Verset à verset Double colonne
Ceux qui sont justifiés par la foi possèdent l’espérance de la gloire, même dans les afflictions
L’amour de Dieu manifesté par la mort du Christ est le gage de notre salut final
La particule conclusive donc lie intimement ce qui suit à l’exposé qui précède.
Jusqu’ici l’apôtre a prouvé l’efficacité du nouveau moyen de salut, la justification par la foi, en montrant :
Nous sommes donc très certainement justifiés par la foi quant au passé ; mais cette justification nous garantit-elle notre salut final ? nous donne-t-elle la certitude d’échapper à tout châtiment quand nous comparaîtrons devant le tribunal de Dieu au dernier jour ? nous permet-elle de nous glorifier dès maintenant de l’espérance d’avoir part à la gloire de Dieu (verset 2) ?
Voilà la question que l’apôtre aborde maintenant et qu’il doit traiter pour épuiser le sujet de la justification et pour montrer que le croyant reçoit gratuitement en Jésus-Christ un salut complet.
Nous avons la paix… la plupart des majuscules et en particulier les plus anciens, portent : ayons la paix.
Les exégètes, en majorité, repoussent cette leçon, estimant qu’une exhortation ne conviendrait pas au début d’un développement tout didactique.
Grec : Nous avons paix par rapport à Dieu. Ainsi énoncée l’affirmation s’applique, moins aux sentiments qu’éprouve le pécheur justifié, qu’à la relation toute nouvelle avec Dieu dans laquelle il a été introduit par sa justification.
Notre Seigneur-Jésus-Christ est le médiateur de cette relation, par son sacrifice, comme par son intercession auprès de Dieu et son action actuelle sur le croyant. Comparer verset 10, note.
Le texte reçu porte : nous avons accès par la foi.
Ces derniers mots manquent dans Codex Sinaiticus, B, A, C, D.
Le terme que nous traduisons par accès signifie proprement l’acte d’amener, mais il a aussi le sens intransitif de : « faculté d’approcher ».
La grâce, dans laquelle nous nous tenons fermes (grec debout), est cette relation normale avec Dieu, qualifiée de « paix » au verset précédent.
Les mots : et nous nous glorifions…, ne dépendent plus de « cette grâce dans laquelle nous nous tenons fermes », car la première proposition du verset n’est qu’une incidente et elle est déjà suffisamment allongée.
Il faut donc les considérer comme une proposition parallèle à celle du verset 1 « Nous avons la paix avec Dieu… et nous nous glorifions de l’espérance de la gloire de Dieu ».
Nous nous glorifions… L’apôtre qui avait absolument refusé à l’homme tout sujet de se glorifier, tant qu’il était livré à ses propres ressources (Romains 3.27 ; Romains 4.2), lui accorde, maintenant qu’il est justifié par grâce, de se réjouir et de triompher humblement, dans le Seigneur (1 Corinthiens 1.31), de l’assurance qu’il a de son salut et des perspectives infinies qu’ouvre devant lui l’espérance d’avoir part à la gloire de Dieu.
Se glorifier de l’espérance de la gloire de Dieu, c’est avoir et manifester la certitude de posséder un jour pleinement cette gloire.
La gloire de Dieu, qui est le rayonnement de toutes les perfections divines, est accordée au croyant dès ici bas, dans la mesure où l’image de Dieu est rétablie en lui par la régénération et qu’il peut ainsi, de nouveau et en quelque mesure, réfléchir ses divines perfections.
Les afflictions, les tribulations de la vie, loin d’ébranler le croyant dans sa foi et son espérance et de rendre incertaine à ses yeux l’issue de l’épreuve, ne font que ranimer son espérance et fortifier son assurance.
La souffrance sous ses mille formes diverses, est, comme tout mal, une suite et un châtiment du péché elle ne peut être, pour celui qui n’est pas en possession de la grâce de Dieu, qu’un sujet de terreur et une cause d’affaiblissement.
Mais pour le croyant la colère de Dieu contre le péché a fait place à la révélation de son amour, qui s’est manifesté à lui dans le sacrifice de Jésus-Christ (Romains 5.8 ; Jean 3.16).
La souffrance, dès lors, change de caractère ; elle devient pour l’enfant de Dieu un salutaire moyen d’humiliation et de renoncement, dont lui-même reconnaît le but et la nécessité.
Elle le rapproche toujours plus de Dieu, en ôtant ce qui fait encore obstacle à une communion intime et complète avec lui ; elle le détache du monde et de lui-même et le prépare ainsi à la vie éternelle ; il peut donc se glorifier des afflictions. Il ne faut rien retrancher de la force de ce terme, si l’on ne veut diminuer l’énergie du sentiment exprimé par l’apôtre (Romains 8.18 ; 2 Corinthiens 4.17 ; 2 Corinthiens 12.5 ; 2 Corinthiens 12.9 ; Hébreux 12.6, etc.).
L’affliction produit la constance. Beaucoup de versions ont : « la patience ; » mais le mot « patience » d’après l’étymologie, n’est qu’une autre désignation de la souffrance supportée avec résignation, tandis que le mot grec vient d’un verbe qui signifie : « tenir bon sous » et emporte l’idée de fermeté, d’endurance, de persévérance (comparez Luc 8.15 ; Luc 21.19 ; Hébreux 12.1).
La pensée de l’apôtre est donc que l’affliction, loin d’abattre le chrétien et de l’éloigner de cette grâce à laquelle il a accès, l’affermit et assure la constance de sa vie intérieure.
La constance produit l’expérience.
Beaucoup de versions portent : « l’épreuve ». Cette traduction ne serait admissible que si le mot « épreuve » exprimait, non l’action d’éprouver ou la condition de celui qui est éprouvé, mais le résultat de l’épreuve.
Le terme grec désigne proprement l’état de ce qui a été éprouvé et qui est sorti victorieusement de l’épreuve. Le terme d’expérience (adopté par Luther) nous paraît rendre assez bien cette idée. On pourrait traduire aussi : « fidélité éprouvée ».
