Verset à verset Double colonne
1 Tu ne sacrifieras à l’Éternel ton Dieu ni gros, ni menu bétail, qui ait un défaut, un vice quelconque, car c’est une abomination à l’Éternel ton Dieu.Autre exemple d’un péché qui doit être réprimé avec sévérité. Si le sacrificateur découvre cette faute, elle doit être déférée au juge.
Voir pour les détails de la procédure criminelle Lévitique 22.20-24. Le juge ne doit donc tolérer ni que quelque chose soit adoré à côté de Dieu (Deutéronome 16.21-22), ni que Dieu lui-même soit servi d’une manière indigne de lui.
Ce cas, déjà supposé Deutéronome 13.6-11, est repris ici au point de vue de la procédure à suivre. Il est longuement développé, par la raison que la peine à appliquer est la mort.
Soleil… Comparez Deutéronome 4.19.
Ou cette femme. La faiblesse de son sexe ou sa position de dépendance ne doivent pas la soustraire au châtiment.
Deux ou trois témoins. Comparez Nombres 35.30.
Le témoin assume par sa déclaration une responsabilité qu’il doit porter jusqu’au bout en jetant lui-même la première pierre.
Tu ôteras le mal. Voir Deutéronome 13.5, note.
Il n’est pas parlé du nombre des juges, parce qu’il devait sans doute varier d’après la grandeur des localités. Plus tard, Josèphe nous apprend que dans les localités ordinaires ils étaient au nombre de sept, auxquels étaient adjoints deux Lévites comme experts.
Le tribunal dont il est ici question n’est pas une cour d’appel à laquelle aurait pu recourir l’accusé. C’est un conseil suprême, qualifié pour fixer la jurisprudence dans des cas douteux et auquel s’adressent, non les parties, mais le tribunal inférieur lui-même, pour réclamer une direction. C’est ainsi que déjà au désert ces causes là étaient soumises à Moïse (Exode 28.22), à Moïse et Aaron (Nombres 15.33) et plus tard à Moïse et Eléazar (Nombres 27.2) ; de même qu’Aaron représentait alors le sacerdoce siégeant à côté de Moïse le juge, de même le tribunal supérieur à établir devra se composer de sacrificateurs auxquels seront adjoints les hommes qui seront établis comme juges du peuple entier (verset 9).
Un cas de meurtre… Nous rendons ainsi l’expression hébraïque obscure : entre meurtre et meurtre…, entre blessure et blessure. On pourrait cependant expliquer cette forme en l’appliquant à la distinction à faire entre les différentes espèces de meurtres (Exode 21.13) et de blessures. Dans les trois expressions : meurtre, contestation et blessure, on retrouve les trois domaines criminel, civil et correctionnel.
Sujets de désaccord. Cette expression n’est pas une apposition des trois termes précédents ; elle exprime plutôt l’idée du désaccord qui s’est produit, au sujet de quelqu’un des cas indiqués, dans le sein du tribunal local : dans tes portes.
Tu monteras. D’après le Talmud, les membres du tribunal inférieur s’adressaient d’abord à un tribunal siégeant à la porte du temple ; si celui-ci ne pouvait donner de réponse, ils allaient à un second, d’ordre plus élevé, siégeant à la porte du parvis ; et si celui-ci déclarait à son tour son insuffisance, ils arrivaient au tribunal suprême, siégeant dans la fameuse salle en pierres de taille (Lischekath haggazzith), dans le parvis même ; cette cour suprême était présidée par le souverain sacrificateur.
Josèphe (Antiquités Judaïques, IV 8.14) paraphrase ainsi la parole de Moïse : Si les juges inférieurs ne savent pas prononcer, qu’ils portent la cause intacte à la ville sainte et le grand sacrificateur, le prophète et le Conseil se réunissant, prononceront ce qui leur paraîtra juste.
Il résulte de ce verset comparé avec le verset 12 que ce Conseil ou tribunal supérieur devait renfermer et des sacrificateurs comme connaisseurs et gardiens de la loi et des juges laïques (le juge) comme connaisseurs en matière civile.
Le sacrificateur. Ce mot est pris au sens collectif, comme le juge, verset 9 et plus loin dans ce verset même. Ou peut-être désigne-t-il spécialement le souverain sacrificateur comme président du tribunal. Il ne saurait être ici question, comme on l’a pensé, d’après l’exemple d’Éli (1 Samuel 4.18), des personnages appelés les Juges, qui ont gouverné tantôt une partie du peuple, tantôt une autre, entre Josué et les Rois ; les fonctions de ces hommes étaient autant politiques et militaires que judiciaires et ils n’habitaient pas toujours au lieu du sanctuaire.
