Verset à verset Double colonne
Les disciples de Jean-Baptiste
Pendant qu’Apollos est à Corinthe, Paul, qui vient de parcourir le haut pays, arrive à Ephèse. Il y trouve quelques disciples auxquels il demande s’ils ont reçu le Saint-Esprit. Ils répondent qu’ils n’en ont pas même entendu parler. Ils ont été baptisés du baptême de Jean. Paul leur expose que Jean a baptisé pour amener à la foi en Celui qui devait venir, Jésus. Ils sont baptisés au nom de Jésus. Paul leur impose les mains. Ils reçoivent l’Esprit et parlent en langues. Ils étaient environ douze (1-7).
Rupture avec la synagogue, l’école de Tyrannus
Pendant trois mois, Paul prêche le royaume de Dieu et discute dans la synagogue. Devant l’opposition des Juifs et leurs calomnies contre les chrétiens, il réunit à part les disciples et enseigne tous les jours dans l’école de Tyrannus. Il en fut ainsi pendant deux ans ; tous les habitants de la province entendirent l’Évangile (8-10).
Les exorcistes juifs
Dieu accomplissait des miracles extraordinaires par les mains de Paul : on appliquait aux malades des linges qui avaient été en contact avec sa peau et ils guérissaient ; les possédés étaient délivrés. Des exorcistes juifs essaient d’invoquer le nom de Jésus. Ainsi procédaient les sept fils de Scéva. L’esprit malin déclare ne pas les connaître ; l’homme qui est possédé se jette sur les deux exorcistes et les maltraite si fort qu’ils s’enfuient nus et blessés. Ce fait cause une crainte générale. Plusieurs viennent confesser leurs pratiques. On apporte les livres de magie et on en brûle publiquement pour cinquante mille pièces d’argent. La parole du Seigneur progresse de la sorte (11-20).
Projets de nouveaux voyages
Paul, après ces événements, projette de se rendre à Jérusalem, en passant par la Macédoine et l’Achaïe, puis d’aller jusqu’à Rome. Il envoie Timothée et Eraste en Macédoine. Lui-même reste encore quelque temps en Asie (21, 22).
Le texte occidental (D, version syriaque) introduit notre chapitre par ces mots : « Or Paul voulant selon sa propre volonté aller à Jérusalem, l’Esprit lui dit de retourner en Asie. Et après avoir traversé les contrées supérieures, il vient à Éphèse ». Voir sur Apollos Actes 18.24-28.
Les contrées supérieures sont le plateau élevé et montagneux de l’Asie Mineure, où se trouvaient la Galatie la Phrygie et d’autres provinces, que Paul parcourut au début de son troisième voyage missionnaire (Actes 18.23).
Ces provinces sont ainsi désignées à cause de leur situation élevée au-dessus du niveau de la mer, vers laquelle Paul descendit pour venir à Éphèse. Il y venait pour la seconde fois, selon la promesse faite Actes 18.21.
Ces disciples n’avaient reçu que le baptême de Jean (verset 4), c’est-à-dire qu’ils étaient disciples, moins de Jésus, que de Jean-Baptiste. Leur développement religieux était au même point que celui d’Apollos (Actes 18.25, note).
Paul, les ayant trouvés, rencontrés, s’aperçut bien vite de ce qui manquait à leur connaissance et à leur loi. De là sa question. Elle suppose que quand on a cru, on a aussi reçu le Saint-Esprit ; l’apôtre s’étonne de n’en pas trouver les effets dans leurs entretiens.
La réponse de ces disciples ne signifie pas qu’ils ignorassent même l’existence du Saint-Esprit ; ils auraient été dans ce cas, très mal instruits de la prédication de Jean-Baptiste (Matthieu 3.11 ; Jean 1.32-34).
Ils veulent dire plutôt qu’ils ne savent pas si le Saint-Esprit a déjà été donné, s’il est au sein de l’humanité dans cette condition nouvelle qui suppose le retour de Jésus dans la gloire (comparez Jean 7.39, note), si le croyant peut le recevoir d’une manière permanente, être éclairé, vivifié, sanctifié par lui et obtenir aussi par son action des dons extraordinaires. ils vont eux-mêmes en faire l’expérience (verset 6).
