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Romains 3
Bible Annotée (interlinéaire)

Verset à verset  Double colonne 

1 Quel est donc l’avantage du Juif ou quelle est l’utilité de la circoncision ?

Cette objection naissait de ce qui précède (donc). Paul la pressent dans l’esprit du lecteur, car c’était une opinion généralement reçue et du reste fort vraisemblable, que le peuple élu de Dieu devait avoir quelque avantage sur les païens.

Or, Paul vient de montrer que sa condition en présence de la loi et du jugement est la même que celle des gentils.

Les deux termes de la question : quel est l’avantage du Juif, ou quelle est l’utilité de la circoncision ? expriment au fond la même idée ; la circoncision étant le signe de l’alliance de grâce qui comprend tous les privilèges du Juif, Paul la mentionne spécialement, pour donner plus de poids à l’objection.

2 Cet avantage est grand de toute manière : et d’abord en ce que les oracles de Dieu leur ont été confiés.

Cet avantage, s’il ne consiste pas à être exempté du jugement, n’en est pas moins réel : il est grand, multiple (grec beaucoup) de toute manière, dans sa variété, il s’étend à toutes les sphères de la vie, nationale, domestique, individuelle où se fait sentir l’influence religieuse et morale de l’alliance accordée par Dieu à son Peuple, de sa volonté révélée par la loi, de l’espérance du Sauveur promis.

Et d’abord (grec premièrement) en ce que les oracles de Dieu leur ont été confiés ; ou, comme on peut traduire plus littéralement : « ils ont été faits dépositaires des oracles de Dieu », « ils les ont reçus en dépôt de confiance ». L’apôtre se proposait d’abord d’énumérer les privilèges du peuple élu ; mais il trouve ce premier avantage tellement grand et renfermant si bien tous les autres, qu’il ne sent pas le besoin de poursuivre l’énumération annoncée par le mot premièrement ; il la fera à Romains 9.4-5 où il présentera quelques-uns des multiples aspects de l’avantage du Juif.

Les oracles de Dieu, qu’il mentionne ici, sont ses révélations, sa Parole, surtout les prophéties concernant l’établissement de son règne et le salut du monde. Ils constituent l’immense prérogative que Dieu a accordée à son peuple (Psaumes 147.19-20 ; Psaumes 78.5 et suivants ; Actes 7.38).

3 Qu’est-ce à dire, en effet, si quelques-uns n’ont pas cru ? Leur incrédulité anéantira-t-elle la fidélité de Dieu ?

Qu’est-ce à dire, en effet ? grec car quoi ?

Si quelques-uns n’ont pas cru… L’acte d’incrédulité auquel il est fait allusion, ne peut être que le rejet du Messie Jésus, crucifié à la demande des Juifs ; c’est ce qui ressort du verbe au passé défini (aoriste) et de la mention, au verset 2, des « oracles de Dieu », dont les promesses messianiques étaient le contenu principal.

« L’avantage » des Juifs aurait paru dans toute sa grandeur, s’ils avaient cru. Croire est l’indispensable condition pour recevoir toute grâce de Dieu ; c’est par la foi que l’homme s’approprie cette grâce. Mais leur incrédulité (Grec : leur infidélité) ne détruit point la fidélité de Dieu.

Dieu ne retire pas ses promesses, leur accomplissement final manifestera sa fidélité avec d’autant plus d’éclat. Les incrédules d’entre les Juifs se privent de la grâce, mais l’alliance de Dieu avec son peuple subsiste ; rien n’est changé de la part de Dieu.

Jésus met dans la bouche de son Père, à l’adresse des Israélites qui refusaient de se repentir et qui étalent représentés par le fils allié de la parabole, ces mots : « Mon enfant, tu es toujours avec moi et tout ce que j’ai est à toi » (Luc 15.31).

Et même après que le peuple élu eut crucifié le Messie et qu’il eût affirmé son incrédulité en s’opposant à l’Évangile, son endurcissement n’était que partiel et momentané ; c’est ce que Paul donne à entendre, en désignant les Juifs qui n’ont pas cru par le mot : quelques-uns. Il veut insinuer que Dieu n’a pas rejeté son peuple comme tel, mais que ce peuple est destiné à rentrer un jour, d’une manière effective, dans l’alliance éternelle et indestructible de son Dieu. Cette pensée sera développée à Romains 11.

4 Non certes ! Mais plutôt, que Dieu soit reconnu véridique et tout homme menteur, selon qu’il est écrit : Afin que tu sois reconnu juste dans tes paroles et que tu triomphes quand on te juge.

Non certes (grec) ; que cela n’arrive ! loin de nous cette pensée ! Dénégation énergique, familière à Paul.

Mais plutôt, que Dieu soit reconnu véridique (grec mais que Dieu devienne vrai) ; que toute la vérité soit de son côté.

La citation est tirée du Psaumes 51.6.

Au lieu de : quand tu es jugé, on pourrait traduire : « quand tu intentes un procès » à l’homme. Tel est le sens de l’hébreu qui porte : « dans ton juger ».

C’est aussi, probablement, la pensée de la version des Septante que Paul cite ici littéralement et où le verbe doit être considéré comme ayant la forme moyenne et non passive.

Même si l’on préfère, comme nos versions françaises, y voir un passif : quand tu es jugé, quand on te met en cause, ce sens convient parfaitement à l’argumentation de l’apôtre.

En effet, dans l’objection qu’il réfute Dieu est jugé, accusé de n’être pas fidèle à son alliance avec Israël ; mais il sera reconnu juste (grec justifié), il triomphera (grec vaincra), il aura gain de cause et tout homme sera reconnu menteur (Psaumes 116.11), dans cette accusation qu’il se permet d’élever contre Dieu, comme dans l’ensemble de sa conduite contraire à la loi divine.

Le mensonge, c’est la résistance consciente à la vérité, à la volonté de Dieu, au bien moral. C’est par là que les Juifs qui n’ont pas cru ont perdu leur privilège de membres du peuple élu. La justice de Dieu sera glorifiée dans leur condamnation, de même que sa fidélité le sera en ceux qui auront part aux biens de l’alliance.

5 Mais si notre injustice établit la justice de Dieu, que dirons-nous ? Dieu est-il injuste en donnant cours à sa colère ? (Je parle à la manière des hommes).

En donnant cours à sa colère, grec en infligeant la colère.

