Verset à verset Double colonne
1 Envoyez l’agneau du dominateur du pays, de Séla par le désert à la montagne de la fille de Sion !Envoyez… Ces paroles sont mises dans la bouche des Moabites, fuyant devant le lion ; ils s’exhortent eux-mêmes à envoyer au roi de Juda l’agneau du dominateur du pays, c’est-à-dire un tribut consistant en agneaux, comme celui qu’ils avaient payé autrefois à Juda, puis à Éphraïm : sous Achab, ce tribut annuel avait été porté à cent mille agneaux et cent mille béliers (2 Rois 3.4).
Séla (rocher), en grec Pétra : l’antique capitale des Édomites, toute taillée dans le roc et située à trois journées de chemin au midi de la mer Morte, sur le plateau désolé auquel elle a donné son nom, l’Arabie pétrée ; cette ville, aujourd’hui en ruines, est nommée par les Arabes Wady-Mousa.
Le roi de Juda apparaît ici comme le souverain du pays d’Édom. Séla avait en effet été conquise par Amatsia, le père d’Ozias (2 Rois 14.7). Comme les Édomites s’affranchirent de la domination de Juda sous le règne d’Achaz (2 Chroniques 28.17), nous sommes conduits à placer la composition de notre prophétie sous Ozias ou Jotham.
Le désert : celui qui s’étend au sud et à l’ouest de la mer Morte, entre Pétra et Jérusalem.
Le prophète explique, comme en parenthèse, la situation de Moab et sa demande de protection.
Telles seront… au moment de la nouvelle invasion annoncée Ésaïe 15.9. Les Moabites fuient au-delà de l’Arnon, c’est-à-dire vers le midi.
L’Arnon est le principal affluent oriental de la mer Morte ; ce torrent formait au temps de Moïse la limite septentrionale de Moab (voir Nombres 21.13 ; Nombres 21.26).
Les versets 3 à 5 renferment la supplication et la promesse de soumission présentées par les Moabites réfugiés en Édom au roi de Juda.
Conseille-nous, sois l’arbitre… Ces mots supposent que Juda est en paix avec l’envahisseur de Moab ; c’est une intervention plutôt pacifique que militaire qu’ils réclament de lui.
Donne nous l’ombre… Cache et protège-nous. Juda devait jouir, au moment où ces paroles furent écrites, d’un grand prestige aux yeux des peuples voisins.
Car la dévastation a cessé… Le seul sens simple et clair qui puisse être attribué à ces mots est celui-ci : Moab demande à Israël de le sauver du dévastateur et de l’accueillir chez lui, parce que ce même dévastateur s’est retiré du pays d’Israël sans faire de mal à Juda ; Juda a été délivré et le trône de son roi a été affermi par la miséricorde (verset 5) de l’Éternel : les États plus faibles qui l’entourent regardent donc à lui et recherchent son appui contre l’ennemi. La situation ainsi décrite convient parfaitement au règne d’Ozias, sous lequel eut lieu l’invasion de Phul en Palestine. Voir 2 Chroniques 26.5-15 la puissance d’Ozias et le renom considérable qu’il s’était acquis dans toute l’Asie occidentale. Les inscriptions assyriennes confirment pleinement la vérité de ce tableau. Jusqu’à Achaz, Juda ne paya pas de tribut à l’Assyrie, tandis que depuis un siècle tous les autres États de l’Asie occidentale étaient ses vassaux. Si, comme le pensent beaucoup de savants, Phul et Tiglath-Piléser sont un seul et même personnage, la situation ne s’accorde que mieux avec la supposition qu’il s’agit ici d’Ozias. En effet, bien qu’il eût favorisé la révolte de certains rois de Syrie, qui donna lieu à la première campagne de Tiglath-Piléser en occident, celui-ci, de son aveu, s’en retourna sans s’en être pris à lui, certainement parce que Juda, à ce moment-là, imposait encore le respect au conquérant assyrien lui-même.
