Verset à verset Double colonne
Répréhension fraternelle, humilité, aide mutuelle
Reprenez avec charité ceux qui seront tombés et que chacun veille sur soi-même (1).
Aidez-vous réciproquement (2).
Car vous êtes tous égaux ; croire le contraire serait vous séduire ; que chacun, au lieu de se comparer à d’autres, s’examine devant Dieu (3-5).
Montrez-vous généreux envers ceux qui vous instruisent dans l’Évangile (6).
Pour avoir ici toute la pensée de l’apôtre, il faut unir ces paroles intimement avec le dernier verset du chapitre précèdent.
Il paraît que dans les Églises de Galatie, comme dans celle de Corinthe, la principale cause de dissension était « la vaine gloire », par laquelle certains partis cherchaient à s’élever les uns au-dessus des autres, ce qui ne pouvait que les provoquer mutuellement à l’envie.
Or, l’apôtre voulant réprimer ici cette funeste tendance, s’adresse surtout à ceux qui étaient restés fidèles à ses enseignements, qui n’étaient pas retombés sous le joug de la légalité et qu’à cause de cela il appelle les spirituels. Ils professaient d’avoir reçu l’Esprit, non par la loi, mais par la prédication de la foi (Galates 3.2), et de vivre selon l’Esprit (Galates 5.25).
Or, cet Esprit est un Esprit de charité : il manifeste ses fruits surtout envers les plus faibles, même envers ceux qui auraient été surpris en quelque chute, surpris brusquement par manque de vigilance. Les spirituels doivent donc redresser un homme ainsi tombé ; mais ils ne le feront bien qu’à une double condition : d’y apporter la douceur de la charité, puis de rester humbles, de prendre garde à leur propre faiblesse.
Paul adresse cette exhortation à chacun en parlant ici au singulier. Nous ne sommes jamais plus en danger d’être tentés que lorsque nous reprenons les autres, sans veiller sur nous-mêmes (verset 3).
La loi de Christ est de nous aimer les uns les autres comme il nous a aimés (Jean 13.34).
Or, il a porté tous nos fardeaux ; nous devons porter ceux de nos frères, en prenant part à toutes leurs épreuves spirituelles ou temporelles. C’est là la pensée du verset 1 généralisée.
On ne porte réellement les fardeaux des autres (verset 2), on ne peut avoir de sympathie pour eux dans leurs épreuves et leurs faiblesses, que lorsqu’on est soi-même retenu dans l’humilité par le sentiment de ses propres misères.
Pour ne pas se séduire soi-même en s’estimant être quelque chose (verset 3), il faut que chacun examine son œuvre, son état religieux, sa vie, non en se comparant à d’autres, mais sous le regard de Dieu : il sera même guéri de l’orgueilleuse tentation de se glorifier envers un autre (Grec :). Ou, s’il a encore de quoi se glorifier (ironie), il gardera cette gloire pour lui seul.
D’autres explications données de ces paroles sont moins conformes au contexte.
Au jour du jugement, où nul ne pourra porter les fardeaux des autres. C’est aussi un sérieux motif de ne pas se comparer à d’autres en se complaisant en soi-même (Romains 14.12).
La plupart des interprètes pensent que, dans ce verset, l’apôtre exhorte les troupeaux à faire part de leurs biens temporels à ceux qui les instruisent, à pourvoir à l’entretien de leurs pasteurs. Dans ce cas, il faudrait supposer que quelque circonstance particulière aux Églises de Galatie engageait Paul à insérer ici cette exhortation, qui se trouve sans lien apparent avec l’ensemble.
D’autres entendent cette exhortation d’une manière très différente. Ils rendent d’abord ainsi les paroles de l’apôtre : « Que celui qui est instruit dans la Parole communique (soit en communion, uni) avec celui qui l’instruit, en tous les biens » (spirituels), en toutes choses bonnes. Puis ils commentent ainsi : que les docteurs ou pasteurs ne fassent pas une caste à part, ayant des privilèges dans l’Église, ou même des doctrines particulières, secrètes ; mais que tous les biens de l’Évangile soient communs à tous, qu’il y ait entre tous une vraie communion.
Cette interprétation, dont les réformateurs ne s’étaient pas même avisés, a des adhérents parmi les exégètes modernes. Est-elle fondée ? Ni la grammaire ni le contexte ne tranchent la question d’une manière décisive. L’ancienne explication nous paraît la plus probable.