Cette seconde objection se déduit naturellement de la réponse à la première (verset 4). En effet, si l’incrédulité de l’homme sert à manifester la fidélité et la justice de Dieu, Dieu a-t-il encore le droit de l’en punir (verset 7) ?

N’est il pas injuste quand il punit ? Paul répond au verset 6, mais auparavant il s’excuse, entre parenthèses, de poser une telle question ; la supposition que Dieu pourrait être injuste lui paraît blasphématoire ; elle froisse sa conscience délicate. En l’émettant, il parle à la manière des hommes, il exprime les pensées que suggère la raison aveugles par le péché (Matthieu 16.23 ; 1 Corinthiens 2.14).

6 Non certes ! Autrement, comment Dieu jugerait-il le monde ?

Si l’on admettait que Dieu n’a pas le droit de punir les péchés qui finissent par concourir à sa gloire, le jugement du monde deviendrait impossible, car Dieu tire continuellement le bien du mal que les hommes avaient pensé faire (Genèse 50.20), et tout pécheur pourrait alléguer comme excuse que son péché a eu finalement un bon effet et a servi à glorifier Dieu.

On pourrait répondre aussi que jamais le pécheur n’a l’intention de glorifier Dieu par ses iniquités et que c’est malgré lui que ce résultat est atteint ; que, par conséquent, sa responsabilité demeure entière.

Mais Paul voulait moins produire une réfutation en forme de l’objection énoncée au verset 5. qu’exprimer en termes énergiques les conséquences absurdes auxquelles elle aboutissait.

7 Car, si par mon mensonge la vérité de Dieu a surabondé pour sa gloire, pourquoi, moi, suis-je encore jugé comme pécheur ?

Comparer verset 4, note.

L’apôtre, se mettant au point de vue des adversaires explique et prouve (car) l’argument qu’il vient d’avancer au verset 6 : si Dieu n’a plus le droit de punir parce qu’il tire le bien du mal, le jugement du monde devient impossible, car, à ce compte-là, tout pécheur peut dire à Dieu : le fait que je suis convaincu de mensonge, d’infidélité envers toi, accroît ta gloire de Dieu véridique et fidèle ; pourquoi suis-je encore jugé comme pécheur ?

Codex Sinaiticus, A, portent : « mais si la vérité…  » Cette leçon adoptée par Tischendorf, Wescott et Hort, Nestle, présente la pensée du verset 7 comme une nouvelle objection, mais cette objection ne serait au fond que la répétition de celle du verset 5.

8 Et que n’agissons-nous comme nous en sommes calomnieusement accusés et comme quelques-uns prétendent que nous disons : Faisons le mal, afin que le bien en résulte ? La condamnation de ces gens-là est juste.

L’apôtre achève de réfuter l’objection du verset 5, en signalant une conclusion monstrueuse du principe sur lequel elle repose : on pourrait prétendre qu’il faut faire le mal pour qu’il en résulte le bien.

Et il y avait vraiment des gens qui n’hésitaient pas à prêter cette opinion à Paul et à ses disciples : (grec) comme nous sommes blasphémés et comme quelques-uns prétendent que nous disons.

D’où pouvait provenir cette calomnie contre l’apôtre et contre les gentils qu’il avait amenés à l’Évangile ?

Sans aucun doute du fait qu’ils n’observaient pas les ordonnances de la loi et qu’ils professaient la doctrine du salut gratuit, par la foi seule, sans les œuvres de la loi. Aux yeux des Juifs c’était faire le mal pour qu’il en résulte le bien.

Des affirmations comme celle de Romains 5.20 pouvaient aussi donner lieu à ce reproche ; comparez Romains 6.1.

La condamnation de ces gens-là est juste. Si l’on rapporte ces mots à ce qui précède immédiatement, il faut admettre que l’apôtre déclare juste la condamnation, soit de ceux qui le calomnient en lui prêtant un tel principe, soit de ceux qui pratiquent la maxime : faire le mal pour qu’il en résulte le bien il exprimerait ainsi la réprobation qu’elle lui inspire.

Mais il est plus probable qu’il prononce cette condamnation sur ceux qui accusent Dieu d’injustice et dont il a combattu l’objection dans versets 5-8. Cette sentence clôt ainsi naturellement son argumentation.

9 Quoi donc ? Avons-nous une supériorité ? Pas à tous égards ; car nous avons déjà accusé Juifs et Grecs d’être sous le pouvoir du péché,

L’universelle culpabilité

Paul revient à la question de la supériorité des Juifs : elle ne les empêche pas d’être dans la servitude du péché, puisque tous les hommes le sont (9).

La preuve scripturaire

L’apôtre cite une série de déclarations de l’Écriture, qui établissent que tous les hommes sont coupables, sans aucune excuse (10-18).

Le rôle de la loi

La loi, qui s’adresse d’abord aux Juifs, est destinée à établir la culpabilité du monde entier devant Dieu, car personne n’est justifié par les œuvres qu’elle prescrit ; par elle vient la connaissance du péché (19, 20).

La condamnation de tous les hommes confirmée par l’Écriture (9-20)

Avons-nous une supériorité ? par ce nous, Paul entend les Juifs et il se demande s’ils ont une supériorité sur les païens ; il répond : pas à tous égards, ou pas absolument.

D’autres traduisent : « absolument pas ».

Mais le premier sens est conforme à l’emploi que Paul fait de cette locution dans 1 Corinthiens 5.10, comparez Romains 16.12 (texte Grec) et faire dire à l’apôtre que les Juifs n’ont « absolument pas » de supériorité sur les païens, ce serait le mettre en contradiction avec des paroles dans lesquelles il a reconnu les grands avantages spirituels des Juifs (versets 1 et 2).

Il ajoute maintenant que cette supériorité n’est pas absolue, mais seulement relative, qu’elle n’existe pas à tous égards et ne s’étend pas à tous les domaines, que pour ce qui concerne le péché et le salut, les Juifs sont sur le même pied que les autres hommes.

Leurs prérogatives, provenant exclusivement de la grâce de Dieu, ne leur confèrent aucun mérite, aucune justice devant Dieu (Romains 2.13) ; bien au contraire, elles tournent à la confusion de ceux d’entre eux qui aggravent leur culpabilité en ne croyant pas (verset 3 et suivants).

Juifs et gentils sont égaux devant Dieu comme pécheurs dignes de condamnation, parce que les uns et les autres ont violé la loi divine, qu’ils connaissaient à des degrés divers (Romains 1.19-20 ; Romains 2.12-15).

