Verset à verset Double colonne
Le prophète décrit la corruption et l’aveuglement du peuple par deux symboles : celui de la ceinture (versets 1 à 11) et celui des cruches (versets 12 à 14) ; puis il annonce au peuple (versets 15 à 17), au roi et à la reine (versets 18 à 22), enfin à Jérusalem (versets 23 à 27), le sort qui les attend sur la voie où ils marchent.
Une ceinture de lin ; c’est une ceinture de luxe, comme celle que portaient les prêtres (Lévitique 16.4) ; la ceinture ordinaire était faite de cuir (2 Rois 1.8). D’après le verset 11, cette ceinture représente le peuple d’Israël, choisi par l’Éternel pour être sa gloire.
Sur tes reins : image de l’union étroite entre l’Éternel et son peuple.
Ne la mets pas dans l’eau : afin qu’elle demeure neuve et fraîche comme au premier jour ; un vêtement lavé perd de son lustre et de sa valeur. Israël aurait dû demeurer fidèle à l’alliance et conserver ainsi dans toute sa pureté son état de consécration primitif (Jérémie 2.2).
Des symboles de ce genre sont fréquents chez les prophètes et l’on peut en chaque cas particulier se demander s’il faut les envisager comme des actes matériellement accomplis, ou comme des faits appartenant au domaine de la vision. Si l’on ne tient compte que de l’achat de la ceinture, la question peut ici paraître douteuse. Mais comme il est parlé ensuite de deux voyages du prophète jusqu’à l’Euphrate, il est peu probable que ces actes symboliques aient été accomplis en réalité. Du reste, la signification des emblèmes reste la même dans les deux cas.
Va vers l’Euphrate. Ce nouvel acte symbolique imposé au prophète représente non point ce que Dieu a fait à l’égard du peuple, mais ce que le peuple est devenu par sa propre faute et contrairement à la destination que Dieu lui avait assignée. Il nous montre Israël infidèle à Dieu et cédant à l’attrait des religions étrangères. Israël a méprisé les eaux de Siloé (Ésaïe 8.6) ; il est allé boire les eaux du Nil et de l’Euphrate (Jérémie 2.18). Il ne saurait être ici question de la captivité de Babylone, comme plusieurs l’ont cru ; car ce châtiment, bien loin d’être fatal au peuple (comparez verset 7), a été pour lui une épreuve salutaire, d’où il est sorti purifié.
Dans une fente de rocher. La ceinture doit être exposée à l’action des eaux du fleuve, mais non de manière à être emportée, car le prophète doit pouvoir la retrouver plus tard.
Je creusai : pour retrouver la ceinture sous le limon et le gravier dont l’Euphrate l’avait couverte.
Plus bonne à rien : image de la corruption morale produite en Israël par l’invasion des idolâtries étrangères. Comparez Matthieu 5.23, le sel qui a perdu sa saveur. Chaque peuple a sa mission ; dès qu’Israël abandonnait Dieu, il était infidèle à la sienne et perdait sa raison dêtre dans l’humanité.
Le grand orgueil de Jérusalem. L’orgueil du peuple atteint son plus haut point chez les habitants de la capitale.
Israël ne devait pas être seulement l’auxiliaire de Dieu ; il devait lui servir d’ornement au milieu des autres peuples. Allusion à Deutéronome 26.19.
Le premier symbole se rapportait plutôt à la corruption morale du peuple ; le second annonce la dissolution sociale qui en sera la conséquence ; livrés à leur propre aveuglement, ils seront punis les uns par les autres en même temps que par l’Éternel.
Toute cruche… Cette expression est probablement proverbiale : les cruches sont faites pour être remplies ; le prophète sait bien que l’énoncé de cette vérité banale provoquera les moqueries de ses auditeurs, qui ne prévoient pas quelle application terrible il en va faire.
D’ivresse : l’égarement dont Dieu frappe les méchants et dans lequel ils s’entre-détruisent, comme les cruches se brisent les unes contre les autres. Comparez Ésaïe 19.2 ; Ésaïe 19.1 ; Ésaïe 19.11-14.
Les pères et les fils : ceux que la nature appelle le plus directement à s’entr’aider. Dans la première comme dans la seconde ruine de Jérusalem, les discordes intestines concoururent, avec l’ennemi étranger, à l’extermination du peuple. Dieu veut que les méchants eux-mêmes lui servent d’instruments dans les jugements qu’il exécute contre eux.