Donc, puisque vous n’avez pas reçu l’Esprit Saint, quel a été votre baptême ?
Grec : en quoi, ou pour quoi ou en vue de quoi avez-vous été baptisés ? La particule grecque que nous essayons de rendre ainsi, faute de mieux indique la direction, le but en vue duquel on fait une chose l’objet que saisit notre pensée.
Dans le baptême chrétien l’objet de la foi du néophyte est Jésus-Christ, le Sauveur (Matthieu 28.19, note), pour les disciples de Jean-Baptiste, c’était la repentance que Jean prêchait, tout en désignant Jésus comme le Messie qui devait venir (verset 4).
Pour ceux qui confessaient leurs péchés et croyaient à sa parole il scellait cette foi en leur administrant le baptême.
Voir la note qui précède. Paul expose ainsi le caractère préparatoire du baptême de Jean (Actes 1.5 ; Actes 11.16 ; Actes 13.24) et il insiste sur la nécessité de croire en Jésus, qu’il désigne comme « Celui qui vient après lui », expression souvent employée par Jean (Matthieu 3.11 ; Matthieu 11.3).
Ces vérités, développées par l’apôtre, pénétrèrent dans le cœur des disciples, en sorte que Paul consentit à ce qu’ils reçussent le baptême chrétien (verset 5).
Ici encore : pour le nom du Seigneur Jésus en l’embrassant par la foi (verset 3 note). Ils reçoivent, par les mains de Paul ou de quelque autre disciple, le baptême chrétien.
L’apôtre faisait donc une différence essentielle entre ce baptême et celui de Jean.
Tous les disciples de Jean ne furent cependant pas rebaptisés en devenant disciples de Jésus ; il ne nous est pas dit qu’Apollon fut baptisé par Aquilas et Priscille (Actes 18.26) ; il n’est pas question du baptême des apôtres après la Pentecôte. On administrait un second baptême suivant les personnes et les circonstances. L’essentiel était que tous reçussent le baptême du Saint-Esprit.
Au seizième siècle, les anabaptistes se prévalaient à tort de ce passage pour prouver leur doctrine, puisque le baptême d’un enfant par des chrétiens n’est pas assimilable au baptême de Jean. Les réformateurs, poussés par les besoins de leur polémique, ont essayé d’interpréter notre récit de manière à en exclure le second baptême administré aux disciples de Jean. Théodore de Bèze et d’autres prétendaient que notre verset 5 fait encore partie du discours de Paul : et ceux qui l’entendirent (Jean-Baptiste) furent baptisés au nom du Seigneur Jésus. Mais Jean ne baptisait pas au nom de Jésus !
Calvin, de son côté, pensait qu’il s’agit au verset 5, non d’un baptême d’eau, mais du baptême du Saint-Esprit. Cette supposition est contraire au sens évident du texte.
En recevant le baptême et l’imposition des mains ces disciples, animés d’une foi nouvelle, reçurent aussi l’effusion de l’Esprit (comparer Actes 8.17).
Les dons de cet Esprit qui avait abondé dans l’Église de Jérusalem leur furent conférés : ils parlaient en langues et prophétisaient (comparer Actes 2.4 ; Actes 10.46 ; 1 Corinthiens 14.2, notes).
Il parlait avec assurance (grec il s’enhardissait). Le verset suivant montre assez combien il lui fallait de courages.
Discuter d’après les Écritures et persuader les âmes, telle était l’œuvre de Paul au milieu des Juifs, qui toujours lui faisaient force objections. L’objet de sa prédication était tout ce qui regarde le royaume de Dieu (comparer Matthieu 3.2, 2e note).
Ces trois mois pendant lesquels l’apôtre prêcha dans la synagogue d’Éphèse ne doivent pas être compris dans les deux ans du verset 10.