D’autres interprètes donnent un sens différent au verbe que nous avons rendu par : avoir une supériorité ; ils le traduisent : « avons-nous (quelque chose) à alléguer, à faire valoir en notre faveur ? »

On objecte à cette traduction que le régime du verbe devrait être exprimé. Aussi quelques-uns voient-ils ce régime dans le quoi donc ? du commencement du verset : « qu’avons-nous donc à alléguer ? » Mais la réponse à une telle question devrait être : « rien » et non : pas à tous égards.

Nous avons déjà accusé… dans les deux grands réquisitoires de Romains 1 et Romains 2.

10 selon qu’il est écrit : Il n’y a pas de juste, pas même un seul ;

Les six sentences des versets 10-12 sont tirées de Psaumes 14.1-3.

On discute si la première : il n’y a pas de juste, pas même un seul, doit être considérée comme une citation, ou si c’est une parole de l’apôtre, que les déclarations empruntées au Psaume confirment.

En effet, le Psaume porte dans les Septante : « il n’en est pas qui pratique le bien, pas un seul ».

Paul aurait modifié ce texte et écrit : pas de juste, pas même un seul, pour résumer la pensée de tout le morceau : l’humanité privée de justice devant Dieu.

Cependant, il nous paraît plus naturel de penser que la citation commence aussitôt après la formule : selon qu’il est écrit.

Après la description générale de l’état de péché (versets 10-12), quatre sentences nous montrent cette perversité qui se manifeste par la parole (versets 13 et 14).

Les deux premières sont empruntées au Psaumes 5.10. Leur gosier est un sépulcre ouvert signifie suivant les uns que leur langage exhale une odeur malsaine de cadavre, suivant les autres qu’il est semblable à un gouffre qui demande toujours de nouvelles victimes à engloutir.

Un venin d’aspic est sous leurs lèvres, provient du Psaumes 140.4.

Enfin, verset 14 est une citation libre de Psaumes 10.7.

11 il n’y en a pas un d’intelligent ; il n’y en a pas un qui cherche Dieu ; 12 tous se sont égarés ; ils sont tous ensemble devenus inutiles ; il n’y en a pas un qui pratique le bien, non pas même un seul. 13 Leur gosier est un sépulcre ouvert ; ils ont trompé de leurs langues ; un venin d’aspic est sous leurs lèvres ; 14 leur bouche est pleine de malédiction et d’amertume ; 15 leurs pieds sont agiles pour répandre le sang ;

Les derniers traits du tableau nous présentent la méchanceté humaine en actes.

Les versets 15-17 sont une citation abrégée de Ésaïe 59.7-8, d’après les Septante.

Leurs pieds sont agiles ou prompts à répandre le sang, c’est-à-dire : ils courent le répandre, ils se hâtent vers le meurtre ou le carnage.

Ils n’ont point connu le chemin de la paix : le prophète ajoute : « Il n’y a pas de justice dans leurs voies ». C’est ce qui empêche que la paix y règne.

16 l’oppression et le malheur sont sur leurs voies ; 17 et le chemin de la paix, ils ne l’ont pas connu. 18 Il n’y a pas de crainte de Dieu devant leurs yeux.

Cette citation finale est tirée du Psaumes 36.2 ; elle se rapporte aux relations de l’homme avec Dieu et montre la source de toute la perversité humaine.

Les jugements absolus de l’écriture sur l’état moral de l’homme sont portés du point de vue de l’idéal, qui est celui de Dieu ; dans un sens relatif, il ne serait pas exact de dire que nul ne cherche Dieu, que nul ne fait le bien, etc.

19 Or, nous, savons que tout ce que dit la loi, elle le dit à ceux qui sont sous la loi, afin que toute bouche soit fermée et que le monde entier soit reconnu coupable devant Dieu ;

Le terme de loi désigne ici, comme 1 Corinthiens 14.21, l’Ancien Testament en général et se rapporte aux citations que l’apôtre vient de faire.

Les Juifs pouvaient objecter que plusieurs des paroles citées par Paul avaient été dites des païens et non du peuple de l’alliance. Paul revendique le droit de les appliquer aussi aux membres de ce peuple. Les sévères jugements de l’Ancien Testament sur les païens n’avaient pas pour but d’enorgueillir les Juifs, mais de les avertir, de leur apprendre que, si leur conduite était semblable à celle des païens, les mêmes sentences les atteindraient à plus forte raison.

On a voulu voir dans la loi, dont l’apôtre parle, la loi de la conscience, parce qu’il ajoute : afin que toute bouche soit fermée. Mais cette interprétation méconnaît :

  1. que dans toute cette argumentation il est question des Juifs et de leur supériorité sur les païens (versets 1 et 9), le compte des païens ayant déjà été réglé à Romains 1 ;
  2. que si l’apôtre emploie la périphrase : « ce que la loi dit, elle le dit à ceux qui sont sous la loi », au lieu de dire simplement : « aux Juifs », c’est qu’il fait appel au bon sens de ses lecteurs : nous savons que…

Il est évident que la loi s’adresse au peuple auquel elle a été donnée.

Quant aux mots : afin que toute bouche soit fermée, on peut les expliquer ainsi : l’Ancien Testament enseigne aux Juifs la corruption de tous les hommes, afin qu’ils se reconnaissent coupables et perdus et que, eux ayant ainsi la bouche fermée, toute bouche le soit également, à plus forte raison.

À un point de vue plus général, on pourrait se demander si ces descriptions de la corruption humaine s’appliquent également à tous les temps et à tous les individus, ou si elles ne sont vraies que des époques de grande dépravation et des hommes les plus profondément déchus.

Sans doute, il y a des degrés dans le mal, mais les plaintes douloureuses exhalées en tous temps par les serviteurs de Dieu, qui considèrent leur époque comme pire que les autres, prouvent l’universalité et la profondeur de la déchéance humaine.

Dans la nature, un fait qui se répète constamment révèle l’existence d’une loi de même, les péchés qui se produisent à toutes les époques ne sont pas dus à des circonstances accidentelles, mais ont leur source dans le cœur corrompu de l’homme.

Ce qui fait du reste que l’homme a tant de peine à se reconnaître coupable devant Dieu et à se sentir perdu, c’est qu’il se juge selon d’autres mesures que celles de la sainteté et de la perfection de Dieu qui se reflètent dans la loi ; de là le soin que prend l’apôtre de rappeler cette mesure absolue.