Point d’illusions : on ne se joue pas de Dieu ; telle semence, telle moisson : la chair ne peut produire que la corruption ; l’Esprit, que la vie impérissable (7,8).
Saisissons donc le temps et l’occasion de faire du bien à tous, surtout aux chrétiens (9, 10).
Le verbe grec rendu par se moquer a une force particulière ; il signifie narguer quelqu’un en face par un mouvement dédaigneux des narines.
Les sérieux avertissements que l’apôtre introduit par ces paroles s’adressent également aux deux partis des Églises de Galatie : celui de la légalité et celui des « spirituels » (verset 1).
L’un et l’autre, après avoir commencé par l’Esprit, étaient en danger de finir par la chair : (Galates 3.3) le premier, en abandonnant la grâce et la justification par la foi, pour chercher son salut dans des œuvres toujours charnelles ; le dernier, en abusant de la liberté chrétienne, en refusant d’obéir dans la charité et ainsi en retombant par l’orgueil dans l’esclavage de la chair (Galates 5.13).
Ici encore, il est difficile de voir un rapport entre ces versets 7-10 et ce qui précède (verset 6). Ne vaut-il pas mieux considérer ces dernières pensées de l’épître comme des exhortations détachées, que de chercher à tout prix des rapports forcés qui n’ajoutent rien à l’intelligence des détails ?
Dans le chapitre précèdent, l’apôtre a exposé au long ce profond contraste de la chair et de l’esprit (voir Galates 5.16-18, note et Galates 5.22, note).
L’issue de l’une et de l’autre de ces deux vies, entre lesquelles l’homme doit choisir, est ici clairement déterminée : d’une part, la corruption, de l’autre la vie éternelle.
Et l’image d’une semence et d’une moisson dont se sert l’apôtre, montre tout ce qu’il y a de naturel, d’organique, d’inévitable dans ces deux résultats qui s’offrent à l’homme comme seule alternative.
En effet, la vie de l’Esprit, bien qu’imparfaite dans le chrétien, est dès ici-bas la vie éternelle ; et la vie de la chair est dès ici-bas la corruption : le jugement du dernier jour ne fera que manifester, compléter et fixer irrévocablement ces deux états (comparer Romains 6.23). C’est en montrant ainsi que l’homme moissonne nécessairement ce qu’il a semé, que l’apôtre justifie son sérieux avertissement : On ne se moque pas de Dieu (verset 7).
Des passages comme celui-ci prouvent combien peu est fondée l’objection qu’on a faite si souvent à la doctrine de la justification par la foi seule, de diminuer la responsabilité de l’homme ; ils sont bien propres aussi à détruire les illusions qu’on pourrait se faire sur la nature et les fruits de la foi.
S’il est vrai que l’apôtre enseigne clairement, dans cette épître même et partout ailleurs, que les œuvres de l’homme n’ont aucun mérite devant Dieu, ne lui procurent aucune justice, ne lui donnent droit à aucune récompense, puisque le salut est un don de la pure grâce de Dieu, acquis par le sacrifice de Christ et reçu par la foi seule, il est vrai aussi qu’il nous montre la vie entière du chrétien, ses œuvres, comme une semence dont il moissonnera les fruits dans l’éternité, et cela, dans une proportion rigoureusement exacte (2 Corinthiens 9.6).
Cette contradiction apparente, ou plutôt ces deux faces de la même vérité, sont en harmonie comme la cause et l’effet, comme l’arbre et son fruit.
En son temps (Grec : « au temps propre » ) signifie au temps de la moisson, qui viendra accompagnée de joies et suivie de repos ; pour le moment, il s’agit de labourer et de semer, sans craindre les fatigues et sans vouloir moissonner et jouir avant le temps.
Toute cette exhortation se fonde sur le grand principe posé dans les deux versets précédents.
Le mot domestiques est employé ici dans son ancienne signification et désigne tous ceux qui appartiennent à une maison (domus), tous les membres d’une famille.
La famille de la foi, c’est la famille de Dieu, composée de tous ceux qui sont unis par une même foi. L’apôtre n’exclut point les autres hommes de notre bienfaisance, puisqu’il recommande, au contraire, positivement de faire du bien à tous.
