Verset à verset Double colonne
Ce morceau est, par son contenu, étroitement lié au précédent et date certainement de la même époque (voir Ésaïe 2.4, note). Il s’ouvre par la parabole de la vigne, ce fruit le plus noble et dont la culture réclame le plus de soins, parabole qui justifie la sévérité du jugement porté sur Israël dans les chapitres 2 et 3 (versets 1 à 7). Le malheur, six fois répété et motivé que prononce le prophète contre les méchants, est l’application de la parabole (versets 8 à 23). Le discours se termine enfin par l’annonce de deux châtiments par lesquels s’accompliront les menaces divines (versets 24 à 30).
Ésaïe veut contraindre les hommes de Juda à prononcer leur propre jugement. Nathan se sert aussi d’une parabole pour forcer David à se condamner lui-même (2 Samuel 12). Jésus raconte aux pharisiens la parabole des vignerons dans un but tout pareil (Matthieu 21.33-41).
Pour mon ami. C’est à la fois au sujet de son ami et en son nom, que le prophète va chanter. Son chant s’adresse à Israël et a pour but de justifier son divin ami à la face du peuple. Pour le faire, il n’aura qu’à rapporter le cantique que cet ami a composé pour se plaindre de sa vigne et pour annoncer le châtiment qu’il lui réserve. Ce cantique ne commence proprement qu’au verset 3. Dans les versets 1 et 2, c’est Ésaïe qui parle et qui prélude au chant de son ami en expliquant quelles ont été jusqu’ici les relations entre celui-ci et sa vigne.
Une tour : pour y installer un gardien, comme on fait encore aujourd’hui en Orient.
Une cuve : un pressoir taillé dans le roc vif.
Du verjus : des raisins sauvages (Jérémie 2.21).
Habitants de Jérusalem… La parabole et le discours qui suit concernent tout le peuple, les dix tribus aussi bien que Juda (la maison d’Israël, verset 7) ; mais plus directement les hommes de Juda, au milieu desquels vit et parle le prophète.
Je commanderai aux nuées… Ces mots font comprendre quel est le mystérieux ami du prophète, dont le nom ne sera prononcé qu’au verset 7.
Le chant terminé, Ésaïe en fait l’application. Il donne d’abord le mot de l’énigme : l’Éternel des armées. Le car se rattache au dernier trait du verset 6, la défense faite aux nuées, défense qui s’explique par le fait que le propriétaire de la vigne n’est autre que Dieu lui-même.
La vigne : image ordinaire du peuple d’Israël et qui exprime le prix qu’il a pour Dieu (Exode 15.17 ; Psaume 80 ; les paraboles de Jésus). On peut appliquer en détail les différents traits qui dépeignent les soins fidèles que Dieu a pris d’Israël (tour, pressoir, haie, etc.) et y retrouver les diverses institutions par lesquelles il avait pourvu au bien matériel et spirituel de son peuple (royauté, sacerdoce, loi). L’idée essentielle est qu’il a fait pour ce peuple. Ce qu’il n’a fait pour nul autre et qu’il n’a été payé que d’ingratitude ; il va donc le livrer aux païens (représentés dans la parabole par les animaux broutant la vigne) et lui retirer toutes les bénédictions qu’il lui a accordées jusqu’ici.
Le cri de détresse : celui des opprimés.
Le verset 7 est le thème du reste du discours, c’est-à-dire des six malheur ! dans lesquels Esaie énumère les divers aspects de l’injustice qui attire sur Israël la colère divine.
Malheur aux accapareurs, qui réduisent le reste du peuple à la misère !
Il y a littéralement : À mes oreilles l’Éternel des armées, ce qui signifie : Il me l’a lui-même clairement révélé et tout ce que je vais dire est la propre parole de Dieu.
Journaux. Le mot hébreu signifie couple et désigne l’étendue de terrain qu’une paire de bœufs peut labourer en un jour.
Le bath et l’épha étaient les mesures le plus fréquemment employées chez les Juifs, l’une pour les liquides, l’autre pour les solides. Leur contenance était de 35 à 40 litres. Le homer ou cor valait dix éphas. Le sens est donc : on ne récoltera que le dixième de ce qu’on aura semé.
Ce deuxième malheur s’adresse à ceux qui s’étourdissent dans le péché et ne savent point reconnaître l’œuvre de Dieu.
Le mot schécar, que l’on traduit ordinairement par cervoise, désigne toutes les boissons fortes autres que le vin (cidre, vin de dattes, bière, etc.).
L’œuvre de l’Éternel : ses révélations, les bénédictions qu’il promet, les châtiments dont il menace. Comparez l’ignorance coupable que Paul reproche aux païens (Romains 1.20-22).
