Verset à verset Double colonne
Ce discours pourrait être appelé un chapitre de l’histoire universelle. Il marque une des dates cardinales de l’histoire ancienne (606). Nébucadnetsar et la puissance chaldéenne succèdent sur le théâtre du monde à l’Assyrie, dont la capitale, Ninive vient d’être détruite. Cette date partage également le ministère de Jérémie en deux périodes (voir l’introduction). C’est dès maintenant qu’il met ses prophéties par écrit (chapitre 36) et que, par les vues qu’il jette sur l’avenir des puissances étrangères dans le mouvement desquelles Israël va être complètement entraîné, il prend, pour ainsi dire, possession de son titre de prophète des nations (voyez Jérémie 1.5 ; Jérémie 1.10, note).
En effet, les fameuses soixante-dix années assignées par le prophète, dans le chapitre 25 comme dans la lettre qu’il adresse aux captifs (chapitre 29), à la durée de l’exil, n’intéressaient pas seulement Juda et Israël mais tous les peuples, puisqu’elles exprimaient en même temps la durée totale de la monarchie chaldéenne. Ainsi : Juda et tous les peuples qui l’ont frappé, asservis au roi de Babylone ; puis la puissance de Babylone elle-même recevant d’autres conquérants à venir la rétribution de ses longues injustices : tel est le tableau grandiose qui se déroule aux regards de Jérémie. C’est le point de départ de celui que contemplera le spectateur des révolutions des grandes monarchies, le prophète Daniel.
Division de ce chapitre :
La quatrième année de Jéhojakim. C’est la date de la bataille de Carkémis, où Pharaon Néco fut vaincu par Nébucadnetsar (voir introduction). Le morceau Jérémie 46.1-12 présente le tableau animé de cette bataille, qui mit fin à la grandeur de l’Égypte. Nébucadnetsar poursuivit ses succès du côté de l’occident et soumit Jérusalem (voir introduction). C’est de ce moment où Juda fut soumis à la puissance chaldéenne que datent les soixante-dix années de l’exil auquel mit fin, en 536, l’édit de Cyrus.
La première de Nébucadretsar. Ce prince n’était encore que le co-régent de son père (qui mourut seulement l’année suivante), mais il exerçait déjà la plénitude du pouvoir royal.
Vingt-trois ans : dix-neuf ans sous Josias ; trois mois sous Joachaz ; quatre ans sous Jéhojakim. Combien peu de fruits de vie pour un si long ministère ! Que de fruits de mort pour un ministère si fidèle !
Dès le matin. Comparez Jérémie 7.13 ; Jérémie 11.7 ; expression émouvante de la sollicitude de Dieu pour le salut de son peuple.
Et habitez. C’est une promesse qui est exprimée ici sous la forme d’un ordre, parce que l’accomplissement dépend réellement de la conduite et par conséquent de la volonté de l’homme.
Toutes les tribus du septentrion : comparez Jérémie 1.15. Dieu réunit ces peuples du nord sous le sceptre de Nébucadnetsar, pour les amener tous ensemble contre Jérusalem.
Mon serviteur. Il est bien remarquable que ce titre auguste de serviteur de l’Éternel, qui dans la dernière partie d’Ésaïe s’applique tour à tour au peuple d’Israël et à son Messie, soit donné ici à un roi païen, exécuteur aveugle des plans divins. Dieu veut légitimer en quelque sorte le pouvoir de Nébucadnetsar sur son peuple, qu’il lui livre. On peut rapprocher de ce titre celui, plus noble encore, d’oint de l’Éternel, qui est appliqué à Cyrus dans la dernière partie d’Ésaïe (chapitre 45). Nébucadnetsar fut l’instrument, de la destruction du peuple, annoncée par les prophètes ; Cyrus, celui de la restauration promise par eux.
Contre toutes les nations d’alentour : voir versets 15 à 26.