Dans Romains 14.18, l’adjectif de la même racine est employé pour désigner celui qui est « approuvé » des hommes. Dans 1 Pierre 1.7 ; Jacques 1.3 (voir les notes), nous avons un substantif de la même racine, qui signifie : « le moyen par lequel on éprouve ».
Tel est donc pour le chrétien le résultat des afflictions supportées avec constance : elles manifestent ce qu’il y a de réel ou de non réel dans sa foi, dans sa vie intérieure.
Un homme a de l’expérience quand, soumis à une forte épreuve, il peut en parler comme y ayant déjà passé.
L’expérience produit l’espérance.
L’apôtre achève par ces mots de démontrer son affirmation : (verset 2) « Nous nous glorifions de l’espérance de la gloire de Dieu ». En dépit des afflictions, l’espérance, joyeusement professée par le croyant dès le premier moment de sa justification, ne s’éteint pas, mais devient plus vive et plus ferme à mesure que sa foi, éprouvée dans la lutte, acquiert elle-même plus de certitude.
Avec sa justification, le croyant a reçu toute la vie nouvelle en germe ; ce germe, en se développant, devient un arbre qui, secoué par les vents, enfonce ses racines toujours plus profond dans le sol et peut produire d’autant mieux les fruits qu’il est destiné à porter.
L’espérance ne rend point confus ; elle est de telle nature qu’elle s’accomplira sûrement.
Ce qui nous garantit sa pleine réalisation, c’est que l’amour de Dieu est répandu dans nos cœurs par l’Esprit-Saint qui nous a été donné.
L’amour de Dieu n’est pas notre amour pour Dieu, mais, comme le montrent clairement les versets suivants, son amour pour nous, l’amour qui l’a poussé à nous donner son Fils, à le livrer à la mort de la croix, lorsque nous étions ses « ennemis » (versets 8-10).
Cet amour peut seul nous rendre inébranlables et nous faire parvenir à la gloire espérée. Or cet amour, l’homme naturel y reste étranger, il n’y croit pas, jusqu’au moment où il reçoit la grâce qui justifie (verset 1). Alors seulement, l’amour de Dieu est répandu dans son cœur.
Le terme de l’original : est versé hors de… implique l’image d’un flot qui s’échappe du cœur de Dieu pour se répandre dans le nôtre. L’amour divin crée dans notre cœur et y entretient, un amour qui ne nous est pas naturel. Le moyen, l’agent de cette effusion de l’amour de Dieu dans l’homme régénéré, c’est l’Esprit-Saint, sceau et gage de la justification, qui, en sanctifiant l’âme, la maintient dans une communion intime avec Celui qui est amour (Romains 8.15 ; Romains 8.16 ; 2 Corinthiens 1.22, note ; Galates 4.6).
Il puise dans cette communion la certitude que l’espérance ne rend point confus ; car, comme l’objet de cette espérance n’est autre que la parfaite possession de Dieu même et comme Dieu est déjà présent et vivant dans son cœur par l’Esprit Saint, qui lui a été donné, il possède dès maintenant, dans une mesure incomplète, il est vrai, mais réellement, ce qu’il s’attend à posséder un jour dans la plénitude (Éphésiens 1.13 ; Éphésiens 1.14 ; comparez, ci-dessous, verset 10, note).
Codex Sinaiticus, A, C, D, portent deux encore, dont l’un paraît être une répétition de l’autre : « car encore Christ, lorsque nous étions faibles encore… »
B porte : « S’il est vrai que Christ, alors que nous étions encore faibles, est mort, au moment marqué, pour des impies… » Avec cette leçon, il faudrait considérer les versets 7 et 8 comme une parenthèse, pour trouver l’apodose au verset 9 « à bien plus forte raison… »
La leçon : « Car Christ », que présentent tous les autres manuscrits, donne à la phrase une construction moins compliquée. Paul introduit, en ces termes, une argumentation qui se poursuit jusqu’au verset 10 et qui est destinée à prouver le droit que nous avons de nous « glorifier de l’espérance qui ne confond pas » (versets 2 et 5).
Christ est mort pour des impies comme nous l’étions alors (Romains 4.5, note) ; combien plus notre espérance est-elle assurée maintenant que nous avons accès à la source de toute force, de toute vie, de tout amour !
Christ est mort (grec) selon le temps, ou au temps marqué par l’éternel et immuable conseil de Dieu et avant que nous eussions rien pu faire pour prévenir et mériter son amour. Notre espérance est d’autant plus certaine : elle est fondée sur le ferme conseil de Dieu et sur la parfaite gratuité de son amour.
D’autres traduisent : il est mort à temps, ou au moment favorable ; ils se refusent à voir dans cette expression une allusion au décret divin.
D’autres encore relient cette locution à ce qui précède : « quand nous étions encore sans force, selon les conditions de l’époque où le salut n’avait pas encore été manifesté ; » ou ils la rattachent à ce qui suit immédiatement : pour des impies comme nous l’étions conformément à l’époque…
Pour des impies signifie : en leur faveur, par amour pour eux, pour leur bien et non : « à leur place », ce qui serait exprimé par une autre préposition grecque, employée Matthieu 20.28.
D’après un certain nombre d’interprètes, il s’agirait d’abord d’un juste quelconque, d’un homme droit devant Dieu, c’est le sens ordinaire du mot ; et l’apôtre affirmerait qu’à peine quelqu’un voudrait mourir pour un tel homme.
Il s’agirait ensuite de l’homme de bien qui à cette justice, joindrait la bonté, une générosité dont on aurait éprouvé les effets, un bienfaiteur et Paul concéderait que peut-être quelqu’un se résoudrait (grec oserait, aurait le courage) à livrer sa vie par reconnaissance pour un tel homme.
