Verset à verset Double colonne
1 Je vous ai dit ces choses, afin que vous ne soyez point scandalisés.Ces choses, c’est le discours qui précède immédiatement (Jean 15.18-27) et que Jésus achève ici (versets 1-4).
Il a parlé à ses disciples de la haine du monde, des difficultés et des luttes qu’ils rencontreront dans leur vocation, afin que, quand ils y seront engagés, ils ne soient pas scandalisés, c’est-à-dire, qu’ils ne trouvent pas dans leurs combats et leurs souffrances une occasion de chute pour leur foi et pour leur courage (Voir, sur cette expression, Matthieu 11.6 ; Matthieu 13.21 ; Matthieu 24.10, note).
Être exclu ou banni de la synagogue, c’était, chez les Juifs, l’excommunication (Jean 9.22, notes ; comparez Jean 12.42).
Grec : quiconque vous tuera croira offrir à Dieu un culte d’offrande. Cette idée d’offrande est exprimée par le verbe grec que nous rendons par offrir.
Elle est tout à fait d’accord avec le principe rabbinique qu’on lit dans le Talmud : « Quiconque répand le sang des impies est égal à celui qui fait un sacrifice ». Cet aveugle fanatisme se manifesta dès le temps des apôtres (Actes 8.1-3) et se retrouve dans toutes les persécutions qui ont été entreprises au nom et pour la gloire de Dieu !
La cause profonde de ce fanatisme religieux, c’est l’ignorance de Dieu, que Jésus a déjà indiquée avec tristesse (Jean 15.21 ; comparez 1 Corinthiens 2.8). Mais cette ignorance était doublement coupable et sans excuse, après l’apparition du Sauveur au milieu de son peuple (Jean 15.22-24).
Le texte reçu, avec Codex Sinaiticus, D, porte : ils vous feront ces choses. Il est plus naturel de retrancher ce vous, car la pensée de Jésus se généralise et il annonce que ces persécutions se produiront, non seulement contre ses premiers disciples, mais dans tous les temps.
B, A, portent : quand l’heure en sera venue. Ce pronom a été omis dans les autres documents.
Il y a littéralement : vous vous souveniez de ces choses, que je vous les ai dites. Le souvenir de ces prédictions si précises de leur Maître devait soutenir les disciples dans leurs souffrances, en leur faisant comprendre que la haine du monde ne leur était pas personnelle, mais se trouvait fondée dans l’inimitié du cœur de l’homme contre Dieu (verset 1).
Tant que Jésus était avec ses disciples, c’est contre lui que se dirigeait l’opposition de l’incrédulité et comme sa présence suffisait pour protéger et rassurer les siens, il leur épargnait les plus sombres prédictions concernant la haine du monde.
Mais ces paroles : Je ne vous les ai pas dites dès le commencement, présentent une difficulté qui a singulièrement occupé les exégètes.
En effet, dès le commencement, c’est-à-dire, dès le sermon sur la montagne (Matthieu 5.10-12 ; Luc 6.22-23) et dès le premier envoi des disciples (Matthieu 10.16 et suivants ; Luc 12.51 et suivants), Jésus avait annoncé très clairement à ses disciples qu’ils auraient à subir des persécutions.
Il ne sert à rien de dire, avec Bengel et d’autres, que ces prédictions étaient moins explicites que celles de notre chapitre, ce qui n’est pas exact, ou de rappeler que les disciples ne les avaient pas comprises, ce qui n’importe point à la question.
Ce n’est pas non plus une solution de remarquer avec M. Luthardt que, dans un dernier discours d’adieux, ces prédictions avaient une tout autre importance.
Quelques interprètes, Olshausen, Meyer, M. Godet, ont eu recours à l’idée que les synoptiques ne rapportent pas les paroles de Jésus dans leur ordre chronologique, mais ont groupé artificiellement, dans le sermon sur la montagne et dans le discours du chapitre 10 de Matthieu (Matthieu 10), des enseignements prononcés à diverses époques et notamment dans les derniers temps de son ministère.
C’est là ce qu’il faudrait d’abord prouver et la preuve est loin d’être faite. Il est du reste inadmissible que Jésus n’ait jamais parlé de persécutions aux siens Jusqu’à ces derniers entretiens. L’opposition, souvent violente, dont il fut l’objet dès le début, l’y amena nécessairement.
Mais il ne leur avait pas encore présenté ce sujet comme il le fait maintenant ; ce qu’il y a de nouveau dans le discours actuel, c’est qu’il leur dévoile la cause profonde et douloureuse de ces persécutions qu’ils auront à subir, la haine du monde contre lui-même et contre les siens, une haine telle que Dieu lui-même en est le premier objet (Jean 15.18-24).
