Verset à verset Double colonne
Le quatrième livre des Psaumes se termine par deux poèmes historiques, les Psaumes 105 et 106, qui datent de l’époque de la captivité de Babylone. Cela est évident du moins pour le Psaume 106, qui, après avoir parlé de la captivité, se termine par ces mots : Rassemble-nous d’entre les nations ! (verset 47). Il y a une relation étroite entre les deux psaumes. Elle ressort de leur ressemblance générale d’allure et de style et aussi de leurs différences. Le premier célèbre uniquement la fidélité de l’Éternel envers son peuple et rappelle spécialement, dans ce but, la délivrance de l’esclavage d’Égypte : sujet bien propre à remonter le courage des exilés et à les préparer à l’idée du retour dans leur patrie. Le second semble répondre à l’objection que faisait naître l’état si misérable d’un peuple appartenant à un Dieu puissant et bon : Pourquoi donc un tel peuple est-il captif ? Le Psaume 106 raconte les infidélités et les rébellions par lesquelles Israël a répondu aux délivrances de son Dieu. C’est là la raison de ses malheurs.
La première partie (versets 1 à 15) du Psaume 105 se trouve reproduite avec quelques variantes dans le chapitre 16 du premier livre des Chroniques. C’est le cas aussi de la fin du Psaume 106 et du Psaume 96 presque entier. Voir à ce sujet l’introduction à ce dernier psaume.
Voici les principales divisions du Psaume 105. Israël est invité à faire connaître parmi les peuples les miracles accomplis par l’Éternel en sa faveur (versets 1 à 6). Avant tout il a traité alliance avec Abraham, promettant de lui donner le pays de Canaan et le protégeant merveilleusement, lui et les siens (versets 7 à 15). Par des dispensations où apparaît sa divine sagesse il conduisit Israël en Égypte (versets 16 à 23). Quand les Égyptiens opprimèrent son peuple, il les frappa de plaies répétées (versets 24 à 36). Enfin il fit sortir ce peuple de la terre d’esclavage et le mit, en Canaan, en possession du fruit du travail des peuples (versets 37 à 45).
Louez l’Éternel parmi les peuples !
Les versets 1 à 3 parlent de la proclamation du nom de l’Éternel au milieu des peuples ; les versets 4 à 6 invitent Israël à se souvenir pour son propre encouragement de ce que l’Éternel a accompli en sa faveur.
Invoquez son nom. Le verbe hébreu signifie à la fois invoquer et proclamer.
Parmi les peuples… Ce n’est pas ici simplement une manière de parler. Les israélites sont invités à faire connaître aux populations au milieu desquelles ils se trouvent captifs ce que l’Éternel a fait jadis pour eux.
Le psalmiste accumule ici les termes de louange : célébrez, invoquez…, faites connaître…, chantez…, psalmodiez.
Recherchez l’Éternel. Tout en parlant de ses hauts faits, ne cessez pas de le rechercher lui-même, comme le Dieu toujours vivant, dont la force délivre et dont la face dissipe toute obscurité.
Des jugements de sa bouche, tôt ou tard suivis d’effet, témoins l’Égypte et ses dieux.
Race d’Abraham… Dans 1 Chroniques 16.13, on lit : race d’Israël.
Comme le précédent, ce paragraphe comprend deux subdivisions ; les versets 7 à 11 parlent de l’alliance elle-même, les versets 12 à 15 de la protection merveilleuse dont fut couvert le peuple naissant, quand il était encore faible et étranger dans son propre pays.
Ses jugements… sur toute la terre. Bien qu’il soit le Dieu d’un petit peuple, l’Éternel n’en est pas moins le Maître du monde ; et pendant qu’il agissait comme juge à l’égard de toutes les nations, il concluait une alliance miséricordieuse avec Abraham (verset 8 et suivants).
Il se souvient. Le texte de 1 Chroniques 16.15 porte : Souvenez-vous.
De l’ordre qu’il a donné, relativement à la possession de Canaan par le peuple élu ; cet ordre, donné pour mille générations (Exode 20.6), subsiste encore pour les captifs de Babylone.
Abraham…, Isaac…, Jacob. Une promesse divine, renouvelée à l’égard de trois générations successives, est le fondement le plus inébranlable sur lequel puisse s’appuyer un peuple.
