Verset à verset Double colonne
La mort et la sépulture avec Christ, par le baptême ; la résurrection avec lui à une vie nouvelle
À l’objection : Péchons donc, afin que la grâce abonde ! Paul répond que les croyants étant morts au péché ne peuvent plus vivre dans le péché. Il en appelle au baptême, où nous sommes ensevelis avec Christ pour que, comme Christ est ressuscité, nous marchions en une vie nouvelle. En effet, unis en un même organisme avec Christ, par une mort semblable à la sienne, nous le serons aussi dans une résurrection qui reproduira spirituellement la résurrection de Christ (1-5).
Le crucifiement du vieil homme avec Christ
Nous mourrons avec Christ au péché, si nous comprenons bien que notre vieil homme a été crucifié avec lui pour la destruction de tout l’organisme du péché en nous et pour notre affranchissement de son esclavage. En effet, celui qui est mort en a fini avec le péché (6, 7).
La vie nouvelle du croyant assurée par la résurrection de Christ
Morts avec Christ, nous croyons que nous vivrons aussi avec lui, car Christ n’a plus à mourir après être mort une fois pour le péché ; il vit pour Dieu (8-10).
Conclusion
Nous devons nous regarder comme morts au péché et vivants pour Dieu en Jésus-Christ (11).
L’apôtre venait d’exprimer (Romains 5.20) une vérité aussi belle et consolante qu’elle paraît hardie au premier abord : « Là où le péché a abondé, la grâce a surabondé ».
Les adversaires de son enseignement (Romains 3.8) pouvaient en tirer la conclusion : il n’y a donc qu’à demeurer dans le péché, afin que la grâce abonde. La doctrine de la justification par la foi est immorale !
Cette objection, l’apôtre se la fait à lui-même sous forme de question au sens délibératif (subjonctif en grec selon la leçon la plus autorisée) : voulons-nous, devons nous, pouvons nous demeurer dans le péché, y persévérer ?
L’apôtre repousse énergiquement une telle pensée : (Grec :) qu’ainsi n’advienne ! Et il montre qu’elle ne saurait se donner comme la conclusion de son enseignement sur la gratuité du salut.
Cette objection à la gratuité du salut est profondément enracinée dans le cœur de l’homme. Elle flatte son orgueil. Elle s’est reproduite à toutes les époques de réveil, ou la prédication de la grâce s’est fait entendre. Elle a été l’arme principale des catholiques contre la réformation au seizième siècle. Elle est cause de la timidité de beaucoup croyants, qui n’osent se livrer à la foi en un salut tout gratuit.
Et, d’un autre côté, il faut reconnaître que cette objection paraît justifiée par la conduite de plusieurs de ceux qui professent être sauvés par la foi seule et qui abusent de la grâce pour mener une vie sans renoncement et sans sainteté. L’apôtre va la réfuter de manière à ôter aux uns et aux autres tout prétexte et toute illusion : il va exposer comment la sanctification du croyant est étroitement liée à sa justification et en résulte nécessairement.
La sanctification n’est pas la preuve de la justification, une démonstration de sa réalité, par laquelle le croyant justifié montrerait que la justice lui a été réellement communiquée. Si telle avait été la pensée de l’apôtre, il aurait dû pour passer du chapitre 5 au chapitre 6, employer la particule « car » et non la particule donc, ou, mieux encore, placer les chapitres 6 à 8 avant les chapitres 3 à 5.
Il ne présente pas non plus la sanctification comme une condition que le croyant justifié doit remplir pour que sa justification subsiste, ni même comme un devoir que la reconnaissance lui impose, comme une obligation qui résulte pour lui du fait qu’il a été gratuitement justifié.
La sanctification, tout comme la justification, est une grâce ; le fidèle se l’approprie par la foi qui embrasse Christ mourant pour lui, ce Christ qui « nous a été fait de la part de Dieu, justice, sanctification et rédemption » (1 Corinthiens 1.30 note).
L’apôtre a traité, dans ce qui précède, le premier de ces trois bienfaits : Christ notre « justice », il va traiter, dans Romains 6-Romains 8, Christ notre « sanctification » et Christ notre « rédemption », c’est-à-dire notre délivrance finale de tout mal.
Grec : Nous, des gens qui sommes morts au péché, comment vivrons-nous encore en lui ?
Être mort au péché, c’est être dans un état où le péché n’a plus de pouvoir et n’exerce plus d’attrait sur nous.
Le verbe à l’aoriste présente le fait comme accompli ; il ne s’agit donc pas d’une mort que le croyant réaliserait peu à peu par ses renoncements ; c’est une œuvre divine dont il est l’objet, qu’il accepte par la foi et qui a pour effet de le séparer, de le détacher de lui-même, du péché et du monde. Un mort n’a plus de rapports, ni avec le monde, ni avec la vie (comparez Colossiens 2.20 ; Colossiens 3.3 ; Galates 2.19 ; Galates 6.14 ; 1 Pierre 2.24).
L’apôtre considère la mort au péché comme déjà accomplie parce que la communion avec Christ, qui est mort pour nous, en est le principe et garantit sa réalisation.
À quel moment et de quelle manière l’apôtre pense-t-il que le croyant entre dans cet état ? La plupart des interprètes disent que c’est au moment du baptême (verset 3), quand celui-ci est accompagné de la communication de l’Esprit qui régénère le pécheur. Mais au verset 4, l’apôtre compare le baptême non à la mort, mais à la sépulture de celui qui est déjà mort.
La mort au péché doit donc être à ses yeux le résultat, soit de la mort de Christ sur la croix et de la justification que Dieu prononce sur le pécheur soit de l’acte de foi par lequel le croyant s’attache au Sauveur crucifié pour lui et s’approprie son œuvre rédemptrice (comparez versets 5 et 6, notes).
