Verset à verset Double colonne
1 L’année où Tharthan, envoyé par Sargon, roi d’Assyrie, vint contre Asdod et assiégea Asdod et la prit,Cette prophétie complète celle du chapitre 19, en désignant expressément le roi d’Assyrie comme l’auteur des désastres dont l’Égypte vient d’être menacée. La date de la prophétie est déterminée par le verset 1, comparé avec le verset 3 ; mais la rédaction appartient probablement au même temps que celle des chapitres 18 et 19.
Tharthan. Ce mot n’est pas un nom propre ; c’est, dans les inscriptions de Ninive, le titre du généralissime de l’armée assyrienne. Comparez 2 Rois 18.17
Sargon, dans les inscriptions Sarkin ou Sarrukin, nom qui signifie : le roi est puissant ou le véritable roi. Ce monarque paraît avoir été le fondateur d’une nouvelle dynastie. Il succéda à Salmanasar et régna de 722 (année de la prise de Samarie) à 705. Son palais de Dur-Sarkin, aujourd’hui Khorsabad, à l’extrémité nord des ruines de Ninive, a été récemment retrouvé et fouillé ; et les nombreuses inscriptions qu’on y a découvertes nous font connaître son règne avec une grande précision. Il mentionne lui-même la prise de Samarie comme son premier fait d’armes. Il imposa ensuite un tribut aux petits États de Palestine, puis battit Sabacon, roi d’Égypte, à Raphia (720).
Le siège d’Asdod, dont il est ici parlé, n’eut lieu que dans la onzième année de son règne (711). Voici le pasgage de ses annales qui s’y rapporte :
Azuri d’Asdod endurcit son cœur, refusa le tribut et engagea les princes de son voisinage à se détacher de l’Assyrie. Je me vengeai… et mis son frère Achimit comme roi à sa place. Les Syriens, qui m’étaient infidèles, méprisèrent sa domination et établirent à sa place Jaman, qui n’avait point droit au trône et qui refusa de reconnaître mon autorité, Dans ma colère, je ne pris pas le temps de rassembler toutes mes forces… ; je marchai contre Asdod. Jaman, en apprenant l’approche de mon armée, s’enfuit dans une contrée de l’Égypte voisine de Méroé (l’Éthiopie). J’assiégeai Asdod, je la pris. Je m’emparai de ses dieux, de ses femmes, de ses enfants, de ses trésors, ainsi que des habitants de son pays… Le roi de Méroé, dont les ancêtres n’avaient jamais jusqu’alors envoyé d’ambassadeurs aux miens, fut saisi d’une grande frayeur ; il le (Jaman) lia de chaînes de fer : il prit le chemin de l’Assyrie et comparut devant moi.
Les derniers mots expliquent pourquoi Sargon ne poursuivit pas son expédition jusqu’en Égypte : le roi d’Éthiopie (qui régnait alors sur l’Égypte), se souvenant de la récente défaite de Sabacon, lui demanda la paix en livrant le fugitif Jaman. D’après les inscriptions, Asdod doit avoir été prise après quelques mois de siège. Cette ville, place importante des Philistins (1 Samuel 5.1), était très-forte ; elle fut plus tard assiégée pendant vingt-neuf ans par Psammétique. Sargon parle d’Asdod comme s’il l’avait prise lui-même. Notre passage montre que ce fut l’œuvre de son général. C’était la coutume des rois d’Assyrie de s’attribuer à eux-mêmes les victoires remportées par leurs généraux.
L’ordre divin verset 2 fut sans doute donné au prophète au moment de l’arrivée du général assyrien devant Asdod. C’est à partir de ce moment qu’il faut compter les trois ans (verset 3). Asdod était la clef de l’Égypte ; l’invasion de ce pays ne pouvait avoir lieu qu’après la prise cette ville, qui est ainsi indirectement prophétisée dans l’acte symbolique accompli par Ésaïe.
Sac : ici le manteau de poil grossier que portaient ordinairement les prophètes (par exemple Élie, Jean-Baptiste) ; comparez Zacharie 13.4
Nu et déchaussé. Les anciens appelaient nu celui qui n’avait que le vêtement de dessous, la chemise ou tunique. Le prophète devra se présenter dans ce costume misérable, qui est celui des esclaves ou des captifs, pour figurer l’état de servitude auquel vont être réduites l’Égypte et l’Éthiopie.
Et l’Éternel dit. Cette nouvelle révélation a été accordée au prophète à la fin des trois ans.
Pendant trois ans. Le texte ne dit pas que la ruine de l’Égypte aura lieu dans trois ans, mais que le signe prophétique donné par Ésaïe dura trois ans. On pourrait supposer que cet acte n’eut lieu qu’en vision (voir introduction générale) ; on peut admettre aussi qu’il s’est réellement accompli pendant trois ans. Le but de ce symbole prolongé aurait été en ce cas d’inculquer fortement dans l’esprit des Juifs la leçon, qu’ils avaient besoin de recevoir. Il s’agissait pour eux de comprendre enfin l’inutilité et le danger même de toute alliance avec l’Égypte.
Cette prophétie s’est accomplie littéralement lors de la conquête de l’Égypte par les Assyriens (entre 680 et 660). Une inscription d’Assurbanipal dit :
Asarhaddon, mon père, pénétra jusqu’au cœur de l’Égypte. Il défit Tirhaka, roi d’Éthiopie et anéantit son armée. Il conquit l’Égypte et l’Éthiopie. Il emmena des prisonniers sans nombre…
Lui-même battit le successeur de Tirhaka, prit Thèbes et la balaya comme de la balle. Il en enleva l’or, l’argent, les trésors du palais, les vêtements précieux, les chevaux, les hommes et les femmes ; ils furent conduits en captivité dans ma capitale, Ninive et ils baisèrent mes pieds Le passage Nahum 3.8-10 se rapporte au même événement.
Ils : ceux mêmes qui sont appelés au verset 6 : habitants de cette île.
On peut prendre le mot île dans un sens figuré et entendre par là Jérusalem, seul point qui restera intact au milieu du débordement de l’invasion assyrienne (comparez Ésaïe 1.8). Ou bien on peut donner ici à ce mot le sens de rivage et entendre par là la côte de Palestine. Qu’il s’agisse ici des habitants de Jérusalem ou de ceux de la côte palestinienne, le sens est qu’ils reconnaîtront alors que, si l’Égypte même n’a pu résister à la puissance assyrienne, ils n’ont, humainement parlant, aucune chance de s’y soustraire.