Verset à verset Double colonne
Préambule
Jésus est conduit par l’Esprit dans le désert pour être tenté par le diable. Il jeûne quarante jours et il a faim (1-2).
Première tentation
Le tentateur lui insinue un doute sur sa qualité de Fils de Dieu, qui contraste avec sa triste situation et le pousse à prouver qu’il l’est en usant de sa puissance miraculeuse pour se procurer l’aliment nécessaire. Jésus lui oppose une parole de l’Écriture qui exprime sa pleine confiance en Dieu et son désir de lui obéir absolument (3-4).
Seconde tentation
Le diable le transportant dans la ville sainte, au haut du temple, l’invite à se précipiter dans le vide pour montrer sa confiance illimitée en Dieu. Il lui cite une parole de l’Écriture qui semble justifier une telle confiance. Jésus répond qu’il est aussi écrit : Tu ne tenteras point Dieu (5-7).
Troisième tentation
Le diable le transportant sur une haute montagne et lui montrant tous les royaumes du monde et leur gloire, lui offre la domination universelle, s’il consent à lui rendre hommage. Jésus chasse Satan de sa présence, en lui citant cette parole : Tu adoreras le Seigneur ton Dieu et tu le serviras lui seul. Le diable le laisse et des anges le servent (8-11).
Comparer Marc 1.12-13 ; Luc 4.1-13.
Ce récit, auquel passe l’évangéliste par cette simple particule alors, est la suite immédiate de celui qui précède. La tentation succède au baptême. Luc (Luc 4.1, note) met expressément ces deux faits en un rapport intime, dont la signification profonde n’échappera à aucun de ceux qui ont quelque expérience des choses spirituelles. « Jésus, rempli du Saint-Esprit », est emmené par cet Esprit au désert, pour se préparer dans la solitude, par la méditation, la prière et surtout par la tentation à l’œuvre qu’il allait entreprendre. Tout homme de Dieu destiné à de grandes choses a besoin d’une telle préparation. Il la rencontre d’ailleurs infailliblement, car jamais la tentation n’est plus proche de lui ni plus dangereuse qu’au moment où il a été comblé des grâces divines les plus signalées. Si Dieu permet qu’il en soit ainsi pour tous, il le voulut pour son Fils bien-aimé, parce que cela était nécessaire (voir verset 3, note).
Le désert n’était pas celui où se tenait Jean-Baptiste et où Jésus venait d’être baptisé, mais probablement le désert de la « Quarantaine », ainsi nommé par la tradition en mémoire de ces quarante jours et qui s’étend vers les montagnes, dans les environs de Jéricho (Robinson, Palestine, p. 65 ; Félix Bovet, Voyage en Terre Sainte, 7e édition, p. 247). Marc 1.13 ajoute ce trait :
il était avec les bêtes sauvages.
Le diable, nom qui signifie calomniateur, celui qui accuse les justes, nommé dans l’Ancien Testament Satan, l’adversaire. Job 1.6 ; Job 2.1 ; Zacharie 3.1 ; Jean 8.44 ; Apocalypse 12.10 Représentant de la puissance des ténèbres Éphésiens 2.2 ; Éphésiens 6.12-16 que Jésus venait détruire 1 Jean 3.8, Satan devait dès l’abord se montrer l’ennemi de son œuvre divine, comme il le fut jusqu’à la fin. Jean 13.2-27 ; Jean 14.30 Le Sauveur nous le décrit ainsi lui-même. Matthieu 13.19-39 ; Luc 8.12
Matthieu, comme les autres écrivains du Nouveau Testament, le nomme (verset 3) le tentateur, à cause de son influence pernicieuse sur les hommes.
