Verset à verset Double colonne
1 L’année de la mort du roi Ozias, je vis le Seigneur assis sur un trône haut et élevé ; et les pans de sa robe remplissaient le temple.Ésaïe contemple la gloire de Dieu (versets 1 à 4) ; ce spectacle le remplit d’effroi à cause de son état de péché (verset 5) ; mais après avoir été purifié par l’intervention d’un séraphin (versets 6 et 7), il se présente lui-même pour recevoir le redoutable mandat de prophète de l’Éternel auprès du peuple d’Israël (versets 8 à 13).
Sur la place qu’occupe ce morceau dans le livre d’Ésaïe, voir l’introduction.
La vision racontée dans ce chapitre est la seule qui soit mentionnée dans le livre d’Ésaïe. On ne saurait douter que cette scène ne soit l’occasion solennelle où Ésaïe fut appelé au ministère prophétique. Ce fait eut lieu l’année de la mort d’Ozias (758 avant Jésus-Christ), c’est-à-dire dans les mois qui précédèrent la mort du roi. Sinon le prophète eût dit : la première année de Jotham. Cette date concorde avec la notice Ésaïe 1.1.
Le Seigneur (Adonaï). Ce nom exprime mieux que tout autre la majesté du Créateur et Maître de toutes choses (le Roi, verset 5).
Dieu apparaît à Ésaïe sous une forme humaine, siégeant sur un trône élevé, comme un monarque oriental entouré de sa cour. C’est ainsi qu’il apparaît également dans la vision de Michée (1 Rois 22.19). Le trône est dressé dans le palais divin, le temple ; il occupe le Lieu très saint. Les pans du vêtement royal du Seigneur remplissent tout l’espace du Lieu saint, à l’entrée duquel se tient le prophète. Ésaïe ne décrit pas la face de Dieu, qui sans doute lui demeure invisible. Le temple, où il se voit transporté, est ou celui de Jérusalem, ou plus probablement le sanctuaire céleste, dans lequel la gloire de Dieu est l’objet de l’adoration des créatures les plus élevées (Psaumes 11.1 ; Ésaïe 57.15).
Saint Jean (Jean 12.41) rapporte à Christ l’apparition ici décrite, de même que Paul lui attribue les miracles du désert (1 Corinthiens 10.4) et Pierre l’inspiration des prophètes (1 Pierre 1.11).
Ce passage est le seul où la Bible parle des séraphins. Il faut, sans doute, les distinguer des chérubins, mentionnés Genèse 3.21 ; Ézéchiel 1 et ailleurs. Ceux-ci sont des êtres à quatre faces, qui ont pour fonction de porter le trône de Dieu, tandis que les séraphins entourent le trône et proclament la gloire du Souverain. Comparez les quatre vivants, Apocalypse 4.6 et suivants, dans la description desquels sont combinés les traits que l’Ancien Testament répartit entre les chérubins et les séraphins. D’après l’étymologie la plus probable, le nom de ces derniers vient d’un verbe hébreu qui signifie consumer et peut se traduire par : les brûlants. C’est le même mot qui est employé Nombres 21 et ailleurs pour désigner une espèce de serpents venimeux. Plusieurs interprètes en concluent que les séraphins sont des figures symboliques à têtes de serpent. Mais il est inadmissible que la figure de cet animal qui apparaît toujours dans l’Ancien Testament comme un être malfaisant et auquel on rendait un culte dans les religions païennes, se trouve ici dans le voisinage immédiat de Jéhova. Rien d’ailleurs, dans la description ne rappelle la forme du serpent. Les séraphins ont des mains et des pieds, ce qui suppose la forme humaine (versets 2 et 6). Ils sont probablement appelés les brûlants parce qu’ils sont les représentants de la sainteté divine et que leur office est de consumer le péché, afin que grâce puisse être faite au pécheur (verset 7). Les chérubins sont aussi les représentants de la sainteté, mais plutôt sous l’aspect de la colère qui consume le pécheur lui-même (Genèse 3.24 ; Ézéchiel 10.2 ; Ézéchiel 10.6). Du reste, le feu accompagne habituellement dans l’Écriture l’apparition de Dieu ou des êtres célestes (Exode 3.2 ; Exode 19.18 ; 2 Rois 6.17 ; Ézéchiel 1.4 ; Apocalypse 1.14-16, etc.).
