Verset à verset Double colonne
Le but de l’Éternel, en châtiant Babylone, est de délivrer son peuple (comparez Jérémie 50.17-20, Jérémie 50.33-34). Les versets 1 et 2 forment la transition de la prophétie chapitre 13 au chant de triomphe Ésaïe 14.3-21. Entre la ruine de Babel et ce chant se place le retour glorieux d’Israël dans sa patrie.
Il choisira encore… Ce sera une répétition de ce qui s’est passé en Égypte (voir à Ésaïe 11.11) ; Dieu prendra une seconde fois Israël à lui pour en faire son peuple et lui rendra la possession de Canaan.
Les étrangers. Des païens, frappés d’étonnement à la vue du rétablissement vraiment miraculeux de ce peuple, se joindront à lui et à son culte. Voir les nombreux passages où Ésaïe annonce la conversion des païens à Jéhova, par exemple Ésaïe 2.2-4 ; Ésaïe 19.18-25 ; Ésaïe 56.3-8, etc.
Se les appropriera. Ces nations seront la propriété d’Israël (comparez Ésaïe 60.1-22 ; Ésaïe 61.5-7), comme au temps de Salomon les Cananéens restés au pays (1 Rois 9.20-21). C’est la rétribution de tout ce qu’Israël a eu à souffrir de la part des païens. L’annexion de ceux-ci au règne de Dieu se présente au regard du prophète sous la forme d’une domination qu’Israël exercera sur eux. Il en devait être ainsi pour un homme de son temps. La même intuition se retrouve Ésaïe 9.2-4 ; Ésaïe 11.14 et ailleurs. Il ne faut pas oublier que l’incorporation des païens au peuple de Dieu doit être en même temps pour eux la source de toute sorte de bénédictions (Ésaïe 2.3-4 ; Ésaïe 19.20-22 ; Ésaïe 19.25 ; Ésaïe 56.5-7).
Les Israélites délivrés de l’oppression entonnent un chant pour célébrer la ruine de Babel. Le chant se compose de cinq strophes ; il décrit la joie universelle qui accueille la chute de l’oppresseur, puis l’état humiliant auquel il est réduit. Ce morceau, qui dans la bouche d’Israël est un chant triomphal, appartient en même temps (au point de vue de Babel) à la catégorie des chants de deuil ou complaintes (comparez en effet les versets 4 et 12 avec 2 Samuel 1.19 ; 2 Samuel 1.25 ; 2 Samuel 1.27 ; Lamentations 1.4 ; Ézéchiel 26.17).
Ce chant. Le mot hébreu maschal signifie proprement : comparaison, discours figuré, parabole ; il s’applique ensuite à toute composition littéraire ou poétique, plus spécialement à la poésie sentencieuse ou satirique (proverbe, fable, énigme, etc.). Le maschal versets 4 à 21 est un des plus beaux morceaux poétiques de l’Ancien Testament. L’auteur nous fait assister à une scène unique en son genre dans l’Écriture : celle de l’arrivée du monarque babylonien dans le séjour des morts, où il est accueilli avec une joie railleuse par tous les rois qui l’y ont précédé. Il va sans dire que cette scène des enfers n’est qu’une fiction destinée à représenter d’une manière dramatique le profond abaissement du tout-puissant monarque.
Le roi de Babel. Ce terme ne désigne pas un individu déterminé, mais le roi de Babylone en général, la dynastie personnifiée.
La terre entière jouit du repos depuis que celui qui faisait peser sur elle un joug cruel a été renversé de son trône.
Comparez Ésaïe 9.3 ; Ésaïe 10.5 ; Ésaïe 10.24
Toute la terre : voyez Ésaïe 13.5
Est en repos : c’est l’expression employée, dans le livre des Juges pour peindre les temps où Israël était à l’abri des incursions des peuples voisins (Juges 3.11 ; Juges 3.30, etc.).
Voyez les paroles mises dans la bouche de Sanchérib Ésaïe 37.24 :
Avec la multitude de mes chars, j’ai gravi les sommets des montagnes, les côtés du Liban ; je couperai les plus hauts de ses cèdres, les plus beaux de ses cyprès ; je parviendrai jusqu’à sa dernière cime, jusqu’à la forêt de son verger.