L’existence personnelle de cet ennemi de Dieu et de son règne n’est point un fait qui tienne à l’essence du christianisme ; mais ce fait occupe dans les révélations divines une place tellement évidente, qu’il faut, pour le nier, nier en même temps l’autorité de ces révélations. Ce fait n’a d’ailleurs absolument rien de contraire à la raison. Dès qu’on ne borne pas la création au monde matériel, qu’on admet l’existence d’êtres spirituels, il est arbitraire de nier la possibilité pour eux de tomber dans la révolte et dans le mal. Or, un esprit déchu de Dieu devient naturellement un être méchant, un ennemi, un tentateur. Les manifestations du mal parmi les hommes montrent que des créatures toutes spirituelles peuvent être perverties et méchantes. L’existence et l’action de Satan ne s’affirment que trop dans quelques-unes des expériences intimes les plus redoutables des chrétiens.
Le jeûne du Sauveur fut une abstention absolue de nourriture Luc 4.2 ; il faisait partie de sa préparation, comme ceux de Moïse Exode 34.28 et d’Élie. 1 Rois 19.8
Ces exemples bibliques d’un jeûne prolongé ont leur signification religieuse et morale ; ils sont physiquement possibles en des hommes que l’intensité de la vie de l’Esprit élève pour un temps au-dessus de la nature et de ses besoins. Jésus déclare du reste expressément (verset 4) quelle fut la source de sa vie au désert.
Toutefois cette privation devint pour le Sauveur une souffrance, qui pouvait ouvrir la porte à la tentation. C’est ce que marque l’évangéliste par cette expression après cela (grec plus tard, ensuite) il eut faim et c’est aussi à ce besoin naturel que l’ennemi s’attaqua en premier lieu (verset 3).
Comment le tentateur s’approcha du Sauveur, par quel moyen il lui suggéra ses tentations, c’est ce que les évangélistes passent sous silence. Ce silence a laissé le champ libre aux conceptions les plus diverses quant au genre de notre récit. On peut les ramener à quatre principales, tour à tour soutenues par les exégètes.
Dieu venait de déclarer Jésus « son fils bien-aimé » (Matthieu 3.17) ; le Sauveur lui-même avait pleine conscience de cette dignité. Le moindre doute à cet égard aurait brisé la force nécessaire à la lutte dans laquelle il entrait et qui ne devait finir qu’avec sa vie. Le tentateur cherche précisément à lui insinuer ce doute : Si tu est fils de Dieux… (comparer verset 6).
C’est le premier mot de la tentation en Éden. « Quoi, Dieu aurait-il dit » ? Ce doute pouvait paraître fondé dans la situation. Quoi ? Le fils de Dieu, le Messie, exposé à la faim, aux privations, aux souffrances ! Si tu l’es en effet, prouve-le à toi-même et à ton peuple par des prodiges qui servent à ta délivrance et à ta Gloire. Là était la tentation : faire usage de sa puissance miraculeuse pour échapper à la souffrance de la faim, et, en obéissant à Satan, sortir avec ostentation de l’épreuve. Et il ne faut pas oublier que l’idée présentée à Jésus par le démon était universellement répandue dans le peuple et que maintes fois déjà elle pouvait s’être offerte à lui par la bouche de ses contemporains. Israël attendait un Messie puissant et glorieux, qui rétablirait la nation dans son ancienne splendeur terrestre, en l’affranchissant du joug de l’étranger.
Jésus adoptera-t-il cette pensée si propre à séduire le patriotisme d’un Israélite ? Ou bien entrera-t-il dans la longue carrière d’humiliations et de souffrances dont le terme sera la croix, pour ne régner que par la vérité Jean 18.37 et pour accomplir la rédemption morale du monde ? Telle était la question qui constituait pour lui la plus redoutable tentation. Cette question est au fond la même qui se pose devant la conscience de tout homme. D’une part l’Évangile lui dit : Renonce à tout et à toi-même, prends ta croix et suis Jésus dans la voie de pauvreté, pour régner avec lui. D’autre part le monde l’invite à chercher la satisfaction de ses besoins naturels, de ses désirs égoïstes, à vivre pour soi-même ; il faut choisir… Et ce choix à faire, pour le disciple comme pour le Maître, se représente à chaque pas dans la vie ; il faut vaincre par l’obéissance et le sacrifice de soi-même et pour cela avoir recours à une force qui n’est pas de la terre (verset 4).