Il ne leur avait point non plus jusqu’alors signalé aussi directement ce fanatisme aveugle dont il devait être, dès le lendemain la première victime. Ces profondeurs de la corruption humaine, il ne les leur avait point révélées dès le commencement, parce qu’elles ne devaient se manifester qu’en présence de la croix. Dans les premiers temps, quand ils jouissaient encore de la faveur du peuple, les disciples n’auraient pu croire de telles prédictions.
En entendant cette parole si claire : maintenant je m’en vais à Celui qui m’a envoyé, les disciples s’arrêtent uniquement à la douleur de la séparation, la tristesse remplit leur cœur et ils ne songent nullement à demander de nouvelles lumières sur le but glorieux que leur Maître allait atteindre.
Jésus s’en étonne et s’en afflige et il voudrait provoquer en eux des questions auxquelles il serait heureux de répondre.
Prises dans ce sens précis, ces paroles ne sont pas en contradiction avec la question de Pierre (Jean 13.36), ou l’interruption de Thomas (Jean 14.5). À ce moment, les disciples, tout préoccupés encore d’un royaume terrestre du Messie, désiraient ne pas être séparés de lui, mais pouvoir le suivre immédiatement (Jean 13.37).
Jésus voudrait tirer ses disciples de cette morne tristesse qui les rend muets en sa présence ; et, pour cela, il cherche à leur faire comprendre que son retour dans la gloire est la condition indispensable de l’envoi du Saint-Esprit qui sera pour eux la lumière et la vie.
Le vrai commentaire de ces paroles se trouve au Jean 7.39 (voir la note).
Cette parole : il vous est avantageux que je m’en aille, est donc, à un double égard, d’une vérité profonde.
D’une part, il fallait que l’œuvre de notre rédemption fût accomplie par la mort, par la résurrection du Sauveur et par son élévation dans la gloire divine ; il fallait en un mot, que « toute puissance lui eût été donnée au ciel et sur la terre » (Matthieu 28.18), pour qu’il pût répandre son Esprit sur les siens.
D’autre part ceux-ci allaient être élevés par cet Esprit à une vie religieuse bien supérieure à celle qu’ils avaient connue jusqu’alors. Ils allaient voir s’élargir l’étroit horizon où ils avaient vécu. Ils « ne connaîtront plus Christ selon la chair », sous sa « forme de serviteur ; » mais, par une communion spirituelle et vivante avec lui, ils le posséderont glorifié et ils comprendront la spiritualité et l’universalité de son règne, qu’ils iront établir sur la terre, par la puissance de son Esprit.
Il leur était donc avantageux qu’il s’en allât.
Cette parole, qui dut paraître mystérieuse aux disciples, est, en un sens, applicable à tous les chrétiens, car tous doivent s’élever de la connaissance du Christ historique à celle du Christ glorifié et vivant.
Pour la troisième fois (Jean 14.16-17 ; Jean 15.26), Jésus revient à la grande promesse de l’Esprit qui dissipera la tristesse des disciples et pourvoira tout dans leur vie et dans leur œuvre. Jésus décrit ici l’action puissante de cet Esprit sur le monde (versets 8-11), puis sur les disciples eux-mêmes (versets 12-15).
Quant au monde, l’Esprit le convaincra avec puissance de péché, de justice et de jugement.
Convaincre est un terme juridique, c’est ainsi qu’on dit : convaincre quelqu’un d’un crime devant un tribunal. Dans l’Écriture, ce mot a toujours un sens moral, intime, se réalisant dans la conscience. Nos versions françaises le traduisent souvent par reprendre, être repris, ce qui produit la conviction (Jean 3.20 ; Jean 8.9-46 ; Matthieu 18.15 ; Luc 3.19).
Quand une âme est ainsi convaincue de ces trois grands faits du monde moral : péché devant Dieu, justice divine, jugement éternel, il se fait en elle une crise dont le résultat peut être la repentance et le salut (1 Corinthiens 14.24-25), ou l’endurcissement et la ruine (Actes 24.25).
Quelques exégètes n’ont vu que ce dernier sens dans tout notre passage, qui annoncerait ainsi la condamnation du monde incrédule (versets 9 et 11).
Nous ne saurions admettre cette interprétation. La condamnation n’est pas toute l’œuvre de l’Esprit, qui veut convaincre afin de convertir et de sauver.
Ces trois mots : péché, justice, jugement, sont sans article, pris dans leur plus grande généralité ; mais Jésus ajoute à chacun de ces termes un motif qui en détermine le sens et en indique la cause (versets 9-11).
