Verset à verset Double colonne
Six jours s’étaient écoulés depuis la révélation précédente. Le prophète adresse à Pharaon un nouvel avertissement qui peut se résumer en ces mots : Assur était aussi grand que toi ; tu tomberas aussi bien que lui. Et d’abord :
Pour comprendre ce morceau, il faut se rappeler que la chute de l’Assyrie était récente ; elle avait eu lieu en 606 avant Jésus-Christ, moins de vingt ans avant notre prophétie, qui date de 588.
À qui ressembles-tu ? La réponse n’est pas : à personne ; mais : à Assur, quand il était au faîte de sa puissance. À cette idée se rattache naturellement le tableau suivant.
Un cèdre sur le Liban. Le sens est : aussi beau que l’un des cèdres qui croissent au Liban. On sait que nulle part cet arbre ne se trouve aussi beau que là.
L’abîme. Ce mot désigne ici le réservoir souterrain d’où était censée jaillir la source abondante où le cèdre plongeait ses racines. C’est l’image des circonstances favorables, divinement préparées, qui avaient amené la fondation de l’empire assyrien et contribué au développement de sa puissance.
Tandis qu’il envoyait… La source envoyait le gros de ses eaux au cèdre et n’accordait que des ruisseaux aux autres arbres croissant dans la plaine, c’est-à-dire aux autres États moins favorisés.
Image du développement immense qu’avait pris l’Assyrie : elle s’étendait depuis la Médie, à l’est, jusqu’à l’Asie-Mineure et à l’Égypte, à l’ouest et au sud.
La troisième proposition est l’explication des deux premières ; il s’agit ici des rois et des peuples vassaux de l’Assyrie.
Il n’y avait aucun empire semblable à celui là. Les autres royaumes (cyprès, platanes) n’égalaient pas même ses provinces (ses rameaux).
Le jardin de Dieu ne peut désigner que le paradis. Le sens est : que lorsque le paradis existait, il ne renfermait pas d’arbre pareil à ce cèdre. L’homme n’apparaissait pas si grand en Adam, nouvellement créé, que dans la personne du roi d’Assyrie.
Je l’avais rendu beau. Ces mots rappellent quel était Celui qui avait donné à l’Assyrie une telle force.
Étaient jaloux de lui. Ici se mêlent l’image et l’application. De même que, si les arbres du paradis eussent encore existé, ils eussent été jaloux du cèdre, de même les rois de la terre les plus puissants et les plus riches étaient jaloux du monarque ninivite.
Dans les deux versets suivants, le Seigneur rappelle la sentence qu’il a portée contre Assur lorsque cet État était encore dans toute sa grandeur. Dès le verset 12, il montrera comment la sentence a été exécutée.
Tu as été fier. Dieu parlait ainsi en s’adressant à Assur lui-même, au temps où il subsistait encore ; puis, comme s’il se détournait de lui, il parle de lui à la troisième personne : Il a porté sa cime…
Jusque dans les nues : allusion au verset 3. C’est l’image de l’orgueil humain qui tend à se faire égal à Dieu ; comparez Ésaïe 14.13-14.
Du dieu des nations : de celui qui par sa force incomparable apparaîtra comme un dieu entre les hommes, de Nébucadnetsar.
Qui le traitera. Ce futur montre que cette sentence était sortie de la bouche de Dieu avant la chute d’Assur.
Je l’ai chassé : je l’ai rejeté.
Retour à l’image du cèdre. Sens : Cet empire assyrien, si fortement constitué, se démembre et les peuples qu’il réunissait se trouvent affranchis de son joug.
Le tronc gisant, ainsi que les rameaux dispersés, servent d’abri aux animaux. C’est l’image des peuples qui cherchent à tirer profit des ressources immenses précédemment exploitées par l’empire déchu.
Afin qu’aucun arbre… Ce jugement est venu de Dieu qui a voulu enseigner aux grands de la terre à mettre des bornes à leur ambition et à leur confiance en eux-mêmes.
Ils sont tous livrés à la mort. La terre est un cimetière où sont condamnés à descendre successivement les rois, les peuples et les empires ; voilà ce que la chute d’Assur apprend à tous.
Dans ce verset et les deux suivants est décrite l’émotion produite par ce jugement. Et d’abord, sur la terre Dieu ordonne un deuil universel.
L’abîme (la source d’où provenait la prospérité d’Assur, verset 4) est voilé, c’est-à-dire, ne donne plus son eau. Les causes de la grandeur de l’empire sont paralysées. Tous les peuples sont épouvantés d’un jugement qui peut les frapper tous également.
Puis, dans le schéol, le séjour des morts. Les nations que le glaive d’Assur y a fait descendre sont consolées, en voyant ce roi si puissant, avec ses vassaux (verset 17), partager le sort qu’il leur a fait subir ; comparez Ésaïe 14.6-20.
Tous les arbres d’Éden : les rois de tous ces peuples détruits, qui sont descendus dans le sombre séjour.
Ceux-là aussi. Il s’agissait au verset 16 des puissances abattues par Assur et qu’il va rejoindre au schéol. Il s’agit ici, pensons-nous, des vassaux de l’Assyrie, dont la puissance s’écroule avec elle.
Cette question pourrait s’adresser à Assur ; le prophète proclamerait ici son abaissement, pour dire ensuite à Pharaon : Tel va être ton sort. Mais d’après l’analogie du verset 2, par cette question le prophète revient plutôt à Pharaon. Il se transporte au moment où le jugement de l’Égypte, décrit dans les chapitres précédents, est déjà consommé, comme celui d’Assur et répète la question du verset 2 dans un sens nouveau. Là, la réponse était : Tu ressemblais à Assur dans sa grandeur. Ici la réponse est : Et maintenant tu lui ressembles dans sa chute.
Au milieu d’incirconcis : peut-être allusion au fait que la circoncision était pratiquée en Égypte pour les prêtres et pour les rois.
Les mots : en gloire et en grandeur, sont ironiques. Pharaon est désormais semblable aux arbres d’Éden, aux grands monarques terrestres, non seulement quant à leur beauté, mais aussi quant à leur ruine. Il ne reste plus au prophète qu’à entonner la complainte de l’Égypte et de son roi. C’est le dernier morceau.