Mais ici se présente une question dont la solution emporte tout le sens de cette histoire : Jésus était-il réellement accessible à cette tentation ? En d’autres termes, aurait-il été possible qu’il y succombât ? Si, méconnaissant la réalité de son humanité, on répond négativement ; si, avec Calvin, on déclare que les dards de Satan ne le pouvaient navrer ni blesser, c’est-à-dire qu’il était inaccessible au péché, notre récit tout entier n’est plus qu’une fiction peu digne de l’Évangile et Jésus cesse d’être notre libérateur aussi bien que notre modèle dans son combat et sa victoire. Non, tout est réalité dans sa vie humaine ; « il a été tenté comme nous en toutes choses ». Hébreux 4.15 Second Adam, chef et représentant de notre humanité, il a livré tous nos combats contre le péché et la puissance des ténèbres, pour lui-même d’abord et pour nous ensuite. S’il eût succombé, son œuvre eût été perdue ; c’est parce qu’il a été « consommé » qu’il a détruit les « œuvres du diable » et qu’il est devenu « l’auteur d’un salut éternel pour tous ceux qui lui obéissent ». Hébreux 5.9 (comparez Matthieu 3.13, note.) ;
Grec : de toute parole sortant de la bouche de Dieu (Deutéronome 8.3, cité d’après les Septante). Ces mots sont admirablement choisis, puisque c’est à Israël nourri de la manne au désert qu’ils sont adressés. « Il t’a humilié, il t’a fait avoir faim, mais il t’a nourri de manne…afin de te faire connaître que l’homme ne vivra pas de pain seulement, mais que l’homme vivra de tout ce qui sort de la bouche de Jéhova ». Tel est le sens littéral de l’hébreu.
La version grecque a rendu très bien ces derniers mots, car ce qui sort de la bouche de Dieu, c’est sa Parole toute-puissante et créatrice, par laquelle il avait ordonné la manne et par laquelle il « porte toute chose ». Hébreux 1.3 « Quand Dieu parle, dit Luther, il ne prononce pas de simples paroles, mais des choses réelles. Ainsi le soleil et la lune, le ciel et la terre, Pierre et Paul, toi et moi, nous ne sommes que des paroles de Dieu ».
Toute épreuve, comme pour Jésus la défaillance de la faim, peut ouvrir la porte à la tentation. Notre force est alors uniquement dans la confiance en Dieu et dans l’obéissance à sa Parole : Il est écrit. En répondant ainsi, Jésus ne veut pas dire que Dieu le nourrira d’une manière surnaturelle, sans pain, ni aliment matériel, par une parole, un ordre émanant directement de lui. Il affirme plutôt que la vie de l’homme ne dépend pas seulement de la satisfaction de ses besoins physiques, mais avant tout de l’accomplissement des ordres de Dieu (comparer Jean 4.34).
Il obéira toujours à son Père, de qui il attend jour après jour l’entretien de sa vie. Il n’usera pas du pouvoir qu’il a de faire des miracles pour sortir arbitrairement de la position dans laquelle Dieu l’a placé.
La ville sainte, Jérusalem. Luc 4.9 ; Ésaïe 48.2 ; Ésaïe 52.1 ; Matthieu 27.53
Le saint lieu (hieron) indique dans le Nouveau Testament tout l’ensemble des portiques, cours et édifices qui formaient les dépendances du temple ou sanctuaire (naos), que nos versions ordinaires confondent avec le premier de ces termes. On s’est donné beaucoup de peine pour déterminer ce que pouvait être cette aile ou ce faîte d’un édifice où le tentateur fit monter Jésus ; on n’est arrivé qu’à des conjectures.