Tu ôteras le mal. Voir, verset 7 et Deutéronome 13.6. Tolérer cette révolte, ce serait, de la part du peuple, s’en rendre complice, comme pour l’idolâtrie.
Comparez Deutéronome 13.12.
Ces prescriptions sur l’organisation judiciaire sont très élémentaires et réservent à l’avenir et à l’expérience la solution de bien des points secondaires. On se demande par exemple quel était le rapport entre les Anciens déjà mentionnés plusieurs fois et les juges dont parle ce chapitre. Il nous paraît, d’après les cas où est mentionnée l’intervention des Anciens (Deutéronome 21.9 ; Deutéronome 22.15 ; Deutéronome 25.8), qu’ils avaient plutôt à diriger les affaires de la commune et à régler les cas de la vie domestique qu’à prononcer des sentences judiciaires.
D’après le vrai point de vue théocratique, l’Éternel n’est pas seulement le Dieu, il est aussi te Roi d’Israël ; c’est lui qui le gouverne par les exécuteurs de sa volonté qu’il suscite dans son sein, ainsi que par sa loi et par son Esprit qui doivent régler la vie de la communauté tout entière. C’est là l’état idéal du peuple de Dieu. Pour accomplir la grande œuvre de la sortie d’Égypte et de la conduite du peuple en Canaan, Dieu avait appelé un serviteur extraordinaire qui, à bien des égards, avait exercé une autorité vraiment royale. Celui-ci, au moment où il était sur le point d’être retiré, au peuple, pouvait prévoir aisément que, même après l’établissement dans la Terre promise, le peuple ne pourrait se passer longtemps d’un chef unique, semblable à lui. Pour qu’un tel besoin ne se fit pas sentir, il eût fallu un Israël rempli du sentiment de la présence de Dieu et dont tous les membres, bientôt dispersés, restassent étroitement unis dans cette dépendance commune. Moïse connaissait trop bien son peuple pour ne pas savoir tout ce qui lui manquait sous ce rapport et pour ne pas comprendre qu’un représentant visible du Roi divin pourrait seul maintenir l’ordre et l’unité entre les tribus.
L’institution terrestre de la royauté était donc une nécessité, mais une nécessité relative, destinée à combler un déficit spirituel. Voilà pourquoi cette institution, sans être ordonnée, est cependant prévue et acceptée par Dieu. Aussi verra-t-on que lorsque le fait se réalisera, il sera envisagé à ce double point de vue : d’un côté, comme une déchéance de l’état normal, dont s’attristera celui qui sera appelé à sanctionner de la part de Dieu ce nouvel état de choses ; de l’autre côté, comme un bien relatif, une institution dont Dieu a dessein de tirer parti pour le bien de son peuple et qu’il compte employer au salut de l’humanité. Nous comprenons ainsi la tenue plus sévère qu’encourageante de l’ordonnance du Deutéronome qui va nous occuper. Elle tend à prévenir Israël des dangers de cette institution plutôt qu’à lui en vanter les bienfaits.
Si tu dis… Ce n’est point ici un ordre, comme celui de Deutéronome 16.18, relatif aux juges ; c’est une permission accordée.
Un roi : non pas un chef temporaire, comme Moïse, Josué et les Juges qui suivirent, mais un souverain réunissant tous les pouvoirs administratifs et militaires et ayant le droit de les transmettre à ses descendants.
Comme toutes les nations : comme l’Égypte, d’où Israël sortait, comme Édom et Moab, près desquels il venait de passer, comme Sihon et Og, qu’il venait de détrôner, comme tous les peuples cananéens qu’il allait déposséder.
Tu ne manqueras pas d’établir… Ce terme d’établir ne désigne pas le choix, mais la reconnaissance et la, proclamation par le peuple du personnage choisi de Dieu, ainsi que l’engagement de fidélité. Voir pour Saül 1 Samuel 10.24 ; 1 Samuel 11.15 ; pour David 2 Samuel 5.4 et suivants.
Celui que l’Éternel aura choisi. Ce peut être par la voix d’un prophète, ou par le sort. Le second mode s’est réalisé dans le cas de Saül, le premier dans celui de David.
L’un de tes frères : jamais un autre qu’un Israélite, lors même que quelques signes apparents de la volonté divine ou des victoires extraordinaires ou même la voix d’un prétendu prophète, pourraient le signaler à la faveur populaire.
Nous avons ici trois défenses, qui tendent toutes trois à établir une ligne de démarcation profonde entre la royauté israélite et celle des nations étrangères.