Contre nous : pour les abattre et en faire des palais, des navires, des armes, des machines de guerre. Les inscriptions assyriennes parlent des cèdres du Liban employés à la construction des palais. Alexandre fit établir une flotte de bois de cyprès ; le cèdre fournissait d’excellents mâts de vaisseau.
L’enfer, dans le sens propre du mot : les lieux inférieurs, le séjour des morts, le schéol (voir Ésaïe 5.14, note ; Ésaïe 7.11). Il est ici personnifié. L’émotion la plus vive règne, à l’arrivée d’un hôte si extraordinaire dans le séjour habituel du silence et de l’immobilité (Job 3.13 ; Job 3.17 ; Psaumes 6.6 ; Psaumes 88.12-13). Celui qui faisait trembler la terre est donc réduit au rang des ombres impuissantes !
Le mot hébreu réphaïm, proprement : ceux qui défaillent, qui sont sans force, sans vie, peut se rendre par fantômes, ombres. À ce sens se rattache celui de géants, que ce mot a fort souvent, parce que les fantômes sont censés avoir une grandeur surhumaine (voyez Josué 15.8 ; Ésaïe 17.5).
Les monarques de la terre, littéralement : les boucs…, ceux qui marchent à la tête des troupeaux (Zacharie 10.3).
De leurs trônes. La vie dans le schéol est représentée comme une continuation de l’existence terrestre. Comparez 1 Samuel 28.14, où Samuel monte du schéol vêtu comme il l’était sur la terre. Quel tableau que celui de toutes ces grandes ombres se levant de leurs sièges pour accueillir le monarque babylonien avec les honneurs dus à son rang suprême ! Si parmi elles se trouvent celles des rois qu’il a asservis, l’ironie de leur discours, verset 10, en devient plus mordante.
La scène précédente est terminée. Pendant qu’aux enfers l’âme du malheureux est aux prises avec ses anciennes victimes, son cadavre est, sur la terre, couché parmi les vers. Cette vermine a remplacé les couvertures et les tapis magnifiques qui formaient jadis sa couche.
Astre brillant, fils de l’aurore : l’étoile du matin, Vénus, qui paraît avant le lever dit soleil et semble naître de l’aurore. Ces mots sont une désignation symbolique du roi de Babel. Comparez Nombres 24.17. Plusieurs Pères de l’Église ont cru, à tort, d’après Luc 10.18, que cet astre tombé du ciel était Satan ; c’est là l’origine du nom de Lucifer (porte-lumière) que l’on donne quelquefois au diable.
La montagne de l’assemblée : la montagne sacrée, séjour des dieux, que les peuples orientaux plaçaient dans l’extrême nord, au pôle, les Indous la nommaient Méru, les Perses AI-Bordj ; c’est l’Olympe des Grecs. Luther et Calvin traduisent fautivement : montagne de l’alliance ou du témoignage et entendent par cette expression (d’après Psaumes 48.3) la montagne de Sion, où le roi de Babylone prétendrait faire sa résidence. Le sens est que le monarque veut être l’égal des dieux ; prétention qu’on retrouve partout chez les païens. Les rois d’Assyrie, dans leurs inscriptions, ceux de Perse, sur leurs monnaies, se disaient fils des dieux, Alexandre en Égypte se fit appeler fils de Jupiter-Ammon ; les empereurs romains se faisaient rendre un culte. Comparez Daniel 6.7 et suivants ; Ézéchiel 28.2 ; Actes 12.21-23.
Sur les sommets des nues : comparez Ésaïe 19.1
Contraste intentionnel avec le verset 13. À la montagne de l’assemblée et aux profondeurs du septentrion sont opposés les enfers et les profondeurs de la fosse. Le mot hébreu bor signifie : fosse, citerne, puits. Il ne peut ici désigner le tombeau, puisque le monarque chaldéen n’a pas de sépulture (versets 18 et suivants) ; c’est donc un autre nom du schéol (verset 9), cette prison souterraine où les morts descendent en traversant la fosse et qui est comme au fond de celle-ci.
Trois termes dominent les strophes précédentes :
Les deux dernières strophes, versets 16 à 21, ajoutent au tableau deux traits qui en achèvent l’horreur :
Ceux qui te verront… : les vainqueurs sans doute, qui seront surpris de reconnaître le royal cadavre parmi les morts amoncelés.
