Verset à verset Double colonne
Après trois psaumes d’actions de grâces, se rapportant à des délivrances nationales, voici un psaume philosophique, où nous trouvons le croyant en face de la grande énigme de la vie : le problème du succès du mal, du bonheur du méchant, Nous n’assistons pas ici, comme au Psaume 73, à l’ébranlement de sa foi. ; la crise est surmontée, quoique d’une manière un peu différente de ce que nous avons vu au Psaume 37. Ce dernier psaume montrait ce qu’a d’éphémère déjà ici-bas la prospérité du méchant, ce qu’a de durable le bonheur du juste. Ici, c’est le sépulcre, le Schéol, qui donne au psalmiste la solution qui le rassure. Le méchant y disparaît, sans que rien puisse l’en racheter : le juste a foi en Dieu, qui saura l’en délivrer. La destruction du méchant est la pensée dominante du psaume, auquel elle fournit un lugubre refrain (versets 13 et 21). La foi à la délivrance du juste apparaît, sur ce fond sombre, comme un éclair rapide (verset 16).
Ce psaume termine la série des cantiques de Koré du deuxième livre. Le temps de sa composition est incertain.
Il comprend une introduction (versets 2 à 5) et deux parties (versets 6 à 13 et 14 à 21).
Le psalmiste sent que l’inspiration qui l’anime vient de Dieu et lui communique une instruction très importante, qui concerne tous les hommes. Ces paroles rappellent le commencement des Proverbes. L’auteur lui-même, du reste, appelle son cantique sentence ou proverbe et aussi énigme, problème.
Je veux prêter l’oreille… Lui-même doit commencer par écouter, avant de parler. Comparez Ésaïe 50.4.
Sans se donner le temps de formuler le problème, que d’ailleurs chacun devine aisément, le psalmiste expose immédiatement la solution.
Aux jours du malheur. On pourrait traduire aussi : aux jours du méchant, qu’il est le maître.
L’homme ne peut racheter son frère. Comparez Matthieu 16.26. Il s’agit du rachat qui préserverait du Schéol, ainsi que l’explique le verset 10. Cette phrase est introduite, brusquement, comme interrompant la pensée du verset 7, avec laquelle elle forme un contraste saisissant. Le verset 9 est une parenthèse, destinée à expliquer pourquoi un homme ne peut racheter son frère ; on se le représente faisant des démarches dans ce but, mais obligé d’y renoncer. On peut racheter un guerrier tombé entre les mains de l’ennemi ; mais auprès de Dieu, qui fait descendre au sépulcre, toutes les richesses du monde resteront impuissantes, Un poème syrien exprime une pensée analogue en ces termes :
Ah ! Si je pouvais être racheté !
Assurément je paierais la rançon !
Rachète-moi, toi mon parent bien-aimé,
Au prix de coursiers magnifiques.
Ah ! Si je pouvais être racheté !
Rachète-moi, ô mon frère bien-aimé…
Les sages meurent : à plus forte raison le fou. Par ce dernier terme le psalmiste, après avoir énoncé une loi concernant tous les hommes, revient au riche orgueilleux dont la folie consiste à se glorifier de ses richesses. Comparez Luc 12.16-20. Remarquez les verbes différents employés ici : le sage meurt, l’insensé périt.
Semblable aux bêtes… C’est ici proprement la sentence (maschal) annoncée au verset 5. Comparez Ecclésiaste 3.18-19
Ceux qui, suivant leur exemple… Le psalmiste distingue entre les meneurs, les hommes influents, dont il a parlé jusqu’à présent et ceux qui les suivent, applaudissant à leurs paroles et imitant leurs actions.
Jeu d’instruments (séla). Cette indication semblerait mieux en place à la fin du verset 13 et peut-être y a-t-il ici une erreur de copiste. Cependant il arrive souvent qu’elle ne correspond pas à la division des strophes, et, de fait, ce verset, qui résume la strophe précédente, termine un développement.
La mort devient leur berger, littéralement : les paît. On voit un troupeau de brebis descendant au Schéol et n’y trouvant pas d’autre berger que la mort. Pour le Schéol, voir Psaume 6, notes.
Au matin. Après la nuit de l’affliction (Psaumes 30.6) et le règne de l’injustice, les justes se trouveront maîtres de la position, par le fait que les méchants seront descendus sous terre et que les vivants fouleront leurs tombeaux.
Leur beauté, littéralement leur figure, leur forme, leur être extérieur. Chassé par la mort des somptueuses habitations d’autrefois, ce corps, qu’ils ont soigné et admiré, est sans demeure, condamné à errer, à l’état d’ombre.
Dieu rachètera mon âme. Au verset 15 le psalmiste a parlé, moins des justes pris individuellement, que de la communauté des fidèles, qui, dans son ensemble, restera maîtresse du terrain. Maintenant il parle de lui-même personnellement et il puise dans la conscience du lien qui l’attache à Dieu la certitude que son sort ne sera pas celui du méchant. Comparez Luc 20.38.
Il me prendra : du sein même du Schéol, par un enlèvement semblable à celui d’Hénoc ou d’Élie. Il n’y a pas ici contradiction avec le verset 8. Si l’homme ne peut racheter son frère, Dieu peut racheter son serviteur. Cette parole ne le cède en rien en fait de hardiesse aux déclarations de Psaumes 16.10 et Psaumes 17.15. C’est la foi à la résurrection clairement, quoique brièvement exprimée. Tandis que le méchant est livré sans espoir au Schéol, que toutes les richesses de la terre et tous les efforts des hommes ne sauraient l’en racheter, le croyant sait que Dieu le fera sortir même de la mort. Remarquons ici la sobriété du langage du psalmiste, qui ne se livre à aucun développement sur ce sujet, si grand et si contraire à toutes les apparences, de la délivrance de la mort. Sa foi en Dieu lui inspire une ferme déclaration, mais il ne se permet pas de l’amplifier. Un jeu d’instruments donne cependant essor aux sentiments qui l’animent.
Ne crains point. La pensée du début (verset 6) revient maintenant, sous forme de conclusion et d’exhortation.
On te loue. Subitement le discours s’adresse au méchant.
Elle : son âme, celle du méchant.
Sans intelligence. Ces mots, qui ne se trouvaient pas, au verset 13, font comprendre au lecteur que ce n’est pas la richesse en elle-même qui est condamnée ici.