On objecte à cette interprétation que, pour le bon ne peut signifier « pour le bienfaiteur », le grec ayant un terme spécial pour exprimer cette idée. Il vaut en effet mieux considérer la seconde proposition comme destinée à corriger ce que la première affirmation avait de trop absolu : « encore que peut-être quelqu’un ira jusqu’à mourir pour ce juste », en considération de sa valeur morale.
Un certain nombre de commentateurs traduisent : « à peine quelqu’un mourra-t-il pour un juste ; car pour le bien (pour le devoir, pour la patrie, pour quelque grande et noble cause) peut-être quelqu’un se déciderait-il à mourir ».
Mais on ne voit pas comment l’attitude de cet homme qui meurt pour le bien pourrait être mise en contraste avec la conduite de Jésus mourant pour des impies ; car en leur sacrifiant sa vie, Christ est aussi mort pour le bien.
Ces impies appellent, comme antithèse, un juste, un homme de bien.
Plusieurs interprètes récents considèrent la seconde proposition du verset 7 comme une très ancienne glose, comme une réflexion d’un lecteur qui aurait fait ses réserves sur l’affirmation de Paul ; cette glose se serait glissée dans le texte.
On a supposé aussi que Paul, en dictant sa lettre, s’était repris et avait corrigé l’expression de sa pensée et que son secrétaire, par inadvertance, avait oublié de tracer la première expression ; en ce cas, ce serait la première proposition du verset 7 qu’il faudrait retrancher.
Dieu prouve (grec établit) son amour envers nous, en ce que, quand nous étions encore des pécheurs, Christ est mort pour nous.
L’amour du Père et celui du Fils sont aux yeux de l’apôtre un seul et même amour.
Par un raisonnement qui conclut du plus au moins, l’apôtre démontre dans les versets 9 et 10, la certitude de notre espérance (verset 5), fondée sur la perpétuité de l’amour de Dieu.
Si Dieu a fait le plus pour des pécheurs, pour des ennemis, en opérant leur rédemption par la mort de son Fils, n’accomplira-t-il pas à plus forte raison le moins, c’est-à-dire ce qui reste à faire pour achever son œuvre d’amour à l’égard d’hommes qui sont maintenant justifiés et réconciliés avec lui ?
Ainsi, même à ceux qui ont déjà obtenu la justification, l’apôtre n’indique pas d’autre fondement de leur espérance que la libre grâce de Dieu envers eux.
Plus le racheté de Christ est reconnaissant d’un amour qu’il n’a point mérité, plus il se fonde uniquement sur une grâce dont il se reconnaît complètement indigne, plus aussi il sent son angoisse et son découragement se transformer en la joyeuse assurance de son salut éternel.
L’apôtre confirme (car) sa conclusion sur l’assurance du salut, en faisant intervenir une idée nouvelle, celle de notre réconciliation avec Dieu.
Il nous présente, non plus seulement comme des êtres « sans force », comme des « pécheurs », mais comme des ennemis de Dieu ; ce qui donne plus de poids encore à sa conclusion : à plus forte raison.
Ennemis de Dieu, nous sommes non seulement « justifiés » (verset 9), mais réconciliés.
En outre, il appelle Christ le Fils de Dieu, ce qui fait ressortir le prix de sa mort et il précise l’idée que nous sommes « sauvés par lui » (verset 9), en ajoutant : nous sommes sauvés par sa vie.
Ennemis, nous le sommes par nature, non seulement en tant que nous avons, à l’égard de Dieu, la disposition hostile de révoltés, mais en tant que nous sommes les objets de la réprobation de Dieu et de sa « colère » (Romains 1.18, note), des « enfants de colère par nature » (Éphésiens 2.3).
La réconciliation, qui nous rétablit dans la relation normale de « la paix avec Dieu » (verset 1), consiste avant tout à enlever l’obstacle qui empêche Dieu de donner libre cours à sa miséricorde envers nous. Dieu accepte le sacrifice que Christ a offert en mourant pour notre péché. Et son amour immuable peut dès lors, sans porter atteinte à sa sainteté, se déployer envers le pécheur.
Cette réconciliation avec Dieu opère un changement radical dans les dispositions du pécheur envers Dieu : son cœur charnel, rebelle, ennemi de Dieu, se rend à discrétion par la repentance, il accepte sa délivrance comme une grâce. Il revient à Dieu comme à son Père, il est pénétré de reconnaissance et d’amour ; sa communion avec Dieu, détruite par le péché, est rétablie.
Ce côté de l’œuvre de la réconciliation est dépeint dans l’inimitable parabole de l’enfant prodigue (Luc 15.11 et suivants).
On comprend dès lors toute la force du raisonnement de l’apôtre pour fonder l’assurance du salut : si, d’ennemis, nous avons été réconciliés, à plus forte raison…
Et ce contraste n’est pas le seul ; il en est un autre, tout aussi frappant, celui de la mort de Christ et de sa vie.
Quelques interprètes limitent la portée de ce dernier terme, en l’appliquant seulement à la vie glorifiée dont Christ vit actuellement dans le ciel et dans laquelle il doit introduire ses fidèles au dernier jour.
Mais Paul enseigne que Christ agit du haut du ciel sur les âmes de ceux qui croient en lui, qu’il vit en eux, qu’il les affranchit ainsi du péché et les sanctifie.
Pourquoi cette action de Christ en nous ne serait-elle pas mentionnée ici à côté de l’œuvre que Christ a accomplie en mourant pour nous ? Elle est un élément capital du développement qui conduit le croyant au but glorieux de sa rédemption (comparez Romains 4.24 ; Romains 4.25, notes et surtout Romains 6.4 ; Romains 8.2).
Le chrétien, réconcilié avec Dieu par la mort de Christ, a besoin encore de forces nouvelles pour achever sa sanctification, d’une vie divine qui lui soit communiquée.
Or la source lui en est ouverte dans la résurrection de Jésus-Christ, par laquelle le péché et la mort ont été vaincus. Christ l’attire à lui, le fait entrer dans une communion vivante avec lui sa vie devient la vie de chacun des membres de son corps. C’est là ce qui leur assure la pleine victoire, le salut définitif.