Son serment à Isaac. Il s’agit du serment que Dieu fit à Morija, au moment du sacrifice d’Isaac (Genèse 22.16). Bien que l’Éternel s’engageât alors envers Abraham, le serment concernait aussi Isaac, qui s’était livré sans résistance pour le sacrifice ; d’ailleurs il fut confirmé plus tard à ce dernier (Genèse 26.3).
Comme statut : comme décision prise dès longtemps et qui est désormais inattaquable.
En petit nombre. Comparez Genèse 34.30. Cette faiblesse numérique d’Israël et sa position d’étranger en Canaan semblaient rendre impossible l’accomplissement de la promesse.
Allant de nation en nation : allusion aux voyages des patriarches en Égypte, chez les Philistins, en Mésopotamie et dans les différentes parties de Canaan.
Il châtia des rois, celui d’Égypte entre autres (Genèse 12.17) et celui des Philistins (Genèse 20.3) à l’occasion de leurs péchés envers Abraham.
Mes oints. Les patriarches l’étaient, sans avoir reçu le signe extérieur de l’onction, parce qu’ils possédaient la grâce que ce signe rappelle, celle d’être les représentants de la cause de l’Éternel sur la terre (Genèse 17.1 et suivants) ; ils étaient prophètes, en tant que porteurs des révélations de Dieu et interprètes de sa volonté (Genèse 20.7).
Israël amené en Égypte. Direction étrange, mais salutaire, donnée à l’histoire du peuple élu. Ce souvenir pouvait faire comprendre aux captifs de Babylone que la même sagesse divine les conduisait par l’épreuve au relèvement.
Sur la terre : spécialement sur celle de Canaan.
Le pain, leur soutien, hébreu : le bâton du pain (Psaumes 104.15 ; Lévitique 26.26).
Il envoya devant eux. Comparez Genèse 45.5, où Joseph dit lui-même : C’est pour conserver votre vie que Dieu m’a envoyé devant vous.
Il se vit chargé de fers, hébreu : les fers vinrent sur son âme, expression qui indique, d’une manière impossible à rendre dans la traduction, les souffrances morales de sa captivité. À l’origine Joseph fut lié (c’est le sens littéral de Genèse 39.20), aussi bien que les autres prisonniers ; ce n’est que plus tard que sa captivité fut adoucie.
Ce qu’il avait dit, en interprétant les songes des officiers de Pharaon (Genèse 41.13-14). Le psalmiste résume ici à grands traits l’histoire de Joseph, sans viser à une exactitude chronologique minutieuse. Alors même qu’il s’écoula deux ans entre la libération de l’échanson et celle de Joseph, l’explication de ces songes fut l’événement qui rendit possible sa sortie de prison.
La parole de l’Éternel le justifia, littéralement : le purifia au creuset ; dans ce cas-ci : le fit sortir justifié de l’épreuve.
La parole de l’Éternel désigne ici la révélation divine qui lui fut accordée.
Le dominateur des peuples. Dieu se servit de l’homme le plus haut placé à cette époque pour ouvrir la porte de la prison de Joseph.
Pour enchaîner à son gré : avec pouvoir d’enchaîner, s’il le trouvait bon, lui qui venait d’être chargé de chaînes. Quoi de plus propre à faire comprendre à Israël que Dieu peut changer d’un jour à l’autre sa position ?
À ses anciens. Joseph, jeune encore, enseigne la sagesse aux plus sages d’entre les Égyptiens.
Israël…, Jacob… Le psalmiste pense ici à la personne du patriarche, en tant que représentant de tout le peuple de Dieu.
La terre de Cham : comparez Psaumes 78.51.
Il fit multiplier… Les conditions si favorables de l’établissement des fils de Jacob en Égypte, l’espace dont ils disposaient en Gossen, la richesse du pays, étaient autant de circonstances qui favorisaient son passage de l’état de famille à celui de peuple. Il en eût été autrement en Canaan, où nous voyons la place manquer déjà à Lot et Abraham (Genèse 13.6).