Ou bien, si vous ne reconnaissez pas que nous sommes morts au péché, ignorez-vous que nous (grec) tous, tant que nous sommes, qui avons été baptisés en Jésus-Christ… Le baptême que nous avons reçu prouve que nous sommes morts au péché, il figurait un ensevelissement (verset 4), il n’a donc pu avoir lieu qu’après notre mort. Tel est le lien logique entre verset 3 et verset 4 et le versets verset 2.
Le baptême est le sceau divin de la régénération, c’est-à-dire de la transformation dont il est parlé dans ces versets. L’apôtre considère le baptême que ses lecteurs avaient reçu après leur conversion comme ayant coïncidé avec l’œuvre de la grâce, par laquelle ils ont été faits participants de la mort et de la résurrection du Christ.
Quand l’apôtre dit : C’est en sa mort que nous avons été baptisés, il envisage la mort du Christ, non plus comme le sacrifice qui nous obtient la justification, mais comme le terme de l’existence humaine du Sauveur ; et il enseigne que le croyant traverse cette mort avec Christ, d’une manière spirituelle mais réelle ; le vieil homme est crucifié et meurt avec Christ (verset 6).
Et même, afin de donner plus de force à cette pensée, l’apôtre ajoute : (verset 4) nous avons été ensevelie avec lui par le baptême la mort. Cette expression figurée lui est inspirée par l’usage de plonger dans l’eau celui qui était baptisé.
Il écrit : en la mort et prend ce dernier terme dans son sens le plus général, pour indiquer que notre mort est comprise dans celle du Christ.
Par la même puissance de résurrection et de vie divine qui tira le Seigneur du tombeau et que Paul appelle ici la gloire du Père (Jean 11.40), parce que, en elle, cette gloire se manifesta de la manière la plus éclatante, le nouvel homme, vivifié, sort des eaux du baptême pour marcher, toujours avec Christ, en nouveauté de vie. L’apôtre emploie cette tournure, au lieu de dire simplement : « vivre d’une vie nouvelle », pour bien marquer ce qu’il y a de nouveau dans cette vie régénérée.
Il ne dit pas, comme si la résurrection de Jésus-Christ n’était que l’image et le modèle de notre régénération : « Nous devons marcher », mais : « nous avons été ensevelis avec lui par le baptême en sa mort, afin que nous marchions en nouveauté de vie, comme Christ est ressuscité des morts ».
La résurrection de Christ et notre marche en nouveauté de vie sont dans une relation intime, en vertu de l’union organique des membres avec le chef. Cette pensée profonde, qui est d’une grande importance pratique pour la vie chrétienne, revient fréquemment dans les écrits des apôtres (Galates 2.20 ; Philippiens 3.10 ; Colossiens 2.12 ; Colossiens 3.1 ; 1 Pierre 2.24 ; 1 Pierre 4.1).
Et ce n’est pas sans raison que, dans notre passage et dans Colossiens 2.12, elle est mise en relation avec le baptême. À la vérité, le changement qu’elle dépeint peut avoir lieu même sans le baptême ; il est, comme fait spirituel, indépendant de la cérémonie extérieure. Cependant, comme le baptême est le signe de l’admission dans l’Église de Jésus-Christ et le symbole de la régénération par laquelle nous naissons à la vie en Christ, il est naturel de rapprocher les deux faits.
En outre, le baptême est plus qu’un simple signe, il communique une grâce. Pour qui le reçoit avec une foi personnelle et vivante en Jésus-Christ, il devient partie intégrante de l’œuvre de sa régénération ; au signe s’ajoute la parole puissante et créatrice par laquelle Dieu régénère l’âme (1 Pierre 1.23).
S’il faut se garder de la superstition qui attribue au rite en lui-même une influence pour ainsi dire magique, il faut se garder également de ne voir dans le baptême qu’un symbole et de méconnaître l’action divine qui s’exerce par lui et qui fait de lui un moyen de grâce.
En ceci n’empêche rien ce que nous voyons que cette vertu et efficace ne se montre pas. Car saint Paul, suivant sa coutume, pour ce qu’il parle aux fidèles, conjoint la substance et l’effet avec le signe externe. Car nous savons que par leur foi est confirmé et ratifié en eux tout ce que le Seigneur présente par le signe visible. En somme, il enseigne quelle est la vérité du baptême, quand il est reçu dûment et comme il appartient. Ainsi parlant aux Galates (Galates 3.27), il testifie que tous ceux d’entre eux qui étaient baptisés en Christ avaient vêtu Christ. Certes, c’est ainsi qu’il en faut parler, quand l’ordonnance du Seigneur et la foi des fidèles sont conjointes et se rencontrent ensemble. Car jamais nous n’avons les signes nus et vides, sinon quand notre ingratitude et malignité empêche l’efficace de la libéralité de Dieu.
En décrivant comme il le fait dans notre passage l’action du baptême, l’apôtre n’avait pas en vue le baptême administré aux petits enfants. Celui-ci repose sur un autre fondement : la participation des enfants à l’alliance de grâce.
L’apôtre explique et prouve (car) notre association à la mort et à la résurrection du Christ par une image empruntée à la nature : nous sommes devenus une même plante avec lui, nous sommes organiquement unis à lui, de manière à « croître avec lui ».
Avec lui ne se lit pas dans l’original. Ceux qui se refusent à le sousentendre relient le verbe au complément suivant : « nous sommes organiquement unis à la ressemblance de sa mort ».
Mais cette construction ne donne pas un sens satisfaisant : on ne peut être uni à une notion abstraite comme la ressemblance.
Il vaut mieux sous-entendre : avec lui ; Paul a omis ces mots parce que la pensée de l’union avec Christ domine tout le passage (versets 3 et 6).
Le complément qui suit : par la ressemblance de sa mort, exprime le moyen par lequel nous sommes devenus une même plante avec Christ. L’union vivante de deux tiges de la même plante ou des rameaux et du tronc, tel est l’emblème de la communion du fidèle avec son Sauveur (Jean 15.1-5) ; tout est commun entre eux : la mort, la résurrection, la vie.