Mais comme chaque homme doit avoir premièrement soin des siens (1 Timothée 5.8), il est naturel que le chrétien porte principalement son attention sur ses frères souffrants, d’autant plus que ceux-ci ne peuvent guère s’attendre à la bienveillance du monde qui aime ce qui est à lui (Jean 15.18 ; Jean 15.19).
Pendant que nous avons le temps, car le temps est court. Ou bien, on peut traduire aussi : « selon que nous avons l’occasion », ne laissant échapper aucune de ces occasions de faire le bien que Dieu nous présente.
À la fin de cette longue lettre je vous dis encore une fois : Tous ceux qui, sous de belles apparences, veulent vous imposer la circoncision, bien qu’eux-mêmes n’observent pas la loi, ont pour but caché de fuir la persécution et de se glorifier de vous (11-13).
Quant à moi, je ne me glorifierai jamais qu’en la croix de Christ, par laquelle je suis crucifié à l’égard du monde ; car la circoncision n’est rien, être une nouvelle créature est tout (14, 18).
Qu’à tous ceux qui vivent selon ce principe, Dieu accorde sa grâce et sa paix. Du reste, à l’avenir, que nul n’ajoute à mes souffrances, car elles sont celles de Jésus lui-même. Frères, que la grâce soit avec vous ! (16-18).
Paul dictait ordinairement ses épîtres. Il fait remarquer aux Galates qu’il leur a écrit longuement, de sa propre main, en leur montrant dans ce fait une preuve de son attachement.
Le grec permet une autre traduction : « Voyez en quelles grosses lettres (caractères) je vous ai écrit » (la version de Lausanne porte : « en quelle grosse écriture » ).
L’apôtre aurait ajouté cette observation pour dire qu’il avait écrit de sa propre main, quoiqu’il écrivit difficilement. Plusieurs exégètes adoptent cette interprétation, mais en estimant que cette fin de l’épître seule était écrite de la propre main de l’apôtre. Il aurait eu l’intention, soit d’imprimer à son écrit un sceau de son authenticité, soit de donner à ses lecteurs un dernier témoignage d’affection. Comme l’original permet la version ordinaire, il est plus naturel de la retenir.
Grec : « Avoir une belle apparence (littéral. un beau visage) en la chair », c’est-à-dire gagner, par des moyens charnels, l’approbation des hommes.
On voit clairement par ces versets (versets 12-16) combien l’apôtre avait à cœur le grand sujet de son épître, puisqu’il éprouve le besoin d’y revenir une dernière fois en finissant. Il le fait d’abord par une réflexion sévère sur les faux docteurs, auxquels il oppose la vraie doctrine évangélique.
La croix de Christ, qui fut toujours folie pour les Grecs et scandale pour les Juifs, fut aussi toujours la cause principale des persécutions de la part des uns et des autres (Galates 5.11).
Aujourd’hui encore, le plus sûr moyen de se rendre agréable au monde, c’est de voiler ou d’affaiblir la doctrine de la croix.
Ceux-là même qui imposent aux croyants l’observation de la loi comme moyen de salut, savent fort bien qu’ils sont incapables d’accomplir la loi dans ce qu’elle ordonne de plus saint et de plus spirituel ; ils se contentent d’en observer les prescriptions les plus extérieures, comme la circoncision et d’autres cérémonies semblables ; mais cela leur suffit pour se glorifier en la chair de ceux qui les écoutent, c’est-à-dire pour tirer une vaine gloire de les avoir gagnés à leur parti par une cérémonie qui s’accomplit réellement et uniquement en la chair (la circoncision).
Et comme la chair emporte toujours l’idée de faiblesse, de péché, ils se glorifient de ce qui devrait faire leur honte. Ainsi se conduisent tous ceux qui n’ont d’autre but que de gagner des amis à un parti, au lieu de mettre leur gloire à les amener à Christ et par lui à une vie vraiment spirituelle.
Ces paroles forment le plus vif contraste avec celles des versets 12 et 13
Il faut prendre ce mot : la croix de notre Seigneur Jésus-Christ, dans sa pleine et profonde signification : « Je ne me glorifie qu’en la libre grâce de Dieu, que nous a acquise la mort expiatoire de Jésus-Christ sur la croix, par laquelle il a vaincu le monde, par laquelle seule nous le vaincrons aussi, si nous lui devenons semblables dans le renoncement et le crucifiement du vieil homme ».