Le mot schéol, que nous rendons ici par sépulcre, désigne le monde inférieur (l’hadès des Grecs, les inferi des Latins), séjour des morts, que les anciens plaçaient dans l’intérieur de la terre (Nombres 16.30 ; Psaumes 63.10 ; Psaumes 88.7, etc.). Ce mot vient du verbe schaal, demander : le schéol est la puissance insatiable qui redemande tous les êtres et à laquelle tous sont tenus d’obéir (Proverbes 27.20 ; Proverbes 30.15-16 ; Habakuk 2.5), On peut aussi dériver ce mot d’une racine qui signifie s’affaisser, être creux.
Comparez Ésaïe 2.9 ; Ésaïe 2.11 ; Ésaïe 2.17
Des étrangers dévoreront. Ésaïe 1.7 nous présente l’accomplissement de cette menace (comparez Ésaïe 7.17-25).
Cordes… traits… Ces impies sont comparés à des animaux qui tirent un pesant chariot. Ils ne pèchent pas par entraînement comme les précédents ; ils traînent le vice après eux : ce sont les pécheurs obstinés qui insultent Dieu et se raillent de ses révélations, sous prétexte que ses paroles ne se réalisent pas (on les retrouve 2 Pierre 3). Mais ils se trompent eux-mêmes : aussi les liens qui les attachent au péché sont-ils appelés des cordes de vanité.
Quatrième malheur, dirigé contre ceux qui, non seulement pratiquent, mais justifient par leurs sophismes les maximes immorales (Romains 1.32).
Cinquième malheur : contre ceux qui, dans leur présomption, oublient que l’homme n’est pas son propre Dieu (Romains 1.22 ; Proverbes 26.12)
Sixième malheur : à l’adresse des juges, qui oublient dans le vin le devoir de rendre la justice (Ésaïe 1.17 ; Ésaïe 3.14-15). Le caractère de magistrats distingue ces buveurs de ceux du verset 11.
Mêler : c’est-à-dire mixtionner, aromatiser, fabriquer du vin épicé.
Les calamités renfermées dans le mot malheur n’ont pas été indiquées pour toutes les catégories de pécheurs qu’Ésaïe a mentionnées. Les versets 24 à 30 comblent cette lacune. C’est un tableau général du jugement qui attend tous les pécheurs indistinctement ; il forme la conclusion de la prophétie chapitres 2 à 5. Le châtiment est décrit d’abord par une image (verset 24), puis en propres termes (versets 25 à 30). Il s’accomplira en deux actes successifs. Un premier châtiment déjà terrible ne suffira pas pour apaiser le courroux de Dieu (verset 25) ; il sera suivi d’un second plus cruel (versets 26 à 30).
Leur racine sera… Le peuple est comparé ici à une plante dont la racine pourrit dans la terre et dont la fleur, desséchée et réduite en poussière, est emportée par le vent. Cette ruine, qui l’attend, sera aussi rapide que l’incendie quand il dévore les matières les plus inflammables.
La racine est l’image des richesses (celles du sol, par exemple) qui sont les sources de la prospérité nationale ; la fleur représente l’épanouissement extérieur de cette prospérité.
Le premier jugement est opposé à un autre plus lointain. Ce dernier (versets 26 à 30) est évidemment l’invasion assyrienne (Ésaïe 7.17 ; Ésaïe 8.7 ; Ésaïe 10.5). Quant au premier, qui est décrit ici par des images empruntées aux effets d’un tremblement de terre, nous croyons le reconnaître dans les cruelles défaites que les Syriens et les Éphraïmites infligèrent à Achaz, peu après le moment où le prophète prononçait ce discours (2 Chroniques 28.6).
La fin du verset se retrouve littéralement dans le discours Ésaïe 9.7 à 10.4, dont elle forme le refrain.
Les nations (goïm) : c’est le terme employé dans l’Ancien Testament pour désigner les peuples païens. Le pluriel s’explique par le fait que l’empire assyrien, formé par une longue série de conquêtes, renfermait un grand nombre de peuples différents.
Il les siffle. De même qu’on ramène, en le sifflant, un essaim d’abeilles (Ésaïe 7.8), Dieu n’a qu’à donner un signal pour faire arriver un nouvel ennemi, bien plus redoutable que le précédent.
Les Assyriens étaient d’habiles archers. Dans les bas-reliefs de Ninive, ils sont toujours représentés debout, l’arc tendu, prêts à tirer.
Le peuple : Israël. L’invasion assyrienne est comparée aux flots bruyants et débordés d’une mer en tumulte.
La fin du verset est difficile. Le sens est probablement celui-ci : dans le pays il n’y a partout qu’obscurité ; si on regarde vers la terre, ténèbres ; et si on regarde vers le ciel (la source de la lumière), sombres nuages. Cette obscurité est l’image d’une angoisse universelle et en apparence sans issue. Comparez Ésaïe 8.22.