Ici se reproduit le triste phénomène que Luc a dû rapporter plusieurs fois déjà : (Actes 13.46 ; Actes 18.6) un certain nombre de Juifs s’obstinent dans leur opposition et calomnient la voie ; ce dernier mot peut désigner le parti même des chrétiens (Actes 9.2, 2e note) ou leur enseignement (Actes 18.25-26).
Les mots : du Seigneur ne sont pas dans le texte.
L’endurcissement et l’inimitié des Juifs forcèrent l’apôtre à se retirer d’eux et à rassembler à part les disciples, ce qui était indispensable pour les constituer en une Église.
Tyrannus, dans l’école duquel Paul se mit alors à prêcher, est entièrement inconnu ; on ignore s’il était un rhéteur grec ou un rabbin juif, s’il était ou non gagné à l’Évangile. Tout ce qu’on voit par le texte c’est qu’il tenait école et qu’il loua ou prêta son local à l’apôtre Paul.
La recension occidentale (D, la Peschito, une ancienne version latine) contient cette curieuse addition : Paul enseignait tous les jours dans l’école d’un certain Tyrannus de la cinquième à la dixième heure.
À ces deux ans pendant lesquels Paul enseigna dans l’école de Tyrannus, il faut ajouter les trois mois de prédication dans la synagogue (verset 8), puis le temps qui s’écoula encore avant son départ (verset 22) ; on obtient ainsi les trois ans qu’il assigne à son séjour à Éphèse (Actes 10.31).
Durant ce long espace de temps, avec tout le mouvement que provoquait la prédication de Paul, non seulement les habitants d’Éphèse, mais tous ceux qui habitaient l’Asie proconsulaire, tant Juifs que Grecs, entendirent la parole du Seigneur. Expression légèrement hyperbolique, qui signifie qu’on parla dans toute la province de la prédication de Paul.
En effet, les contrées voisines de la capitale soutenaient avec elle d’incessantes relations, soit pour le commerce, soit pour le culte de Diane, soit pour le plaisir. Et, en outre, l’apôtre et ses compagnons d’œuvre firent, sans doute, durant ces trois ans bien des excursions dans les contrées environnantes. Ainsi furent fondées, en particulier, les sept Églises d’Asie auxquelles est adressée l’Apocalypse.
Luc parle souvent des miracles extraordinaires (guérisons de malades), que Dieu opérait par les apôtres (Actes 5.12 ; Actes 14.3).
Ces miracles ne convertissaient pas les âmes, mais étaient un moyen puissant de réveiller l’attention des hommes et de leur inspirer respect et confiance pour la prédication de la Parole divine qui, elle, les éclairait, les convainquait et les amenait au Sauveur (Actes 8.13 et suivants).
Quant aux moyens extérieurs auxquels avait recours l’enthousiasme populaire, ce n’étaient assurément pas les mouchoirs et les ceintures qui guérissaient les malades. Mais Dieu, dans sa miséricorde condescendait à secourir ces hommes, dont le cœur était droit devant lui (comparer Actes 5.15 et surtout Luc 8.43-46)
Nous savons par les Évangiles (Matthieu 12.27 ; Luc 9.49) et par Josèphe (Antiquités Juives, VIII, 2, 5) que plusieurs de ces exorcistes juifs parcouraient le pays et prétendaient chasser les démons et guérir les malades au moyen de certaines formules magiques qu’ils prononçaient.
Ceux dont il est ici question, voyant que Paul guérissait les malades au nom de Jésus, s’imaginèrent que c’était là aussi une formule sacramentelle qu’ils pourraient répéter eux-mêmes sur les malades qui avaient des esprits malins et qu’ils seraient délivrés. Les exorcistes païens avaient l’habitude de mêler à leurs formules magiques les noms des dieux de toutes les nations.
On a relevé sur un papyrus grec, cité par M. Blass, la formule suivante : « Je t’adjure par le Dieu des Hébreux, Jésus… »
Codex Sinaiticus, A, minuscules portent : certains des sept fils de Scéva.