Ne relâchait, littéralement : ne déliait pas ses captifs en leur pays. Il s’agit des rois vaincus, mis aux fers (comparez 2 Rois 25.7 ; 2 Rois 25.27 ; 2 Chroniques 33.11). Asarhaddon remit, il est vrai, en liberté, Manassé, qu’il avait emmené à Babylone ; mais c’est là une exception qui ne détruit pas la règle.
La privation de sépulture est, selon les idées des anciens, le plus cruel des outrages. On ne peut donc tomber plus bas que ce rejeton d’une race antique dont l’âme est insultée par les ombres, pendant que son corps est foulé aux pieds comme une branche pourrie.
Les pierres de la fosse ne sont pas les pierres du tombeau (voir verset 15, note) ; ce sont les assises souterraines de rocher dans les profondeurs desquelles est creusé le schéol.
Avec eux : avec les autres rois (verset 18).
Rétribution de son despotisme, de ses cruautés, de ses guerres ruineuses pour son peuple : l’oubli : ni tombeau, ni monument, ni postérité pour perpétuer son souvenir ! Comparez 2 Samuel 18.17-18.
Disposez une tuerie… : préparez le lien pour l’exécution des fils du tyran. Il faut se représenter ces fils fort nombreux ; c’est toute une race à faire disparaître. Comparez Juges 9.5 ; 2 Rois 10.6-8.
Pour le crime de leurs pères. Cela n’est pas injuste, puisqu’eux-mêmes marcheraient certainement sur les traces de leurs pères. Comparez Exode 20.5 ; Jérémie 32.18.
Ne couvrent de cités… Les conquérants bâtissent villes et forteresses pour asseoir leur domination.
Ces deux versets forment une conclusion qui correspond à la strophe d’introduction (versets 1 et 2). Le prophète résume tout l’oracle dans une déclaration de Dieu promettant qu’il accomplira tout ce qui a été prédit contre Babylone.
Comparez Ésaïe 13.20-22 Les hérissons se trouvent, d’après Strabon, dans les îles de l’Euphrate.
En étangs d’eaux. Les canaux et les digues de l’Euphrate, qui assurent la fertilité du pays, étant détruits ou obstrués parce qu’il n’y a plus d’habitants pour les entretenir, le fleuve inondera la plaine et la changera en un marécageux désert. Comparez Ésaïe 21.1, note, et, pour l’accomplissement de la prophétie, Ésaïe 13.22, note.
Ce court morceau n’a pas de titre : cela ne prouve nullement qu’il fasse partie de la prophétie précédente contre Babylone, avec laquelle il n’a aucun rapport : quatre autres morceaux de la collection chapitres 13 à 23 manquent également de suscription ; dix seulement, sur les quinze qu’elle renferme, sont pourvus du titre de sentence (Ésaïe 13.1, note). Ceci dénote de la part du collecteur l’intention de former dix morceaux renfermant dix prophéties principales auxquelles cinq autres sont rattachées en raison de certaines analogies faciles à saisir dans le contenu des oracles. Il est très naturel que la prophétie contre l’Assyrie ait été placée ici, à la suite de celle contre Babylone : Assur et Babel sont les deux grandes puissances du nord, toujours étroitement unies dans l’intuition prophétique. Au temps d’Ésaïe elles n’en ont réellement formé qu’une seule. Même relation entre l’Égypte et l’Éthiopie (chapitres 19 et 20).
Le morceau versets 24 à 27 résume les prophéties contre l’Assyrie contenues dans les chapitres 7 à 12, en y ajoutant un trait nouveau : c’est en Palestine que la puissance d’Assur doit être brisée (verset 25). Au chapitre 10, le prophète l’avait fait pressentir, sans le dire expressément. Notre morceau est antérieur à la catastrophe de Sanchérib, qu’il annonce et exactement parallèle aux passages Ésaïe 10.24-34 ; Ésaïe 17.12-14 qui se rapportent au même événement.
Assur est la verge de Dieu (Ésaïe 10.5) ; cette image explique le choix du terme je briserai. Comparez, pour l’accomplissement, Ésaïe 37.36 ; 2 Rois 19.35
Son joug, son fardeau. Comparez Ésaïe 9.3 et surtout Ésaïe 10.27
Toute la terre. La chute de la grande puissance universelle est un événement qui intéresse la terre entière. Comparez Ésaïe 10.14 ; Ésaïe 18.3
Main… étendue : même image que Ésaïe 5.25 ; Ésaïe 9.11, etc.