Juda répond par un refus aux députés moabites. Il ne veut rien avoir à faire avec ce peuple, qui apporterait en Israël son idolâtrie et son épouvantable corruption ; son humilité présente ne saurait, d’ailleurs, donner le change sur ses vrais sentiments à l’égard de Juda. Comparez Jérémie 48.29-30. Les efforts de Moab pour échapper à son sort sont donc vains : il est repoussé sans miséricorde ; il deviendra la proie du lion. Comparez Ésaïe 25.10-12.
Moab n’a plus qu’à gémir ; s’il prie ses dieux, il n’obtiendra rien ; le prophète est ému à la vue d’un si grand malheur.
Toutes les villes de plaisir et les riches campagnes de Moab sont dévastées.
Kir-Haréseth : voyez Ésaïe 15.1
Gâteaux de raisins, faits de raisins pressés ensemble. C’est le sens constant du mot hébreu, qu’Ostervald et d’autres traduisent à tort par fondements, ruines. Les fertiles environs de Kérak possèdent encore anjourd’hui beaucoup de vignes.
Hesbon : voyez Ésaïe 15.4. La fécondité des campagnes de Hesbon était proverbiale dans l’antiquité ; de nos jours elle est encore prodigieuse.
Sibma : à cinq cents pas à peine de Hesbon, selon saint Jérôme.
Domptaient…, c’est-à-dire enivraient les princes ; c’était donc un vin renommé.
Jaézer. Aujourd’hui Zir ; ruines à 16 kilomètres au nord de Hesbon ; la contrée produit encore une quantité énorme de raisin, réputé le meilleur de la Syrie.
Le désert : les steppes d’Arabie, à l’orient.
La mer : la mer Morte. Les vignes situées de l’autre côté (à l’ouest) de cette mer. Celles d’Enguédi, par exemple (Cantique 1.14), sont envisagées ici comme des rejetons du grand vignoble de la rive orientale.
Comme pleure Jaézer, littéralement : avec des pleurs de Jaézer. C’est-à-dire aussi amèrement que pleurent les habitants de Jaézer.
Elealé : voyez Ésaïe 15.4
Le cri du pressureur. L’hébreu hédad désigne le cri retentissant (Reuss très exactement : le hourra) dont les pressureurs accompagnent leur travail quand ils foulent en cadence le raisin avec les pieds. Allusion au cri de l’ennemi qui envahit et pille le pays.
Le mot hédad reprend ici son sens propre : le hédad cruel des ennemis a fait taire le joyeux hédad des vendangeurs.
J’ai fait cesser… C’est Dieu qui parle ; la ruine de Moab est son œuvre ; les Assyriens exécutent son jugement.
Comparez Ésaïe 15.5.
Kir-Harès : voyez Ésaïe 15.1
On verra Moab… Le prophète voit les Moabites monter en procession aux hauts-lieux, entrer dans le sanctuaire, etc.
Se fatiguer : multiplier les sacrifices et les prières, comme les prêtres de Baal sur le Carmel (1 Rois 18.20 et suivants).
Haut-lieu, sanctuaire : les sanctuaires de Camos et de Baal (Ésaïe 15.2). La prophétie, en arrivant à son terme, revient à son point de départ.
Il n’obtiendra rien : il n’a rien obtenu des hommes (versets 1 à 6) ; il n’obtiendra rien des dieux.
Ésaïe, en rappelant l’ancienne prophétie, détermine le moment de son accomplissement.
Comme ceux d’un journalier c’est-à-dire rigoureusement comptés. Comparez Ésaïe 21.16. Ésaïe annonce non la disparition totale, mais seulement l’abaissement et la dévastation de Moab. Nous avons déjà dit (voir la note d’introduction) comment cette prophétie s’est accomplie. Moab ne fut pas entièrement anéanti par les Assyriens ; il subsista, mais comme un peuple sans importance ; Jérémie, un siècle plus tard, s’approprie la prophétie d’Ésaïe et la développe en annonçant à Moab sa ruine par les Chaldéens (Jérémie 48).