Dans Romains 11.17 et suivants l’apôtre emploie une autre image, celle de la greffe entée sur une plante.
Calvin identifie à tort les deux images ; mais, le commentaire qu’il donne de notre passage n’en conserve pas moins sa vérité :
Enter ne signifie pas seulement conformité d’exemple, mais emporte une conjonction secrète, par laquelle nous sommes tellement unis à lui, que nous donnant vie par son Esprit, il fait passer et comme découler sa vertu en nous. Comme donc le greffe a une condition commune de vie et de mort avec l’arbre auquel il est enté : ainsi il faut que nous soyons participants aussi bien tant de la vie de Christ que de sa mort… L’apôtre ne requiert point ici une chose qui se doive faire par notre diligence ou industrie ; mais il parle d’un entement fait de la main de Dieu.
Christ n’est pas seulement un représentant de notre humanité, il est son chef, uni par un lien organique à tous les membres du corps (devenus une même plante avec lui) ; Sa mort est notre mort ; sa résurrection notre résurrection, sa vie notre vie.
Seulement, parce que la résurrection du fidèle, commencée spirituellement au dedans de lui, n’est pas encore consommée et ne le sera que lorsque le corps lui-même y aura part en étant revêtu de l’immortalité (Romains 8.11). L’apôtre en parle comme d’une chose future, objet de la foi et de l’espérance du chrétien : nous serons faits une même plante avec lui par la ressemblance de sa résurrection. Suivant d’autres interprètes, ce futur exprime simplement la conséquence logique.
La ressemblance de sa mort et de sa résurrection signifie : une mort et une résurrection semblables à sa mort et à sa résurrection, qui les reproduisent spirituellement.
Les mots : à la ressemblance ne sont pas répétés avant : de sa résurrection, mais il faut les sous-entendre, car on ne peut traduire : « nous serons de sa résurrection », nous y aurons part.
La première partie de l’image : « une même plante avec Christ dans sa mort », est développée dans versets 6 et 7 ; la seconde partie : « unis à Christ dans sa résurrection », dans versets 8-10.
L’apôtre explique lui-même le sens de l’image qu’il vient d’employer.
La proposition participiale : (grec) sachant ceci que, comprenant bien que, exprime, suivant les uns, l’expérience personnelle qui confirme la vérité énoncée au verset 5 : nous sommes morts avec Christ et ressuscités avec lui ; nous ne saurions en douter, car nous savons bien, par expérience, que notre vieil homme a été crucifié avec lui.
Suivant d’autres, cette proposition exprime la condition que nous devons remplir pour être unis à Christ : nous serons une même plante avec lui, si nous comprenons bien que notre vieil homme a été crucifié avec lui.
Ce qui en nous a été crucifié avec Christ, c’est notre vieil homme, c’est-à-dire l’homme naturel tel qu’il naît, grandit et vit avant d’avoir été régénéré par l’Esprit de Dieu et renouvelé dans la communion avec Christ. L’homme nouveau se développe dans la proportion où le vieil homme périt.
Mais il faut remarquer que cette transformation morale, lente et graduelle, l’apôtre la considère comme un fait accompli : notre vieil homme a été crucifié avec Christ. Il l’a été en effet dans la mort du Christ, à laquelle le croyant participe ; mais il ne l’a été que virtuellement, en principe.
Par un acte de foi sans cesse renouvelé, le croyant doit transformer cette virtualité en une réalité. Le crucifiement du vieil homme ne s’opère pas dans le croyant d’une manière soudaine et en quelque sorte magique, le plaçant une fois pour toutes dans une condition morale où le péché serait entièrement détruit et ne lui ferait plus sentir ses atteintes.
La mort au péché dont parle l’apôtre est un état sans doute, mais un état de la volonté, qui ne subsiste qu’aussi longtemps qu’elle se tient elle-même sous l’empire du fait qui l’a produit et le produit constamment, la mort de Jésus.
Le but du crucifiement du vieil homme, c’est la destruction du corps du péché.
Le corps du péché ne signifie pas seulement le corps de l’homme pécheur car Paul ne voit pas dans le corps la source, ni même le siège unique du péché. Il reconnaît que « l’esprit » a aussi ses « souillures ; » (2 Corinthiens 7.1) il déclare que « la vie de Jésus se manifeste dans notre corps », « dans notre chair mortelle ; » (2 Corinthiens 4.10 ; 2 Corinthiens 4.11) dans notre chapitre même il écrit : « que le péché ne règne dans votre corps », et : « livrez vos membres à Dieu » (versets 12 et 13, comparez Romains 12.1) ; enfin, le verbe : afin que fût détruit, ne saurait s’appliquer au corps proprement dit, car le crucifiement spirituel avec Christ n’a pas pour but la destruction du corps et Paul ne considère pas cette destruction comme le but de la morale chrétienne.
Cependant la plupart des commentateurs modernes entendent l’expression au propre : le corps du péché, c’est le corps qui appartient au péché, qui est dominé par lui, qui lui sert d’instrument.
Ils disent qu’il doit être détruit seulement en tant qu’il est asservi au péché. Cette distinction est bien subtile, car ce n’en est pas moins le corps lui-même que la destruction atteint.
Ou bien ils donnent au verbe détruire le sens de « rendre inactif », mais ce sens ne se rencontre pas chez Paul, qui emploie toujours ce verbe avec la signification intensive de détruire, supprimer, anéantir (Romains 3.3-31 ; Romains 4.14 ; 2 Thessaloniciens 2.8 ; 2 Corinthiens 3.11 ; 2 Corinthiens 3.13 ; 1 Corinthiens 15.24).
Nous croyons donc qu’il faut prendre le mot corps au figuré.
Le corps du péché, c’est ou bien « le péché » dans toute sa réalité, comme on dit : le corps d’une chose, pour l’opposer à son ombre ; ou mieux encore la totalité du péché considéré comme formant un organisme, comme ayant des « membres » divers énumérés Colossiens 3.5, entre lesquels il y a un lien organique que le terme de « corps » fait ressortir.