Cette prophétie a été prononcée peu de temps avant la mort d’Achaz ; comparez Ésaïe 6.1, note. Les Philistins habitaient la plaine qui s’étend au sud-ouest du pays de Juda, le long de la Méditerrannée. Ennemis irréconciliables d’Israël, dès le temps des Juges, ils avaient été soumis par David (2 Samuel 8.11-12), puis de nouveau par Ozias (2 Chroniques 26.6) et s’étaient révoltés en dernier lieu sous Achaz, auquel ils avaient enlevé plusieurs villes (2 Chroniques 28.18-19). Au moment où ce prince va mourir, le prophète leur déclare qu’ils ne doivent point se réjouir des succès qu’ils ont remportés sur lui, car il laisse un fils qui sera pour eux un adversaire redoutable (versets 29 et 30), puis il leur fait entrevoir un jugement plus lointain et encore plus terrible qui les menace du nord (verset 31). Pendant que la Philistie sera ainsi humiliée, Juda sera en paix sous la garde de son Dieu (versets 30 et 32).
La verge qui te frappait : la maison royale de Juda, qui avait fait sentir sa puissance aux Philistins. Par les défaites qu’ils avaient infligées à Achaz, la verge avait été brisée et ils se croyaient maintenant affranchis pour toujours de la domination juive.
La racine du serpent : la race de David, leur constante ennemie. L’image du serpent est tirée de la prophétie de Jacob Genèse 49.17, où Dan (la tribu limitrophe de la Philistie) est comparé à un serpent ; cette prophétie avait eu déjà son accomplissement dans les victoires de Samson sur les Philistins.
Basilic : voir Ésaïe 11.8, note.
Dragon volant. Les anciens parlent souvent de serpents volants qui existeraient en Arabie et en Égypte ; ces animaux imaginaires étaient réputés très dangereux. Remarquez la gradation : serpent, basilic, dragon volant.
Le basilic et le dragon ne désignent pas deux êtres différents, le second terme est une expression plus forte pour caractériser le fruit qui va sortir de la race du serpent. Ce fruit est Ézéchias, qui battit les Philistins jusqu’à Gaza (2 Rois 18.8). Il leur reprit certainement tout le territoire qu’ils avaient conquis sur Achaz.
Les misérables, les pauvres : en Juda ; comparez verset 32.
Ta race : les Philistins, qui périssent de faim, tandis que les plus pauvres mêmes en Israël, si cruellement maltraités sous Achaz (Ésaïe 3.14-15), sont dans l’abondance sous le sceptre d’Ézéchias. Comparez Psaumes 132.13-18.
Hurle ! car après l’humiliation infligée par Ézéchias, voici venir un second ennemi plus terrible. La porte, c’est-à-dire le peuple qui s’y rassemble (Ésaïe 3.26). Ceci s’adresse aux villes des Philistins en général.
Du septentrion. C’est de là que vient l’ennemi : évidemment les Assyriens (comparez Ésaïe 10.28-32).
Une fumée. L’invasion assyrienne est semblable à un incendie qui détruit tout sur son passage et qui s’annonce de loin par des tourbillons de fumée. Comparez Jérémie 1.13-14
Nul ne se débande. Comparez la description des Assyriens Ésaïe 5.27 et suivants.
La conquête de la Philistie qu’Ésaïe prédit ici a été accomplie par Sargon et par Sanchérib (voir intoduction et Ésaïe 20.1 ; Ésaïe 26.2, note).
Les envoyés du peuple sont ou les envoyés assyriens qui viendront sommer Ézéchias de se rendre (Ésaïe 36.4 et suivants ; Ésaïe 37.9 et suivants ; comparez l’allusion que fait Ésaïe à leurs discours Ésaïe 10.8-11), ou des députés philistins, venus à Jérusalem pour conclure une alliance avec Juda (comparez Ésaïe 16.1-6 ; Ésaïe 18.2, note).
La seconde partie du verset renferme la réponse qui doit leur être faite : Israël n’a rien à redouter, ni à attendre des hommes ; son salut repose sur la fidélité de Dieu. Comparez Ésaïe 37.22-35 ; Ésaïe 28.16 ; Ésaïe 33.19-21. Jérusalem fut en effet sauvée et les Philistins, vaincus par le grand roi, n’eurent pas même la consolation de voir Sion succomber comme eux.