Convaincre le monde de péché telle est la première action de l’Esprit de Dieu ; c’est aussi le premier pas que puisse faire le pécheur vers son renouvellement moral.
Mais à l’idée générale du péché exprimée au verset 8, Jésus ajoute un trait spécial qui caractérise la vraie nature du péché en tout homme et en particulier dans le monde juif qui avait repoussé le Messie, l’incrédulité : de péché, parce qu’ils ou en ce qu’ils ne croient pas en moi.
La plus accablante démonstration du péché en l’homme, de son inimitié contre Dieu, de sa révolte, consiste à rejeter Celui qui fut sur la terre l’image vivante de la sainteté et de l’amour de Dieu.
C’est là le péché dans son essence, la source de tous les autres, la seule cause de la condamnation. Tous les autres péchés, expiés par la mort de Christ, peuvent être pardonnés dès que le pécheur embrasse le Sauveur avec foi ; mais ce péché-là le retient dans la mort et rend son salut impossible.
Dès qu’un homme en est convaincu, il ne lui reste plus ni excuse ni fuite : il faut qu’il se repente et revienne à Dieu, ou se perde.
Dès le jour de la Pentecôte, cette œuvre de l’Esprit s’accomplit au milieu du peuple juif, par la bouche de l’apôtre Pierre (Actes 2.22-23 ; Actes 3.14-15) ; et cette conviction de péché pénétra immédiatement dans les consciences sincères (Actes 2.37).
En même temps que le Saint-Esprit convaincra le monde de péché, il le convaincra aussi de justice ; ces deux choses sont inséparables.
Mais cette justice divine a été manifestée au monde en Jésus-Christ et, tout particulièrement, en sa personne même, par son élévation dans la gloire. Bien qu’il fût le Saint et le Juste, il n’en fut pas moins méconnu du monde, accusé condamné, mis à mort comme un malfaiteur. En lui et selon les apparences, l’iniquité triomphait de la justice.
Mais, par sa résurrection glorieuse et par son élévation à la droite de la majesté divine, il fut « déclaré Fils de Dieu avec puissance » (Romains 1.4), « justifié par l’Esprit » (1 Timothée 3.16), « élevé à la droite de Dieu comme Prince et Sauveur » (Actes 5.30-31 comparez Jean 1.32-33 ; Jean 3.15 ; Jean 10.40).
C’est donc, avant tout, de la justice de Christ lui-même que le Saint-Esprit devait convaincre le monde, ainsi que l’indique clairement le Sauveur par ces mots : de justice, parce que, ou en ce que je m’en vais à mon Père. Celui qui mourut sur la croix reste donc éternellement le Juste (1 Jean 2.1 ; Jean 3.7 ; 1 Pierre 3.18).
La justice dont l’Esprit convaincra le monde est donc la justice de Christ, qui lui est personnelle, ce mot ne saurait s’entendre ici dans le sens que l’apôtre Paul lui donne : la justice que le pécheur obtient par la foi en Christ. Augustin, Luther, Mélanchton, Calvin et d’autres l’expliquent ainsi à tort.
Mais, comme le reconnaissent de Wette, Luthardt et d’autres exégètes, cette explication, si elle ne donne pas le vrai sens du terme de justice, renferme une pensée qui n’est pas entièrement étrangère au contexte, car la justification de Christ a pour conséquence la justification de ceux qui se confient en lui comme en leur Sauveur.
Jésus ajoute en s’adressant à ses disciples : et que vous ne me verrez plus. Cette parole est la confirmation de celle qui précède : je m’en vais à mon Père.
Si Jésus déclare à ses disciples directement qu’il va devenir invisible par son retour auprès du Père cette tournure personnelle qu’il donne à l’énoncé de sa pensée peut s’expliquer soit par l’intention de leur témoigner sa tendre sympathie pour la douleur que leur causera la séparation (Meyer, Luthardt), soit par le désir de les avertir qu’ils auront à se déshabituer de sa présence matérielle qu’ils devront apprendre à ne plus le voir selon la chair, mais à entrer, par le moyen du Saint-Esprit, dans une communion intime et vivante avec lui.
En les unissant dans cette communion, en constituant ainsi l’Église qui est le corps de Christ et sa représentante sur la terre, le Saint-Esprit convaincra le monde de la justice de Jésus-Christ et démontrera à tous que Jésus est le Saint de Dieu, le Sauveur des hommes, la source du salut et de la vie éternelle.
Partout où le monde sera convaincu de son propre péché et de la justice de Christ, il sera aussi convaincu de jugement.
