Verset à verset Double colonne
1 Malheur à la rebelle et à la souillée, à la ville d’oppression !Dans ces versets, le prophète s’adresse de nouveau à Jérusalem, pour lui faire comprendre les conséquences que vont avoir pour elle ses péchés. Le jugement de l’Éternel est le seul moyen d’amener le salut d’Israël.
Le prophète passe brusquement de Ninive à Jérusalem, comme au chapitre 1, dans la transition du verset 3 au verset 4.
Malheur à la rebelle. Le mot hébreu traduit par rebelle est moréa ; on a pensé qu’il y avait là un jeu de mots intentionnel avec Morija, le nom de la colline sur laquelle était bâti le temple ; dans ce cas, le prophète voudrait faire ressortir le contraste entre les grâces promises autrefois à la ville sainte et les tristes réalités de son état actuel.
Ville d’oppression. Comparez Jérémie 7.6 ; Jérémie 22.3.
N’a écouté… Ce verset montre en quoi a consisté la faute du gros de la population : pas d’obéissance, ni d’humiliation, ni de confiance. Les versets suivants caractérisent le péché de ses chefs politiques et religieux.
Les chefs politiques : princes et juges.
Des lions rugissants : comparaison souvent employée quand il s’agit des crimes des grands, Proverbes 28.15 ; comparez Michée 3.1-3.
Les juges, à cause de leur âpreté au gain inique, sont comparés à des loups du soir. Ces animaux accomplissent leur œuvre d’extermination dès que la nuit est venue, comparez Habakuk 1.8 ; leur gloutonnerie est si grande qu’ils ne réservent rien pour le matin.
Les chefs religieux : prophètes et sacrificateurs.
Des fanfarons, des imposteurs : ils se présentent impudemment comme envoyés de Dieu, alors qu’ils ne le sont pas et prophétisent selon leur propre cœur ; Ézéchiel 13.2.
Profané les choses saintes : en négligeant les rites ou en les accomplissant sans sérieux.
Fait violence à la loi : en ne respectant pas la différence établie par elle entre ce qui est pur et impur. Ce passage est reproduit et expliqué par Ézéchiel 22.26.
À ce débordement d’abominations, le prophète oppose la parfaite sainteté de l’Éternel qui a fixé sa demeure au milieu de son peuple.
Il produit son décret à la lumière… par le moyen des révélations continuelles qu’il accorde aux prophètes. Le peuple rebelle est donc inexcusable ; car ce n’est pas par ignorance qu’il pèche contre Dieu.
Chaque matin : comparez Jérémie 7.13 ; Jérémie 11.7, etc.
Le parallélisme poétique des propositions, dans ce verset, trahit la vivacité du sentiment.
J’ai exterminé : le prophète ne se borne pas à représenter à Juda l’image de la sainteté divine (verset 5) ; il lui rappelle encore les punitions infligées par l’Éternel aux anciennes nations idolâtres qui habitaient Canaan et auxquelles avait été substitué Israël.
Leurs tours : littéralement leurs angles ; les tours occupent les angles des murs.
Au moins tu me craindras. De tels bienfaits semblaient devoir assurer à l’Éternel la reconnaissance de son peuple.
Plus empressés : littéralement : ils se sont levés de bonne heure pour… (comparez Ésaïe 5.11) ; voilà leur réponse à l’empressement que Dieu avait mis à les avertir chaque matin (verset 5). Aussi Dieu se lèvera-t-il à son tour pour le châtiment (verset 8).
Attendez-moi. Cette attente pourrait être celle du jugement ; dans ce cas, cette parole serait une menace. Mais le verbe hébreu est ordinairement employé pour désigner l’attente de la foi (Psaumes 33.20 ; Ésaïe 64.3) ; et ce sens n’est pas impossible ici. L’Éternel invite les fidèles à persévérer dans la foi pendant que le jugement s’exercera, jusqu’au jour où se lèvera le salut (verset 9). Le jugement ne menace pas seulement Juda, mais toutes les nations. Ces paroles ont d’ailleurs une portée plus lointaine que 1.2-3. Le jugement qu’elles décrivent est celui qui préparera les derniers temps où, après avoir passé par un châtiment sévère, les nations arriveront à la connaissance du Dieu d’Israël. Ce n’est donc pas un jour d’anéantissement, mais un jour d’épuration des peuples, qu’annonce le prophète.
