Verset à verset Double colonne
On peut, tout en reconnaissant qu’on ne tient sa force que de l’Éternel, se glorifier de ce don comme d’un privilège mérité ; après avoir combattu en Israël le sentiment de sa propre force, Moïse combat ici celui de son mérite. Tout est par grâce (Éphésiens 2.8). Dans ce morceau sont développées trois idées : Si l’Éternel détruit les Cananéens, c’est à cause de leur méchanceté et non à cause de la justice d’Israël (versets 1 à 6). Quant à Israël, ce qu’il aurait mérité, c’eût été d’être détruit aussi (versets 7 à 24). C’est à l’intercession de Moïse durant les quarante jours, que le peuple doit son salut (versets 25 à 29).
Moïse conclut tout ce coup d’œil rétrospectif sur la scène de Sinaï, par le récit de son second séjour avec Dieu sur la montagne et du don des nouvelles tables, qui fut le gage du rétablissement de l’alliance (Deutéronome 10.1-11).
La conquête est une œuvre si grande (versets 1 et 2) qu’elle serait impossible si l’Éternel ne marchait devant le peuple (verset 3).
Feu consumant : emblème de la sainteté divine qui détruit le mal et celui qui s’obstine à s’y livrer (Psaumes 50.3 ; Hébreux 12.29). Nous voyons de nouveau ici que la conquête de Canaan n’a point été une conquête ordinaire, mais qu’elle a été un jugement exercé par le Dieu saint sur des peuples incurablement corrompus.
Qui les abaissera : soit par leur destruction même, soit par leur assujettissement.
Il les détruira…, tu les détruiras : Ce qu’Israël fera à ces peuples, c’est Dieu lui-même qui l’aura fait par lui.
Promptement : voir Deutéronome 7.22, note.
Mais qu’Israël ne s’imagine pas avoir mérité ce secours divin !
À cause de la méchanceté… Il y avait bien d’autres nations idolâtres ; mais chez les Cananéens à ce péché s’était jointe une perversité particulière (Genèse 18.20 ; Genèse 19.5 et suivants).
Afin de confirmer… Comparez Deutéronome 8.18. Cette parole n’oppose pas la méchanceté plus grave des Cananéens à la méchanceté moindre d’Israël, mais la méchanceté des premiers à l’alliance de grâce faite avec les pères des Israélites.
Peuple au cou roide : peuple réfractaire, c’est-à-dire à la fois insoumis et opiniâtre (Exode 32.9).
C’est surtout l’affaire du veau d’or qui est rappelée ici. La mention d’autres infidélités (versets 22 à 24) est intercalée, comme en passant, dans le récit de cette première grande désobéissance à laquelle Moïse revient dès le verset 25.
Depuis le jour où… L’esprit d’incrédulité s’était manifesté même avant le passage de la mer Rouge (Exode 14.11-12).
Ce récit présente plusieurs différences avec la narration parallèle de l’Exode :
Ces différences se comprennent aisément dans la bouche de celui qui, ayant joué le principal rôle dans cette scène, peut en compléter le récit par certains détails nouveaux, comme aussi omettre certains faits connus de ses auditeurs ; cela se comprendrait plus difficilement de la part d’un narrateur écrivant plusieurs siècles plus tard. Il est clair, d’ailleurs, que le but de Moïse n’était pas de répéter l’histoire trait pour trait, mais de rappeler au peuple son péché.
Tous les détails ici rappelés font ressortir le contraste entre le saint recueillement de Moïse et la conduite profane du peuple.
Sans manger : voir Exode 34.28, note.
Voir Exode 31.18, note. On se demande comment Dieu peut remettre entre les mains de Moïse le gage de l’alliance au moment même où il voit le peuple la violer. Mais Dieu accomplit fidèlement son rôle de Dieu de l’alliance, comme s’il ne savait rien de la conduite du peuple, laissant plein cours à la liberté d’action soit du peuple, soit de Moïse. Cette manière de faire de l’Être tout-puissant et omniscient, est la condition même de l’histoire, c’est-à-dire du développement moral des êtres libres.