Ce jugement devait commencer par celui qui a été, sur notre terre, l’auteur du péché, le prince de ce monde (Jean 12.31, note ; comparez Jean 14.30), le chef du royaume des ténèbres.
Il est déjà jugé par le seul fait de l’œuvre de rédemption qu’allait accomplir le Sauveur. La puissance et la domination de l’ennemi vont être brisées et la terre, où il régnait, ouverte à la prédication du salut.
Chaque pécheur arraché à Satan et régénéré par l’Esprit est le monument de la condamnation de celui qui s’appelait jadis le prince de ce monde.
Pour que l’Esprit Puisse convaincre le monde, il faut d’abord qu’il agisse dans les apôtres qui seront les instruments de son action sur le monde. C’est pourquoi après avoir décrit celle-ci, Jésus promet à ses disciples que l’Esprit les conduira dans toute la vérité et complétera l’instruction qu’ils ont reçue de lui.
Les enseignements de Jésus à ses disciples renfermaient toute la vérité divine qu’ils avaient pu comprendre jusqu’alors (Jean 15.15 ; Jean 16.30).
Mais les grands développements et les applications diverses de cette vérité qui devaient se réaliser par l’établissement du royaume de Dieu sur la terre leur étaient encore inconnus ; ils ignoraient la naissance et les progrès d’une Église chrétienne qui unirait en un seul corps Juifs et païens.
En outre, bien que Jésus leur eût annoncé qu’il devait mourir pour la rédemption du monde (Jean 3.14-16) et leur eût présenté la foi en lui comme le moyen d’y avoir part, il ne pouvait pas, tant que son œuvre n’était pas achevée, leur enseigner, dans sa plénitude, la grande doctrine de la justification par la foi.
Enfin, les apôtres ne pouvaient alors comprendre ni prévoir les dernières profondeurs de la régénération, du renoncement, de la vie divine en l’homme.
Jésus avait donc encore beaucoup de choses à leur dire ; mais ils ne pouvaient les porter ; ce terme est choisi à dessein,
car la vérité tout entière (verset 13) est un pesant fardeau pour celui qui n’est ni assez mûr ni assez fort pour s’en charger.
C’est l’Esprit de Dieu qui la révélera aux disciples, tout en les rendant capables de l’embrasser et de l’annoncer à d’autres. Nous possédons, dans les épîtres du Nouveau Testament tout ce que Jésus n’avait pu encore leur enseigner.
La vérité, remarque M. Godet, est présentée comme une contrée inconnue dans laquelle l’Esprit sert de guide (grec montre le chemin).
Si l’on conserve le texte reçu (B, A, majuscules), il est chargé d’y introduire les disciples, car ils sont encore dehors ; d’après la leçon de Codex Sinaiticus, D, ils sont déjà entrés dans ce domaine et l’Esprit a charge de le leur faire explorer.
Enfin la leçon de Codex Sinaiticus, B, A, qui place le mot toute après vérité, présente la vérité entière comme un tout organique (Weiss).
Cette vérité est, en dernière analyse, Jésus lui-même (Jean 14.6).
C’est sur cette promesse, magnifiquement accomplie dès le jour de la Pentecôte, que se fonde l’autorité divine des enseignements apostoliques. Il en résulte encore qu’il n’y a plus d’autres révélations de la vérité à attendre dans l’économie présente. Il en ressort enfin que la parole du verset 12 ne peut servir de fondement ni à la théorie de la tradition romaine, ni à un certain mysticisme qui prétend à des révélations de l’Esprit en dehors du témoignage apostolique.
Le Saint-Esprit peut révéler toute la vérité, parce qu’il n’enseigne pas de son chef (grec de lui-même) tirant ses instructions de son propre fonds, mais en parfaite harmonie avec le Père et le Fils (versets 14 et 15).
Jésus formule ainsi le fondement de l’autorité de l’Esprit à peu près dans les mêmes termes que celui de sa propre autorité : l’une et l’autre reposent sur l’unité de volonté et d’action avec Dieu, le Père (Jean 5.19 et suivants, Jean 7.17-18 ; Jean 8.28 ; Jean 12.49).
C’est à cette parfaite révélation de l’Esprit que l’apôtre Paul rend témoignage (1 Corinthiens 2.10-11) ; car « l’Esprit sonde toutes choses, même les profondeurs de Dieu ».
Ces choses à venir appartiennent aussi à la « vérité tout entière » que l’Esprit devait révéler. Il rendra claires et vivantes, dans l’esprit des apôtres, les prédictions de Jésus concernant l’avenir de son royaume, ses progrès successifs sur la terre et son glorieux accomplissement. Bengel fait remarquer que notre évangéliste, qui a retenu et rapporté cette promesse, a eu la plus grande part à sa réalisation, puisque, par son livre de l’Apocalypse, il est devenu le prophète de la nouvelle alliance.
