Verset à verset Double colonne
L’événement raconté dans ce chapitre doit, d’après les versets 12 et 16, avoir eu lieu le jour même où Aaron et ses fils venaient d’entrer dans leur charge.
Si l’Éternel avait donné, par la manifestation racontée dans les derniers versets du chapitre précédent, une sanction positive et éclatante au culte inauguré en ce jour, il en donne ici une d’un autre genre, par le châtiment dont il frappe ceux qui se permettent de porter atteinte à ces institutions cérémoniales. Le même feu qui a consacré l’autel, consume ceux qui ont manqué de respect envers l’autel et le sanctuaire.
Il est fait allusion à cet événement Lévitique 16.1 ; Nombres 3.4 ; Nombres 26.61
Nadab et Abihu, les deux fils aînés d’Aaron, avaient eu l’honneur d’accompagner leur père et leur oncle au sommet du Sinaï (Exode 24.1). Cette distinction les avait-elle peut-être enflés d’orgueil ?
Chacun son encensoir. S’il avait été parlé précédemment d’un encensoir particulier existant dans le sanctuaire et consacré pour l’offrande du parfum, on pourrait penser que le péché des fils d’Aaron avait commencé par l’emploi qu’ils auraient fait d’encensoirs non consacrés. Mais il a été parlé de brasiers en général (Exode 27.3, 38.3) et non d’un seul ; comparez Nombres 16.17 ; Nombres 16.18. Il semble donc plutôt que leur première faute fût d’entrer à deux dans le Lieu saint pour offrir ensemble (chacun ayant un encensoir) le parfum, ce dont Dieu n’avait jamais parlé. Était-ce à l’heure du parfum de l’après-midi ou bien à une autre heure arbitrairement choisie par eux ? Dans ce second cas, il y aurait une irrégularité de plus. En faveur de ce sens parle Lévitique 16.2 (en tout temps).
Y mirent du feu : un feu quelconque et non celui que l’Éternel avait consacré le matin même (Lévitique 9.24).
Devant l’Éternel : en entrant du parvis dans le Lieu saint et se dirigeant vers l’autel d’or.
Un feu étranger : expression analogue à celle d’encens étranger (autre que l’encens rituellement confectionné, Exode 30.9) : un feu autre que celui qui doit seul entrer dans le sanctuaire (Lévitique 16.12 ; Nombres 16.46).
Ce qu’il ne leur avait point commandé. Aucune défense expresse n’ayant encore été faite à l’égard du feu, ces mots ne doivent pas être pris comme une litote destinée à exprimer l’indignation. Il faut les rapporter à tout l’ensemble de la conduite des fils d’Aaron : entrer dans le sanctuaire à deux, de leur propre chef et avec un feu non consacré.
De devant l’Éternel : sans doute de l’autel d’or dont ils s’approchaient.
Moururent devant l’Éternel : pas nécessairement dans le Lieu saint, que Dieu n’aurait pas profané par des cadavres, mais dans le parvis (Lévitique 1.5), où ils furent foudroyés en reculant épouvantés. Comparez les châtiments semblables Nombres 11.1 ; Nombres 16.35 ; 2 Rois 1.10. Celui d’Ananias et de Saphira (Actes 5) a quelque analogie avec ces faits. Notre Dieu aussi (celui de la nouvelle alliance) est un feu consumant (Hébreux 12.29).
Qu’est-ce qui a pu pousser les fils d’Aaron à agir de la sorte ? Peut-être étaient-ils exaltés par les cérémonies de ce jour, dans lesquelles ils avaient joué un rôle considérable aux yeux de tout Israël. La défense qui suit immédiatement (verset 8) : Ne bois ni vin, ni cervoise, ni toi, ni tes fils, quand vous entrerez dans la Tente d’assignation, de peur que vous ne mouriez, fait penser aussi à une autre cause : les deux jeunes gens s’étaient sans doute laissés aller à l’intempérance et c’était sans bien savoir ce qu’ils faisaient qu’ils avaient commis cet acte d’outrecuidance et de légèreté.