Ne soyez pas orgueilleux. Il y a l’orgueil de la prospérité où l’homme se glorifie de son bonheur et l’orgueil du malheur où l’on refuse de s’accuser soi-même et d’aller chercher la délivrance à la seule source d’où elle procède.
Rendez gloire. Comparez Josué 7.19.
Montagnes de la nuit : des obstacles qu’on peut éviter de jour, mais qui la nuit se dressent imprévus et contre lesquels on se heurte soudain.
La lumière, emblème du salut. Au lieu de la délivrance qu’ils ont attendue arrivera la ruine complète.
La partie la plus féconde de la carrière des hommes de Dieu a toujours été leurs larmes et leurs prières secrètes ; comparez l’exemple de l’apôtre Paul.
Les paroles adressées au roi et à la reine s’étendent, selon nous, jusqu’à la fin du verset 22.
La reine : la reine-mère, qui, dans les cours de l’Orient où règne la polygamie, a toujours joué un rôle prépondérant. Dans le livre des Rois, la reine-mère est nommée à l’occasion de chaque avènement, sauf deux fois. Il n’est pas possible de mettre des noms propres sous les indications de notre texte. Nous savons seulement que la mère du roi Jéhojachin (Jéchonias) fut emmenée à Babylone avec son fils (2 Rois 24.12 ; 2 Rois 24.15). Si les menaces des versets 18 à 22 se rapportent à elle, elles se sont sans doute accomplies à la lettre.
Les villes du midi. Ces villes sont spécialement nommées, parce que l’ennemi qui vient du nord est censé traverser le pays dans toute sa longueur. Les villes du midi seront donc le dernier refuge.
Sont fermées : non à cause du siége, puisque les habitants sont déjà déportés, mais par les décombres amoncelés devant toutes les issues et que personne ne déblaie.
Le troupeau : ce peuple que le roi et la reine-mère étaient, appelés à conduire. Le discours adressé au roi et à la reine continue.
D’après la traduction que nous avons adoptée, les Chaldéens et leurs rois sont ceux qu’a recherchés Israël. Objets des amours adultères de Juda, ces idolâtres deviennent maintenant ses maîtres. La reine-mère ici désignée avait certainement joué son rôle dans cette politique néfaste ; c’est donc à elle en premier lieu que s’adressent les paroles suivantes : Les douleurs, etc.
Les pans de ta robe… : ignominie infligée aux captives et même sans doute à celles du plus haut rang. Comparez Nahum 3.5 ; Esaie 47.3.
Les talons meurtris. On peut appliquer cette expression soit aux entraves mises aux pieds, soit aux fatigues d’une longue marche faite pieds nus, soit enfin au supplice de la bastonnade sur les talons, qui est encore usité en Orient.
Un Maure, probablement un Éthiopien. Jérémie se sert sans doute d’une expression proverbiale servant à désigner une chose impossible : Quand un noir changera sa peau, vous pourrez aussi faire par votre seule force quelque bien.
Le fait de la corruption naturelle et invétérée de l’homme ne détruit pas, selon l’Écriture, la culpabilité du pécheur. Car dans toutes les économies l’homme est en possession de certaines grâces au moyen desquelles il peut réagir contre sa nature corrompue ; et Jésus déclare que ce qui est impossible aux hommes, est possible à Dieu.
Vous qui êtes appris… cette expression correspond à celle du verset 21 auxquels tu avais appris.
Ta portion mesurée. L’image est celle d’une portion abondante dont on remplit le large pli que le vêtement oriental forme sur la poitrine ; comparez Matthieu 7.2. Il y a de l’ironie dans cette expression : une portion mesurée qui se trouve être une dispersion (verset 24) !
Au mensonge : aux idoles.
Et moi aussi… Moi, ton Dieu, j’aurai aussi ma main dans ces traitements que te feront subir tes ennemis. Cette menace, répétition aggravée de celle du verset 22 qui s’adressait à la reine mère, s’applique ici à Jérusalem tout entière.
Tes hennissements ; comparez les images analogues Jérémie 2.23-24.
J’ai vu tes abominations. Être vu dans l’accomplissement de telles œuvres serait déjà une peine suffisante.