Nous trouvons ainsi indiquée, déjà dans notre passage, la pensée profonde que l’apôtre développera à Romains 6, où il nous montrera le croyant uni à Christ par sa foi, de telle sorte que la mort, la sépulture, la résurrection de Christ et son entrée dans la gloire deviennent autant de phases de l’expérience spirituelle de celui qui « a été fait une même plante avec lui » (Romains 6.1-11, notes).
Grec : Et non seulement cela, mais aussi nous glorifiant.
Nous serons sauvés de telle manière que nous n’aurons pas seulement échappé au châtiment, mais que nous pourrons nous glorifier de Dieu, parce que Dieu nous aura transformés à son image et rendus participants de sa gloire.
Pour la troisième fois, l’apôtre s’écrie : Nous nous glorifions (comparez versets 2 et 3).
La gradation marquée dans la répétition de cette parole consiste à s’élever de la possession du salut à la possession de Dieu lui-même et, de l’espérance d’un salut futur, à la réalité actuelle de ce salut par la réconciliation maintenant obtenue.
C’est beaucoup d’être réconcilié avec son Dieu, c’est plus d’espérer de lui le salut éternel : mais porter dès maintenant dans le cœur un fonds de paix, de confiance et de joie, par lequel le Saint-Esprit nous rend témoignage que nous sommes à Dieu par Jésus-Christ pour l’éternité, c’est ce que fait l’amour de Dieu et la participation des souffrances de Jésus-Christ. C’est ce que saint Paul appelle se glorifier en Dieu par Jésus-Christ.
Le péché et la mort s’étendent d’Adam sur tous les hommes
Par un seul homme, le péché et la mort sont entrés dans le monde et ont pénétré dans tous ; d’où il est résulté que tous ont péché ; car le péché était dans le monde avant que la loi eût été promulguée, et, bien que le péché ne soit pas imputable en l’absence d’une loi, la mort a cependant atteint, dans la période d’Adam à Moïse, ceux qui n’avaient pas transgressé de défense expresse, comme Adam l’avait fait, ce type du Sauveur qui devait venir (12-14).
La justification qui donne la vie est assurée à tous par Jésus-Christ
Le rôle de la loi
Entre le règne du péché et de la mort et celui de la vie, la loi est intervenue, pour que la faute d’Adam portât tous ses fruits ; mais là où le péché a abondé, la grâce a surabondé ;, et cela, afin que, comme le péché a régné en donnant la mort, la grâce règne par la justice, pour nous mettre en possession de la vie éternelle par Jésus-Christ, notre Seigneur (20, 21)
Jusqu’ici, Paul a montré le péché avec ses suites funestes (Romains 1.18-3.20) et la justification avec ses conséquences réparatrices (Romains 3.21-5.11).
Maintenant, embrassant d’un regard ces deux grands faits qui sont comme les deux pôles de l’histoire de l’humanité, il va remonter à la source de ce double courant de mort et de vie, à Adam et à Christ, entre lesquels il établit un long parallèle (versets 12-21).
Il nous montre l’histoire de l’humanité qui se partage en deux grandes périodes. Adam est à la tête de la première et la domine, Christ domine la seconde. L’économie temporaire de la loi forme la transition de l’une à l’autre.
De plus, dans sa comparaison entre Adam et Christ, l’apôtre se livre à un raisonnement par lequel il démontre la supériorité de l’œuvre rédemptrice du Christ sur l’œuvre destructrice qui a été la conséquence de la chute d’Adam. Si la faute d’Adam a entraîné tous les hommes dans le péché et la mort à plus forte raison la rédemption accomplie par Christ doit-elle être une source de salut et de vie pour tous.
Cette conclusion est le but principal de tout ce développement par lequel l’apôtre achève de montrer la valeur de la justification opérée par Christ et de prouver au croyant qu’il peut être assuré de son salut final.
L’apôtre introduit son parallèle entre Adam et Christ par : c’est pourquoi, non qu’il l’envisage comme la conclusion logique de l’affirmation du verset 11 ; mais parce qu’il le rattache à tout l’enseignement précédent depuis Romains 1.18 et le présente comme un regard en arrière, par lequel il considère les deux faits du péché et de la justification dans leur source et dans leurs effets.
Nous ne pouvons pas voir plus clairement ce que nous possédons en Christ que par la démonstration de ce que nous avons perdu en Adam.
Il est une manière de concevoir notre humanité, contraire aux données de l’expérience comme aux affirmations de l’écriture sainte, qui ne permet pas de comprendre la pensée que Paul va développer, car elle ne tend à rien moins qu’à nier également les effets de la chute d’Adam et l’œuvre rédemptrice du Sauveur ; c’est la conception qui fait de l’humanité une agrégation d’individus indépendants les uns des autres, qui ne soit unis par aucun lien de solidarité.
Dans cette idée, Adam et Jésus-Christ n’ont exercé d’influence sur les autres hommes, l’un pour les entraîner au péché, l’autre pour les conduire à la justice, que par leur exemple et nullement par une action résultant d’un lien organique entre eux et le reste des hommes.
L’Écriture, au contraire, nous présente l’humanité comme une famille dont chaque membre, tout en demeurant individuellement responsable, fait partie intégrante de l’ensemble et ne peut répudier La solidarité avec tous les autres membres de la famille.