Le Saint-Esprit glorifiera le Sauveur en plaçant les disciples dans une communion vivante avec lui, en leur révélant et en leur appropriant ainsi tous les trésors de grâce, de vérité, de vie divine, de sainteté, qui sont en lui. C’est ce qu’un apôtre appelle « les richesses incompréhensibles de Christ » et que Jésus nomme ici ce qui est à moi (comparer Jean 1.14 ; Colossiens 1.19 ; Colossiens 2.3-9).
Il peut employer cette dernière expression, parce que, dans son unité avec le Père, il peut ajouter : Tout ce que le Père a est à moi (comparer Jean 17.10). En sorte que toute la révélation de Jésus-Christ et tous les développements de cette révélation par le Saint-Esprit émanent de Dieu même, en son Fils bien-aimé.
L’œuvre de l’Esprit introduisant les apôtres dans la vérité (verset 13), ne sera que la glorification croissante de Jésus dans les cœurs. Christ, sa parole et son œuvre, voilà le texte unique que l’Esprit commentera dans l’âme des disciples. Il fera, d’un même acte, croître les disciples dans la vérité et grandir Jésus en eux. Pour l’intelligence de ce mot glorifier, comparer l’expérience admirablement décrite par saint Paul.
Après les promesses concernant l’envoi du Saint-Esprit, Jésus revient au moment présent, à la pensée de sa mort. Il l’annonce par une parole énigmatique destinée à provoquer les réflexions des disciples et qui eut vraiment cet effet (verset 17).
Ils auraient pu comprendre ce mot : Encore un peu de temps et vous ne me verrez plus, qui leur annonçait la mort si prochaine de leur Maître, mais cette pensée, en apparence contradictoire : encore un peu de temps et vous me verrez parce que je vais au Père, devait leur paraître inexplicable (verset 17).
Et pourtant, s’ils avaient bien saisi les paroles qui précèdent (versets 13-15), ce discours ne leur serait pas si obscur. Jésus, en effet, leur avait dit clairement que son élévation auprès du Père serait le moyen de leur envoyer cet Esprit divin qu’il leur promettait et par lequel ils le reverraient, en entrant dans une communion vivante avec lui (Jean 7.39 ; Jean 14.18-19 ; Jean 14.28 ; Jean 16.7).
Il ne faut donc pas, avec quelques exégètes, placer ce revoir dont parle Jésus au moment de sa résurrection, ou même de son avènement au dernier jour, mais au jour de la Pentecôte (comparer Jean 14.19, note).
Les mots : parce que je m’en vais au Père, sont omis dans Codex Sinaiticus, B, D. Beaucoup de critiques les considèrent comme importés ici du verset 17. Mais on peut aussi penser, avec M. Godet, qu’ils ont été retranchés parce qu’on ne comprenait pas que Jésus parlait d’un revoir spirituel et que dès lors cette proposition : « Vous me verrez parce que je m’en vais » paraissait absurde.
Les disciples, sentant d’instinct que leur inintelligence est peu excusable après toutes les instructions qui précèdent, n’osent adresser à Jésus directement leurs questions.
Quelques-uns d’entre eux se les communiquent les uns aux autres dans une espèce d’aparté.
N’ayant point encore saisi ses enseignements sur sa mort, sur sa résurrection et sur l’effusion du Saint-Esprit, ils ne comprennent rien à ces deux termes opposés : encore un peu de temps, dont l’un devait soustraire leur Maître à leur vue et l’autre le leur rendre.
Ils devaient voir une contradiction irréductible dans ces paroles : vous me verrez parce que je m’en vais… Ils concluent donc, non sans quelque impatience : Nous ne savons de quoi il parle.
Ils ne le sauront, en effet, que lorsque l’œuvre du Sauveur sera accomplie et qu’ils auront reçu l’Esprit de lumière et de vie. Alors leur prédication puissante prouvera qu’ils ont compris.
Jésus connut, par cette pénétration divine dont sa vie nous donne tant d’exemples (comparez Jean 2.24-25), que ses disciples voulaient l’interroger.
Il les prévint en exprimant la question qui les arrêtait ; mais, au lieu de dérouler à leurs regards les événements prochains qui auraient expliqué sa parole du verset 16, il se contente de leur dire quelles impressions profondes ces événements feront sur eux.
Durant les jours ténébreux de sa mort, ils pleureront, ils se lamenteront, tandis que le monde, s’imaginant avoir triomphé de la vérité et de la justice dont Christ était le témoin, se réjouira.