Mais la leçon de B : les sept fils d’un certain Scéva, est préférée par la plupart des éditeurs et des Interprètes.
Le verset 16 montre que deux d’entre eux seulement prenaient part à cette action.
Le texte de D et de la Peschito présente verset 14 plus développé : « Parmi eux aussi les fils d’un certain Scéva, sacrificateur, voulurent faire la même chose. Ils avaient l’habitude d’exorciser de tels gens. Et étant entrés vers le démoniaque, ils commencèrent à invoquer le nom, disant : Nous t’ordonnons, par Jésus, que Paul prêche, de sortir ».
Ce Scéva est d’ailleurs complètement inconnu. Le titre de grand sacrificateur montre qu’il appartenait à l’une des familles de l’aristocratie sacerdotale (Actes 4.6).
L’esprit malin, par la bouche de l’homme, en qui il était. Il reconnaît la puissance de Jésus et de Paul, mais il demande aux exorcistes avec mépris : Qui êtes-vous ? (comparer Actes 16.17 ; Matthieu 8.29 ; Luc 4.41 ; Voir sur les démoniaques Matthieu 8.28).
Cet essai de guérison réussit fort mal aux exorcistes.
Le démoniaque se jeta sur eux ; le texte reçu porte : s’étant rendu maître d’eux, ce qui désignerait tous les sept fils de Scéva ; Codex Sinaiticus, B, A, D : se rendit maître de tous deux, ou de l’un et de l’autre (verset 14, note).
Il était naturel que cette scène inspirât de la crainte aux personnes présentes. La confusion de ceux qui avaient voulu imiter les miracles de Paul tourna à la gloire du Seigneur Jésus : son nom était magnifié, c’est-à-dire que ce nom était reconnu grand et glorifié comme tel.
Faut-il admettre que ces mots : plusieurs de ceux qui avaient cru, désignent des hommes Jusque-là païens et qui devinrent croyants sous l’impression de la crainte qu’ils éprouvèrent alors (verset 17) ?
Le participe parfait désigne plutôt des disciples qui l’étaient devenus antérieurement déjà. Et l’on conçoit très bien que de tels disciples, rendus sérieux par la vue de ces faits, éprouvassent le vif besoin de venir confesser leurs pratiques à l’apôtre ou à d’autres chrétiens, car il est probable que les actions qu’ils confessaient et déclaraient étaient principalement ces pratiques de la magie que nous révèle le verset suivant.
De telles pratiques avaient pu subsister quelque temps chez des hommes qui croyaient en Christ, mais dont la conscience était encore insuffisamment éclairée.
L’exercice des arts occultes ou de la magie était très répandu ; on prétendait par ce moyen pénétrer les secrets de la nature, de l’avenir et du monde invisible (Actes 8.9 ; Actes 13.6).
Il existait une foule de livres traitant de ces sujets ; ceux en particulier qu’on appelait les « écrits éphésiens », étaient célèbres partout.
Un grand nombre donc de ceux qui en possédaient, devenus chrétiens et repris dans leur conscience, les apportèrent et les brûlèrent en présence de tous les fidèles.
La valeur de ces livres indiquée ici, cinquante mille pièces d’argent (il s’agit sans doute de drachmes), paraît énorme (approximativement 45 000 fr).
Mais si l’on se souvient que ces livres étaient des manuscrits, dont un seul se vendait souvent à un prix élevé, on ne sera pas tenté de voir dans ce chiffre une exagération.
Ce fut là une magnifique victoire de l’Évangile sur la superstition et le paganisme. Luc lui-même en fait la remarque dans son récit (verset 20).
Paul se proposa, forma le projet.
Telle est la signification des mots grecs : il se mit dans l’esprit et non il se proposa par l’Esprit (de Dieu), comme ont traduit quelques interprètes.