Et Moïse dit. Il se hâte de prévenir le murmure qui allait s’élever du cœur et des lèvres d’Aaron, de peur qu’un nouveau péché et un nouveau châtiment ne viennent troubler ce jour.
Je serai sanctifié. Quand Dieu s’est choisi des serviteurs particuliers, sa sainteté doit infailliblement être manifestée en eux, soit par leurs actes, s’ils le servent fidèlement, soit par un châtiment éclatant, s’ils déshonorent la charge dont ils ont été revêtus.
Ceux qui s’approchent de moi : les sacrificateurs, à qui seul ce droit a été donné afin qu’ils servent d’intermédiaires entre le peuple et Dieu. La parole rappelée en ces mots : C’est ce dont l’Éternel a parlé, est sans doute Exode 19.22.
Aaron, se tut. Il comprend que le moindre mot de regret serait déplacé en face d’un fait dans lequel la main de Dieu s’est si évidemment montrée (Je n’ai point ouvert la bouche, parce que c’est toi qui l’as fait. Psaumes 39.9). Ce silence est d’autant plus frappant que chez les orientaux les manifestations de la douleur à l’occasion d’un deuil sont plus bruyantes.
Misaël et Eltsaphan, fils d’Uzziel. Uzziel était le frère cadet d’Amram, père d’Aaron et ses deux fils étaient sans doute les plus jeunes d’entre les cousins germains de celui-ci ; c’est comme tels qu’ils sont appelés à ensevelir les corps (verset 5). Comparez Actes 5.6 et 10, où les jeunes gens de l’Église sont chargés d’un office semblable. Comme Lévites, ils avaient le droit d’entrer dans le parvis.
Hors du camp. Les Juifs n’enterrent que hors des endroits habités.
Dans leurs tuniques : les tuniques sacerdotales des deux coupables, qui avaient été souillées par l’attouchement de leurs cadavres et ne devaient pas être transmises à d’autres.
La défense faite au grand sacrificateur, Lévitique 21.10, est appliquée ici à tous les sacrificateurs en raison des circonstances qui avaient amené ce deuil.
Ne décoiffez pas vos têtes. Laisser flotter ses cheveux en désordre est un signe de deuil (comparez Ézéchiel 24.17-23).
Ne déchirez pas vos vêtements : déchirer ses vêtements est également une marque de deuil chez les Juifs ; voir Genèse 37.34 ; Genèse 44.13.
Toute l’assemblée. Si les sacrificateurs se rendaient coupables, le peuple entier participerait à leur faute et à leur châtiment.
Vos frères pleureront. Le deuil du peuple n’aura rien qui ressemble à une révolte personnelle ; ce sera une douleur purement nationale.
Cette défense implique pour les sacrificateurs celle d’accompagner leurs morts au sépulcre.
L’huile, qui représente l’esprit de vie et dont ils ont été oints, ne leur permet pas d’avoir rien à faire avec la mort. Cette parole rappelle celle de Jésus : Laisse les morts ensevelir leurs morts.
Nous avons déjà parlé de la relation qui doit exister entre cette défense et le cas des deux fils d’Aaron, comparez Ézéchiel 44.21, où la même recommandation est associée aux prescriptions relatives aux deuils.
À Aaron. L’Éternel lui parle cette fois directement et non par l’intermédiaire de Moïse ; sans doute à cause du caractère personnel de cette défense.
Ne bois ni vin… En temps ordinaire il n’était pas défendu aux sacrificateurs de boire du vin. Aussi Dieu ajoute : quand vous entrerez ; c’est-à-dire quand vous aurez à entrer.
Cervoise : toute boisson fermentée, fabriquée avec grain, orge, millet, pommes, dattes, etc.
Afin que vous ne mouriez pas. Ces mots prennent toute leur valeur, après ce qui vient de se passer pour Nadab et Abihu.
Deux motifs nouveaux sont ajoutés au précédent. Le sacrificateur doit toujours posséder la lucidité nécessaire pour savoir appliquer les prescriptions légales relatives aux domaines du saint et du profane, de ce qui est souillé et de ce qui est pur, et cela, non seulement pour se diriger lui-même, mais pour donner au peuple des directions pratiques dans les cas difficiles.