20 attendu que, par les œuvres de la loi, nul homme ne sera justifié devant lui, car c’est par la loi que vient la connaissance du péché.

Grec : Nulle chair ne sera justifiée…

Cette parole est tirée du Psaumes 143.2, avec substitution de nulle chair à « nul homme vivant ». Elle indique la raison pour laquelle la loi ferme toute bouche et constitue tous les hommes coupables devant Dieu.

La conjonction qui l’introduit signifie : attendu que et non : « c’est pourquoi ; » nous n’avons donc pas ici la conclusion de ce qui précède, mais un dernier argument pour réduire au silence les Juifs, qui prétendaient avoir dans la loi et dans les œuvres qu’elle prescrit un moyen d’acquérir des mérites aux yeux de Dieu.

Par les œuvres de la loi personne ne sera justifié. Certains interprètes entendent, par ces œuvres, les cérémonies prescrites par la loi (circoncision, sacrifices, etc.), dont l’accomplissement ponctuel ne saurait être allégué par les Juifs comme un moyen de justification.

Mais cette distinction entre ordonnances rituelles et préceptes moraux, les Juifs eux-mêmes ne la faisaient pas et quand Paul parle de la loi, il entend la loi tout entière ; et les œuvres de la loi, ce sont tous les efforts que l’homme irrégénéré peut faire en cherchant à accomplir la loi par ses propres forces et à être ainsi justifié devant Dieu, que ces efforts aient pour objet des actions morales ou des observances rituelles.

Ces œuvres ne peuvent le justifier, non parce que la loi elle-même est imparfaite, mais parce qu’il n’arrive pas à réaliser l’idéal moral qu’elle lui présente et parce que ses efforts pour y tendre, n’étant pas inspirés par le pur amour de Dieu, ne font que développer en lui l’orgueil et la propre justice Notre passage suffirait à prouver que telle est bien la pensée de l’apôtre : il ne peut évidemment parler que de la loi morale, puisqu’il l’oppose à la corruption morale qu’il a décrite dans ce qui précède.

La dernière proposition du verset indique la raison pour laquelle la loi ne procure à personne la justice et dissipe l’étonnement que peut causer cette affirmation absolue. Dieu n’a pas donné la loi à l’homme comme un moyen de s’élever à la vraie justice, dans l’intention divine, la loi est uniquement destinée à lui donner une exacte et complète connaissance du péché, connaissance fondée sur l’expérience personnelle.

Ce but est atteint chez ceux qui s’appliquent consciencieusement à pratiquer la loi dans toute son élévation (Romains 7.7, note).

21 Mais maintenant, c’est sans la loi que la justice de Dieu a été manifestée, la loi et les prophètes lui rendant témoignage,

La justice par la foi en Christ, sa destination universelle

Maintenant, sans nulle participation de la loi, mais confirmée par la loi et les prophètes, la vraie justice, donnée par Dieu, a été révélée : elle est offerte à tous ceux qui croient en Jésus-Christ (21, 22a)

La justification gratuite au moyen de la rédemption accomplie par la mort de Jésus-Christ

Tous, en effet, sans distinction, étant pécheurs et privés de la gloire de Dieu, sont justifiés, sans l’avoir mérité, par la grâce de Dieu, étant rachetés en Jésus-Christ, que Dieu a établi, dans sa mort sanglante, comme un moyen de propitiation pour ceux qui ont la foi, parce qu’il voulait démontrer sa justice, après avoir laissé les péchés impunis au temps de sa patience et être juste tout en justifiant ceux qui croient en Jésus (22b-26)

La justification par la foi en Jésus-Christ, son fondement historique, son accord avec la rédemption de l’Ancien Testament, son pouvoir d’assurer le salut final. 3.21 à 5.11

Versets 21 à 26 — La mort rédemptrice par la foi en Jésus-Christ, nouveau moyen de salut gratuitement offert à tous ceux qui croient

Maintenant, sous la nouvelle Alliance et par la prédication de l’Évangile (Romains 1.16-17).

Le temps présent est opposé au passé (comparez versets 25 et 26), où ne se manifestait pour les païens (Romains 1.18-32) et pour les Juifs (Romains 2.1-3.8) que la colère de Dieu, provoquée par la corruption universelle (versets 9-20).

D’autres prennent le maintenant au sens logique : la situation étant telle qu’elle vient d’être exposée (verset 20). Dans ce seul mot s’exprime un profond sentiment de délivrance et de joie.

Sans la loi, indépendamment de cette loi par laquelle vient la connaissance du péché (verset 20) sans qu’elle ait un rôle quelconque à jouer dans l’acquisition de la justice de Dieu, car celle-ci ne consiste pas dans l’accomplissement des œuvres prescrites par la loi.

La justice de Dieu, c’est la justice que Dieu confère à l’homme le déclarant juste en vertu de sa foi en Jésus-Christ.

Comparer Romains 1.17, note. Dans ce dernier passage, Paul dit que la justice de Dieu « est révélée » (verbe au présent), parce qu’il pense au fait actuel de la prédication de l’Évangile dans le monde. Ici, il dit que cette justice a été manifestée (verbe au parfait : elle l’a été et le reste), parce qu’il fait allusion au sacrifice de Jésus et à toute la mission du Sauveur, qui est accomplie une fois pour toutes, mais dont les effets demeurent.

Bien que manifestée sans la loi, cette justice nouvelle est si peu en contradiction avec la loi qu’elle (grec) a le témoignage que la loi et les prophètes lui rendent depuis des siècles et qu’elle se trouve en parfaite harmonie avec toute l’économie de l’ancienne alliance.

C’est ce que l’apôtre prouvera par des exemples frappants à Romains 4 et par de nombreuses citations tirées des prophètes (Romains 9.15-25 et suivants ; Romains 10.20 ; Romains 11.26-27).

22 la justice de Dieu, par la foi en Jésus-Christ, pour tous ceux et sur tous ceux qui croient. En effet, il n’y a point de différence,

Marcion et B omettent Jésus devant Christ.

Les mots : et sur tous ceux, manquent dans Codex Sinaiticus, B, A, C, etc. Tous les critiques, sauf Weiss, les retranchent, mais il est plus vraisemblable qu’ils aient été omis par accident qu’ajoutés à dessein : le premier complément n’avait pas besoin d’être expliqué et la présence du deuxième complément rend l’interprétation plus difficile.