Psaumes 91.11-12, cité à peu près littéralement. Dans la première tentation, le : « Si tu es… » devait conduire Jésus à cette conclusion : Ne te laisse manquer de rien ! Aide-toi toi-même !
Ici les mêmes mots signifient : « N’aie peur de rien ; en tout cas Dieu t’aidera ». C’est la tentation opposée ; là, le manque de foi, qui est l’épreuve des commençants ; ici, en quelque sorte, l’excès de foi, ou l’abus de la foi, qui ne peut être que le danger des avancés… Précisément parce que cette suggestion fait appel à la foi, Satan l’appuie d’une promesse divine… Il avait remarqué que deux fois Jésus lui avait opposé comme un bouclier une parole scripturaire ; il essaie à son tour de se servir de la même arme.
Beaucoup d’interprètes pensent que Satan incitait Jésus à accomplir un miracle d’apparat qui l’ai fait reconnaître comme Messie par la multitude enthousiasmée, mais notre récit n’indique pas ce but et ne nous montre pas la foule spectatrice du miracle.
Deutéronome 6.16, cité d’après les Septante ; l’hébreu porte : « Vous ne tenterez point Jéhova votre Dieu, comme vous l’avez tenté en Massa ».
Tenter Dieu, dans cette première application, c’était murmurer contre lui et ses dispensations, c’était aussi exiger de lui des manifestations extraordinaires de sa puissance et de sa bonté. Exode 17.2-7 ; comparez Psaumes 95.9 ; 1 Corinthiens 10.9
Tel eût été le péché de Jésus, s’il avait consenti à s’exposer à un danger inutile, en comptant sur la protection de Dieu (verset 6, note). S’il avait eu pour cela un ordre positif de Dieu, ou s’il avait eu un but qui pût servir à la gloire de Dieu, il se serait exposé au danger sans tenter Dieu. C’est ainsi qu’il sut se soustraire aux embûches de ses ennemis, puis, quand « son heure fut venue », aller se livrer entre leurs mains. Jean 11.7-10 ; Matthieu 26.53-54
C’est-à-dire « si tu me rends hommage comme à ton roi » ; car Satan ne pouvait exiger l’adoration proprement dite ; le piège eut été trop grossier. Le Sauveur savait que tous les royaumes du monde lui étaient promis, Psaumes 2.8 mais comment devait-il en prendre possession ? Il pouvait choisir entre ces deux voies : fonder son royaume avec puissance et avec éclat par des moyens empruntés à la sagesse du siècle, plus encore par le prestige de son pouvoir miraculeux, qui eût fasciné son peuple ; ou le fonder par le renoncement à tout ce que le monde pouvait offrir, par l’humiliation, la souffrance, le sacrifice de lui-même (verset 3, note). Satan le pousse dans la première de ces voies, qui répond si bien aux aspirations de l’humanité naturelle. Il se présente à lui comme le prince de ce monde ; il est réellement le possesseur des biens qu’il offre, puisqu’il incarne l’esprit du monde. Comparer Luc 4.6 ; Jean 12.31 ; Jean 14.30 ; Jean 16.11
Cette proposition n’est point, comme on pourrait le croire, un mot chimérique et sans portée. Par la séduction du péché et de ses convoitises, le prince des ténèbres règne, en effet, dans le monde et nul doute que, s’il avait voulu se courber sous cet empire, Jésus, avec des dons admirables, n’eut acquis une somme immense de richesses et d’honneurs.
Mais Jésus a démêlé le piège de l’adversaire ; il refoule toute ambition, tout désir de grandeur charnelle ; il choisit la voie de l’abaissement, de l’immolation, de la croix. Il y marchera désormais sans faiblir, mais non sans passer par bien des luttes. Jean 12.27 ; Matthieu 26.38
C’est bien dans cette alternative qu’était l’essence de la tentation et l’on comprend pourquoi, d’après notre évangile, c’est là le dernier des trois assauts de Satan ; aussi préférons-nous l’ordre de ce récit à celui que nous trouvons dans l’Évangile de Luc.