L’apôtre a été amené à employer cette métaphore par l’image du vieil homme cloué sur la croix. Peut-être aussi la pensée que c’est dans le corps que le péché établit son principal empire et exerce ses plus terribles ravages, n’a-telle pas été étrangère au choix de l’expression. L’apôtre aurait voulu relever, en l’employant, l’idée que c’est par le corps, par la nature charnelle de l’homme que le péché a passé d’Adam à tous ses descendants (Romains 5.12 et suivants, comparez Psaumes 51.7 ; Jean 3.6).
Mais nous ne saurions limiter la portée du terme au corps proprement dit du pécheur. La pensée de l’apôtre est : le vieil homme, le moi égoïste et charnel, auteur de tout péché a été crucifié et virtuellement réduit à l’impuissance, afin que tout le corps du péché, toutes ses manifestations, spirituelles et charnelles, ces dernières en particulier soient détruits par la sanctification progressive de l’âme et du corps, de notre être tout entier.
Cette sanctification est notre affranchissement de l’esclavage du péché, que l’apôtre indique comme le but dernier de notre mort avec Christ : pour que nous ne soyons plus esclaves du péché.
En effet, tant que notre vieil homme n’a pas été crucifié, nous sommes esclaves du péché, ou, comme on peut traduire aussi : (Éphésiens 6.7) « nous servons le péché », même lorsque nous ne commettons pas de péchés grossiers.
Mais une fois que notre vieil homme a été crucifié, le péché peut subsister encore en nous, il ne règne plus. Le croyant ne le sert plus, il n’est plus son esclave. S’il combat, s’il souffre, s’il saigne, s’il subit parfois de honteuses défaites et reçoit des blessures cuisantes, il ne languit plus impuissant sous l’esclavage du péché et de la mort. Il est de plus en plus vainqueur dans la lutte ; et cette lutte même, quelque ardente et douloureuse qu’elle puisse être, est une preuve que la vie nouvelle triomphe de la nature déchue.
Grec : « Celui qui est mort est justifié du péché ».
L’expression : celui qui est mort doit s’entendre de la mort physique et non de la mort au péché.
Être justifié du péché, c’est être reconnu affranchi du péché.
Cette vérité générale, sorte de dicton, revient à dire : un mort n’a plus rien à faire avec le péché.
D’autres l’entendent du condamné qui a expié sa faute en subissant la peine capitale ; la justice n’a plus rien à réclamer de lui, il est justifié. Mais rien n’indique qu’il s’agit de ce genre de mort et cette explication nous ramènerait au sujet de la justification dont Paul ne parle pas dans cette partie de son épître.
Nous croyons que nous vivrons avec lui : la participation à la vie de Christ est présentée ici comme un fait à venir, parce que l’apôtre se place au point de vue du baptisé (verset 3) qui, au moment où il sort des eaux du baptême, a devant lui la voie nouvelle de la sanctification dans laquelle il est appelé à marcher (verset 4) ; la mort au péché, dans l’union avec Christ crucifié, est alors pour lui un fait d’expérience ; l’apôtre en parle au passé : nous sommes morts avec Christ, tandis que la vie avec Christ est l’expérience nouvelle qu’il va être appelé à faire.
Le chrétien croit qu’il participera à la vie de Christ (verset 8) ; sa foi repose sur un fait qui n’est pour lui l’objet d’aucun doute : sachant bien que Christ ressuscité des morts ne meurt plus ; la mort n’a plus de pouvoir sur lui (Apocalypse 1.18). C’est la raison exprimée au verset 10.
Grec : Ce qu’il est mort, il est mort au péché une seule fois, ce qu’il vit, il vit pour Dieu.
C’est-à-dire : la mort qu’il a soufferte c’est la mort au péché ; la vie dont il vit, c’est la vie pour Dieu. Par la mort du Sauveur, le péché a été détruit, sa puissance brisée.
Cette œuvre est virtuellement accomplie. Christ est mort une fois pour toutes.
Voir sur ce caractère unique et définitif, de la mort de Christ, envisagée comme sacrifice pour le péché, Hébreux 7.27 ; Hébreux 9.26-28.
La vie nouvelle de Christ appartient désormais à Dieu. Le Fils unique et bien-aimé vit avec le Père dans une communion de gloire éternelle et toute son activité tend à créer et à entretenir dans le cœur des hommes une semblable vie, sainte et impérissable (Luc 20.38).
Le texte reçu, avec Codex Sinaiticus, C, porte : Jésus-Christ, notre Seigneur.
Ces mots marquent dans B, A, D.
La conclusion hardie que l’apôtre tire de la ressemblance de notre condition avec celle de Christ (verset 5) est : « considérez-vous, vous aussi, comme morts au péché et comme vivants pour Dieu en Jésus-Christ ».
Ce n’est pas là seulement une conclusion logique, une théorie, une hypothèse ; c’est une réalité que la foi saisit et dont l’âme vit quand elle est entrée dans la communion avec Jésus-Christ.
Plus cette communion est intime et vivante, plus aussi nous constatons que nous sommes vraiment morts au péché, car nous voyons son empire sur nous diminuer graduellement ; et nous nous assurons que nous sommes vivants pour Dieu en Jésus-Christ, car nous sentons la vie divine se déployer avec puissance dans nos cœurs. Christ nous est ainsi fait de la part de Dieu « sanctification » aussi bien que « justice » (1 Corinthiens 1.30).
Il ne faut pas perdre de vue que tout cet exposé de l’apôtre est une réponse à l’objection du verset 1 ; réponse péremptoire pour qui a fait l’expérience du pouvoir sanctifiant qu’ont la mort et la résurrection de Jésus-Christ, lorsque ces deux faits sont embrassés par la foi.
