psaumes 128.6). La pensée de notre psaume est que la seule perspective que le méchant ait pour l’avenir est de laisser ses richesses à ses descendants, de même que les biens matériels sont sa seule joie pour le présent.
Dans la justice. La prospérité qui avait été décrite ne suffit pas au croyant. L’élément dont il a besoin pour vivre est la justice, l’accord de sa volonté avec celle de Dieu. En dehors de cette justice, il ne peut être question de voir Dieu. Nous avons ici comme un prélude des béatitudes (Matthieu 5.6, Matthieu 5.8).
Je verrai ta face. Le croyant voit déjà ici-bas l’Éternel dans ses œuvres (Ésaïe 38.11), et cela, dans la mesure où il pratique la justice. Mais il aspire à quelque chose de plus parfait. Les termes : ta face, ta beauté (hébreu : ta forme), sont ceux que nous trouvons employés Exode 33.11 et Nombres 12.8, à l’occasion du privilège accordé à Moïse de communiquer avec Dieu sans l’intermédiaire, toujours imparfait, des songes, des visions et des symboles. Le psalmiste s’attend à un privilège semblable.
À mon réveil. Les paroles solennelles qui précèdent montrent que ce n’est pas d’un réveil ordinaire qu’il s’agit ici. Le Psalmiste sait qu’il descendra dans la nuit si redoutée du Schéol. Mais il ne doute pas que, même là, il ne soit gardé (Psaumes 23.4). Bien plus, dépassant si possible encore le point de vue du Psaume 16, il se transporte par la foi au moment où, cette nuit prenant fin pour lui, il sortira du séjour des morts, pour voir Dieu. Pour lui aussi Dieu n’est pas le Dieu des morts, mais le Dieu des vivants (Luc 20.38).