Il changea leur cœur. Ce changement vient d’être indiqué par anticipation dans le mot : ses oppresseurs (verset 24). Les mobiles humains qui provoquèrent ce changement, sont ici complètement laissés dans l’ombre, la volonté divine est seule mise en lumière. Étant données les dispositions mauvaises : égoïsme national, orgueil, qui existaient dans le cœur des Égyptiens, l’Éternel voulut que l’accroissement d’Israël irritât Pharaon et ses sujets, de manière à changer complètement leur attitude à l’égard des Hébreux.
Moïse…, Aaron… Voir Exode 4.14.
Ils accomplirent… les signes qu’il leur avait dit, hébreu : ils mirent au milieu d’eux les paroles de ses signes. Nous pensons que le mot paroles fait allusion aux ordres divins que Moïse recevait de l’Éternel avant chaque plaie nouvella, en même temps qu’aux sommations qu’il faisait lui-même à Pharaon. Quant au mot de signes, qui est aussi appliqué aux miracles de Jésus (Jean 4.48), il rappelle le but du miracle, qui est de rendre l’homme attentif à ce que Dieu veut lui donner ou à ce qu’il réclame de lui.
Les ténèbres… Ici commence l’énumération des plaies d’Égypte, dans laquelle le psalmiste ne s’astreint pas à suivre rigoureusement l’ordre historique. Il omet les cinquième et sixième plaies (la mortalité sur le bétail et l’épidémie de tumeurs sur les hommes). Il commence par la neuvième plaie (Exode 10.22), sans doute parce que les ténèbres sont pour lui l’image la plus sensible de l’éloignement de Dieu et de la puissance de mort qui plana sur l’Égypte pendant toute cette période.
Ténèbres… obscurité : pléonasme voulu ; c’étaient ténèbres sur ténèbres.
Ils ne furent point rebelles… Ces paroles ne sauraient s’appliquer, comme on l’a cru, aux actes momentanés de soumission des Égyptiens ; elles concernent l’attitude de Moïse et d’Aaron en face de la tâche de plus en plus redoutable qui leur était imposée.
Sang, grenouilles : les deux premières plaies (Exode 7.14-25 ; Exode 8.1-15).
Les scarabées : quatrième plaie (Exode 8.21-30).
Les moustiques : troisième plaie (Exode 8.16-19).
La grêle : septième plaie (Exode 10.3-19).
Les sauterelles : huitième plaie (Exode 10.3-19). Nous rendons par le même mot de sauterelles deux noms hébreux différents, arbé et jélek qui désignent deux états successifs du même animal. Voir Joël 1.1, note.
Tout premier-né : dixième plaie (Exode 12.29 ; Psaumes 78.51).
Avec argent et or : non comme des fuyards, mais comme des vainqueurs, emportant avec eux le tribut payé par les Égyptiens (Exode 3.22, note ; Exode 12.35-36).
Personne qui faiblit, de lassitude physique ou morale ; Israël partit tête levée (Exode 14.8, comparez Ésaïe 33.24).
Pour les couvrir : les protégeant contre l’ardeur du soleil. Le psalmiste ne dit rien de la mer Rouge, peut-être parce que les événements qui s’y rapportent n’avaient pas d’analogie avec ce qui attendait le peuple quand il sortirait de Babylone ; il parle au contraire (versets 39 à 41) de la manière en laquelle il fut pourvu aux besoins d’Israël dans le désert.
À leur demande… des cailles (Exode 16.13 ; Nombres 11.31). Ce qu’il y avait de coupable dans cette demande n’est pas relevé ici, le but du psaume étant uniquement, de célébrer la bonté de l’Éternel envers son peuple. Comparez Psaumes 78.26-27.
Du pain des cieux : la manne (Exode 16.4 ; comparez Jean 6.31).
Il ouvrit le rocher… : Exode 17.6 ; Nombres 20.11.
Car il se souvenait… Le psalmiste en revient à son point de départ (verset 9), la fidélité de l’Éternel envers Abraham.
Les terres des nations, des tribus cananéennes.
Du travail des peuples : du sol qu’ils avaient cultivé, des villes qu’ils avaient bâties, etc. Les nations idolâtres se trouvaient ainsi avoir travaillé pour le peuple qui seul servait le Maître de toute la terre (Deutéronome 6.10-11). Mais ce peuple, à son tour, avait pour mission d’obéir à l’Éternel. Cette dernière pensée forme la transition de ce psaume au suivant.