Deutéronome 6.13, librement cité.
Cette charte du monothéisme de l’Ancien Testament, prise dans son sens absolu, exclut toute autre adoration et fait de Dieu seul le grand mobile de toutes nos actions. Pour la première fois dans ce récit, Jésus appelle le tentateur Satan, ce qui signifie l’adversaire, parce qu’il pénètre à fond le but de ses insinuations, et cela, au moment même où l’ennemi lui offre ses plus grandes faveurs.
La victoire est remportée, Jésus se retrouve en communion avec les puissances du ciel, les anges qui l’assistent et le servent (comparer Jean 1.51 ; Luc 22.43 ; 1 Rois 19.5).
Les tentations les plus diverses se reproduiront durant toute la vie humaine du Sauveur (Luc 4.13 note), mais la victoire par laquelle il a définitivement rejeté l’idée fausse du Messie, qui régnait dans son peuple et que Satan lui insinuait, est le gage de toutes ses autres victoires.
La puissance des ténèbres est brisée ; et le Sauveur a acquis la force et la sympathie, qui lui permettront de délivrer ses rachetés, lorsqu’ils souffriront la tentation. Hébreux 2.18
Retour en Galilée
Après l’emprisonnement de Jean-Baptiste, Jésus se retire en Galilée ; il quitte Nazareth et s’établit à Capernaüm ; ainsi s’accomplit la promesse faite par Ésaïe à la terre de Zabulon et de Nephthali, qu’une grande lumière se lèverait sur elle (12-17).
Appel des premiers disciples
Jésus, marchant sur les bords du lac, voit Pierre et André son frère occupés à pêcher ; il les appelle à le suivre, leur annonçant qu’il les fera pêcheurs d’hommes ; ils obéissent à l’instant. Plus loin, il rencontre deux autres frères, Jacques et Jean, auxquels il adresse la même vocation ; et eux, quittant tout, s’attachent à lui (18-22).
Aperçu du ministère de Jésus
L’évangéliste donne un aperçu du ministère de Jésus. Jésus parcourt toute la Galilée, prêchant et guérissant. Sa renommée se répand dans la Syrie entière, de toutes parts on lui amène les malades, de grandes foules le suivent (23-25).
Comparer Marc 1.14-20 ; Luc 4.14-15 ; Luc 5.1-11
Livré, c’est-à-dire mis en prison. L’évangéliste raconte plus tard en détail ce grave événement (Matthieu 14.1 et suivants ; comparez Luc 3.19-20).
Matthieu, dans ce verset, Marc Marc 1.14 et Luc Luc 4.14 placent ce retour en Galilée immédiatement après le baptême et la tentation de Jésus. Luc raconte son séjour à Nazareth, que Matthieu ne fait qu’indiquer (verset 13).
Ce récit, qui parait omettre diverses circonstances, est difficile à concilier chronologiquement avec celui de Jean, qui rapporte le retour de Jésus en Galilée (Jean 1.44), les noces de Cana (Jean 2.1 et suivants), un voyage à Jérusalem à la fête de Pâques (Jean 2.13), l’entretien avec Nicodème (Jean 3.1 et suivants), un séjour prolongé et un commencement de ministère dans la terre de Judée, où Jean-Baptiste lui rend un dernier témoignage (Jean 3.22 et suivants). Et, à cette occasion, le quatrième Évangile remarque expressément que « Jean n’avait pas encore été mis en prison ». Son intention est évidemment de rectifier la confusion qui s’était produite dans la tradition (comparer Jean 3.24, note). Il raconte ensuite un second retour en Galilée par la Samarie. Jean 4.3 et suivants. Ce retour eut lieu en décembre (Jean 4.35).
Il est manifeste, dit M. Godet, que ces deux premiers retours de Judée en Galilée ont été fondus en un par nos synoptiques comme ils l’étaient probablement dans la tradition, ce qui a fait disparaître dans la narration ordinaire presque tous les faits qui les avaient séparés.
