Verset à verset Double colonne
Dans cette nouvelle section, nous trouvons toute une série de renseignements législatifs et historiques :
Ces ordonnances et ces détails historiques semblent au premier coup d’œil n’avoir aucun lien entre eux et avoir été placés ici d’une manière purement accidentelle. Il paraît qu’avant de raconter le départ du Sinaï l’auteur a voulu recueillir encore et conserver une série de traits qui appartenaient à cette première partie du séjour dans le désert et qu’il n’avait pas eu l’occasion de rapporter plus tôt.
Quelques-uns de ces traits, les trois premiers en particulier (contagion physique, Nombres 5.1-4 ; restitution, Nombres 5.1-10 ; loi sur la jalousie, Nombres 5.11-31), pouvaient aisément se rapporter à la vie d’un camp, à l’état d’un peuple réuni et pressé sous de simples tentes. La loi sur le vœu de naziréat, Nombres 6.1-21, était amenée naturellement, à l’occasion de l’établissement du sacerdoce aaronitique et lévitique, par le désir de maintenir vivant dans le peuple le sentiment de la consécration dont il était marqué tout entier ; il en est de même de la bénédiction sacerdotale rappelée ensuite, Nombres 6.22-27. L’énumération des dons offerts par les princes des tribus (Nombres 7.1-88) appartenait proprement au récit de la consécration du Tabernacle. Omise alors, pour ne pas faire une trop grande interruption dans le récit de cette cérémonie, elle est placée ici, probablement en raison de la mention des chariots et des bœufs donnés pour le transport du Tabernacle (Nombres 7.1-3). Il nous paraît vraisemblable que les deux derniers morceaux, sur le mode de communication entre l’Éternel et Moïse, Nombres 7.89 et sur l’ordonnance relative aux sept lampes donnée à Aaron, Nombres 8.1-4, faisaient partie du récit de l’inauguration du Tabernacle, d’où était tiré le rapport sur les dons des princes et ont été conservés avec ce rapport auquel ils étaient joints.
Trois cas de souillure physique qui entraînent l’expulsion du camp et dont les deux premiers ont déjà été traités aux chapitres 13 et 15 du Lévitique ; le troisième sera traité de nouveau Nombres 19.11 ; il ne l’avait été jusqu’ici (Lévitique 21.1 et suivants) que quant aux sacrificateurs. Les prescriptions plus sévères sur la pureté du camp, Deutéronome 23.11-12, se rapportent aux cas de guerre.
Hors du camp : pas nécessairement hors du camp tout entier, mais dans les intervalles qui séparaient les campements particuliers des tribus. De là sans doute le pluriel leurs camps du verset 3.
Sur le devoir de la restitution en général, voir Lévitique 5.14-26. Cette loi est appliquée ici à un cas spécial, celui où la personne lésée est morte sans laisser de parent qui ait droit à l’objet restitué.
À fait quelque tort…, littéralement : quelqu’un de tous les péchés que l’on commet contre un homme de manière à être infidèle à l’égard de l’Éternel.
Pas d’héritier, proprement : personne qui ait le droit, de rachat, c’est-à-dire point de parent agissant ou répondant pour lui. Ce détail suppose la mort de la personne lésée, puisque, si elle vivait, c’est à elle que se ferait naturellement la restitution. Dans ce cas même, le délinquant n’est point affranchi de l’obligation de restituer ; mais il devra le faire à l’Éternel, sans préjudice du sacrifice prévu Lévitique 5.15.
Si l’objet rendu est attribué au sacrificateur, c’est en vertu du principe général, répété ici avec insistance, que toute offrande faite à l’Éternel revient de droit au sacrificateur.
La troisième loi indique la procédure à suivre à l’égard d’une femme soupçonnée d’adultère. Ce crime, quand il était dûment constaté, entraînait la mort des deux coupables (Lévitique 20.10) ; ici la constatation est impossible, parce que les témoins font défaut et qu’il n’y a pas eu flagrant délit. S’il n’est pas parlé du cas inverse, où la femme soupçonnerait la fidélité de son mari, cela tient soit aux habitudes de polygamie, soit à la position sociale inférieure de la femme.
Deutéronome 22.13 et suivants montre cependant que la loi protège la femme contre le caprice de son mari.
Si une femme… Ce n’est encore qu’une supposition dont l’enquête démontrera la valeur. Il est probable toutefois que le mari ne provoquait pas cette enquête sans que la femme eût tout au moins agi avec imprudence.
Il importe d’obvier même au soupçon (Proverbes 6.34).
Une offrande à cause d’elle. Littéralement : son offrande, l’offrande offerte par le mari à son sujet ; au verset 18, le sacrificateur la place sur la main de la femme.