Diverses images sont employées dans l’écriture pour mettre en lumière cette vérité : c’est la relation entre les membres du corps humain (1 Corinthiens 12.20 et suiv), entre les sarments d’un même cep (Jean 15.1 et suivants), entre les branches et le tronc de l’olivier (Romains 11.17 et suivants). Or, dans un arbre, il est plus d’une branche dont l’existence n’est pas nécessaire à la plante ; elles peuvent être retranchées sans que l’arbre meure. Mais il est deux circonstances où la destruction d’une faible tige entraîne la mort de la plante : c’est d’abord quand la plante sort de son germe et est encore bien fragile ; c’est ensuite quand, par l’opération de la greffe, une branche nouvelle a été entrée sur le vieux tronc. La destruction de la tige ou de la branche greffée anéantit la plante, ou rend vaine l’opération de la greffe. Il y a eu de même dans le développement de notre humanité deux êtres dont l’existence a déterminé la vie du corps entier Adam et Christ. Adam d’abord, duquel est sorti la race, s’il était mort sans descendants, aussitôt après la chute, l’humanité aurait péri dans sa personne, tandis que la blessure que le péché lui a infligée a nui à tout le développement de la race, de même que l’arbre dont la tige a été courbée, croit de travers. En second lieu Christ. Il est à la descendance d’Adam ce que la greffe est à l’arbre sauvage. S’il avait été retranché avant que son œuvre eût été accomplie, l’humanité serait restée dans son état naturel, comme le sauvageon quand la greffe a été détruite. Mais la greffe généreuse subsiste ; elle change la nature de toute la plante.
Comme par un seul homme le péché est entré dans le monde, comparez Genèse 3.1 et suivants.
Il ne faut pas entendre par le péché le premier péché envisagé comme action isolée, ni le penchant à pécher, ni même exclusivement la corruption de l’humanité. Ce terme est pris dans sa plus grande généralité : le péché de l’homme, le fait qu’il est devenu étranger à la communion avec Dieu et en outre toutes les conséquences de la chute, tous les péchés considérés dans leur ensemble comme un tout dont l’humanité entière est responsable.
Le monde, ce sont les hommes en général, l’humanité, comparez Jean 3.16 ; l’expression est équivalente à celle qui suit : tous les hommes.
Le péché est entré dans le monde, c’est-à-dire le principe du mal s’est implanté dans l’humanité, où il exerce dès lors son action funeste. Le premier homme, en donnant par sa désobéissance accès dans son propre être à la puissance du mal, a infecté l’espèce entière, car c’est une nature corrompue qu’Adam a transmise à ses descendants.
Et par le péché la mort : telle est la constatation à laquelle l’apôtre voulait en venir, la suite montre qu’il lui importait moins de marquer l’origine du péché que celle de la mort.
La mort peut être la mort physique, la mort spirituelle de l’être moral, ou la mort éternelle, la condamnation définitive du pécheur. Le second sens est exclu, car la mort spirituelle ne saurait se distinguer du péché. On ne saurait s’arrêter au troisième sens, car l’apôtre ne peut vouloir dire que, par la seule faute d’Adam, les autres hommes sont voués à la mort éternelle (versets 15 et 17).
Ce « règne de la mort », dont il est question dans versets 14 et 17, ne peut être que celui de la mort physique. L’homme, exclu de la communion de Dieu par le péché, dut reconnaître, à la mortalité de son corps débile et à toutes les souffrances qui procèdent sa dissolution, qu’il s’était séparé de la source unique de la vie.
Que la mort physique, avec toutes les misères qui l’accompagnent, ne fut point originairement dans le dessein de Dieu qu’elle n’est pas une nécessité inhérente à la nature de l’homme, mais bien l’exécution de la sentence prononcée sur le péché (Genèse 2.17 ; Genèse 2.3-19) c’est là une vérité que l’apôtre suppose admise, qu’il se contente d’affirmer, parce qu’elle est clairement enseignée dans l’Écriture sainte.
La rédemption par Jésus-Christ est destinée à nous délivrer de cet ennemi dont nous sommes devenus la proie (Romains 5.17 ; Romains 5.21 ; 1 Corinthiens 15.21-26, 1 Corinthiens 15.54-56 ; Hébreux 2.15).
Et ainsi, après qu’elle fut entrée dans le monde par le péché et parce qu’elle est le salaire du péché, la mort a pénétré dans tous les hommes, sur quoi tous ont péché.
La plupart traduisent : parce que tous ont péché ; mais la locution employée n’est pas la conjonction qu’on rend habituellement par parce que, elle est formée du pronom relatif et d’une préposition qui signifie primitivement sur, puis par dérivation « dans » et « pendant ».
On ne peut toutefois traduire avec la Vulgate : « dans lequel, Adam tous ont péché ; » ni : « dans laquelle mort (spirituelle) tous ont péché ».
De l’avis de la grande majorité des interprètes, le pronom relatif est au neutre et selon qu’on le rapporte à ce qui précède ou à ce qui suit, il faut traduire : sur le fondement duquel fait (l’entrée dans le monde du péché et de la mort) tous ont péché ; ou : sur le fondement du fait que tous ont péché.
Dans 2 Corinthiens 5.4 et Philippiens 3.12, la locution présente ce dernier sens ; mais Philippiens 4.10 peut être invoqué en faveur du premier sens. La plupart cependant adoptent la seconde signification et traduisent : sur ce que, en raison de ce que, parce que.
Beaucoup de commentateurs estiment que le but de cette proposition est de présenter la mort de tous les hommes comme la conséquence, non du péché d’Adam, mais des péchés par lesquels ils l’ont eux-mêmes méritée : elle les atteint parce qu’ils ont tous péché.
De même que le pécheur doit s’approprier personnellement par la foi la justice que Christ lui a acquise, de même il n’encourt le châtiment de la mort que parce qu’il pèche volontairement et s’associe ainsi d’une manière consciente à la révolte d’Adam.
Cette interprétation se heurte à de graves objections.
Cette interprétation, on le voit, nous oblige de sous-entendre des pensées importantes. Au contraire, si l’on admet que Paul voit dans la faute d’Adam la cause de la mort de tous (verset 12), les versets 13 et 14 présentent la confirmation (car) de cette thèse dans le fait que la mort a régné d’Adam à Moïse, frappant ceux qui n’avaient pas péché par une transgression positive comme celle du premier homme, et cela, en dépit du principe que le péché n’est pas imputé quand il n’y a pas de loi.