Cette confusion a amené les synoptiques à rapprocher des événements d’époques différentes. La mention du retour de Jésus en Galilée « avec la puissance de l’Esprit » qu’il avait reçu au baptême et par lequel il avait vaincu au désert Luc 4.14, se rapporte plutôt au premier retour. Jean 1.44 ; Jean 2.1 L’emprisonnement de Jean (verset 12) Marc 1.14 fut le motif du second retour. Celui-ci fut suivi de la prédication de Jésus à Nazareth et de la translation du domicile de Jésus à Capernaüm. Le récit de Luc Luc 4.16 et suivants donne la raison pour laquelle Jésus quitta Nazareth, où il avait d’abord demeuré avec ses parents (Matthieu 2.23).
Capharnaoum ainsi portent les plus anciens manuscrits et l’on suppose ce nom formé de l’hébreu Caphar-Nachoum, qui signifie « village de consolation », ou, selon d’autres interprètes, bourg de Nahum, par allusion au prophète de ce nom.
Ce lieu n’est pas connu dans l’Ancien Testament, mais c’était, au temps du Sauveur, une ville de commerce florissante, surtout parce que, située au nord-ouest de la mer de Tibériade, ou lac de Génézareth, elle se trouvait sur la route de Damas, à Ptolémaïs. C’est à cause du privilège qu’eut cette ville de voir Jésus habiter au milieu d’elle, qu’elle s’attira une sévère condamnation (Matthieu 11.23).
La prédiction de Jésus a été si bien accomplie, que les voyageurs et les archéologues discutent encore sur l’emplacement de Capernaüm. Il faut le chercher probablement en un lieu nommé Tell Houm, où l’on trouve quelques cabanes bâties par des bédouins pillards au milieu de nombreuses ruines recouvertes d’épines, à une centaine de pas du lac (voir Félix Bovet, Voyage en Terre Sainte, 7e édition, p. 369 et Philippe Bridel, La Palestine Illustrée, IV).
L’évangéliste remarque encore que Capernaüm était situé sur les confins des deux tribus de Zabulon et de Nephthali qui occupaient, en effet, le nord-ouest de la Palestine (Josué 19.10 et suivants, 32 et suivants). On voit que, par ses remarques géographiques, Matthieu prépare la citation qu’il va faire de la prophétie d’Ésaïe.
Ésaïe 8.22 ; Ésaïe 9.1, librement cité d’après l’hébreu et les Septante. Matthieu ne fait que répéter, après le prophète, le nom de ces contrées plongées dans de profondes ténèbres et destinées à voir bientôt une grande lumière. Voici, d’après l’hébreu, la prophétie d’Ésaïe : « Car il ne fera pas toujours sombre là où est maintenant l’angoisse. Comme les premiers temps ont couvert d’opprobre la terre de Zabulon et la terre de Nephthali, ainsi les derniers temps couvriront de gloire le chemin de la mer, la contrée au-delà du Jourdain, le district des Gentils. Le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu une grande lumière ; ceux qui étaient assis dans la région de l’ombre de la mort, la lumière a resplendi sur eux ». Ainsi, toutes les contrées voisines du Jourdain à l’est et de la mer à l’ouest et jusqu’au district ou à la Galilée des gentils, ainsi appelée parce qu’elle confinait vers le nord aux régions païennes de la Phénicie, auront part à la grande lumière annoncée par le prophète.
L’évangéliste voit avec raison, dans l’établissement de Jésus à Capernaüm et dans le ministère qu’il allait exercer en ces contrées à demi païennes, l’accomplissement de la prophétie d’Ésaïe. Le sens historique et premier de cette prédiction concernait la délivrance de ce pays opprimé et souvent dévaste par les fréquentes guerres d’Israël avec les Syriens et plus tard avec les Assyriens. Mais aussitôt le prophète s’élève à la pensée d’une autre délivrance (Ésaïe 9.1-7) par le grand Libérateur qu’il décrit et qui apporte la lumière et la vie avec la liberté.