Six ailes : deux pour voiler leur visage ; car, pas plus que l’homme, ils ne pourraient soutenir l’éclat de la face de Dieu (Exode 3.6 ; Exode 33.20 ; 1 Rois 19.13) ; deux pour couvrir leurs pieds : cette expression désigne toute la partie inférieure de leur corps, qu’ils voilent, par respect, devant Dieu ; deux enfin pour voler : car ils se soutiennent en l’air, des deux côtés du trône, ce qui explique pourquoi ils se trouvent au-dessus de celui qui est assis, bien que le trône soit très élevé (verset 1).
Les séraphins sont divisés en deux chœurs qui s’entre-répondent. Ésaïe conserva toute sa vie une impression ineffaçable de la sainteté divine, proclamée dans leur cantique ; et cette expérience explique pourquoi cette sainteté forme l’idée centrale de sa prophétie (Ésaïe 1.4, note et introduction). Le mot saint signifie proprement séparé, mis à part. Appliqué à Dieu, il exprime son absolue majesté qui le sépare de toute créature, sa dignité souveraine, sa perfection inaltérable. Appliqué aux créatures, il désigne les êtres ou les objets mis à part pour un but religieux, c’est-à-dire consacrés ; saint est opposé à ordinaire ou profane plutôt encore qu’à souillé. Mais l’idée de la bonté morale, de la parfaite pureté, de l’éloignement de toute souillure, que nous exprimons par le mot saint, découle naturellement du sens primitif : séparé. Dans le cantique des séraphins, l’idée qui domine est, sans doute, celle de la grandeur souveraine de Dieu. La triple répétition du mot saint, dans laquelle on a vu, à tort, une allusion au mystère de la Trinité, est destinée à exprimer, mieux que ne le ferait la simple affirmation, le caractère absolu de cet attribut divin ; trois est le symbole de la plénitude, de la perfection.
La gloire de Dieu est le rayonnement extérieur et visible de ses perfections ; elle remplit toute la terre, parce que tout ici-bas, même l’être le plus infime, la manifeste (Romains 1.20-21).
La fumée qui remplit la maison est celle du parfum offert sur l’autel (verset 6). Dans le temple de Jérusalem on brûlait journellement l’encens sur l’autel d’or du Lieu saint. Cet encens symbolisait l’adoration et la prière (Psaumes 141.2 ; Luc 1.10). C’est pourquoi la fumée s’élève avec la voix des séraphins.
La sainteté de Dieu doit faire trembler toute créature ; mais l’être souillé doit se sentir perdu en sa présence. Jacob (Genèse 28.17), Gédéon (Juges 6.22), Manoah (Juges 13.22), Ézéchiel (Ézéchiel 1.28), Zacharie (Luc 1.12), Pierre (Luc 5.8-9), Jean (Apocalypse 1.17), éprouvent cette frayeur quand ils se voient en face de quelque manifestation directe de l’être divin. Comparez l’expression la frayeur d’Isaac, Genèse 31.42 ; Genèse 31.53.
C’est la souillure de ses lèvres qu’Ésaïe confesse : il vient d’entendre la louange de Dieu sortir de bouches pures et il ne se sent pas digne de s’associer à de tels chants (Exode 6.12).
Au milieu d’un peuple… À sa souillure personnelle s’ajoute celle qu’il contracte chaque jour en vivant en contact avec le peuple impur dont il fait partie.
Le charbon ardent est l’emblème de la grâce divine, qui enlève et pardonne le péché dès qu’il a été confessé. Le feu brûle sur l’autel ; c’est donc un feu sacré, car il était interdit d’apporter à l’autel un feu étranger. Cela signifie que Dieu lui-même est l’auteur de la purification. Par cet acte de grâce, Ésaïe est séparé du reste du peuple pour devenir l’homme de Dieu (Reuss) et sa personne entière consacrée au service du Seigneur.