Saint : mis à part pour un usage sacré ; profane : laissé, à la disposition de chacun.
Souillé ou pur : atteint ou exempt des impuretés qui vont être indiquées dans les chapitres 11 à 15.
Pour éviter de nouveaux malheurs. Moïse rappelle à Aaron et à ses deux fils, à l’occasion des divers sacrifices qui ont eu lieu ce premier jour et du repas qui doit les clore, ce qu’il avait prescrit précédemment relativement à la portion des oblations qui leur revient.
Vous la mangerez dans un lieu saint : près de l’autel (verset 12). Dans un tel voisinage, les abus n’étaient guère possibles.
La poitrine balancée… la cuisse prélevée. Ces deux pièces provenaient du sacrifice d’actions de grâces, Lévitique 9.18-21. Le singulier n’empêche pas qu’il n’y eût plusieurs pièces de la même sorte.
Et tes filles avec toi. La famille tout entière des sacrificateurs peut participer au repas.
On joindra … la cuisse… Cette cuisse et cette poitrine, après avoir été offertes à l’autel avec les graisses, puis balancées, doivent revenir aux sacrificateurs (Lévitique 7.29).
Le matin, un bouc avait été immolé comme victime pour le péché du peuple (Lévitique 9.3 et 15). D’après l’ordonnance concernant cet acte (Lévitique 4.6-7 ; Lévitique 4.17-18), le sang devait être porté dans le Lieu saint et il devait en être fait aspersion sur l’autel d’or (tandis que, dans les sacrifices pour le péché offerts pour un simple particulier il suffisait de l’aspersion du sang sur l’autel d’airain, dans le parvis ; Lévitique 4.25 et 30), Mais la chose n’avait pas eu lieu ce jour-là de cette manière (voir le mot Lévitique 9.8-11, note). Il résultait de là une difficulté. L’ordonnance était que lorsque le sang avait été porté dans le Lieu saint, la chair devait être immédiatement brûlée pour être soustraite à toute profanation mais que s’il n’avait été répandu que sur l’autel d’airain, comme dans les cas des sacrifices pour de simples particuliers, la chair devait être mangée par les sacrificateurs. Moïse s’irrite contre les deux fils d’Aaron, parce qu’il estime que, le sang n’ayant pas été porté cette fois dans le sanctuaire, la chair devrait être mangé par les sacrificateurs, bien qu’il s’agisse d’un sacrifice offert en faveur du peuple. Il craint qu’une nouvelle violation n’amène une nouvelle plaie.
Aaron reconnaît humblement ce qu’ il y a de fondé dans l’observation de Moïse Mais il en appelle à la circonstance poignante qui avait troublé la solennité de ce jour.
Voici, ils ont offert… C’est de ses fils, y compris les deux qui viennent de périr, qu’il veut parler. La chair des victimes offertes pour leur péché était réunie à celle des victimes offertes pour le péché du peuple. Or, Aaron et ses fils survivants ne pouvaient manger des viandes qui provenaient du sacrifice offert pour leur propre péché et ensuite ils ne pouvaient manger non plus de celles provenant du sacrifice pour le péché du peuple, dont ils faisaient eux-mêmes partie.
Moïse se rend à ces raisons si légitimes. Il y a des cas où une loi supérieure intervient et force à violer la lettre du Code pour rester fidèle à une moralité d’une autre nature. Est-ce peut-être pour inculquer cette grande leçon à ceux qui doivent veiller à l’observation des statuts légaux, que ce fait remarquable a été conservé dans le récit sacré ? En tout cas il ne peut avoir été inventé dans un temps comme celui d’Esdras, où se consolidait définitivement l’esclavage de la lettre et où nul ne pouvait songer à créer un conflit d’opinions entre deux personnages tels qu’Aaron et Moïse. Il porte en lui-même le sceau de son authenticité et doit avoir été conservé dès l’origine par tradition ou par écrit.