Pour le butin : Dieu est représenté comme un vainqueur pillant ses ennemis. On a appliqué quelquefois ce terme de butin aux élus que Dieu tirerait des nations châtiées pour être sa propriété, ses adorateurs.
Par le feu de ma jalousie. Comparez 1.18.
Ce morceau indique le but et décrit le fruit admirable du jugement : les confesseurs du nom de l’Éternel d’entre les Gentils lui apportent leurs offrandes (versets 9 et 10) ; les restes sauvés d’Israël se confient humblement en l’Éternel, n’ont plus d’ennemis à redouter et sont glorifiés.
Car… La transition entre les versets 8 et 9 était déjà annoncée dans le Attendez-moi du commencement du verset 8 ; elle consiste dans cette pensée sous-entendue que les fidèles d’Israël deviendront les instruments de la conversion des peuples païens.
Alors : après le retranchement de tous les éléments hostiles à Dieu.
Des lèvres pures. Les lèvres de ces peuples avaient été souillées par les noms des faux dieux qu’ils invoquaient (Osée 2.19) ; maintenant leurs cœurs transformés transforment leur langage et leur culte. D’après Jérôme, les Juifs avaient conclu de ces paroles que tous les peuples en viendraient à ne plus parler qu’une seule langue, comme au commencement et que cette langue serait l’hébreu.
D’un commun accord : littéralement : d’une même épaule ; image d’hommes qui, portant ensemble un même fardeau, marchent aussi d’un même pas.
Cette purification des lèvres s’opère, jusqu’à cette heure, par l’œuvre missionnaire de l’Église. Ces hommes qui marchent ensemble sont les païens et les Juifs convertis, réunis dans le règne de Dieu comme dans une même patrie spirituelle.
Après avoir commencé par montrer les conséquences salutaires du jugement parmi les nations, le prophète finit par Juda, dont la situation sera aussi changée en tous ses détails.
Mes enfants dispersés : littéralement : la fille de mes dispersés. La multitude des dispersés est personnifiée, comme dans l’expression la fille de Sion, sous l’image d’une jeune fille ; comparez Ésaïe 1.8, note.
On a traduit quelquefois : D’au-delà des fleuves de Cus, on m’apportera mes adorateurs, mes enfants dispersés, comme une offrande… en expliquant cette parole d’après celle d’Ésaïe 60.4 : les nations les plus éloignées manifestant leur zèle pour l’Éternel en lui ramenant ses anciens adorateurs, les membres dispersés du peuple élu. Mais il paraît plus naturel, d’après le texte, d’appliquer l’idée d’apporter des offrandes aux dispersés eux-mêmes. Cette prophétie nous transporte au même moment que celle de saint Paul, Romains 11.25-26.
Ces paroles s’adressent au peuple d’Israël rassemblé à la suite de sa dispersion (comparez verset 14 la fille de Sion). L’Éternel le purifiera de tout péché et le sanctifiera.
Tu n’auras plus à rougir…, tant le pardon de ton Dieu sera complet.
Ceux qui se réjouissent insolemment : les chefs, prophètes et sacrificateurs coupables dont il a été parlé aux versets 3 et 4. L’état de choses précédent aura entièrement disparu.
Un peuple humble et chétif. Ces deux mots, presque synonymes en hébreu et souvent réunis dans l’Ancien Testament, expriment le sentiment de l’impuissance à faire le bien et du besoin de la grâce divine pour le salut ; de là découle naturellement le qui se confiera dans le nom de l’Éternel.
Ne fera rien d’inique… : pas plus que l’Éternel lui-même, qui habite au milieu de son peuple (verset 5).
Point de mensonge : comparez ce qui est dit Apocalypse 14.4-5, sur les 144 000 élus d’Israël.
Invitation à une joie s’élevant jusqu’aux tressaillements d’allégresse.