Mais bientôt, au jour de la résurrection et surtout au jour de l’effusion de l’Esprit, toute leur tristesse sera changée en une joie d’autant plus grande et que nul ne pourra leur ravir (verset 22).
Image saisissante par laquelle Jésus rend plus vive l’impression des paroles qui précèdent.
Le point de comparaison à retenir, c’est, d’une part, cette tristesse, cette angoisse, dont une femme est saisie quand son heure, l’heure inopinée des douleurs, est venue. Et, d’autre part, la joie profonde qu’elle éprouve aux premiers signes de vie de ce petit enfant qu’elle possède.
Jésus relève encore la dignité de cette joie de la mère : elle la ressent, parce que c’est un homme qu’elle a eu le privilège de mettre au monde.
Cette belle image de la douleur qui fait place à la joie, Jésus l’a empruntée à l’Ancien Testament où elle est souvent employée (Ésaïe 21.3 ; Ésaïe 26.17 ; Ésaïe 37.3 ; Ésaïe 66.7 ; Osée 13.13, etc.).
Quelques exégètes trouvent dans cette image la pensée que les souffrances et la mort de Jésus allaient être pour lui et pour les siens comme le douloureux enfantement de la vie nouvelle sur la terre, une humanité nouvelle allait sortir du tombeau avec le Sauveur. Bien plus, Jésus aurait voulu peindre les douleurs de la repentance, de la mort du vieil homme, qui, pour les apôtres comme pour les croyants de tous les temps, serait le prélude indispensable de la régénération et de la naissance à cette vie nouvelle qui est seule une source intarissable de joie.
Dans la prédication, il peut être permis de tirer d’un texte de telles applications, qui ont leur part de vérité, mais, comme Jésus lui-même exprime ici clairement tout le sens qu’il donne à cette comparaison (verset 22), l’exégèse, pour rester sobre et vraie, ne doit pas aller au-delà.
Jésus, plein de sympathie pour la tristesse de ses disciples, leur applique l’image qui précède et leur promet une joie que personne ne pourra jamais leur ôter.
Le verbe est ici au présent (sauf dans B, D, qui ont le futur) : Personne ne vous ôte votre joie, parce que Jésus voit déjà en esprit ce jour prochain où ils la posséderont.
La source de cette joie est tout entière dans la précieuse promesse : je vous verrai de nouveau. Jésus venait de dire : (verset 16, voir la note) vous me verrez ; il dit maintenant : je vous verrai, deux expressions de la même pensée, qui indiquent une réunion complète de part et d’autre.
Quand cette promesse sera t’elle accomplie ? Au jour de la résurrection de Jésus, comme le pensent quelques interprètes ? Sans doute, alors les disciples le reverront et en auront de la joie ; sans doute aussi, c’est la résurrection et la glorification du Sauveur qui rendront possible l’envoi du Saint-Esprit (verset 7, note), mais ce n’est qu’au jour de la Pentecôte que la promesse sera pleinement accomplie. C’est ce que prouve, avec évidence, le verset 23.
En ce jour-là signifie : depuis le jour où ils auront reçu la lumière et la vie de l’Esprit. Alors ils ne sentiront plus le besoin de l’interroger sur tous les sujets comme ils l’avaient fait jusqu’ici (comparez verset 19), parce que leur connaissance de la vérité sera suffisante pour leur permettre de saisir le salut et de l’annoncer à d’autres.
Le discours de Pierre (Actes 2.14 et suivants) est un vivant témoignage de cette divine assurance que Jésus leur promet ici.
Autre grâce immense qui sera le fruit de l’Esprit dans la vie des disciples : leurs prières seront toujours exaucées, parce que s’ils demandent quelque chose au Père, il le leur donnera au nom de Jésus (Voir, sur cette expression, Jean 14.13, note).
Le texte reçu porte : tout ce que vous demanderez au Père en mon nom (A, D, versions).
Cette construction de la phrase paraît avoir été adoptée sous l’influence des Jean 16.24-26 ; Jean 14.13. C’est pourquoi les éditeurs et interprètes modernes préfèrent la leçon de Codex Sinaiticus, B, C. Elle signifie que Dieu exaucera leurs prières pour l’amour de Jésus (Jean 14.26, note).
Jusqu’à présent les disciples priaient, sans doute ; mais ils ne demandaient pas au nom de Jésus, parce qu’ils n’avaient pas encore reconnu en lui l’unique médiateur entre Dieu et les hommes.