Voyant qu’après trois ans de travail à Éphèse son œuvre y était finie, l’apôtre résolut d’aller à Jérusalem, afin d’y porter la collecte qu’il avait provoquée en Grèce, en faveur des frères pauvres de la Judée (1 Corinthiens 16.1-4 ; Romains 15.25-28).
Mais auparavant il voulait visiter une dernière fois les Églises de la Macédoine et de l’Achaïe, spécialement Corinthe (1 Corinthiens 16.5).
Enfin il envisage dès ce moment le but suprême de son apostolat, Rome. Il est convaincu que c’est son devoir et la volonté de Dieu à son égard : Il me faut voir Rome (comparer Actes 23.11 ; Romains 1.10 ; Romains 15.23).
Mais il parviendra à Rome bien plus tard et d’une tout autre manière qu’il ne le pensait alors (Actes 27 et Actes 28).
L’envoi de ces deux disciples en Macédoine avait sans doute aussi pour but d’y achever la collecte qu’on vient de rappeler (1 Corinthiens 4.17 ; 1 Corinthiens 16.10).
Eraste, peu connu d’ailleurs est mentionné encore dans 2 Timothée 4.20. On ne pense pas que ce soit le même qui est nommé dans Romains 16.23 et qui était de Corinthe.
En Asie et non à Éphèse seulement.
Soulèvement des orfèvres contre Paul
Les progrès de l’Église sont l’occasion de troubles graves. L’orfèvre Démétrius, qui tirait un profit considérable de la fabrication de petites reproductions en argent du temple de Diane, réunit tous les ouvriers du métier et leur montre que l’industrie, source de leur fortune, est compromise par la prédication de Paul qui, à Ephèse et dans toute la province, a convaincu une foule de personnes du néant des dieux faits par la main de l’homme et qui porte ainsi atteinte, non seulement aux intérêts des orfèvres, mais à la renommée du temple même de Diane et à la majesté de celle qu’adore toute l’Asie et le monde entier. Ce discours les rend furieux, ils se mettent à crier : Grande est la Diane des Éphésiens (23-28).
Réunion tumultueuse au théâtre
L’agitation gagne toute la ville ; la foule se précipite dans le théâtre entraînant deux compagnons de voyage de Paul. Lui-même veut se présenter devant le peuple. Il en est empêché par ses disciples et quelques asiarques de ses amis. Des cris divers retentissent dans l’assemblée, dont la raison d’être est ignorée de la plupart. Les Juifs poussent Alexandre à parler, mais la foule, le reconnaissant, crie deux heures durant : Grande est la Diane des Éphésiens ! (29-34).
Le secrétaire de la ville apaise l’assemblée
Il rappelle que la ville d’Ephèse a, au su de tout le monde, la garde du temple de Diane. Ce fait étant incontestable, il ne faut rien faire avec précipitation ; les nommes que la foule a entraînés au théâtre ne sont coupables ni de sacrilège ni de blasphème envers la déesse. Que Démétrius et ses ouvriers portent leurs plaintes devant les tribunaux ! Toute autre question sera discutée dans une assemblée légalement convoquée. Ce qui vient de se passer peut motiver une accusation de sédition, car rien ne justifie un tel rassemblement. Avec ces paroles, il congédie l’assemblée (35-40).
La voie (les mots du Seigneur ne se trouvent pas dans le texte grec) désigne la doctrine et la vie chrétiennes (Actes 18.25, note) et d’une manière plus générale l’Église, où celles-ci se manifestent (Actes 9.2, 2e note.)
C’est l’Église qui, par son développement, devient l’occasion d’un trouble (grec) pas petit.
La scène décrite ici est peut-être la plus pittoresque de tout le livre ; elle porte à un si haut point le cachet de la vérité psychologique qu’elle trahit à chaque ligne le témoin oculaire.
Le temple de Diane à Éphèse, célèbre dans tout l’Orient, construit sur les ruines de celui qu’Erostrate avait incendié en 356 avant Jésus-Christ, était considéré comme l’une des sept merveilles du monde.
