Verset à verset Double colonne
Ce psaume, que l’on pourrait appeler un Évangile anticipé, est une proclamation de la grâce divine dans toute sa richesse. Fait à remarquer, c’est dans le sol même de la loi mosaïque que ce message évangélique plonge ses racines. Il est tout entier contenu en germe dans le nom même de l’Éternel, tel qu’il fut déployé en quelque sorte aux yeux de Moïse, dans la vision qu’il eut en Horeb : L’Éternel, l’Éternel, Dieu compatissant et miséricordieux, lent à la colère et abondant en grâce et en vérité, qui conserve sa grâce à mille générations, qui pardonne le crime, la défection et le péché (Exode 34.6-7).
Cette grâce divine, le psalmiste en a éprouvé les effets pour ce qui le concerne lui-même (versets 1 à 5) ; il la voit présider aux origines et à l’histoire de son peuple (versets 6 à 10) ; il la contemple en elle-même dans sa hauteur, sa profondeur, avec ses infinies compassions (versets 11 à 14) ; l’homme passe, mais elle subsiste à toujours (versets 15 à 18) ; l’univers entier ne vit que par elle ; aussi le psalmiste invite-t-il, en terminant, tous les êtres créés, dans tous les domaines de l’univers, à se joindre à lui, pour bénir l’Éternel (versets 19 à 22).
La tradition, ainsi que l’indique la suscription, attribue ce psaume à David. On y trouve certaines formes grammaticales de l’ancien chaldéen, mais qui n’ont pénétré dans l’hébreu qu’à l’époque, postérieure à l’exil, où l’araméen tendait à devenir la langue populaire des Juifs. Il faudrait donc admettre, dans le cas où le psaume serait de David, qu’il a subi, à travers les siècles, quelques modifications, tout extérieures du reste et ne portant que sur la terminaison de certains mots, ce qui n’a rien d’improbable, pour un cantique devenu populaire et qu’une génération après l’autre aimait à réciter.
Mon âme… et tout ce qui est en moi : toutes les forces et toutes les capacités de mon être. Comparez Deutéronome 6.5 : Tu aimeras l’Éternel ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta force.
Le nom de sa sainteté : son nom saint, auquel ne peut se comparer aucun autre nom.
C’est lui qui pardonne… premier bienfait, qui ouvre la porte à tous les autres.
Qui guérit toutes tes infirmités : qui répare toutes les brèches résultant directement ou indirectement du péché, les faiblesses et les dispositions maladives de l’âme, comme celles du corps. Le prince de cette guérison est déjà là dans le pardon ; ses effets s’étendent à la vie entière et même au-delà.
Qui retire (hébreu : qui rachète) ta vie de la fosse. Le croyant de l’ancienne alliance pense ici à la délivrance d’une mort prématurée (Psaumes 102.25) ; pour le chrétien, cette parole, tout en s’appliquant aux nombreuses délivrances de l’existence actuelle, prend une portée plus lointaine et infiniment plus grande ; la vraie délivrance de la fosse, est la résurrection. Ce verset convient tout spécialement aux circonstances de la vie de David, qui, après avoir, en tant d’occasions, échappé à la mort, a reçu une couronne dans laquelle il pouvait voir un signe éclatant de la bonté et de la compassion de l’Éternel.
Ta bouche. Ce sens du mot hébreu adi est très contesté. Les uns, le rattachant à un verbe qui signifie tirer, revêtir, traduisent : ta parure ; d’après eux, ce mot désignerait d’une manière figurée ce que l’homme a de plus précieux, son âme, appelée ailleurs : ma gloire (Psaumes 57.9) ; d’autres, partant d’une étymologie différente, adoptent le sens d’âge, vieillesse ; notre, traduction, conforme à celle des Septante, remonte à un mot arabe signifiant joues. Comparez, pour le sens, Psaumes 81.11.
Comme l’aigle, cet oiseau royal, au vol élevé et soutenu, dont le plumage se renouvelle chaque année et qui semble ainsi rajeunir constamment. Comparez Ésaïe 40.31. L’Éternel est la force du fidèle, force qui, loin de s’épuiser, se renouvelle de jour en jour et le maintient jeune, dans la foi et l’espérance, jusque dans la blanche vieillesse (Psaumes 92.15).
Dans le présent, Dieu renouvelle ton cœur, en le régénérant ; dans l’avenir, il renouvelle ton corps, en le ressuscitant ; le déclin de ta force est la promesse de forces nouvelles, ta vieillesse, le précurseur de la jeunesse, éternelle ; tu t’élèves, radieux d’espérance, et, comme l’aigle tu montes vers les cieux
À tous ceux à qui l’on fait tort. La réalité, souvent si triste, semble démentir ce qui vient d’être dit. Mais l’histoire d’Israël est là pour montrer que pour le peuple de Dieu, il n’y a pas d’oppression qui n’aboutisse à une délivrance. Le psalmiste pense spécialement ici à la sortie d’Égypte (verset 7).
Il a fait connaître à Moïse, non seulement par révélation, mais en les lui faisant expérimenter, ses voies : la manière dont il agit, conformément à ce qu’il est : lent à la colère, etc (verset 8). Moïse avait demandé : Fais-moi connaître tes voies (Exode 33.13). Tout le récit d’Exode chapitres 33 et 34 est évidemment présent à l’esprit du psalmiste.