Le péché du peuple ; versets 12 à 14 reproduction presque textuelle d’Exode 32.7-10.
Ne m’arrête pas. Comparez Exode 32.10. L’Éternel semble prévoir l’intercession de Moïse.
Veau de fonte. Voir Exode 32.4, note.
Quarante jours et quarante nuits. Beaucoup d’interprètes identifient ces quarante jours et ces quarante nuits avec ceux que Moïse passa de nouveau sur la montagne après le péché du veau d’or, pour recevoir les nouvelles tables de la loi, qui étaient le gage du rétablissement de l’alliance rompue (Deutéronome 10.1 et suivants). Nous ne pouvons admettre cette identification, car il n’est point dit que Moïse passa ces six semaines sur la montagne et ce n’est qu’en Deutéronome 10.1 qu’il lui est positivement ordonné de monter sur Sinaï pour recevoir les nouvelles tables. Lorsqu’on étudie avec soin le récit de l’Exode (Exode 32.15-34.2), on reconnaît qu’entre le premier et le second séjour de Moïse sur Sinaï, il s’est écoulé un temps considérable durant lequel eurent lieu les événements suivants :
C’est, pensons-nous, durant les quarante jours dont il est parlé ici dans le Deutéronome qu’eurent lieu tous ces faits. Moïse passa la plus grande partie de ce temps de deuil et d’humiliation dans le sanctuaire qu’il avait fait dresser hors du camp et c’est à ses allées et venues que se rapporte le morceau Exode 33.7-41, qui a été si maltraité par la critique.
J’étais effrayé. Moïse avait déjà reçu l’assurance que Dieu ne détruirait pas le peuple (Exode 32.14). Mais lorsqu’il se trouva lui-même en face du mal commis, il en fut tellement impressionné qu’il éprouva le besoin de recommencer son intercession. Il se tint alors devant Dieu, jeûnant et priant pendant quarante jours pour obtenir non plus seulement la non extermination du peuple, mais l’habitation de Dieu au milieu de lui et le renouvellement de l’alliance qu’il venait de rompre.
Encore cette fois. Pour les précédentes intercessions de Moïse, voir Exode 15.25 ; Exode 17.11.
Aaron. Moïse rappelle au peuple que celui qui a été plus tard son grand sacrificateur n’a lui-même subsisté alors que par grâce. Cela rentre dans le but du discours (Deutéronome 9.4-5 ; voir l’introduction de ce chapitre).
Et le péché… Le pécheur est sauvé, mais son péché doit être détruit. Dans le récit de l’Exode, la destruction du veau d’or suit immédiatement le retour de Moïse de la montagne. Mais c’est évidemment une anticipation. Ce fait est plus exactement placé, chronologiquement parlant, dans ce discours.
Le torrent qui descend de la montagne. Détail non donné dans l’Exode et conforme à la topographie du Sinaï. Dans le groupe du Sinaï se trouvent de nombreuses gorges avec des torrents conservant leur eau pendant toute une partie de l’année.
Moïse, à l’occasion de ce grand péché d’Israël au désert, lui rappelle en passant les autres actes de rébellion dont il s’est rendu coupable, pour lui montrer le mauvais esprit dont il n’a cessé d’être animé : l’adoration du veau d’or n’a pas été un accident dans la vie du peuple ; l’esprit de rébellion était profondément enraciné en lui. Les faits rappelés ne sont pas placés dans leur ordre chronologique. Moïse va ici du moins grave au plus grave :
Comparez Actes 7.51.
Ton peuple. Réponse à ce mot de l’Éternel à Moïse, verset 12 : ton peuple. Ce n’est pas sa cause personnelle que Moïse plaide ici, puisqu’il a même refusé l’offre de Dieu de faire naître de lui un peuple qui prendrait la place d’Israël (verset 14). C’est la cause de Dieu qu’il ne veut pas voir compromise. Toutes les grandes prières d’intercession ont ce caractère : l’homme s’oubliant lui-même pour n’avoir en vue que la gloire de Dieu (Daniel 9 ; Esdras 9 ; Néhémie 1). Voir les prières de Luther à Worms et à Cobourg.