On y rendait à Diane (grec Artémis) un culte célébré par de grandes fêtes populaires qui attiraient de toute l’Asie Mineure des foules immenses. Chez les Grecs, Artémis, sœur d’Apollon, était la déesse de la virginité.
Mais, sous l’influence du culte phénicien d’Astarté, elle en était venue en Asie Mineure à représenter la force productive de la nature ; on la nommait « la mère de tous ».
L’orfèvre Démétrius faisait du temple de Diane de petits modèles d’argent que les adorateurs de cette divinité emportaient avec eux comme amulettes ou qu’ils consacraient à la déesse comme offrandes.
Cette industrie était la source d’un grand profit pour les artistes et les ouvriers qu’elle occupait. Le texte fait une distinction entre les artisans ou artistes et les ouvriers : les premiers appartenaient sans doute à une catégorie supérieure.
Démétrius, frappé de la diminution de son gain par l’effet des progrès de l’Évangile, assembla tous les ouvriers du même métier (grec ouvriers touchant de telles choses) et leur adressa le discours que Luc rapporte ici. L’orateur populaire a la bonne foi de leur présenter, comme premier argument, la perte considérable qu’ils subissaient les uns et les autres ; puis, en seconde ligne, il en appelle à ce motif religieux : la déconsidération qui en résultait pour la déesse.
Démétrius avait bien compris à cet égard la pensée de celui qu’il appelait avec mépris ce Paul (1 Corinthiens 8.4) ; mais il croyait, lui, avec tous les païens, que les dieux faits par la main des hommes, c’est-à-dire leurs images mêmes, sont des dieux.
En théorie, le paganisme prétendait distinguer entre les divinités et leurs représentations visibles ; mais, en pratique, il les confondait. Et il en est de même, en pleine chrétienté, partout où est admis le culte des images.
Après le gain perdu (grec la partie décriée pour nous), le motif religieux.
On ne saurait déplorer en termes plus énergiques la décadence de la grande déesse, de son temple, de son culte et de sa majesté.
Plusieurs interprètes (Meyer, Zöckler, Weiss) traduisent : et que quelque chose de sa majesté ne soit anéanti, etc.
D’autres (Rilliet, Wendt) considèrent le temple comme sujet des deux propositions : que le temple ne soit bientôt dépouillé de la majesté de celle que… La construction la plus naturelle nous paraît être de sous-entendre : elle (la déesse) comme sujet des infinitifs : devoir être dépouillée (grec tirée en bas) de sa majesté, elle que toute l’Asie révère.
Ce cri unanime était une protestation véhémente contre les enseignements par lesquels Paul discréditait la grande Diane des Éphésiens.
Le théâtre, où se précipite la foule, servait aussi aux assemblées délibérantes du peuple.
N’ayant pas trouvé Paul, la multitude entraîne au moins avec elle deux de ses amis qui l’avaient accompagné à Éphèse : Gaïus, probablement pas celui qui est nommé Actes 20.4, note, ni celui mentionné dans Romains 16.23 ; 1 Corinthiens 1.14 et Aristarque, disciple qu’on retrouve ailleurs dans la société de Paul (Actes 20.4 ; Actes 27.2 ; Colossiens 4.10 ; Philémon 24).
Paul voulait se présenter devant le peuple pour défendre sa cause et saisir cette occasion d’annoncer l’Évangile. Mais il en fut empêché par les disciples et même par quelques-uns des Asiarques.
On appelait Asiarque le président de l’assemblée provinciale de l’Asie proconsulaire.
Il portait ce titre comme celui de la Galatie le titre de « Galatarque », celui de Bithynie « Bithyniarque ».
Chargé de présider au culte et aux jeux publics qu’on célébrait en l’honneur des dieux et des empereurs, il était choisi parmi les citoyens considérés et riches, car il faisait lui-même les frais des fêtes auxquelles il présidait. Il n’était nommé que pour un an, mais conservait son titre après l’achèvement de sa magistrature.
C’est ainsi que notre texte peut parler des Asiarques au pluriel.