Mais quand il aura achevé son œuvre, quand il sera glorifié, quand il vivra dans leur cœur par le Saint-Esprit, alors ils prieront en son nom (Jean 14.13-14, note) et Jésus leur réitère ici la promesse qu’ils recevront toutes les grâces demandées et que leur joie sera accomplie (Jean 15.11 ; Jean 17.13). Alors sera réalisée pour eux la belle image du verset 21 et la promesse qui suit (verset 22).
Ces choses sont celles que Jésus leur a dites relativement à son départ et à l’envoi du Saint-Esprit, par lequel ils le reverront (verset 16 et suivants). Ce sont aussi les prédictions des souffrances qu’ils auront à endurer dans cette crise prochaine (verset 20 et suivants).
Il en avait parlé en langage figuré (grec en similitudes, proverbes, Jean 10.6), c’est-à-dire en employant les termes de « maison du Père », — « chemin », — « revenir », — « revoir », — « faire sa demeure », au sens spirituel.
Il ne pouvait s’exprimer autrement alors car, d’une part, les disciples étaient incapables de comprendre les choses de l’Esprit avant de l’avoir reçu ; et, d’autre part, s’il leur avait dit clairement tout ce qui allait lui arriver, ou ils auraient refusé d’entrer dans sa pensée (Matthieu 16.22), ou ils en auraient été accablés. Il a épargné leur faiblesse ; et c’est ainsi qu’en tout temps il conduit les âmes par degrés, selon leurs besoins, avec la sagesse et la tendresse d’un père.
C’est-à-dire en termes propres (Jean 11.14), ouvertement.
L’heure où il en sera ainsi est celle de l’effusion du Saint-Esprit sur les disciples. À sa vive lumière, ils connaîtront le Père tel qu’il s’est révélé en son Fils et découvriront tout le mystère de la rédemption accomplie par sa miséricorde infinie (comparer verset 13, note).
Nouvelle assurance donnée aux disciples que leurs prières seront exaucées : éclairés par l’Esprit, ils demanderont au nom de Jésus à un Père qui les aime comme ses enfants.
Il vous aime, donc il vous exauce.
Ils sont entrés dans ce rapport intime et filial avec Dieu parce qu’ils ont aimé le Sauveur et ont cru sa divine origine.
Ce rapport de confiance et d’amour entre le croyant et Dieu est rendu tellement immédiat par le Saint-Esprit (Romains 8.15), que l’intercession du Sauveur n’est plus nécessaire ; Celui-ci a achevé son œuvre de rédemption et de réconciliation pour l’homme qui l’a aimé et qui est aimé du Père lui-même.
De là cette parole qui étonne au premier abord : Je ne vous dis pas que je prierai le Père pour vous.
Ceci n’est point en contradiction avec les paroles qui affirment la médiation permanente du Sauveur et nous le montrent remplissant toujours son office de souverain sacrificateur auprès de Dieu (Jean 14.16 ; Jean 17.9 ; Romains 8.33 ; Hébreux 7.25 ; 1 Jean 2.1).
En effet, l’intercession de Jésus a précisément pour but d’introduire les âmes dans ce rapport intime avec Dieu qu’il vient de décrire ; quand ce rapport est établi et dans là mesure où il est maintenu par le Saint-Esprit la prière des enfants de Dieu monte immédiatement au cœur de leur Père céleste (Hébreux 4.16).
Il ne dit pas qu’il priera, car tant qu’ils sont dans l’état normal de fidélité, ils n’en auront pas besoin ; il prie alors par eux, non pour eux.
Comparer ce que nous avons dit de la prière au nom de Jésus, Jean 14.14, note.
Jésus répète la dernière parole du verset précédent et déclare de nouveau solennellement, pour affermir la foi des disciples, qu’il est sorti d’auprès du Père (B, C portent : hors du Père, « leçon qui a une saveur dogmatique trop prononcée pour être la vraie », dit M. Godet) et qu’il est venu dans le monde et que maintenant, il laisse de nouveau le monde pour aller au Père.
C’est là une révélation lumineuse de sa Préexistence et de son retour dans la gloire, ou, comme s’exprime Meyer, « un résumé simple et grand de toute sa vie personnelle » (comparer Jean 8.42 ; Jean 13.1).
Par ces paroles, Jésus revient à la première pensée de tout ce discours (verset 16 et suivants).
Grec : tu ne dis aucune similitude. Comparer verset 25, première note.
Les dernières paroles du Sauveur ont fait, sur l’esprit des disciples, une impression profonde ; ils ont compris enfin, dans une certaine mesure, ce que leur Maître leur révélait sur sa personne ; ils professent unanimement leur foi, qui venait de recevoir une lumière si vive.