Sa bouche est l’objet spécial de la purification, parce qu’elle devra être l’organe de la Parole sainte qui va lui être confiée. Comparez Jérémie 1.9.
Qui ira pour nous ? Dieu demande un volontaire pour son service (comparez 1 Rois 22.20). Le pluriel nous (comparez Genèse 1.26) est employé parce que le Seigneur parle en son nom et en celui des séraphins qui forment, comme son conseil (Daniel 4.17 ; comparez 1 Rois 22.19-22).
Ce peuple : expression sévère. Israël n’est plus à cette heure le peuple que l’Éternel appelait autrefois mon peuple. L’état moral de la masse de la nation, au temps d’Ésaïe, était déjà tel, que l’on pouvait juger qu’Israël ne se convertirait point à la voix du prophète. Il ne restait donc plus qu’à le faire mûrir pour le jugement qui, en le purifiant, devait être le moyen du salut de la minorité fidèle. C’est sur celle-ci seule que reposait désormais l’espoir de l’accomplissement des promesses divines. Dieu ne se propose jamais pour but de perdre le pécheur ; mais celui qui repousse opiniâtrement ses appels, ne peut le faire impunément. Après s’être endurci lui-même, il est en retour endurci par Dieu, afin que, par l’éclat de sa résistance et de sa ruine, il glorifie celui auquel il n’a pas voulu rendre hommage par son obéissance et concoure du moins ainsi au salut d’autres créatures. Telle a été l’histoire de Pharaon (Exode 5 à 14 ; comparez Romains 9.17-22) ; telle sera celle d’Israël (Jean 12.37-40 ; Actes 28.25-27 ; Romains 11.7-10).
Entendez, voyez ! La location hébraïque signifie : Entendez et entendez encore ! Voyez et voyez encore ! Tout cela restera vain !
Jusques à quand… se prolongera ce châtiment ? Ces mots sont une prière. Appelé à être le représentant inflexible de la sainteté divine au milieu d’Israël, Ésaïe n’en a pas moins compassion de son peuple, et, comme tant de fois Moïse, il se fait son intercesseur. Le sens de la réponse divine est : jusqu’à ce que l’endurcissement du peuple ait amené, comme sa punition méritée, la dévastation complète du pays.
Ésaïe ditingue expressément deux jugements successifs. Le premier épargnera un dixième du peuple ; l’épuration n’étant pas assez complète, ce dixième devra être remis dans le creuset d’un nouveau châtiment. Toutefois, comme d’un chêne coupé il reste un tronc qui, quoique mort en apparence, possède toujours la vigueur nécessaire pour produire de nouveaux jets, de même, dans ce peuple, qui semble anéanti par ces terribles jugements, se maintiendra un reste qui deviendra la semence sainte d’un Israël renouvelé. Dans ce peu de mots, Ésaïe résume toute l’histoire d’Israël jusqu’à la fin des temps. En vertu des promesses divines, ce peuple ne peut périr ; il est indestructible, comme l’histoire le prouve. Mais la masse de la nation n’en est pas moins vouée à la destruction : elle marche à grands pas et sans s’en douter (Ésaïe 5.13), au devant de l’inévitable châtiment, auquel les individus peuvent seuls échapper encore, s’ils le veulent bien. Le salut ne sera le partage que du reste purifié qui sortira d’une série de jugements de plus en plus sévères (Ésaïe 4.2-3). Cette vue profonde de l’état moral et de l’avenir d’Israël, qu’Ésaïe avait reçue, de la bouche de Dieu même, au début de son ministère, explique seule et la sévérité des reproches qu’il adresse à son peuple et la foi inébranlable qu’il conserve en ses destinées glorieuses. Il sait que son travail, stérile pour le présent, est destiné à préparer ce résidu fidèle qui deviendra le germe de l’Israël selon l’Esprit.