On peut considérer les deux prépositions « pour tous ceux et sur tous ceux qui croient », soit comme des synonymes destinés à donner par la répétition plus de force à la pensée ; soit comme formant une gradation : « semblable à un fleuve de vie, la grâce divine s’étend à tous ceux et déborde sur tous ceux qui croient » (Olshausen), ou encore : « cette justice de Dieu, il l’envoie pour toi, afin que tu y croies ; et elle repose sur toi, dès que tu crois » (Godet).

Quelques interprètes mettent une virgule après le premier terme : « pour tous et sur tous ceux qui croient ; » la première préposition marquerait la destination universelle, dans l’intention de Dieu, de la justice manifestée en Christ : elle est offerte à tous les hommes, elle est suffisante pour tous ; la seconde préposition indiquerait l’application effective de cette justice aux croyants : elle repose sur tous ceux qui croient.

On peut objecter à cette explication que la foi est une condition indispensable du salut et que, la justice de Dieu ne pouvant être destinée qu’à ceux qui croient, ce complément était déjà sous-entendu, dans la pensée de l’apôtre, après la première préposition.

La foi en Jésus-Christ naît de la contemplation de Jésus-Christ, en qui Dieu nous révèle sa justice : nous voyons que Jésus veut et peut nous rendre justes et nous mettons en lui notre confiance.

Cette foi devient notre justice, parce qu’elle embrasse Christ et nous procure ainsi tout ce que Christ possède lui-même.

Point de différence, ni entre Juifs et païens, ni entre les hommes quels qu’ils soient, parce que tous sont pécheurs (verset 23) et dépourvus en eux-mêmes de tout moyen de salut. Et comme il n’y a point de différence quant au péché il n’y en a pas non plus quant au moyen de justification (verset 24).

23 car tous ont péché et sont privés de la gloire de Dieu,

La gloire de Dieu, ce n’est pas seulement la gloire que Dieu donne ou, comme le veut Calvin, la gloire de l’homme devant Dieu, devant son tribunal.

C’est bien la gloire qui appartient en propre à Dieu et que Dieu communique à l’homme. Plusieurs pensent à la gloire que Dieu a donnée à l’homme en le créant à son image (1 Corinthiens 11.7) et dont l’homme a été privé par la chute.

Mais le verbe au présent : sont privés, fait penser plutôt à la ressemblance avec Dieu que l’homme pourrait avoir actuellement s’il vivait dans une relation filiale avec son Père céleste, à l’éclat dont brillerait sa vie morale, s’il se montrait par son obéissance et sa sainteté un fils de Dieu (2 Corinthiens 3.18 ; Éphésiens 4.24).

Privé de la gloire de Dieu, l’homme à la place de Dieu, ne cherche plus que sa propre gloire et celle qui lui vient des créatures semblables à lui (Jean 5.44 ; Jean 12.43).

Remarque bien ce que dit l’apôtre : tous ont péché et sont privés de la gloire de Dieu ! C’est là le point capital de cette épître et de toute l’Écriture ; c’est dire que tout ce qui n’est pas purifié par le sang de Christ et justifié par la foi est péché. Embrasse ce texte car c’est ici que vient périr le mérite des œuvres et toute la gloire de l’homme pour qu’à Dieu seul soit la grâce et la gloire.
— Luther
24 étant justifiés gratuitement par sa grâce, au moyen de la rédemption qui est en Jésus-Christ,

Paul aborde avec ce verset l’exposé du grand fait de la rédemption en Jésus-Christ, qui est le moyen de notre justification.

Mais ce fait, il l’énonce dans une proposition subordonnée, introduite par un simple participe : étant justifiés gratuitement par sa grâce…

Quelques-uns voient dans cette proposition participiale le commencement d’une nouvelle phrase, dont la proposition principale se trouverait au verset 27 « puisqu’ils sont justifiés gratuitement… où donc est le sujet de se glorifier ? »

Mais il est peu probable que Paul eût déjà dans l’esprit la question du verset 27, au moment où il commençait à décrire l’œuvre de Dieu en Christ et toute l’attitude de Dieu envers les pécheurs dans le passé et dans le présent.

La proposition participiale : étant justifiés… doit donc être rattachée à ce qui précède.

Paul introduit d’une manière inattendue, comme une dernière preuve de la perdition de tous les hommes, de leur égalité dans la condamnation et dans le moyen de leur justification (verset 23), le fait qu’ils sont justifiés par la pure grâce de Dieu.

L’importance que l’apôtre met à affirmer la parfaite gratuité du salut est telle, qu’il accumule des termes synonymes, sans crainte du pléonasme. Le croyant est justifié gratuitement, par la grâce de Dieu, sans que rien soit requis de lui pour mériter son salut à un litre quelconque.

Au moyen de la rédemption qui est en Jésus-Christ, tout a été accompli. Quiconque se l’approprie par la foi, est au bénéfice de cette œuvre. En effet, pour que l’homme condamné par la loi, obtienne une justice digne de Dieu (Romains 1.17, note), cette justice doit lui venir de Dieu même et lui être donnée gratuitement.

Quelle est la condition imaginable, digne de la sainteté de Dieu, que l’homme puisse remplir ? Il n’en est aucune, car il s’agit pour lui de voir sa condamnation abolie et remplacée par une justice capable de supporter les regards de Dieu. Or cela est aussi impossible à l’homme qu’il lui serait impossible de créer un monde.

Mais l’acte souverain de grâce par lequel Dieu justifie le pécheur, c’est-à-dire le déclare juste, ne demeure pas en dehors de l’homme, comme s’il s’accomplissait uniquement dans le jugement de Dieu, sans que celui qui en est l’objet en éprouve aucun effet dans sa vie morale.

Le pécheur s’approprie la justice de Dieu par la foi (versets 22, 25, 26, 28, 30) ; elle lui devient personnelle. L’acte de grâce qui le justifie, le transfère dans un rapport intime, vivant et tout nouveau avec Dieu. Ainsi s’opère la « réconciliation » de l’homme avec Dieu (Romains 5.10 ; 2 Corinthiens 5.19-20 ; Colossiens 1.19-22).

Devenu un avec Christ, qui s’est mis à sa place et a souffert pour lui la peine qu’il avait méritée, le pécheur, à son tour, est admis, par sa foi, à prendre la place de Christ lui-même ; il devient « enfant de Dieu, fils de Dieu, héritier de Dieu et cohéritier de Christ. » (Romains 8.14-17). Il jouit avec bonheur de la grâce et de l’amour de son père.