Chacun des termes dont ils se servent relève des paroles mêmes que Jésus venait de prononcer. C’est d’abord la promesse du Maître (verset 25) que les disciples considèrent comme déjà accomplie ; c’est ensuite la conviction que Jésus sait toutes choses et qu’ils n’ont plus besoin de l’interroger, parce qu’il a connu les pensées de leur cœur et répondu spontanément à toutes les questions qu’ils voulaient lui adresser (versets 19-23) ; c’est enfin la confession de leur foi à la grande révélation sur l’origine divine du Sauveur : (verset 28) nous croyons que tu es venu de (grec sorti de la part de) Dieu.
Et tout cela n’est pas remis à l’avenir, mais existe actuellement dans leur cœur : maintenant, deux fois répété.
Parole pleine d’indulgence et d’amour par laquelle Jésus, avec une joie profonde, approuve et encourage la sincère profession de la foi de ses disciples. Seulement, il y ajoute un sérieux avertissement pour les porter à la vigilance (verset 32).
De nombreux exégètes et plusieurs éditeurs du texte font de cette parole de Jésus une question : Croyez-vous maintenant ?
Cette question exprimerait le doute. Jésus considérerait la profession de foi des disciples comme prématurée et les avertirait de leur défection imminente (verset 32).
Mais cette interprétation ne tient aucun compte des paroles pleines de paix et d’encouragement qui terminent ce discours (verset 33), ni du fait que, dans la prière sacerdotale qui suit immédiatement, Jésus rend à la foi de ses disciples un témoignage plein de confiance (Jean 17.8). Aussi Lücke, Meyer, Stier, Ebrard, MM. Weiss et Godet expliquent-ils ce passage dans le sens que nous lui avons donné.
Cette prédiction, toute semblable à celles que nous trouvons dans les autres évangiles (Matthieu 26.31, Marc 14.27) et qui allait s’accomplir dans la nuit même (Matthieu 26.56), n’est point en opposition avec la parole qui précède ; car, si la foi des disciples supporta mal le rude choc qui allait les atteindre, cette foi ne défaillit point, parce que Jésus la soutint par sa prière (Luc 22.32).
Mais cet avertissement était destiné à provoquer dans l’âme des disciples la défiance d’eux-mêmes, la vigilance, la prière ; par ces moyens, ils auraient pu prévenir une chute profonde et douloureuse.
Avec quelle tristesse Jésus dut prononcer cette parole : Vous me laisserez seul ! Cette tristesse concernait ses pauvres disciples plus que lui-même ; car, quant à lui, la solitude profonde où il allait se trouver sera remplie par la présence et l’amour de son Père qui était toujours avec lui (Jean 8.29).
Par ces remarquables paroles, Jésus nous révèle
la conscience calme et claire qu’il avait de la protection paternelle de Dieu, même au milieu de l’abandon des hommes.
Le même exégète fait observer que ces paroles ne sont point en opposition avec le sentiment momentané que Jésus éprouva sur la croix (Matthieu 27.46).
Heureux le disciple de Jésus qui, dans l’abandon et la souffrance peut redire avec lui : Je ne suis pas seul, parce que le Père est avec moi !
Malgré le douloureux avertissement qu’il a dû leur donner (verset 32), les dernières paroles de Jésus à ses disciples sont des paroles de paix, de courage, de victoire !
Tout ce qu’il leur a dit jusqu’ici (ces choses), tous ces derniers discours des chapitres 14 à 16 n’avaient d’autre but que celui-ci : qu’en moi vous ayez la paix.
La paix, la paix du cœur, ce bien suprême avec lequel aucun homme ne peut être malheureux, la paix, toujours puisée en moi, dans une communion intime et vivante avec moi, tel est l’héritage que je vous laisse (Jean 14.27).
Il y a, il est vrai, un redoutable adversaire de cette paix : le monde, ce monde ennemi de Dieu et de sa vérité, ce monde au milieu duquel je vous laisse, là vous avez de l’affliction. Verbe au présent, selon Codex Sinaiticus, B, A, C, majuscules, parce que le cœur sympathique de Jésus voit déjà ses chers disciples au milieu des souffrances qui allaient fondre sur eux.
Mais prenez courage, moi j’ai vaincu le monde. Il y a un accent de triomphe dans ce mot, moi, que Jésus oppose à la faiblesse des disciples et dans ce verbe au parfait, j’ai vaincu.
Jésus voit sa victoire sur le monde déjà accomplie par sa mort, par sa résurrection, par sa gloire (comparer Jean 12.31 ; Jean 13.31). C’est là que les disciples puiseront toujours le courage que ces paroles devaient leur inspirer (Romains 8.37 ; 2 Corinthiens 4.7-11, 2 Corinthiens 4.16-18 et ailleurs).