Les interprètes qui se rendent à ces raisons expliquent de deux manières la proposition incidente : sur quoi ou parce que tous ont péché. Ceux qui admettent la traduction : parce que tous ont péché, sous-entendent : « en Adam ». Ils expliquent l’omission de ce complément : « en Adam », qui exprime pourtant l’idée essentielle, en disant que la pensée par laquelle débutait le passage : par un seul homme, etc. remplissait tellement l’esprit de l’apôtre qu’il n’a pas jugé nécessaire de la répéter.
Cette explication, si plausible qu’elle soit, n’est pourtant pas entièrement satisfaisante. Elle revient, somme toute, à attribuer à Paul la doctrine augustinienne d’une participation effective de tous les hommes au péché de leur premier père et d’une imputation de la faute d’Adam à ses descendants ; tandis que la seule vérité clairement enseignée dans notre passage, c’est que la mort de tous les hommes remonte à la faute du premier homme. Et il semble qu’en ajoutant : sur le fondement duquel fait tous ont péché, l’apôtre veut prévenir des conclusions excessives qu’on courrait tirer de sa précédente thèse.
Étant donnée la situation créée par la faute d’Adam, tous ont péché, dit l’apôtre, pour marquer la culpabilité personnelle de tous ceux qu’atteint la sentence de mort, qui, par conséquent, n’est pas moins justifiée pour eux que pour le premier homme.
Nous adoptons donc, pour la locution si discutée, la première des deux significations indiquées et nous rapportons le pronom relatif à l’ensemble des faits qui viennent d’être affirmés : par un seul homme le péché est entré dans le monde et par le péché la mort et ainsi la mort a pénétré dans tous les hommes, sur le fondement de ces faits, dans cet état de choses créé par la chute d’Adam, tous ont péché ; c’est un fait d’expérience.
Ces paroles sont admirablement choisies pour exprimer et la chute de l’humanité en Adam et la responsabilité individuelle, en vertu de laquelle chaque pécheur n’est puni que pour les péchés qu’il a commis, le sachant et le voulant.
Ce verset forme une phrase inachevée. Le second terme de la comparaison serait : « de même, par un seul homme, Jésus-Christ, la grâce et la vie sont entrées dans le monde » Dès la fin du verset 14, la comparaison est reprise, elle est complètement énoncée aux versets 18 et 19.
L’apôtre, après avoir affirmé que, par la faute du premier homme, le péché et la mort sont venus sur tous les hommes (verset 12), aurait dû passer immédiatement au second terme de la comparaison, à Christ, source de la justice et de la vie. Mais il s’interrompt pour prouver que la mort a réellement coulé du péché d’Adam comme de sa source.
Il raisonne ainsi : dès avant la loi, le péché était dans le monde, l’histoire l’atteste.
Mais dans cette période antérieure à la loi, le péché pouvait-il être puni de mort ? Non, puisqu’il n’est pas imputé (au même degré) là où il n’y a point de loi (Romains 4.15), de loi expressément formulée, qui, en faisant connaître à l’homme la volonté de Dieu, rend ses transgressions vraiment coupables.
Et toutefois, la mort a régné depuis Adam jusqu’à Moïse, durant cette période où il n’y avait point de loi ; elle a régné même sur ceux qui, n’ayant pas un commandement exprès comme Adam, n’avaient pas péché par une transgression semblable à la sienne (grec à la ressemblance de la transgression d’Adam).
Et la conclusion sous-entendue, c’est que la mort, qui n’était pas pour ces hommes le châtiment de leurs transgressions, devait résulter pour eux de la seule faute d’Adam.
La mention d’Adam évoque la pensée du second Adam, qui devait réparer le mal fait par le premier père de notre race. C’est pourquoi Paul ajoute : lequel est une figure (grec type) de celui qui doit venir (grec devenir).
« Le mystère d’Adam est le mystère du Messie », a dit un rabbin.
Tous les autres ; grec les plusieurs, les beaucoup, avec l’article signifie : la masse, l’ensemble ici tous les autres opposés à un seul.
Traduire : « la plupart » « le grand nombre », c’est affaiblir le sens.
Revenant à sa comparaison entre l’œuvre d’Adam et celle de Christ et voulant prouver que la seconde est supérieure à la première, l’apôtre relève un premier contraste entre le principe et les effets de l’action exercée par l’un et par l’autre.
Ce contraste ressort déjà des termes qu’il choisit pour caractériser cette double action : la faute et le don gratuit.
La faute (grec le faux pas, la chute, le fait de tomber en se heurtant à un obstacle) d’un seul a produit, en vertu du principe de la justice, la mort de tous, le péché et la mort se propageant à tous par le cours naturel de la naissance selon la chair.
Le don de grâce est fondé sur un tout autre principe, sur le principe de la pure grâce de Dieu, du décret rendu par Dieu de toute éternité et accompli par le Fils, que le Père nous a donné et qui s’est lui-même donné à nous.
Ce don n’agit en vertu de l’hérédité naturelle, mais est accordé comme un don personnel à ceux qui croient en Jésus-Christ.
Si l’action négative de la faute a causé la mort de tous, on peut à bien plus forte raison affirmer que l’action positive de la grâce de Dieu aura un effet non seulement équivalent en étendue et en puissance, mais supérieur, surabondant ; car Dieu laisse agir plus volontiers sa grâce que sa colère.
Pour mieux faire ressortir encore la grandeur et l’efficacité du remède opposé au mal, Paul désigne ce qu’il a appelé d’abord un don de grâce ou « don gratuit » comme la grâce de Dieu et le don en la grâce d’un seul homme, Jésus-Christ.
La grâce de Dieu est cette abondance d’amour divin qui est la source première du salut.
L’apôtre distingue cette grâce de Dieu du don en la grâce, d’un seul homme, Jésus-Christ, c’est-à-dire du don qui consiste dans la grâce que Jésus-Christ nous fait. Il veut marquer ainsi le caractère personnel et spontané du dévouement de Jésus-Christ.
Si Jésus est le don de Dieu, il se donne à son tour (2 Corinthiens 8.9).