L’apôtre exprime en ces mots, à la fois sa réprobation de tout moyen de salut que l’on voudrait chercher dans la nature déchue de l’homme (dans la chair) et la joie qu’il trouve dans l’opprobre de la croix que ses adversaires redoutaient par-dessus tout.
Or, la croix est en même temps le moyen de notre réconciliation avec Dieu et un instrument d’humiliation, de souffrance et de mort pour notre vieil homme. C’est par elle que nous sommes crucifiés au monde et que le monde nous est crucifié.
Le monde, c’est tout ce qui est opposé à la « nouvelle créature » (verset 15), au règne spirituel de Jésus-Christ en nous et autour de nous ; c’est l’objet unique des pensées, des désirs, des affections, des espérances, des efforts de l’homme irrégénéré.
L’apôtre déclare que ce monde-là, dans lequel pourtant il jouissait autrefois d’une si grande considération (Galates 1.14 ; Philippiens 3.4-6), est mort pour lui, mort d’une mort honteuse, crucifié, c’est-à-dire objet de son mépris (Philippiens 3.7 ; Philippiens 3.8).
Mais le monde le lui rend bien, il regarde l’apôtre et tous ceux qui lui ressemblent, avec le mépris qu’on a pour des crucifiés. Et loin de s’en affliger ou d’en avoir honte, Paul s’en glorifie et y trouve sa joie.
Grec : « Car ni circoncision n’est quelque chose ni incirconcision, mais une nouvelle créature ».
Ici, deux variantes. Le texte reçu porte : Car en Christ Jésus (non authentique) la circoncision ne peut rien (au lieu de n’est rien).
Cette pensée, par laquelle l’apôtre réfute l’erreur du verset 13 et motive verset 14 (car), se trouve déjà à Galates 5.6 (d’où la variante en Christ Jésus), avec cette différence qu’ici l’apôtre dit : la nouvelle création, au lieu de « la foi agissante par la charité ».
Ces deux expressions s’expliquent mutuellement. La nouvelle créature ou création (qui a lieu dans l’homme par l’Esprit de Dieu) est opposée au monde (verset 14), à ce monde non renouvelé, dans lequel règne le péché (comparer 2 Corinthiens 5.17). La première création nous a tirés du néant ; la création nouvelle nous tire du péché et de la mort éternelle. Or, dit l’apôtre, cela seul est quelque chose ; tout le reste n’est rien. Dieu ne saurait aimer en nous que cette nouvelle créature, qui existe en Christ et par Christ.
Cette règle, c’est la grande vérité établie par l’apôtre au verset précédent. Ceux qui marchent dans cette vie nouvelle sont le vrai Israël de Dieu, les vrais enfants d’Abraham par la foi (Romains 4.12).
Sur cette voie seulement se trouvent la miséricorde et la paix.
Semblable à un soldat dont on mépriserait les services et qui, pour toute réponse, montrerait ses nobles blessures, Paul en appelle à ses douleurs de toute espèce comme à un titre au respect, à la confiance et à l’amour de ses lecteurs (comparer 2 Corinthiens 11.23-27).
Le mot stigmates (grec) désignait les marques que l’on imprimait par le feu aux esclaves fugitifs, aux prisonniers, aux malfaiteurs, afin qu’ils fussent reconnus.
Les blessures que Paul portait dans son corps étaient donc honteuses aux yeux du monde, mais en présence de Dieu et de ses anges, elles excellaient sur tous les honneurs de la terre.
Les stigmates dont Paul parle sont les traces morales aussi bien que physiques de ses diverses épreuves et n’ont rien de commun avec les marques des cinq plaies de Jésus que François d’Assise et d’autres extatiques sont censés avoir portées sur eux.
Il nomme ses flétrissures les stigmates du Seigneur Jésus (selon plusieurs manuscrits, il faudrait lire seulement de Jésus), parce qu’il les avait reçues à son service par amour pour lui.
Peut-être même faut-il retrouver dans cette expression la pensée profonde de Colossiens 1.24 (comparer 2 Corinthiens 4.10).
Il demande à Dieu, non seulement de répandre sur eux sa grâce avec abondance, mais aussi qu’eux, de leur côté, la reçoivent d’une manière vivante dans leur esprit. Car nous ne jouissons réellement de cette grâce que lorsqu’elle pénètre dans notre cœur. C’est pourquoi nous devons, avant tout, demander à Dieu de préparer à sa grâce une place en nous.