À l’interdit : le même mot qui avait été appliqué jadis à l’extermination des Cananéens. En Dieu il n’y a pas d’acception de personnes.
Comparez Jérémie 16.9. Jérémie ajoute ici le bruit de la meule. Les anciens se servaient de moulins à bras ; chaque maison avait le sien pour préparer son pain de la journée. Toute famille orientale a de même une lampe allumée la nuit ; c’est le dernier luxe que les pauvres se retranchent. Ainsi, tout signe de vie et de prospérité, soit pour les yeux, soit pour les oreilles, aura cessé.
Soixante-dix ans. Ce nombre est sans doute en rapport avec la durée moyenne de deux générations. C’est ce que paraît indiquer la parole Jérémie 27.7 (son fils et le fils de son fils).
Lorsque ces soixante-dix ans seront accomplis. La monarchie chaldéenne n’a duré proprement que soixante-huit ans, de 606 à 538, où Babylone fut prise par les Mèdes et les Perses (deux ans avant l’édit de Cyrus) ; le nombre soixante-dix est un nombre rond (voir verset 11).
Nous rencontrons ici l’accomplissement de la loi énoncée déjà Ésaïe 10.5 (voir note), savoir que les instruments de Dieu dans l’exécution de ses jugements demeurent responsables de la manière en laquelle ils remplissent leur mandat.
Tout ce qui est écrit dans ce livre. Cette notice, qui a trait au contenu des chapitres 46 à 51, paraît avoir été adjointe lors de la rédaction définitive du recueil (voir au verset 18, note). Mais ce n’est point une raison suffisante pour révoquer en doute l’authenticité de tout le passage versets 11 à 14, comme l’ont fait quelques interprètes. En tout cas, la prophétie des soixante-dix ans de captivité se retrouve dans la lettre aux exilés (chapitre 29).
Eux aussi : on devait avoir peine à le croire.
Le jugement qui va se promener sur toutes les nations de la terre, est annoncé sous la figure, fréquemment usitée, d’une coupe. Cette coupe doit être présentée par Jérémie à chacun des peuples nommés ici. Comme le contenu de la coupe est la colère de Dieu, il est clair que l’acte lui-même ne se passe point dans le domaine de la réalité extérieure. Dans cette énumération de peuples, le prophète commence par Juda et par Pharaon, son allié et de là remonte au nord, en s’écartant tantôt à droite, tantôt à gauche, pour finir par Babylone. Cette prophétie est le thème général des menaces contre les peuples païens développées dans la dernière partie du livre (chapitres 46 à 51). C’est là sans doute la raison pour laquelle la traduction des LXX a placé ces dernières ici même.
Prises de délire. Ce terme se rapporte à la frénésie qui s’empare des peuples à la veille des grandes catastrophes : c’est l’effet immédiat de la coupe ; après cela vient l’épée, c’est-à-dire le carnage lui-même.
Comme ils le sont aujourd’hui. Ces mots sont une glose, ajoutée au texte après l’accomplissement de la prédiction, pour en constater la vérité.
À tout le mélange de peuples. L’Égypte a de tout temps reçu dans son sein quantité d’étrangers qu’elle s’assimilait plus ou moins (Exode 12.38) : On a pensé aussi aux mercenaires ioniens et cariens dont Psammétique, père de Pharaon Néco, avait fait récemment ses auxiliaires et auxquels il avait assigné des terres près des bouches du Nil. La prophétie contre l’Égypte est développée au chapitre 46.
Uts, le pays de Job ; d’après Lamentations 4.21, vaste contrée à l’orient de l’Idumée.
Rois du pays des Philistins. Il y avait cinq villes capitales dans le pays des Philistins (1 Samuel 6.4). Mais l’une d’entre elles, Gath, dès longtemps ruinée ou privée de son indépendance, n’est déjà plus mentionnée par Amos (Amos 1.8). Elles avaient chacune leur roi.
Les restes d’Asdod. Cette ville avait été saccagée par Psammétique après un siège de vingt-neuf ans.