Le complément : d’un seul homme, Jésus-Christ, indique le sujet qui fait le don et non l’objet qui est donné, il ne faut donc pas traduire : « le don que Dieu nous a fait, dans sa grâce, d’un seul homme, Jésus-Christ ».
La grâce de Dieu en Christ se répand incessamment comme une force divine et poursuit son action salutaire au sein de toutes les générations humaines.
Après avoir comparé (verset 15) l’œuvre d’Adam et l’œuvre de Christ quant à la cause agissante dans l’une et dans l’autre (la faute, le don en la grâce), Paul les oppose dans leur point de départ et dans le double résultat auquel elles aboutissent.
Grec : Et le don n’est pas comme ce qui est arrivé par un seul qui a péché (D, majusc, Itala, Syriaque portent : d’un seul péché), car le jugement vient d’un seul péché (ou pécheur) en condamnation, mais le don de grâce vient de beaucoup de fautes en justification.
L’œuvre de Christ, à la suite d’un grand nombre de fautes a abouti à la justification ; tandis que, dans l’œuvre d’Adam, le jugement, à la suite d’une seule faute a abouti à la condamnation.
D’un côté, une faute unique entraînant la condamnation de tous ; de l’autre, le don gratuit de la justification s’étendant à toute la multitude des péchés commis par Adam et ses descendants.
La rédemption accomplie par Jésus-Christ s’applique à tous les péchés particuliers que nous avons ajoutés au péché d’Adam ; elle les répare si parfaitement qu’elle substitue à la condamnation une entière justification.
Aussi vrai que la sentence de condamnation de tous a été provoquée par une seule faute, le don de la grâce est suffisant pour justifier de toute la multitude des fautes : cette hardie assertion du verset 16, l’apôtre la prouve (car) en opposant, au règne de la mort universelle qui s’est établi par la faute d’un seul, le règne de la vie fondé par le seul Jésus-Christ, en faveur de tous ceux qui reçoivent l’abondance de la grâce et du don de la justice, c’est-à-dire qui s’approprient individuellement l’œuvre rédemptrice.
Si, par la faute du seul Adam, le règne de la mort s’est étendu sur tous les hommes, sans qu’ils eussent conscience d’avoir participé à la faute de leur premier père, à bien plus forte raison le don de la justice que Jésus-Christ nous procure assure-t-il à ceux qui le reçoivent et s’en emparent par un acte de foi et de volonté, qu’ils régneront dans la vie.
Mais si la possession de ce règne dans la vie est garantie, c’est que l’acte de justification a porté sur leurs fautes individuelles, autrement ils ne sauraient être associés à ce règne. Cette justification des fautes individuelles était affirmée au verset 16 ; ici, elle est démontrée ; et en la démontrant, l’apôtre découvre les effets admirables de cette abondance de la grâce et de ce don de la justice, qu’il avait déjà mentionnés au verset 15.
La rédemption pas seulement l’homme de la domination du péché et de la mort elle le met en possession de la vraie et pleine liberté, en sorte qu’il règne et régnera éternellement dans la vie, dans cette vie qu’il possède par Jésus-Christ, dont il partage la gloire.
L’apôtre dit de la mort : elle a régné, parce que déjà sa puissance était virtuellement brisée mais il dit des héritiers de la vie : ils régneront, parce que la vie n’exerce point encore sur eux tout son empire et surtout parce qu’elle n’est point parvenue encore à tous ceux qui doivent en éprouver l’influence.
Reste un dernier mot qui, placé au terme de cette période si riche et si puissamment construite, a une solennité toute particulière : par le seul Jésus-Christ. Le seul, l’unique, opposé à l’autre unique dans la première proposition. Cette parole finale rappelle qu’il a été l’unique agent du don de la justice divine et que, si les croyants ont une justice à s’approprier, au moyen de laquelle ils peuvent régner, c’est celle que lui seul leur a acquise.
Dans l’original, il n’y a pas de verbe : comme par une seule faute pour tous les hommes en condamnation, de même aussi par un seul acte de justification pour tous les hommes en justification de vie.
Nous avons ici, plus nettement énoncée que dans les versets précédents l’antithèse dont le premier terme seul avait été exprimé au verset 12 : une seule faute entraînant la condamnation de tous d’une part ; de l’autre, un seul acte de justification rendant possible à tous une justification qui produit la vie.
Paul nomme la condamnation, ce que jusqu’ici il a appelé « la mort ».
L’acte de justification, c’est l’œuvre de la grâce divine déclarant juste (sens du verbe grec dont dérive ce substantif) celui qui croit en Jésus.
La justification individuelle, qui en résulte pour tous ceux qui croient en lui, est appelée (grec) justification de vie, parce qu’elle met le croyant en possession de la vie éternelle, dans laquelle « il régnera » (verset 17).
À prendre à la lettre cette déclaration de l’apôtre : « il y a pour tous les hommes justification de vie », on pourrait conclure que tous seront justifiés aussi nécessairement qu’ils ont encouru la condamnation. Isolé de l’ensemble, ce passage fournirait un argument sans réplique à ceux qui admettent le salut universel.
Mais l’apôtre a déjà indiqué (versets 15-17) la différence profonde qu’il y a entre la communication du péché et de la mort dans la race d’Adam et celle du « don de la grâce » que Christ nous a acquis.
Dans le premier cas, il y a transmission fatale en vertu de la descendance charnelle ; dans le second, c’est un « don » de la libre « grâce de Dieu », qui sauve « ceux qui le reçoivent » (verset 17).
L’apôtre enseigne (comme 1 Jean 2.2) que le sacrifice et les mérites du Sauveur sont parfaitement suffisants pour la justification de tous ; que Dieu a donné son Fils pour le salut de tous les pécheurs et qu’il veut que tous les hommes soient sauvés (1 Timothée 2.4). Si tous ne le sont pas, c’est par suite de l’incrédulité et de l’endurcissement des pécheurs.