Celui qui n’attribue pas à la mort du Sauveur le rôle que Paul lui assigne ici, celui qui considère la résurrection de Christ comme un fait douteux ou sans importance, n’a pas encore saisi la vérité essentielle de l’Évangile et ignore le principe de la vie chrétienne. Car c’est bien la morale propre à l’Évangile que l’apôtre expose dans ce chapitre, en montrant comment la vie du chrétien prend sa source dans la mort et la résurrection de Jésus-Christ.
Nos membres doivent servir d’instruments, non à l’iniquité, mais à la justice
Puisque nous sommes morts et ressuscités avec Christ, nous ne devons plus laisser le péché dominer dans notre corps, qu’il a voué à la mort ; ne mettons plus nos membres au service de l’iniquité, mais donnons-nous nous-mêmes à Dieu, comme des gens qui étaient morts et qui sont devenus vivants et mettons nos membres au service de Dieu, pour pratiquer la justice. Le péché, en effet, a perdu son empire sur nous, puisque nous sommes, non sous la loi, mais sous la grâce (12-14).
Sous le régime de la grâce, nous sommes esclaves de la justice
Pécherions-nous parce que nous sommes sous la grâce ? Loin de nous cette pensée ! Nous sommes esclaves de celui que nous servons, soit du péché, soit de l’obéissance. Grâces à Dieu de ce que vous avez obéi à l’enseignement que vous avez reçu. Vous êtes esclaves de la justice. Comme vous avez mis vos membres au service de l’iniquité, mettez-les maintenant au service de la justice pour votre sanctification (15-19).
Le service de la justice et celui du péché comparés quant à leurs fruits
Esclaves du péché et libres à l’égard de la justice, vous accomplissiez des œuvres honteuses qui conduisent à la mort. Maintenant, affranchis du péché et esclaves de Dieu, vous récoltez la sanctification et la vie éternelle. Le salaire du péché, c’est la mort ; le don de Dieu en Jésus-Christ, c’est la vie éternelle (20-23).
Pour obéir à ses convoitises, celles du corps.
Une autre leçon porte : « pour lui obéir (au péché) dans ses convoitises (celles du corps) ». La leçon que nous adoptons se lit dans Codex Sinaiticus, B, A, C, versions.
Il pourrait sembler au premier abord que l’exhortation qui suit (versets 12-23) soit inutile, puisque l’apôtre vient d’affirmer, avec beaucoup d’assurance, que le chrétien est déjà mort au péché.
Mais l’œuvre de notre délivrance, parfaitement accomplie en Christ, ne se réalise que progressivement en ceux qui sont unis à lui par la foi. Elle doit triompher des passions de la chair, de nos défauts invétérés, des résistances de l’orgueil et de l’égoïsme. Elle est compromise par des erreurs de jugement, entravée par les tentations et les luttes de la vie. Le chrétien le plus avancé a besoin de voir sa communion avec le Sauveur sans cesse renouvelée, car elle est souvent troublée par le péché.
Beaucoup de disciples du Christ sont portés à se faire des illusions sur leur développement spirituel, à croire qu’ils ont atteint le but quand ils en sont encore bien éloignés.
On comprend que l’apôtre, sans rien retirer de ce qu’il a dit de la pleine délivrance du péché, assurée à celui qui croit en Christ, insiste sur la nécessité de lutter contre le péché, de travailler à notre sanctification.
Les termes mêmes par lesquels il commence son exhortation montrent la nécessité de cet effort vigilant : que le péché ne règne pas dans votre corps mortel !
Le péché subsiste donc en nous et notre corps mortel, qui est, par l’effet du péché, voué à la mort (Romains 8.10), lui offre un terrain propice, sur lequel il pourrait aisément rétablir son règne. Lors même que notre corps est mortel, destiné à périr, il ne faut pas pour cela laisser le péché régner en lui. En employant ce terme général : le péché et en montrant le péché qui aspire à régner en nous, Paul personnifie en quelque sorte le mal moral dont nous sommes atteints ; c’est un roi auquel nous devons disputer la possession de notre âme. Il montre en même temps que nous n’avons pas à combattre seulement certaines manifestations du mal en nous, mais tout ce qui est péché à un degré quelconque.
Le mot que nous traduisons par instruments ne se trouve dans le Nouveau Testament qu’avec le sens « d’armes », (Romains 13.12 ; 2 Corinthiens 6.7 ; 2 Corinthiens 10.4).
Beaucoup de commentateurs insistent pour maintenir ce sens dans notre passage. L’apôtre, pensent-ils, se figure « le péché » comme un « roi » (verset 12) qui est en guerre avec Dieu. Les chrétiens ne doivent pas « mettre à sa disposition leurs membres » pour qu’il s’en serve comme « d’armes » dans cette lutte impie.
Ils relèvent un autre terme militaire qui se trouve à la fin de l’exhortation, verset 23 (voir la note). Mais n’est-ce pas un peu trop presser les expressions ?
L’image d’une guerre entre le péché et Dieu n’est pas clairement indiquée dans notre passage. Il y est plutôt question d’une activité que nous exerçons au service d’un maître et dans laquelle nous lui prêtons nos membres comme des instruments.
Pourquoi l’apôtre, en exhortant les chrétiens à ne plus vivre dans le péché, parle-t-il avant tout du corps (verset 12) et des membres (comparez verset 19) ?
Ce n’est pas, nous l’avons déjà remarqué, que le siège du péché soit exclusivement dans le corps, ni que le péché se manifeste seulement au moyen des membres du corps. Les membres, qui constituent notre corps, sont les instruments par lesquels nous agissons sur le monde extérieur. Ils peuvent être au service des « convoitises du corps » (verset 12), ou de notre égoïsme et de notre orgueil ; ils travaillent alors à maintenir et à propager le règne du péché, à semer autour de nous la division, la haine, la souffrance, la ruine, toute l’iniquité qui est le fruit amer d’une vie inspirée par la sensualité et par l’amour propre.