Premièrement : Le roi ne doit pas vouloir briller par la puissance de ses armées. Et comme c’étaient la cavalerie et les chariots qui faisaient alors, comme aujourd’hui l’artillerie, la grande force des armées, le roi israélite ne devra pas chercher à se procurer ce moyen de force, qui ne convient qu’aux nations conquérantes. Les chevaux sont souvent désignés comme emblèmes de la puissance humaine en opposition au secours qui vient directement de Dieu (Psaumes 20.7 ; Psaumes 33.17 ; Osée 14.3).
Qu’il ne ramène pas le peuple en Égypte. Ces mots sont rattachés à la première défense, c’est pourquoi l’on n’y a vu qu’une défense intimée au futur roi de renouer des relations habituelles avec l’Égypte en allant se fournir de chevaux dans ce pays où ils abondaient. C’est à ce sens que semblent conduire les mots suivants : pour avoir beaucoup de chevaux. L’expression : ramener le peuple, serait prise dans un sens analogue à celui des mots : descendre en Égypte, dans les passages Ésaïe 30.2 et Deutéronome 31.1 : Malheur à ceux qui descendent en Égypte, c’est-à-dire qui cherchent à faire alliance avec l’Égypte pour se mettre sous la protection de ses armées. Seulement il s’agirait dans le Deutéronome, non d’ambassadeurs envoyés pour traiter une alliance politique, mais d’acheteurs de chevaux fournissant les écuries du roi dans les haras égyptiens. Mais est-il possible d’expliquer les mots : ramener le peuple en Égypte, dans un sens aussi spécial et aussi restreint ? Cette expression, surtout si elle est sortie de la bouche de Moïse, pouvait-elle signifier autre chose que faire refaire au peuple de Dieu le chemin qu’il venait de parcourir, d’Égypte en Canaan ? Ce sens seul naturel n’est-il pas confirmé par les mots suivants : L’Éternel vous a dit : Vous ne retournerez pas par ce chemin-là, qui rappellent tout le voyage à travers le désert ? Il ne faut pas oublier les mots explicatifs, de cette défense : Car l’Éternel vous a dit. Si cette défense ne se trouve pas littéralement dans l’Exode et dans les Nombres, elle ressort de toute la manière d’agir de Dieu depuis la sortie d’Égypte. Combien de fois Israël n’avait-il pas voulu retourner en arrière ? Comparez Exode 13.17 ; Nombres 11.4 ; Nombres 11.18 ; Nombres 11.20 : Vous avez pleuré devant l’Éternel, disant : Pourquoi donc sommes-nous sortis d’Égypte ? Deutéronome 14.3 : Nommons un chef et retournons en Égypte ! Dieu s’y était opposé à chaque fois. Comparez aussi la parole Deutéronome 28.68, où Dieu menace le peuple de lui faire refaire un jour, comme châtiment, le voyage qu’il vient de faire en sens inverse comme délivrance. L’expression : retourner en Égypte, a donc un sens beaucoup plus complet que celui qui a été indiqué en premier lieu. Elle s’applique à la velléité d’un souverain israélite qui, pour échapper à son état de faiblesse et d’isolement en Canaan et, pour se mettre sous la protection de l’Égypte, tout en se formant à lui-même une armée puissante, retournerait occuper en Égypte ce nome de Gossen que le peuple avait abandonné sous la conduite de Moïse. Si c’est là le sens de cette expression, ce passage ne peut, en aucune manière, dater du temps de Salomon ou de celui d’un de ses successeurs, car une fois Israël définitivement établi en Canaan, comme il l’était sous les Rois, une supposition comme celle-là est impossible. Elle n’a pu être faite qu’à l’époque où le peuple, encore en état de transition, témoignait, au moindre obstacle qui surgissait, de sa préférence pour son état précédent et où le lien à peine rompu pouvait plus aisément se renouer.
Deuxièmement : Qu’il n’ait pas non plus un, grand nombre de femmes. Ce n’est point ici, comme on l’a cru, une interdiction absolue de la polygamie, interdiction qui ne se trouve nulle part dans l’Ancien Testament, si ce n’est implicitement dans la parole citée par Jésus (Genèse 2.23-24). C’est une limite apportée à l’usage des harems royaux contenant une multitude de femmes : tels qu’ils existaient et existent encore dans les monarchies orientales.
De peur que son cœur ne se détourne : non seulement par suite d’une vie de sensualité, mais aussi à cause de l’origine étrangère et païenne de plusieurs de ces femmes, qui amèneraient avec elles leurs rites idolâtres.