Tous les autres, grec les plusieurs, Comparer verset 15, note.
Ce dernier trait du parallèle est d’une grande importance pour établir (car) l’affirmation du verset précédent : il montre la cause morale du double fait historique sur lequel porte cette affirmation.
La faute d’Adam, qui a entraîné la condamnation de tous, n’a pas été un accident ; elle a été causée par sa désobéissance, de même c’est l’obéissance d’un seul, de Christ, qui a été la cause de la justification de tous ceux qui croient en lui.
L’apôtre dit que, par la désobéissance d’Adam, tous les autres ont été constitués pécheurs et que, par l’obéissance de Christ, tous les autres seront constitués justes.
La plupart traduisent : « rendus » pécheurs, « rendus » justes. Mais le verbe signifie « être mis dans la position de… » L’idée est qu’ils ont été placés devant Dieu dans la position de pécheurs ou de justes.
Le terme dont se sert l’apôtre ne tranche pas la question soulevée par les théologiens : faute d’Adam a-t-elle été imputée à ses descendants de telle sorte qu’ils en soient coupables aux yeux de Dieu, ou les descendants d’Adam ont-ils été constitués pécheurs seulement par le fait qu’ils ont hérité de leur père la disposition à désobéir ?
De l’ensemble du passage (verset 12, note), il ressort que cette dernière idée est plutôt celle de Paul. La maladie morale, l’infection du péché, s’est propagée d’Adam à tous ses descendants par l’hérédité naturelle. « Ce qui est né de la chair est chair ; » (Jean 3.6) or, « l’affection de la chair est inimitié contre Dieu ; » elle est « la mort » même (Romains 8.6 ; Romains 8.7).
De là, l’universelle sentence, rappelée au verset 12 ; de là la condamnation venue sur tous les hommes (verset 18). En ce sens, le péché d’Adam a donc été réellement le péché de toute sa race, comme la source d’un fleuve est déjà ce fleuve Cela ne paraît faux qu’au pélagianisme qui voit le péché dans les actes extérieurs seulement, dans le faire et non dans l’être.
À la désobéissance, source du péché et de la mort, l’apôtre oppose l’obéissance du Sauveur, source de la justice et de la vie. Il s’agit de sa parfaite obéissance à Dieu son Père dans sa vie entière et surtout de cette « obéissance jusqu’à la mort de la croix » (Philippiens 2.8), dans laquelle Paul nous montre, en maint passage, le grand sacrifice qui a opéré notre rédemption et a permis à Dieu de justifier ceux qui croient en Jésus (Romains 3.24-26).
Si l’apôtre met le verbe au futur : seront constitués justes, ce n’est pas qu’il se reporte en pensée au jugement suprême, quand Dieu prononcera la sentence définitive ; il veut plutôt indiquer que la justification de chaque pécheur sera déclarée au moment où il arrivera à la foi ; que l’humanité nouvelle, qui reçoit de Christ sa justice, est encore en voie de formation.
La conclusion de toute cette comparaison entre l’œuvre d’Adam et celle de Christ est que les croyants retrouveront en Christ plus encore qu’ils n’avaient perdu en Adam. Leur justification implique la sanctification, la possession impérissable du ciel, à laquelle ils parviennent par leur union vivante avec Christ. Paul passera dès le chapitre suivant à cette autre face de l’œuvre de Christ.
En esquissant les destinées de l’humanité, de la chute à la rédemption, l’apôtre n’avait mentionné qu’incidemment (verset 13) la loi, qui avait joué cependant un rôle important dans la préparation du salut (comparez Galates 3.19 et suivants).
Voici comment il caractérise ce rôle.
La loi (la loi que Dieu avait donnée à Israël par l’entremise de Moïse et non la loi de la conscience), est intervenue (grec entrée en passant à côté) dans ce règne de la mort, qui avait pour cause le péché et qui s’étendait sur toute l’humanité, d’Adam à Christ. Elle est intervenue, afin que la faute abondât que la faute d’Adam, dont les effets ont été exposés, portât encore plus de fruits de mort et que l’homme, prenant conscience de toute sa misère, aspirât d’autant plus ardemment au salut (Romains 3.20 ; 1 Corinthiens 15.56).
L’apôtre reviendra plus tard à cette pensée (Romains 7.7 et suivants), mais pour montrer que la loi fait abonder le péché en tout pécheur, parce qu’elle excite la convoitise et pousse à la désobéissance.
Où le péché a abondé.
La plupart voient dans l’humanité en général ce domaine où le péché a abondé. Quelques-uns pensent qu’il s’agit uniquement du peuple d’Israël, au sein duquel, par l’effet de la loi, le péché a pris le caractère de révolte et a abouti au rejet du Messie envoyé de Dieu.
Toutefois la grâce n’a pas surabondé seulement en Israël, mais dans l’humanité entière. C’est ce qui ne permet pas de limiter à Israël la sphère où le péché a abondé. Il a abondé partout où la loi a fait sentir directement ou indirectement son effet, en premier lieu sans doute dans le peuple à qui la loi avait été donnée.
La grâce a surabondé en exerçant une action supérieure en puissance à celle du péché (comparez versets 15 et 17, notes).
Ce afin que indique la raison pour laquelle il a fallu que la grâce surabondât sur le péché.
La domination du péché était universelle, produisant partout la mort : il a régné dans la mort, selon l’énergique expression du texte ; c’est-à-dire que la mort est le fait dans lequel s’est manifesté, de la manière la plus frappante, ce règne du péché.
Maintenant la grâce règne par la justice, par la justification qu’elle confère aux croyants comme un don (Romains 1.17 ; Romains 3.21-23). Et le but suprême de cette dispensation de la grâce est de leur communiquer la vie éternelle. Ils la possèdent dès ici-bas ; elle se développe en eux jusqu’à ce qu’elle atteigne sa plénitude dans le ciel.
Tout cela, l’apôtre ne se lasse pas de le répéter, leur vient par Jésus-Christ notre Seigneur.