Dans l’intérêt de notre prochain et de l’œuvre du règne de Dieu, il importe donc que nos membres deviennent, non des instruments d’iniquité, mais des instruments de justice par lesquels nous procurions à nos semblables la paix et le bonheur.
Mais cette consécration de nos membres à la justice et à Dieu importe aussi pour que notre sanctification soit réelle et complète ; et c’est ici le motif principal et le plus profond que Paul a d’exhorter ses lecteurs à sanctifier leur corps. Ses lecteurs, en effet, les anciens païens surtout, étaient portés à s’imaginer que l’esprit peut servir Dieu tandis que le corps demeure livré au péché.
À Corinthe, où Paul se trouvait quand il écrivait notre épître, il y avait bien des chrétiens qui vivaient dans cette erreur (1 Corinthiens 6.12-20). C’est pourquoi l’apôtre affirme que, si le péché continue à régner sur le corps, le prétendu affranchissement de l’esprit n’est qu’une illusion. Inversement, celui qui penserait vaincre le mal moral en soumettant seulement son corps à des pratiques ascétiques, tombe dans une erreur non moins grave : il laisse intacte la racine même du péché ; celui-ci se développe sous les formes diverses de l’égoïsme et de l’orgueil, d’autant plus que le pécheur se vante de le combattre et de le restreindre ailleurs.
Il importe donc de ne pas séparer les deux sphères de la vie de l’âme et de la vie du corps, que l’Évangile tout entier nous présente comme étroitement unies et de laisser l’esprit de Dieu exercer son action sanctifiante dans l’une comme dans l’autre (1 Thessaloniciens 5.23).
C’est ce que l’apôtre indique en poursuivant son exhortation par ces mots : livrez-vous vous-mêmes, toute votre personne, corps et âme, à Dieu (grec) comme vivants d’entre les morts.
Ils étaient « morts par leurs fautes et par leurs péchés ; » (Éphésiens 2.1) ils sont devenus vivants.
D’autres entendent le terme de morts de la mort au péché (comparez verset 11), et interprètent : « étant vivants, après être morts » au péché, dans la communion de Christ. Mais au verset 11 le complément « au péché » était exprimé, tandis qu’ici les mots : d’entre les morts évoquent l’ides de gens qui se relèvent vivants de morts qu’ils étaient par l’effet du péché.
Qu’ils se livrent donc eux-mêmes à Dieu, qu’ils se mettent tout entiers à sa disposition, qu’ils lui consacrent particulièrement leurs membres comme des instruments de justice, dont il puisse se servir pour faire triompher la justice, la paix, le bien moral et établir son règne sur la terre.
Il y a littéralement : livrez-vous vous-mêmes à Dieu et vos membres comme des instruments de justice pour Dieu, c’est-à-dire destinés à son service.
Il semble, au premier abord, que ce verset et le suivant interrompent le cours de l’exhortation. C’est que l’apôtre, après avoir placé ses lecteurs en face du devoir pressant de se mettre tout entiers au service de Dieu, sent le besoin de leur donner un encouragement pour les soutenir dans la lutte qu’ils vont avoir à livrer aux convoitises de la chair.
La victoire leur est assurée : en effet, le péché ne régnera pas sur vous (ce futur n’est pas un impératif indirect, il exprime un fait dont l’accomplissement est certain), car vous n’êtes pas sous la loi, mais sous la grâce.
Dans Romains 5.20-21, Paul avait déjà employé cet argument pour montrer la certitude de la justification et de la fin de cet empire de la mort, que le péché, avec le concours de la loi, avait établi au sein de l’humanité ; ici, il le répète pour garantir à ses lecteurs leur victoire sur le péché en eux, son règne sur leurs âmes va prendre fin ; leur sanctification, leur entière consécration à Dieu sont devenues possibles, car, leur dit-il, vous n’êtes plus sous la loi, qui ne fait que commander, qui exige une obéissance parfaite, sans donner la force pour l’accomplir, qui excite les convoitises de la chair, en nous interdisant de les satisfaire (Romains 7.7 et suivants) ; qui, par conséquent, nous éloigne toujours plus de Dieu, source unique de toute force, de tout bien.
Mais vous êtes sous la grâce qui, en vous justifiant gratuitement (Romains 3.24), vous a donné la paix avec Dieu (Romains 5.1a), réconciliation avec lui, l’accès auprès de lui (Romains 5.2) ; vous pouvez donc, de jour en jour, puiser dans sa communion toutes les forces nécessaires au développement de la vie nouvelle qu’il a mise en vous.
Avec de tels secours, le péché peut vous assaillir encore, il ne régnera pas sur vous.
Nous ne sommes plus sous la loi, qui, il est vrai, ordonne le bien, mais ne le donne pas ; nous sommes sous la grâce, qui, nous faisant aimer ce que la loi ordonne, peut commander à des hommes libres.
La substitution du règne de la grâce à celui de la loi pourrait être mal comprise ; des croyants qui n’ont pas fait encore, dans toute sa profondeur, l’expérience décrite dans versets 2-11, pourraient en tirer des conclusions fausses.
Aussi l’apôtre, au moment où il a proclamé de nouveau (comparez Romains 5.20 ; Romains 5.21) le règne de la grâce, revient-il à l’objection qu’il a déjà énoncée verset 1.
Mais il y a une double différence à noter dans la manière dont il la formule ici.
Au commencement de Romains 6, quand il venait de parler de la grâce qui nous justifie et qui efface toutes nos fautes et qu’il allait aborder le sujet de la sanctification, il disait : « demeurerons nous dans le péché », resterons-nous plongés dans une vie de péché, « afin que la grâce abonde », afin qu’elle ait occasion d’effacer un plus grand nombre de fautes ?
Dans notre passage, après avoir montré dans la grâce la garantie de notre sanctification, il écrit : pécherons-nous, commettrons-nous encore tels et tels péchés particuliers, laisserons nous le péché régner dans quelque partie de notre vie, parce que nous sommes sous la grâce ?