Ainsi commence pour lui une vie intime et sainte, émanant de la justice qui lui a été d’abord gratuitement donnée car il importe de faire cette distinction : la justification, dont Paul parle ici, n’est point encore cette communication de justice, cet affranchissement graduel du péché, qui est la sanctification.

Cette réalisation intérieure de la justice est la conséquence, le fruit de l’acte de grâce par lequel Dieu justifie gratuitement le pécheur. Elle produit des œuvres impossibles à la loi ; elle est elle-même l’œuvre par excellence mais elle reste toujours imparfaite ici-bas, toujours entachée de péché ; elle ne peut donc devenir le moyen de notre justification devant Dieu ni nous donner l’assurance que nous sommes ses enfants.

Rédemption signifie rachat, action de racheter. Dans le mot grec est exprimée l’idée de rançon. On se servait de ce terme pour désigner le rachat d’esclaves ou de prisonniers de guerre au moyen d’une rançon convenue.

Paul indique au verset suivant quelle est la rançon qui a été payée pour nous et qui n’est rien moins que le sang de Christ (verset 25 ; comparer : Matthieu 20.28 ; Éphésiens 1.7 ; 1 Timothée 2.6). Cette rançon ne peut avoir été payée qu’à Celui « devant qui le monde entier est reconnu coupable » (verset 19).

25 que Dieu a exposé comme un moyen de propitiation par la foi, dans son sang, pour la démonstration de sa justice, parce qu’il avait laissé impunis les péchés commis auparavant,

Notre justification nous est acquise gratuitement, mais elle a nécessité une œuvre considérable, dont Dieu est l’auteur et que l’apôtre décrit dans ce verset.

Dieu a exposé publiquement (d’autres donnent à ce verbe le sens qu’il a dans Éphésiens 1.9 et le rendent par : « avait établi à l’avance », prédestiné par un décret éternel de sa providence) Jésus-Christ comme moyen de propitiation.

Le terme grec que nous traduisons par moyen de propitiation est un adjectif neutre s’appliquant à tout ce qui sert à rendre propice, à apaiser la divinité irritée : offrande, victime, sacrifice. Il convient de lui laisser son sens indéterminé.

Plusieurs interprètes, anciens et modernes, Origène, Luther, Calvin, Olshausen, Tholuck, Ritschl, Schlatter, etc., pensent que Paul désigne par ce mot le propitiatoire, la table d’or qui servait de couvercle à l’arche de l’alliance.

Elle est appelée en hébreu « kaporeth », c’est-à-dire « couvercle de propitiation », parce qu’elle « recouvrait » la loi accusatrice et recevait le sang des victimes au grand jour des expiations, où le souverain sacrificateur pénétrait dans le lieu très saint.

Dans la version grecque des Septante, dont Paul se servait, elle est désignée par le mot même que nous trouvons dans notre texte (Exode 20.17 et suivants ; Lévitique 16.14 et suivants ; Hébreux 9.7-9 ; Hébreux 9.11-12).

Dieu aurait exposé Christ (ou l’aurait « établi à l’avance ») comme un tel propitiatoire ; ou plutôt, pour être la réalité de ce que le propitiatoire de l’arche figurait seulement.

Mais il est peu probable qu’en appliquant le terme de propitiatoire à Jésus-Christ, Paul ait pensé au couvercle de l’arche.

  1. S’il avait voulu désigner cet objet déterminé, connu et unique, il aurait employé l’article devant propitiatoire ;
  2. l’épître aux Romains ne se meut pas comme l’épître aux Hébreux sur le terrain du symbolisme lévitique ; et si cette comparaison avait été familière à Paul, on la retrouverait ailleurs dans ses épîtres ;
  3. il est étrange de comparer Jésus-Christ avec le couvercle de l’arche, d’autant plus que ce n’est pas le couvercle de l’arche, mais uniquement le sang répandu sur lui qui est censé « couvrir » les péchés.

Nous ne pensons pas non plus qu’il faille sous-entendre le substantif « victime » avec l’adjectif propitiatoire ; il vaut mieux prendre ce mot dans le sens général et indéterminé de moyen de propitiation. Comparer sur l’idée de propitiation 1 Jean 2.2, note et sur celle de la réconciliation avec Dieu, 2 Corinthiens 5.19-21, notes.

L’apôtre ajoute deux compléments pour indiquer comment Jésus-Christ est moyen de propitiation : par la foi, dans son sang.

Les uns unissent les deux compléments : « par la foi en son sang », le sang est l’objet de la foi, c’est au sang de Christ à son sacrifice, à sa mort expiatoire que la foi s’attache, c’est là le fondement sur lequel elle s’appuie.

D’autres interprètes pensent que cette expression : « la foi en son sang », n’est pas conforme au langage de Paul, qui présente toujours Jésus-Christ lui-même comme l’objet de la foi. Ils estiment aussi que, dans ce verset où l’apôtre expose l’œuvre accomplie en Christ pour nous, c’eût été trop insister sur la foi, condition subjective du salut, que de mentionner encore l’objet de cette foi. Pour ces raisons, ils rapportent les mots : en son sang, soit à moyen de propitiation : il est un moyen de propitiation par son sang, soit au verbe : Dieu l’a exposé dans son sang, dans sa mort sanglante sur la croix.

Paul enseigne donc clairement que le sens et le but de la mort de Christ, c’est d’expier, de couvrir le péché. L’idée du pardon divin est souvent exprimée dans l’Ancien Testament par le mot « couvrir » le péché. Cette image provient des sacrifices, dans lesquels le sang des victimes était censé couvrir les péchés, les voiler aux regards de Dieu (Psaumes 32.1 ; Psaumes 65.4 ; Psaumes 78.38 ; Psaumes 79.8-9 ; Jérémie 18.23, etc.).

Mais l’apôtre ajoute aussitôt : par la foi, afin que le pécheur, objet de cette immense miséricorde, comprenne bien que l’œuvre rédemptrice ne doit pas rester en dehors de lui ni lui-même rester étranger à cette œuvre (comparez versets 22 et 24, notes).