Comparez Exode 34.6 et suivants. La grande révélation par laquelle Dieu, pour manifester à Moïse sa gloire, fit passer devant lui toute sa bonté, est devenue en quelque sorte le symbole de la foi d’Israël. Les paroles divines citées ici le sont aussi Psaumes 86.15 ; Psaumes 145.8 ; Joël 2.13 ; Néhémie 9.17 etc.
Il ne conteste pas à perpétuité. Quand enfin il doit reprendre et juger, sa colère ne dure qu’un moment (Psaumes 30.6 ; Psaumes 78.38 ; Ésaïe 57.16) et même ses jugements ne sont pas proportionnés à la grandeur de l’offense (verset 10).
Après avoir considéré les effets de la grâce divine dans sa propre expérience et dans celle d’Israël, le psalmiste en vient à la considérer en elle-même et le contraste qu’il a constaté entre la gravité du péché de l’homme et la modération du châtiment divin (verset 10) semble lui dévoiler des perspectives infinies, où plonge son regard.
Autant les cieux sont élevés… Il en est de la grâce de Dieu comme de la hauteur des cieux, qui ne se peut mesurer ; comme les cieux également, elle couvre et embrasse la terre entière dans son immensité.
Autant est grande…, littéralement : autant est puissante sa gratuité. Toutefois elle ne manifeste sa puissance et son efficace qu’en ceux et pour ceux qui le craignent, pénétrés du sentiment de leur petitesse et de leur indignité.
Regarde le ciel ; partout, de tous côtés, il enveloppe la terre ; il n’existe pas une parcelle de terre qui n’en soit recouverte. Quand le ciel cessera de recouvrir la terre, alors Dieu cessera de protéger ceux qui le craignent
Ésaïe parle aussi de la distance entre le ciel et la terre, pour faire ressortir le contraste entre les pensées égoïstes de l’homme et les pensées miséricordieuses de l’Éternel (Ésaïe 55.7-9).
Autant l’orient est… Peux-tu, quand tu marches vers l’orient, rencontrer l’occident, quand tu marches vers Jésus, rencontrer la condamnation ?
Comme un père… Après avoir rappelé tout ce qu’il y a de plus grand dans la création, pour dépeindre l’amour de Dieu, le psalmiste parle de ce qu’il y a de plus intime dans notre cœur, de cette émotion profonde et puissante qui s’empare du cœur d’un père, à la vue de la faiblesse ou de la souffrance de son enfant. Celui qui a fait le cœur du père n’aimerait-il pas ? (comparez Psaumes 94.9) En Jésus-Christ, ce qui, sous l’ancienne alliance, n’était encore qu’une image est devenu réalité. Dieu n’est plus pour nous comme un Père, il est devenu notre Père (Matthieu 5.48 ; Matthieu 6.6).
De quoi nous sommes faits. L’amour de Dieu apparaît, ici dans ce qu’il a d’absolument, gratuit.
Il n’y a rien qui provoque Dieu à nous supporter patiemment, sinon notre misère : ce qu’il nous faut noter avec soin, non seulement pour dompter l’orgueil de notre cœur, mais aussi afin que notre indignité n’empêche point notre confiance
Comme l’herbe. Comparez Psaumes 90.5 ; Ésaïe 40.7.
Il fleurit. Il y a pour lui un moment de fraîcheur et d’éclat, où il peut s’imaginer être quelque chose.
Un souffle… Ce qu’il y a de plus léger suffit pour le faire disparaître.
Son lieu ne le reconnaît plus, tant il est promptement remplacé et quelle qu’ait été l’importance apparente de sa vie et de ses prétentions.
Mais la grâce… Elle est aussi durable que tout le reste est passager ; elle offre ainsi à l’homme le point d’appui inébranlable sur lequel il peut se reposer.
Sur ceux qui le craignent : mais ceux qui ne le craignent pas ne peuvent en être l’objet.
Et sa, justice… Sa fidélité à accomplir ses promesses s’étend jusqu’aux générations les plus reculées de ceux qui le craignent (Exode 20.6 ; Exode 34.7).
Pour ceux qui gardent son alliance… L’amour ne serait plus qu’une force aveugle, inintelligente, dépourvue surtout de sainteté, s’il ne tenait pas compte de la position de foi ou d’incrédulité, d’obéissance ou de révolte que l’homme prend vis-à-vis de Dieu.
Dans les cieux. La terre, si vaste qu’elle soit, n’est qu’une partie et même la moindre, de l’empire immense du Dieu créateur.
Anges, puissants en force… : archanges, sous les ordres desquels sont les armées (verset 21) innombrables d’êtres spirituels et de forces matérielles, dont chacun a sa place et sa fonction dans l’univers.
En obéissant… On pourrait traduire aussi : en écoutant. Il suffit aux anges d’entendre un ordre divin, pour l’exécuter aussitôt.
Bénissez… Pas une créature qui ne soit invitée à prendre part à ce concert d’adoration. Le cercle de cette louange universelle s’élargit de plus en plus, mais pour se concentrer, en dernier lieu, avec une intensité nouvelle, dans l’âme du psalmiste, de laquelle était sorti le premier mot d’adoration : Mon âme, bénis l’Éternel !