La prophétie contre les-Philistins est reprise en détail au chapitre 47.
Édom, Moab, les fils d’Ammon. Jérémie réunit ici les peuples parents des Israélites. Sur Édom comparez Jérémie 49.7-22 ; sur Moab, chapitre 48 ; sur les Ammonites, Jérémie 49.4-6.
Dédan : tribu commerçante voisine du peuple des Édomites (Ézéchiel 25.13 ; Ézéchiel 27.15 ; comparez Ésaïe 21.13). La Genèse compte un Dédan parmi les Cuschites (Genèse 10.7) et un autre parmi les fils de Kétura (Genèse 25.3).
Théma : autre tribu arabe, descendant d’Ismaël, selon Genèse 25.15 ; réunie à Dédan Ésaïe 21.13 ; nommée aussi Job 6.9.
Buz : descendant de Nachor (Genèse 22.21) ; c’est de sa famille qu’était Élihu (Job 32.2). Les Buzites habitaient sans doute, avec les tribus précédentes, l’Arabie déserte.
Qui se rasent les tempes. Voir Jérémie 9.26.
Sur les prophéties contre les tribus arabes, voir Jérémie 49.28-33.
Les peuples mélangés : comparez Ézéchiel 30.5.
Zimri : inconnu.
Elam, selon la plupart des interprètes, l’Elymaïs ou Suziane des anciens (le Chusistan), qui paraît avoir fait partie de l’empire d’Assyrie ; voir Ésaïe 22.6 ; Esdras 4.9. Il est joint aux Mèdes, Ésaïe 21.2. Sur la prédiction contre Elam, voir Jérémie 49.34-39.
Sésac. Jérémie 51.41 montre que ce nom désigne Babylone. D’après la tradition juive, ce serait simplement le nom de Babel, prononcé d’après l’alphabet Athbasch, usité en Orient, qui consiste à remplacer la première lettre de l’alphabet par la dernière, la seconde par l’avant-dernière et ainsi de suite (ainsi dans le mot Babel Sch pour B et C pour L). Comparez Jérémie 51.1. Mais il ne faudrait pas voir ici un simple jeu d’esprit. Le nom de Sésac paraît faire allusion au mot schaka, s’affaisser, s’enfoncer et son sens devient ainsi symbolique. Il trouve son commentaire dans le texte même du prophète Jérémie 51.64 : Babylone sera plongée, submergée.
S’ils refusent. Cette supposition appartient toujours à la vision. Elle signifie que toute résistance de leur part au dessein de Dieu sera inutile.
Le jugement de Dieu commence par sa maison, 1 Pierre 4.17.
L’Éternel rugit. Allusion à Joël 3.16 et Amos 1.2. Mais dans ces deux passages, l’Éternel rugit de Sion contre les païens ; ici il rugit du ciel contre Sion.
Il répond. Les jugements de Dieu sont la réponse aux péchés de l’homme. Comparez Genèse 18.21.
Comme les pressureurs, qui accompagnaient de cris cadencés le piétinement du raisin dans la cuve. Même image Ésaïe 63.1-6 ; Lamentations 1.15 ; Apocalypse 14.19 ; Apocalypse 19.15. C’est un jugement général qui s’approche ; un type du jugement final, qui se confond avec celui-ci dans l’intuition prophétique.
Des blessés de l’Éternel : comparez Ésaïe 66.16 ; blessés de l’Éternel par la main de Nébucadnetsar.
Ni enterrés… Comparez Jérémie 8.1-3.
Pasteurs : les rois.
Chefs du troupeau : les grands ; l’aristocratie ; les brebis grasses, Ézéchiel 34.16.
Des vases de prix ; on attendrait plutôt l’image contraire : des vases de rebut ; comparez Jérémie 22.28. Mais Jérémie veut dire : les vases les plus délicats et les plus fragiles.
Il quitte sa retraite. L’Éternel sort de son ciel pour ravager le monde.