Ainsi la voie du salut, enseignée dans ces versets est renfermée tout entière dans ces trois termes :

  1. la grâce éternelle et gratuite de Dieu, qui est l’unique cause du salut ;
  2. Christ, que Dieu a exposé dans son sang comme moyen de propitiation et qui est le fondement objectif de ce salut ;
  3. la foi, qui en est la condition subjective, car c’est par elle que l’homme s’approprie personnellement le salut.
26 durant le temps de la patience de Dieu, pour cette démonstration de sa justice dans le temps présent, afin qu’il soit juste et justifiant celui qui est de la foi en Jésus.

Pour la démonstration de sa justice ; cette expression, deux fois répétée (versets 25 et 26), indique le but du sacrifice du Sauveur ; Dieu a exposé son Fils comme moyen de propitiation pour démontrer sa justice.

Par la justice de Dieu, il ne faut pas entendre ici, comme au verset 21, la justification que Dieu accorde gratuitement au pécheur.

Si telle était sa pensée, Paul parlerait de « révélation » ou de « manifestation » et non de démonstration de la justice de Dieu. Ce sens ne s’accorderait du reste pas avec le contexte : « parce qu’il avait laissé impunis les péchés…  »

La justice est, ici comme au verset 5, l’attribut de Dieu, inséparable de sa sainteté, qui l’oblige à prendre une attitude négative à l’égard du péché, à le punir en frappant le pécheur, ou à le « couvrir » en établissant un moyen de propitiation par lequel sa réprobation du mal éclate aux yeux de tous.

La justice divine devait être démontrée à la conscience humaine par la croix de Jésus-Christ.

Deux circonstances, en effet, pouvaient faire douter de la réalité de la justice de Dieu : dans le passé, le fait qu’il avait laissé impunis les péchés commis auparavant (verset 25), dans le présent, le fait qu’il justifie gratuitement ceux qui croient. Dans le passé, la (grec) non punition des péchés commis auparavant durant le temps de la patience de Dieu. Dieu avait laissé impunis (grec laissé de côté) les péchés dans les temps qui avaient précédé la venue de Christ et que Paul appelle le temps de la patience de Dieu.

Cette affirmation semble en contradiction avec le tableau que Paul a tracé de « la colère de Dieu, qui se révèle du ciel contre toute impiété et injustice des hommes » (Romains 1.18 et suivants).

En fait, une somme effroyable de souffrances, conséquence du péché, avait pesé lourdement sur l’humanité. Mais ces souffrances n’étaient point un châtiment équivalent au péché, elles étaient d’ailleurs inégalement réparties ; elles n’étaient pas proportionnées aux fautes commises par chaque pécheur. Aussi les hommes n’avaient-ils pas su, en général, voir dans leurs souffrances la punition de leurs fautes.

De plus, quand Paul parle du temps de la patience de Dieu, il considère moins les individus que les peuples et l’humanité : comme Dieu avait usé de patience envers Israël, malgré ses rébellions et son incrédulité, il avait de même usé de patience envers l’humanité dans son ensemble, en ne la laissant pas rentrer dans le néant après sa révolte (Actes 17.30).

Cette attitude tolérante de Dieu avait eu pour effet de voiler sa justice, de pousser les hommes à la méconnaître, à la nier. Une démonstration éclatante de cette justice était nécessaire pour réveiller la conscience des pécheurs.

Et dans le temps présent, si Dieu justifie gratuitement celui qui est de la foi en Jésus (ce complément : en Jésus manque dans quelques documents, mais il est certainement authentique), il ne paraît plus comme celui qui est juste, qui maintient l’ordre moral, qui récompense les bons et punit les méchants.

Ici également, la justice de Dieu a besoin d’être démontrée, pour ne pas courir le risque d’être révoquée en doute et pour que le croyant lui-même puisse se convaincre que le pardon qui lui est accordé n’est pas au détriment de la justice de Dieu ; en d’autres termes, que ce pardon n’est pas une illusion. Or, par la mort expiatoire de Jésus-Christ, la justice de Dieu est démontrée.

L’apôtre ne dit pas qu’elle est « satisfaite », car il n’enseigne pas que, en mourant, Christ ait subi une peine équivalente à la somme des péchés que Dieu devait punir. Mais, dans la mort de son fils, Dieu a suffisamment montré son horreur du péché et la sévérité avec laquelle il le juge ; il a vivement représenté à l’homme le châtiment qu’il avait mérité.

En contemplant la croix, sur laquelle Christ a donné sa vie pour nous, nous apprenons à connaître l’étendue de notre faute, mais nous recevons aussi l’assurance que le pardon de nos péchés, quels qu’ils soient, est une chose possible et certaine.

La rédemption en Jésus-Christ a été, comme le dit Tholuck, « la divine théodicée dans l’histoire ».

27 Où est donc le sujet de se glorifier ? Il a été exclu. Par quelle loi ? Celle des œuvres ? Non pas, mais par la loi de la foi.

Il ôte au pécheur tout sujet de se glorifier, ce qui était le but de la loi

C’est par la loi de la foi, non par celle des œuvres, que toute glorification de l’homme est exclue ; donc l’homme est justifié par la foi et non par les œuvres (27, 28)

Étant le même pour gentils et Juifs, il établit l’unité de Dieu, principe fondamental de la loi

Si le salut dépendait des œuvres de la loi, Dieu serait seulement le Dieu des Juifs. Mais il l’est aussi des gentils, puisque c’est un seul et même Dieu qui, par la foi, justifie circoncis et incirconcis (29, 30)

Conclusion

Loin d’annuler la loi par la foi, nous la confirmons (31)

Le nouveau moyen de salut, la justification par la foi, est d’accord avec la loi (27-31)

Grec : est donc la glorification de l’homme.

Le terme de l’original indique moins le sujet de se glorifier que l’acte même de se glorifier, c’est-à-dire l’orgueilleuse vanterie de la propre justice (Romains 2.17 ; Romains 2.23).

Où est-elle ? La prémisse sous-entendue de cette triomphante conclusion est impliquée dans la déclaration du verset 23, qui résumait l’argumentation du morceau précédent : « Tous ont péché et sont privés de la gloire de Dieu ».

Le seul vrai moyen de justification est donc celui qui exclut tout mérite humain. Or l’accomplissement des œuvres de la loi a pour effet d’exciter l’orgueil et de porter l’homme à se glorifier. Par elle-même et par sa destination primitive, la loi de l’ancienne alliance, la loi des œuvres, devait avoir un effet tout contraire.

