Il semble que les trois amis se soient concertés pour ne rien entendre et pour revenir toujours à ce thème : Ceux qui finissent mal sont des méchants ! Job vient de faire à leur cœur un appel touchant ; il s’est élevé plus haut que jamais sur les ailes de la foi ; rien n’y fait. Les menaces par lesquelles Job a terminé ont irrité Tsophar. Moins délicatement que ses compagnons (versets 7, 15, 18, 20, 23), il développe la pensée que c’est par une nécessité interne que le mal amène le malheur et il ne craint pas de donner à ses soupçons un tour de plus en plus direct. Ainsi se prépare le troisième entretien, dans lequel les amis désigneront ouvertement les péchés particuliers qu’ils croient pouvoir reprocher à Job.
1 Tsophar de Naama prit la parole et dit : 2 À cause de cela, mes pensées me pressent de répliquer ; Je suis indigné.
Explosion de l’indignation de Tsophar (2-3)
À cause de cela : après ce que je viens d’entendre. Il a reçu de Job une leçon qu’il n’accepte pas et qu’il estime injurieuse.
Mes pensées me pressent de répliquer, littéralement : Me répondent. Tsophar veut dire (voir aussi début du verset 3) qu’à son indignation correspond autre chose qu’un mouvement de colère : il peut raisonner l’irritation qu’il ressent.
3 Je viens d’entendre une leçon injurieuse ; L’esprit, du fond de mon intelligence, va tirer une réponse. 4 Comprends-tu bien que, de tout temps, Depuis que l’homme a été placé sur la terre,
Énoncé du sujet qu’il va traiter dans tout son discours (4-5)
Il n’y aura pas de marche bien régulière dans sa pensée. On peut distinguer quelques arrêts après les versets 11, 17, 23.
5 Le triomphe des méchants ne va pas loin, La joie de l’impie ne dure qu’un instant ? 6 Quand il s’élèverait jusqu’aux cieux, Que sa tête toucherait aux nues, 7 Il périra à toujours comme ses excréments ; Ceux qui le voyaient diront : Où est-il ?
Premier exemple de la rudesse d’expression de Tsophar. C’est avec intention que l’écrivain le fait parler ainsi.
8 Il s’envolera comme un songe, sans qu’on puisse le retrouver ; Il s’évanouira comme une vision de la nuit. 9 L’œil qui le regardait, ne le verra plus ; Son lieu ne le contemplera plus. 10 Ses fils devront apaiser les pauvres, Et ses propres mains restituer sa fortune.
Apaiser les pauvres, poussés à bout par les injustices du méchant.
11 Ses os étaient pleins d’une vigueur juvénile ; Avec lui elle se couchera dans la poussière. 12 Quand même le mal est doux à sa bouche , Qu’il le cache sous sa langue,
Le péché est comparé à une friandise que l’on garde dans sa bouche aussi longtemps que possible, mais qui, pénétrant dans le corps, devient un poison.
13 Qu’il le ménage et ne le laisse pas aller, Qu’il le retienne collé à son palais ; 14 Cette nourriture se transforme dans ses entrailles, C’est un venin d’aspic au-dedans de lui. 15 Il a avalé des richesses, il les vomira, Dieu les chassera de son ventre. 16 Il suce du venin d’aspic, La langue de la vipère le tuera. 17 Il ne pourra pas jouir des ruisseaux, Des rivières, des torrents de miel et de lait.
Des torrents de miel. L’abondance, sur laquelle le méchant comptait, lui échappe.
18 Il rendra ce qu’il a gagné et ne l’avalera pas ; Tous ses biens, il les restituera Et ne pourra en jouir.
Et ne l’avalera pas. Les bénéfices réalisés par ses échanges n’auront pas le temps de se changer en capitaux.
19 Il a écrasé, abandonné les misérables ; Il a démoli des maisons : il ne les relèvera pas.
Exemples de ses méfaits. Ce n’est pas encore une accusation formelle, mais on la sent venir.
Démoli : peut-être les maisons de ses débiteurs, dont il aurait dû respecter la propriété. Il voulait les rebâtir pour lui ; il n’en aura pas le temps.
20 Son ventre n’a pas connu de repos ; Il ne se sauvera pas avec ce qu’il a de précieux.
Son égoïsme était insatiable, mais il ne lui restera rien de tout ce qu’il a acquis au prix de tant de tourments.
21 Rien n’échappait à sa voracité ; C’est pourquoi son bonheur ne durera pas. 22 En pleine abondance il sera à l’étroit, La main de tous les malheureux sera sur lui. 23 Au moment où il se remplit le ventre, Dieu enverra contre lui l’ardeur de sa colère, Et fera pleuvoir sur lui dans ses entrailles.
Fera pleuvoir : le feu de sa colère.
24 S’il échappe à la cuirasse de fer, L’arc d’airain le transpercera.
Si le méchant échappe à l’attaque corps à corps d’un guerrier en cuirasse, il sera atteint par des flèches venant de loin.
25 Il arrache la flèche, elle sort de son dos ; Le trait étincelant sort de son foie ; Les terreurs de la mort sont sur lui. 26 Toute obscurité est réservée à ses trésors, Un feu que personne n’a allumé les dévore Et en consume les restes jusque dans sa tente.
Toute obscurité : tout ce qu’il y a qui mérite le plus le nom d’obscurité : l’obscurité la plus profonde, la ruine la plus complète.
Personne : aucune créature humaine.
Ce feu qui vient de Dieu ne se borne pas à consumer par exemple les champs, les forêts du méchant ; il dévore même ce qui est à l’abri, sous sa tente.
27 Les cieux dévoilent son iniquité, La terre se soulève contre lui.
Les péchés longtemps ignorés éclatent au grand jour.
28 Les revenus de sa maison seront dispersés, Emportés au jour de la colère de Dieu. 29 Tel est le sort que Dieu réserve à l’homme méchant, L’héritage que le Dieu fort lui assigne.
Conclusion que Tsophar apporte lui-même à son discours.