Il ne s’agit plus, comme dans verset 1, d’une conclusion absurde, qui méconnaissait tout un côté de l’œuvre du salut accomplie en Jésus-Christ : notre affranchissement du péché. Il s’agit d’une tentation subtile à laquelle donnent prise notre paresse spirituelle, notre peur d’un complet renoncement à nous même et d’une entière consécration à Dieu. L’apôtre la repousse avec énergie, en montrant (verset 16) le danger que nous courons quand notre cœur reste partagé entre le service de Dieu et celui du péché.
Grec : Ne savez-vous pas qu’à celui à qui vous vous livrez comme esclaves pour l’obéissance, vous êtes esclaves de celui à qui vous obéissez.
C’est un fait d’expérience, qui est incontestable pour quiconque se connaît lui-même. Jésus disait pareillement : « Nul ne peut servir deux maîtres » (Matthieu 6.24 ; Luc 16.13).
L’esclave qui s’est vendu à un maître lui appartient tout entier ; il n’est plus libre de servir un autre maître.
De même, dans la vie morale, les actes, bons ou mauvais, se transforment en habitudes, ils créent un état moral duquel naissent d’autres actes et qui détermine la conduite subséquente de l’homme. « Quiconque fait le péché est esclave du péché » (Jean 8.34).
Pareillement, celui qui pratique le bien s’affermit dans l’obéissance morale, qui devient pour lui un besoin et comme une seconde nature. C’est une sorte de servitude ; Paul la traite « d’esclavage », d’asservissement à la justice (verset 18) ; mais cette servitude constitue notre vraie liberté, elle seule nous affranchit de l’esclavage dégradant du péché ; elle seule nous place dans une relation normale avec Dieu.
Vouloir ce que Dieu veut, ne vouloir que ce qu’il veut, c’est être libre.
Tu es à la fois un esclave et un être libre : esclave par ton obéissance au commandement ; libre par ta joie à l’accomplir ; esclave, parce que tu es un être créé ; libre, parce que tu es aimé du Dieu qui t’a créé et parce que tu aimes toi-même l’auteur de ton être.
Les termes par lesquels Paul désigne les deux maîtres entre lesquels nous devons choisir, sont remarquables : vous êtes esclaves… soit du péché pour la mort, soit de l’obéissance pour la justice.
On aurait attendu, comme antithèse aux mots : péché et mort « sainteté » et « vie ». L’apôtre a préféré les termes d’obéissance et de justice. Il veut rappeler sans doute que la « désobéissance » est l’essence du péché, tandis que l’obéissance nous a affranchis de la servitude du mal (Romains 5.19).
L’obéissance dont il est question dans notre verset, c’est l’obéissance morale, l’obéissance à Dieu.
Quelques interprètes pensent que l’apôtre désigne spécialement par ce mot la foi chrétienne. La foi est en effet, aux yeux de l’apôtre, une obéissance (Romains 1.5 ; Romains 15.18). Mais n’est-ce pas anticiper sur la pensée qui sera exprimée au verset 17, que de donner, ici déjà, à ce terme d’obéissance, le sens d’adhésion à la doctrine chrétienne ?
Le service du péché est pour la mort, il conduit et aboutit fatalement à la mort spirituelle, puis à la mort physique, qui devient la mort éternelle, si le salut n’intervient pas.
Le service de l’obéissance est pour la justice : il nous introduit et nous maintient dans un état moral conforme à la volonté de Dieu (verset 13), où nous adhérons pleinement à cette volonté (Romains 12.2).
C’est à tort que l’on a entendu, par la justice, la justification ou la sentence qui sera prononcée au dernier jour sur ceux qui auront mis leur confiance en Jésus-Christ.
Grec : Grâces à Dieu de ce que vous étiez esclaves du péché, mais avec obéi de cœur…
L’action de grâces porte seulement sur le fait qu’ils ont obéi ; la première proposition ne sert qu’à faire ressortir par le contraste (comparez Romains 5.8) l’heureux changement qui s’est produit en eux.
Les termes qui suivent sont choisis pour marquer la réceptivité des lecteurs : Vous avez obéi de cœur au type de doctrine auquel vous avez été confiés.
Le mot type dérive d’un verbe qui signifie « frapper ; » c’est l’empreinte, la forme, le modèle.
Le type de doctrine n’est pas la doctrine évangélique en général, la vérité chrétienne opposée au paganisme ou au judaïsme, car, s’il avait voulu désigner celle-ci, l’apôtre aurait parlé simplement d’obéissance à l’Évangile ou à Christ ; c’est ce que Paul appelle ailleurs à son Évangile (Romains 2.16 ; Romains 16.25 ; comparez Galates 1.11 ; Galates 1.12), l’Évangile du salut par grâce, par la foi, sans les œuvres de la loi.
Il ne faut pas traduire : « le modèle d’enseignement qui vous a été transmis », mais : « le modèle d’enseignement auquel vous avez été transmis, ou confiés »
Bengel remarque à ce sujet :
Ailleurs il est dit que la doctrine est transmise (2 Pierre 2.21) ; ici les termes sont invertis pour marquer à quel changement de domination sont soumis ceux qui, affranchis du péché, subissent l’admirable servitude de la justice.
L’apôtre veut dire que les chrétiens de Rome ont été confiés, livrés, eux, par l’Esprit de Dieu, à ce type de la vérité évangélique, qu’ils ont été marqués de son empreinte, qu’ils ont été, en quelque sorte, jetés dans ce moule, comme une matière en fusion, pour en prendre la forme. Cependant leur adhésion à l’enseignement apostolique n’a rien eu d’involontaire, de machinal ; ils ont obéi de cœur, selon l’admirable harmonie de l’action de Dieu et de l’action de l’homme dans la conversion.
En constatant ce fait, Paul ne peut retenir l’expression de sa reconnaissance : Grâces à Dieu !
Ce verset ne donne pas la conclusion du raisonnement, car il devrait en ce cas être introduit par donc. Cette particule se lit dans Codex Sinaiticus et C, mais n’est probablement pas authentique.