Elle avait été donnée à l’homme, non pour qu’il s’en fît un piédestal, mais pour le convaincre de péché et lui faire sentir son impuissance, en sorte qu’il « eût la bouche fermée ». Paul a montré (versets 9-20) que tel était le but de la loi.

Mais ce but la loi des œuvres n’a pu l’atteindre ; il n’est atteint que par le nouveau moyen de salut, la rédemption gratuite, la loi de la foi.

Il en résulte qu’il n’y a pas opposition entre la loi des œuvres et la loi de la foi. Les deux tendent au même but : exclure toute glorification.

La seule différence entre elles est que l’une atteint ce but, vainement poursuivi par l’autre.

Or, arracher du cœur de l’homme cette racine de tout péché, ce n’est pas le moindre bienfait de la loi de la foi ; elle rend le chrétien humble, tout en lui donnant l’assurance de son salut et en lui ouvrant la source de la sainteté.

Quelle est la loi de la foi ? Le salut par grâce. C’est en cela que l’apôtre proclame la puissance de Dieu, que non seulement il sauve le pécheur, mais le rend juste sans œuvres et l’amène à se glorifier en Dieu, en n’exigeant de lui que la foi.
— Chrysostome

Cette expression : la loi de la foi est semblable à celles-ci : « la loi de l’Esprit de vie » (Romains 8.2) « être sous la loi de Christ » (1 Corinthiens 9.21) par elle l’apôtre fait pressentir, ce qu’il déclarera au verset 31, que la foi implique la loi, non seulement en ce sens que la justification par la foi est une institution de Dieu tout aussi bien que la loi de Moïse, mais parce que, conformément à l’expérience que fait le croyant justifié par la foi, la vie de la foi, la vie en Christ est soumise elle aussi à une loi, que l’on ne peut violer impunément.

La loi de la foi prescrit au chrétien de garder toujours une attitude réceptive, d’attendre de la grâce de Dieu non seulement le pardon de ses péchés et la justification, mais l’affranchissement graduel du péché, la sanctification, les lumières et les forces dont il a besoin pour servir Dieu.

Tout cela est en un sens le don de Dieu, que le croyant doit accepter humblement pour obéir à la loi de la foi. Ainsi la loi de la foi exclut chez celui qui l’observe tout sujet de se glorifier.

28 Nous estimons donc que l’homme est justifié par la foi, sans les œuvres de la loi.

Cette conclusion (donc) correspond à la pensée exprimée au verset 20 et n’est pas moins absolue.

Si l’une est désespérante pour l’homme, l’autre le relève et le remplit de consolation et de joie.

Les deux moyens de salut : les œuvres de la loi et la foi qui justifie, s’excluent absolument ; il faut choisir.

Vouloir les unir est une contradiction à la fois logique et morale.

Codex Sinaiticus, A, D, Itala ont car, au lieu de donc.

Il est préférable de voir dans la déclaration de ce verset une conclusion que les pensées suivantes (versets 29 et 30) confirment.

29 Ou bien Dieu est-il seulement le Dieu des Juifs ? N’est-il pas aussi le Dieu des gentils ? Oui, il l’est aussi des gentils ;

À l’appui du nouveau moyen de salut, Paul avance, comme seconde preuve, un argument négatif, qu’il introduit par ou bien : si non, si l’affirmation précédente n’était pas fondée, si l’on soutenait le contraire…

Le salut par la foi s’impose, s’il est vrai qu’il n’y a qu’un seul Dieu, qui n’est pas seulement le Dieu des Juifs, mais le Dieu de tous les hommes.

Les païens, en effet, ne pouvant avoir la prétention d’arriver à la justification par les œuvres de la loi mosaïque, qu’ils ne connaissent pas, il en résulterait, si le salut dépendait de ces œuvres, que Dieu serait seulement le Dieu des Juifs ; il n’aurait manifesté les desseins de sa miséricorde qu’à ce peuple, à l’exclusion de tous les Gentils, qui n’avaient pas reçu la loi.

Or l’apôtre, avec les prophètes et tout l’Ancien Testament, affirme le contraire : Dieu est le Dieu de tous les hommes. Dans son éternel amour, il a trouvé un moyen de salut accessible à tous et il les unit tous par un même lien spirituel.

En glorifiant ainsi la miséricorde de Dieu, l’apôtre donne, dans ces versets 29 et 30 un argument frappant à l’appui de son affirmation : l’homme est justifié par la foi, sans les œuvres de la loi (verset 28).

30 puisque, en effet, il y a un seul Dieu, qui justifiera les circoncis par la foi et les incirconcis au moyen de la foi.

Puisque, en effet, est la leçon de D, majuscules

Codex Sinaiticus, B, A, C portent : si vraiment.

Par la foi… au moyen de la foi, l’apôtre emploie deux prépositions différentes, dont on peut rendre la nuance en paraphrasant : « il tirera de la foi la justification de (grec) la circoncision et opérera par la foi celle de (grec) l’incirconcision ».

Pour les circoncis, la foi est le principe de leur justification, pour les incirconcis le moyen.

Calvin voit dans ce changement de préposition une ironie : « Qui ne voudra se passer d’une différence entre Juifs et païens, eh bien ! je lui en baillerai une, c’est que le premier obtient justice de la foi, le second par la foi ».

La plupart expliquent le changement de préposition par le désir de varier le style.

31 Annulons-nous donc la loi par la foi ? Non certes ! Au contraire, nous établissons la loi.

Ce verset clôt l’argumentation développée dans versets 27-30 : la justification par la foi est attestée par la loi et les prophètes (comparez verset 21), car

  1. en ôtant à l’homme tout sujet de se glorifier, elle est conforme à la condamnation absolue que la loi prononce sur tout homme (versets 27 et 28) ;
  2. en excluant la justification par les œuvres, qui n’est en aucun cas à la portée des gentils, elle montre qu’il n’y a qu’un seul et même Dieu pour Juifs et gentils et confirme ainsi l’unité de Dieu que proclame toute la loi (versets 29 et 30).

Après cette double démonstration, l’apôtre peut conclure en réponse à ses adversaires, Juifs ou judéo-chrétiens, qui l’accusaient d’annuler la loi par la foi : Au contraire nous établissons la loi, littéralement. « nous la faisons tenir debout, nous la confirmons », en enseignant un moyen de justification qui est d’accord avec ses principes essentiels : la complète indignité de l’homme et l’unité de Dieu.