Des cris de joie… à la pensée de n’avoir plus aucun danger à redouter.
Motif de cette joie. La justification de Juda ayant remplacé sa condamnation, il est mis par là à l’abri de tous les ennemis extérieurs qui servaient d’instruments à l’Éternel pour le châtier. Dieu est désormais pour lui, qui sera contre lui ? Romains 8.31.
Invitation au courage et à la vaillance.
Que tes mains ne faiblissent pas : les mains qui faiblissent sont le signe du découragement inspiré par l’effroi et l’angoisse ; comparez Ésaïe 13.7. Cette pensée est encore expliquée par le verset 17.
Nouveau motif de se réjouir (verset 16) : la présence de l’Éternel, sa profonde satisfaction en contemplant son peuple, son ardent amour pour lui. La joie s’exprime par les cris ; l’amour profond par le silence.
De joie : cette joie aurait dû être celle de Dieu, à la première venue du Messie ; mais l’endurcissement de son peuple y a mis obstacle. Elle ne se produira qu’à la fin des temps.
Le prophète termine par une description des bienfaits par lesquels Dieu consolera son peuple si longtemps affligé. Il n’y aura plus d’exilés privés de participer aux fêtes solennelles qui se célèbrent en Sion. Par les derniers mots : leur fardeau est l’opprobre, le prophète se reporte en arrière, au temps du jugement ignominieux que le peuple avait dû subir, mais dont Dieu promet d’effacer les traces.
Celle qui boite, la rejetée. Ces mots rappellent les souffrances d’Israël châtié ; il est représenté sous l’image d’un troupeau dispersé et maltraité et le salut sous celle du berger qui prend de lui le plus tendre soin ; comparez Michée 4.6.
Chez tous les peuples de la terre : Israël restauré sera l’objet de l’admiration du monde entier.
À vos yeux : quand cette délivrance aura lieu, ils auront beau ne pas y croire, ils devront pourtant se convaincre, de leurs propres yeux, qu’elle est réelle.
Sophonie, au temps de Josias, a encore devant lui l’empire de Ninive comme puissance dominante, mais il voit en esprit sa chute déjà consommée et son regard contemple un nouveau jugement qui va frapper la terre et envelopper Juda lui-même. Celui-ci, enivré par une prospérité passagère, se corrompt de plus en plus et Sophonie ne voit plus d’autre perspective pour son salut que le jugement de destruction par lequel seul il peut être purifié et rendu à Dieu. Ce jugement se confond à ses yeux avec la catastrophe finale et universelle qui doit amener ici-bas l’établissement du règne de Dieu. Aussi accentue-t-il fortement l’idée du jour de l’Éternel, qui est la pensée fondamentale de son livre. Dans le tableau de ce jour se réunissent, comme dans la perspective prophétique en général et en particulier dans celle d’Ésaïe, ces trois grandes intuitions :
C’est dans ce dernier tableau que Sophonie déploie le mieux son originalité. Les lèvres des païens purifiées par l’adoration unique de l’Éternel, Israël, objet de l’amour silencieux de son Dieu : ces traits lui appartiennent en propre et révèlent toute la tendresse de son cœur. Ainsi se trouve présenté dans ces trois courts chapitres le rapide enchaînement des événements des derniers temps. Plus qu’aucun écrit prophétique, le livre de Sophonie peut être considéré comme le résumé de toute la prophétie des Hébreux.
Il ne manque à son tableau que la personne de Celui qui doit être l’instrument de Dieu pour la consommation de son plan. Cette omission étonne, après les prophéties d’Ésaïe et de Michée ; mais ce fait prouve que chaque prophète ne donne que ce qui lui est communiqué en propre et que, si quelqu’un d’entre eux fait des emprunts à ses devanciers, quant à la forme, cette imitation ne va pas jusqu’au fond même des choses. Mais le mot 3.17 : L’Éternel est au milieu de toi, un vaillant Sauveur, est significatif et si Sophonie ne le développe pas davantage, c’est qu’il n’a rien reçu à ajouter aux révélations de ses devanciers sur ce sujet et que la perspective du jugement, qu’il a mission de présenter comme inévitable, domine son intuition.