C’est encore la suite de la réponse à l’objection du verset 15 : en obéissant à la doctrine évangélique, vous êtes devenus les esclaves de la justice.
La conclusion sous-entendue est : Vous ne pouvez donc pas continuer à pécher. Elle est impliquée dans l’exhortation du verset 19.
Les mots qu’il vient d’employer pour caractériser la nouvelle condition du chrétien causent quelque scrupule à l’apôtre ; il sent le besoin d’expliquer que en traitant d’esclaves ceux qui obéissent à la justice (versets 16 et 18), il parlait à la manière des hommes ; grec je dis une (parole) humaine.
Il tenait un tel langage à ses lecteurs à cause de la faiblesse de leur chair, c’est-à-dire, moins à cause de leur incapacité à comprendre intellectuellement la vérité, que parce qu’il tenait compte de leur manque de spiritualité : (1 Corinthiens 3.1, suivants) charnels comme ils l’étaient, l’obéissance à la justice devait leur paraître, naturellement et au premier abord, une servitude. En réalité, elle est la seule vraie liberté (Galates 5.13 ; Jean 8.36).
L’apôtre termine par une exhortation : (grec) Comme vous avez, en effet, présenté vos membres esclaves à l’impureté et à l’iniquité, de même, maintenant, présentez vos membres esclaves à la justice pour la sanctification.
Cette exhortation est introduite comme une explication (en effet) de ce que Paul affirmait au verset 18 « vous êtes devenus esclaves de la justice ». Elle met en garde ceux qui sont nés à la vie nouvelle contre le danger de retomber dans l’esclavage du péché, elle les presse de se mettre résolument et tout entiers au service de Dieu.
Quand nous laissons dominer dans nos membres l’impureté et l’iniquité, c’est-à-dire « l’absence de la loi », la « licence », cette licence devient le but, conscient ou non, de notre activité, de notre vie : nous agissons pour l’iniquité, celle-ci domine toujours plus en nous.
Ce n’est pas à d’anciens Juifs que Paul aurait pu dire que l’iniquité, la transgression de la loi, était le but de toute leur conduite précédente (Romains 10.2) ; il s’adresse à des païens de naissance.
Livrons, au contraire, nos membres en esclavage à la justice et il en résultera la sanctification de toute notre vie, de tout notre être ; chacun de nos membres (verset 13) obéira à l’Esprit de Dieu avec une parfaite docilité. C’est là le suprême devoir du chrétien. Pour stimuler ses lecteurs à le remplir, l’apôtre les invite à comparer le fruit de leur vie passée, quand ils étaient esclaves du péché, avec celui qu’ils portent depuis qu’ils sont devenus esclaves de Dieu (versets 20-23).
En introduisant la comparaison qui suit par en effet, car, l’apôtre montre qu’il la présente comme un motif à l’appui de l’exhortation qui précède (verset 19).
La proposition du verset 20 a pour pendant la première proposition du verset 22.
Il y a de l’ironie dans l’expression qui caractérise les conséquences de l’esclavage du péché : libres à l’égard de la justice (comparez Job 15.16).
Belle liberté que celle qui produit le fruit de mort dont Paul va parler (Jean 8.33 ; Jean 8.34 ; 2 Pierre 2.9) !
Au lieu de placer le point d’interrogation après alors et de faire des mots suivants la réponse, quelques interprètes considèrent toute la phrase comme une question : « Quel fruit retiriez-vous alors de ces choses dont vous rougissez maintenant, car leur fin est la mort ? » Réponse sous-entendue : aucun !
Le sens est le même, au fond ; mais la construction que nous avons adoptée est plus naturelle, l’expression : des choses dont vous avec honte maintenant, que rien ne prépare dans ce qui précède, se comprend mieux si l’on y voit la réponse à la question posée.
Leur fin, leur but, le résultat final auquel elles aboutissent, est la mort, c’est-à-dire, tout l’état de condamnation de ceux qui sont séparés de Dieu (Romains 6.23 ; Romains 1.32 ; Romains 5.12, note).
Grec : Vous avez votre fruit en sanctification, dans la direction de la sanctification ; chaque devoir accompli, chaque victoire remportée, chaque œuvre d’amour rend plus complète votre sanctification et vous rapproche ainsi de cette fin, de ce but glorieux, la vie éternelle, qui implique la perfection morale. En effet, l’entière sanctification, c’est la vie éternelle.
Nous n’aurons part un jour à cette vie que si nous l’avons possédée dès ici-bas. La sanctification conduit à la vie éternelle pour cette raison aussi qu’elle nous met en communion toujours plus intime et constante avec Dieu, qui est la source de toute vie et de toute félicité ! La plénitude de la sainteté est la plénitude de la vie.
Le péché, ici personnifié comme le maître de l’homme, promet bien à ses esclaves un autre salaire ou une autre « solde » (le mot grec désigne proprement la paie qu’un chef donne à ses soldats) ; mais il les trompe.
Il n’est que mensonge, car il est en flagrante contradiction avec la vérité de Dieu, aussi bien qu’avec la vraie nature de l’homme. Il ne peut donner que ce qu’il a lui-même en partage : la malédiction et la mort.
Comme la liberté qu’il promet n’est qu’un éloignement toujours plus complet de l’unique source de la vie, son salaire est la mort (verset 21 note ; Romains 8.13 ; Galates 6.8).
À ce salaire du péché, on pourrait penser que l’apôtre opposerait le salaire de la justice (verset 18) ou le salaire de Dieu (verset 22) ; mais d’après tout ce qu’il vient d’enseigner (comparez surtout Romains 3.21 et suivants ; Romains 4.4-5 ; Romains 5.21), il ne peut parler que d’un (grec) don de grâce de Dieu : la vie éternelle est en Jésus-Christ, notre Seigneur, dans la communion vivante avec celui qui nous l’a acquise et qui l’entretient en nous par l’action de son Esprit.