Ceux qui, ici, prennent intérêt à la sûreté de Paul, sans être encore devenus chrétiens, avaient eu l’occasion de voir et d’entendre l’apôtre et étaient attachés à lui par l’estime et l’affection qu’il leur inspirait ; ils étaient ses amis. Beau témoignage rendu à son caractère et à sa vie !
Nous traduisons d’après le texte de Codex Sinaiticus, B, A, admis par la plupart des éditeurs.
Le verbe qui se lit dans ce texte a probablement, comme dans 1 Corinthiens 2.16 et souvent dans les Septante, le sens d’instruire, mettre au courant.
On instruisit des causes du tumulte un homme qui sortait de la foule et, sans doute, s’informait de ce qui se passait.
Le texte reçu porte : ils firent avancer ; D : ils firent descendre. M. Blass préfère ce dernier verbe : ils le firent descendre des gradins du théâtre sur la plate forme pour parler à la foule.
Qui était Alexandre ?
Plusieurs, depuis Calvin jusqu’à Meyer, ont pensé que c’était un chrétien poussé en avant par les Juifs, afin de l’exposer à la fureur du peuple.
Dans ce cas, l’apologie qu’il voulait présenter aurait été en faveur des chrétiens et de Paul en particulier.
Théodore de Bèze déjà et après lui beaucoup d’exégètes, ont vu plus juste en pensant que cet homme était Juif (verset 34) et que ses coreligionnaires le poussaient en avant d’abord pour s’informer des causes de l’émeute, ignorées de la plupart des assistants (verset 32), puis, si le bruit qui courait d’un sacrilège imputé aux disciples de Paul était confirmé, pour prononcer un discours, dans lequel il chercherait à dégager la cause des Juifs de celle des chrétiens avec lesquels on les confondait habituellement en pays païens.
S’il en est ainsi, comme tout l’indique, il est possible que cet Alexandre, ennemi de Paul, fût le même dont l’apôtre parle dans 1 Timothée 1.20 ; 2 Timothée 4.14.
Deux heures de cris, en l’honneur de la grande Diane !
Les assemblées populaires, quand la passion les anime, entendent plus volontiers les cris que les raisons.
Le secrétaire de ville, ou chancelier, était chargé de la rédaction de tous les actes émanant du conseil et préposé à la conservation des archives.
Notre récit même prouve qu’il exerçait une grande influence. Son discours est d’une habileté remarquable. Il entre d’abord en plein dans les sentiments passionnés de la foule ; puis il lui fait comprendre que ceux qu’elle accuse ne sont point des criminels, que d’ailleurs les affaires juridiques se traitent d’une tout autre manière, qu’enfin les Éphésiens couraient risque d’être punis pour sédition par l’autorité romaine décidée à réprimer sévèrement les troubles publics.
Gardienne de temple (grec néocoros, mot qui désigne proprement celui qui balaie le temple) était un titre d’honneur que prenaient les villes d’Asie où se trouvaient des sanctuaires vénérés.
Dans le temple de Diane était conservée la statue de la déesse en bois de cèdre, selon quelques historiens, en ébène, selon d’autres. Et pour l’entourer d’une vénération d’autant plus grande, on faisait croire au peuple qu’elle était tombée du ciel (grec descendue de Jupiter), mensonge souvent répété ailleurs.
L’orateur oppose, avec une grande sagesse, à cette assemblée tumultueuse tous les moyens légaux : les audiences publiques, les proconsuls (pluriel de catégorie, car il n’y en avait qu’un pour l’Asie proconsulaire), l’assemblée légale des citoyens.
L’argument réservé pour la fin était sans réplique : la terreur qu’inspirait l’autorité romaine, inexorable contre les révoltes. Et comme il n’y avait que les intéressés, c’est-à-dire Démétrius et ses ouvriers qui fussent réellement irrités (verset 32) l’assemblée se laissa congédier.
Ce récit est le seul passage du Nouveau Testament où le mot ecclésia, église, ait son sens premier, désignant une assemblée populaire (versets 32, 39 et 40).