Il semble que l’évangéliste ait un plaisir particulier à montrer le Sauveur consacrant ses premiers travaux aux contrées les plus obscures et les plus misérables ; ce fut le caractère de toute son œuvre de s’abaisser vers les plus humbles et de « chercher ce qui était perdu ». Quelques versions françaises (celles de Rilliet, de Edmond Stapfer, de Pau-Vevey, d’Ostervald révisé et de Lausanne) rendent par un vocatif les premiers mots de ce passage : « Terre de Zabulon, terre de Nephthali » ! L’absence de l’article ne l’exige point et l’ensemble de la construction, aussi bien que le texte d’Ésaïe, montrent que ces noms propres sont au nominatif.
Ces mots : sur le chemin de la mer ne doivent pas s’appliquer à la mer de Tibériade, mais ils rappellent que :
la grande route des caravanes qui se rendent de Damas et de Palmyre à la côte de la Méditerranée coupe, dans son extrémité septentrionale, le bassin du lac de Génézareth. On peut s’imaginer quelle devait être la prospérité d’une contrée si privilégiée et l’on ne s’étonnera pas trop de l’immense population qui parait y avoir été accumulée du temps de la domination des Romains. Lorsque Jésus, repoussé par ses concitoyens, quitta Nazareth et vint fixer son séjour près du lac de Tibériade, ce ne fut point, on peut le croire, le charme de cette nature, les délices de ce climat qui l’attirèrent sur ce rivage. Le Fils de l’homme venait chercher et sauver ce qui était perdu. Ce qui l’attirait sans doute, c’étaient ces grandes populations actives et industrieuses, mais absorbées dans les intérêts grossiers de la terre ; c’étaient ces foules misérables et errantes comme des brebis qui n’ont point de berger et pour lesquelles il était saisi de compassion.
Ce terme : l’ombre de la mort, est l’expression à la fois énergique et poétique des ténèbres les plus profondes, telles que celles qui règnent dans la mort. Psaumes 23.4 ; Job 3.5 ; Job 10.21
Mêmes paroles que celles dans lesquelles Jean-Baptiste résumait toute sa prédication (Matthieu 3.2, note). Jésus lui-même ne pouvait avoir accès dans les âmes qu’en réveillant d’abord en elles le sentiment du péché et le besoin de la délivrance.
Mer de Galilée, ou de Tibériade, ou lac de Génézareth, formée par le Jourdain qui la traverse du nord au sud, ayant vingt kilomètres dans sa longueur, douze dans sa plus grande largeur, de forme ovale, entourée de montagnes qui en font le centre d’un pittoresque paysage. Les eaux du lac sont douces, claires, fraîches, abondantes en poissons, souvent violemment agitées par les vents. À tous les avantages dont l’a embelli la nature, le lac de Génézareth joint les immortels et religieux souvenirs qu’a laissés sur ses bords la présence du Sauveur, qui y passa la plus grande partie de son ministère (voir l’intéressante description qu’en fait M. Félix Bovet dans son Voyage en Terre Sainte, 7e édition, p. 347 et suivants et comparez Philippe Bridel, La Palestine Illustrée, IV).
Simon était le nom du disciple. Il avait reçu le surnom de Pierre lors de sa première rencontre avec Jésus sur les bords du Jourdain. Plus tard ce nom lui fut confirmé dans une circonstance solennelle (Matthieu 16.18 ; comparez Jean 1.43 note). André, son frère, fut avec Jean le premier disciple de Jean-Baptiste qui s’attacha à Jésus. Jean 1.35-41 Ces deux frères étaient de Bethsaïda. Jean 1.45. Ils se livraient à leurs travaux de pêcheurs au moment où Jésus les appelle à le suivre.
Si l’Évangile était d’une telle nature qu’il pût être propagé et maintenu par des potentats, Dieu ne l’aurait pas confié à des pêcheurs.