Troisèmement : Amas d’argent et d’or. Ce trait d’immenses trésors amassés et du luxe qui en résulte, achève le tableau, tiré de l’état de choses existant partout à cette époque en dehors d’Israël.
Et quand il sera assis… Son premier acte royal sera ainsi un hommage de dépendance envers le vrai Roi d’Israël.
Il écrira : de sa propre main, de manière à se l’inlculquer profondément. On pourrait entendre aussi : Il fera écrire, sans doute par les sacrificateurs, gardiens de l’original. Mais ce sens nous paraît moins naturel.
Une copie de cette loi. L’expression : cette loi, peut se rapporter au Deutéronome lui-même qui, sa rédaction une fois achevée, sera déposé entre les mains des sacrificateurs. D’autre part, il a été parlé (Exode 24.7) d’un Livre de l’alliance dans lequel Moïse avait rédigé les ordonnances qu’il avait reçues pour le peuple sur Sinaï et il est parlé dans le Deutéronome lui-même à plusieurs reprises des ordonnances et des statuts donnés par l’Éternel soit à Sinaï (Deutéronome 4.1), soit plus tard (Deutéronome 4.1 ; Deutéronome 4.5 ; Deutéronome 4.8 ; Deutéronome 4.44 ; Deutéronome 6.1 ; Deutéronome 12.1). Il est difficile de croire que tout cet ensemble de prescriptions n’existât pas par écrit, dans une extension et sous une forme que nous ne saurions déterminer et il est ainsi possible que ce soit là la loi dont il est ici question et que l’expression : cette loi, s’applique à cet ensemble déjà connu du peuple comme la norme de la vie israélite.
Il y lira tous les jours : renouvelant ainsi chaque jour l’acte initial de son règne.
Que son cœur ne s’élève pas. Ce qui distingue le roi d’Israël des despotes de l’Orient, c’est qu’au-dessus de sa volonté et de ses caprices, il y a une loi supérieure qui est la même pour le moindre Israélite que pour lui (ses frères).
Lui et ses fils. Ces mots établissent l’hérédité comme règle, mais sans exclure un changement de dynastie en cas d’infidélité, comme cela a eu lieu par la substitution de la famille de David à celle de Saül.
Nous croyons avoir montré que Moïse a pu et dû se préoccuper déjà lui-même non seulement de la question de la royauté à établir un jour en Israël, mais aussi des dangers auxquels serait exposée cette institution. Lors même que ces dangers se sont réalisés au plus haut point dans le règne de Salomon, il n’est nul besoin de faire intervenir ce règne pour expliquer les termes employés dans notre passage, puisque la manière de vivre ici défendue était et est encore celle de tous les monarques orientaux. Mais on s’est demandé si l’existence de ce passage est compatible avec le refus qu’opposa Gédéon à ceux qui l’invitaient à se faire roi (Juges 8.22 et suivants), puis dans quelle relation a pu être avec cette prescription du Deutéronome ce droit de la royauté qu’écrivit, Samuel après que le sort eut désigné Saül comme roi. La réponse de Gédéon indique clairement sa pensée. Il croyait devoir s’en tenir pour lui-même au point de vue théocratique normal, tel que nous l’avons exposé plus haut, d’après lequel Dieu est l’unique roi de son peuple. Par l’expérience personnelle qu’il avait faite de la grandeur et de l’assistance de ce pouvoir suprême, il avait pu comprendre ce vrai point de vue mieux que ne le faisait la masse de ses compatriotes.
Le droit de la royauté rédigé par Samuel a été identifié par plusieurs avec notre passage lui-même, soit qu’on ait supposé que ce document avait été inséré ensuite dans le Deutéronome, soit que l’on ait admis que Samuel n’avait fait que tirer lui-même copie de notre passage en l’intitulant le droit de la royauté. Mais si dans ce passage certaines défenses sont faites au roi, suivies de certaines recommandations morales, il n’est pourtant nullement question des relations officielles entre le peuple et le roi et de leurs obligations respectives ; et c’est plutôt là ce que l’on s’attend à trouver dans un document intitulé droit de la royauté. Il nous paraît donc qu’il s’agit d’un document différent, dans lequel Samuel chercha à régler en traits généraux les rapports entre Israël et son roi.
On s’est encore demandé comment, si une loi, comme celle du Deutéronome, existait au temps de Salomon, le souverain a pu la violer si ouvertement et sans qu’aucun prophète la lui ait rappelée. Mais il serait faux de croire qu’il n’ait pas été repris et le sévère avertissement 1 Rois 11.11 doit sans doute être placé dans la bouche d’un prophète. Comparez encore versets 30 et suivants.