Les circonstances de la vocation de ces quatre disciples (verset 21) ont paru à quelques interprètes être en contradiction avec le récit de Jean (Jean 1.37 et suivants), dont la scène est aux lieux mêmes où le précurseur baptisait et avant son emprisonnement, tandis que, selon Matthieu, cette vocation a eu lieu en Galilée, après cet événement (comparer verset 12, note).
Ils objectent encore que, d’après le récit de Jean, Jésus connaissait ces disciples, tandis que Matthieu semble raconter une première rencontre avec eux. À cela on peut répondre que dans sa première rencontre avec ses disciples, rapportée par Jean, Jésus les appela à la foi ; que dans celle-ci, qui est identique avec Luc 5.1 et suivants, il les appelle au ministère. On peut distinguer même une troisième vocation à l’apostolat proprement dit. Matthieu 10.2-14
Comparer Frédéric Godet, Commentaire sur Saint Luc, 1, p. 345.
On a conclu de ce passage que Jacques, nommé le premier, était le frère aîné de Jean.
Ils obéissent immédiatement à l’appel de Jésus, quittant, pour le suivre, non seulement leur barque et leur vocation terrestre, mais leur père (voir la note précédente).
Le mot synagogue signifie réunion, assemblée et, par extension, le lieu où l’on se réunit. Depuis l’exil subsistait dans les synagogues, indépendamment des grandes assemblées solennelles dans le temple de Jérusalem, un culte qui consistait surtout dans la lecture et l’explication de la loi et des prophètes. Chaque Israélite qualifié pour cela pouvait y prendre la parole, avec l’autorisation de celui qui présidait l’assemblée. Jésus et après lui les apôtres, saisirent fréquemment cette occasion d’annoncer l’Évangile à leur peuple (comparer Luc 4.15, note. Voir sur l’organisation et le rôle de la synagogue, Edmond Stapfer, La Palestine au temps de Jésus-Christ, page 322 et suivantes).
La bonne nouvelle de ce royaume de justice et de paix qu’il venait fonder sur la terre (comparer Matthieu 3.2, seconde note).
Prêcher et guérir, telle était la double action de Jésus, c’est ainsi qu’il se manifestait comme Sauveur. Et telle est sa double action dans le monde moral.
Aussi ses miracles, œuvres de puissance et d’amour, sont-ils appelés dans le Nouveau Testament des signes.
Province romaine dont la Palestine faisait partie et qui comprenait les contrées païennes situées au nord de cette Galilée où Jésus exerçait son ministère. Sa renommée se répandit dans ces pays et plusieurs surent profiter de la connaissance qu’ils acquirent ainsi de lui (voir par exemple Matthieu 15.21 et suivants).
Parmi les divers genres de maladies énumérés ici, il en est deux qui ne sont pas sans difficulté quant à leur nature : Que faut-il entendre par lunatiques et démoniaques Le premier de ces termes est le participe d’un verbe qui signifie proprement être sous l’influence de la lune. Il parait désigner une catégorie spéciale d’épileptiques, sur la maladie desquels la lune exerçait, croyait-on, une certaine influence.
Les évangiles ne nous racontent qu’une seule guérison de lunatique (Matthieu 17.15) et le terme ne se retrouve pas ailleurs dans le Nouveau Testament.
Quant aux démoniaques, dont les guérisons sont si fréquemment rapportées dans les évangiles synoptiques, il sera plus à propos d’y revenir à l’occasion d’une de ces guérisons (voir Matthieu 8.28 et suivants, note).
La Décapole, c’est-à-dire les dix villes, était une province située au-delà du Jourdain, au nord-est de la Palestine et qui comprenait dix villes principales.
On désignait ainsi la Pérée.
L’évangéliste met un soin particulier à montrer ces grandes foules qui suivaient alors Jésus, parce qu’elles formeront son auditoire pour le discours qu’il va prononcer.