Un dixième… C’est ici une application du principe que l’on ne doit pas se présenter devant l’Éternel les mains vides (Exode 23.15 ; Exode 34.20) ; et comme il ne s’agit ni d’une offrande pour le péché, puisque la faute n’est pas constatée, ni d’une action de grâces, ni d’une prière pour obtenir une faveur, l’offrande est d’une nature inférieure et quant à la qualité et quant à la quantité.
L’absence de l’huile et de l’encens (Lévitique 11.4) s’explique par le motif douloureux de cette cérémonie. Comparez Lévitique 5.11.
Oblation de ressouvenir. Au lieu d’être une offrande de bonne odeur, cette oblation déplaira à Dieu si elle vient à être offerte au sujet d’une femme impure et, en mettant son péché dans son plein jour, attirera sur la personne coupable la malédiction divine.
Devant l’Éternel. Plus tard, d’après les rabbins, la femme était conduite pour cette cérémonie à la porte de Nicanor, qui, dans le temple d’Hérode, faisait communiquer le parvis des femmes avec celui des hommes.
Eau sainte. La version des LXX entend de l’eau de source ; il s’agit plutôt de l’eau apportée dans le sanctuaire pour les usages sacrés, peut-être de l’eau de la cuve d’airain.
Vase de terre : vase de la nature la plus commune, à cause du caractère humiliant de cet acte pour celle qu’il concernait.
De la poussière. Cette poussière n’est pas destinée à rendre l’eau malsaine ; mais par le fait qu’elle était prise du sol du sanctuaire, elle devait, avec l’eau sainte, devenir funeste à celui qui la boirait en état de culpabilité. Cet acte lui-même (avaler de la poussière) a aussi quelque chose d’humiliant.
Il découvrira la tête… : en dénouant ses cheveux et non pas en les rasant. Il y avait chez les Juifs du déshonneur pour une femme à dénouer les bandelettes qui retenaient ses cheveux et à se montrer la chevelure éparse.
Sur les mains : voir verset 15, note.
Les eaux amères de malédiction, littéralement : l’eau des amertumes…. Cette eau est appelée ainsi à cause de l’effet qu’elle produira dans le sein de la femme coupable (verset 27).
Une malédiction. Pour maudire quelqu’un, on le menacera de partager le sort de cette femme. Nous avons dans Genèse 48.20 l’exemple correspondant pour la bénédiction.
Gonfler ton ventre… Le châtiment est en rapport direct avec la faute commise. Il ne s’agit pas d’une maladie qui se développe lentement, d’un état d’hydropisie ; l’effet des eaux doit être assez rapide pour que l’action divine soit manifeste.
Amen ! Adverbe signifiant certainement, du verbe aman : appuyer, soutenir. C’est la première fois que cette locution se rencontre dans l’Ancien Testament d’où elle a passé dans la langue liturgique de tous les peuples. La répétition du mot en accentue l’énergie. En parlant ainsi tout en portant dans ses mains l’oblation destinée à provoquer l’intervention de Dieu, la femme déclare qu’elle connaît la gravité de la situation et qu’elle accepte les conséquences du jugement divin. D’après les rabbins, si elle refusait de prononcer cette formule d’exécration, elle se reconnaissait coupable ; elle n’était cependant pas mise à mort, mais privée des avantages de son contrat et répudiée.
Mettra par écrit. Voir Exode 17.14, note. La formule écrite, probablement sur un morceau de peau et avec une matière colorée, était lavée dans l’eau sainte, et, par cet acte symbolique, sa vertu était censée passer dans le breuvage et l’imprégner de malédiction.
Il fera boire. Ces mots indiquent par anticipation (voir verset 26) le but en vue duquel ont lieu les préparatifs précédents.
Il balancera. Voir Lévitique 7.30, note.
Poignée. Voir Lévitique 2.2
C’est sous cette forme que s’accomplira dans ce cas sur elle la sentence de mort prononcée sur les adultères.
Et demeurera féconde. Cette cérémonie ne lui nuira point ; il ne lui arrivera par ces eaux aucun des inconvénients signalés au verset 22.
Cette loi sur la jalousie est unique en son genre dans tout l’Ancien Testament, en ce qu’elle est la seule qui admette la procédure connue sous le nom d’ordalie ou jugement de Dieu ; tout au plus pourrait-on citer, comme analogie plus ou moins éloignée, le cas de la verge d’Aaron qui fleurit dans le Tabernacle (Nombres 17). Le recours au jugement de Dieu était pratiqué chez plusieurs peuples de l’antiquité ; cette institution se développa surtout pendant le moyen-âge et le duel en est encore aujourd’hui un reste défiguré.
Toutefois la loi sur la jalousie diffère par deux traits essentiels du jugement de Dieu usité au moyen-âge. Celui-ci devait uniquement mettre en lumière l’innocence ou la culpabilité de l’accusé, après quoi c’était au juge humain de prononcer une peine, si le crime était constaté ; puis l’épreuve était, de sa nature, dangereuse et l’intervention de Dieu consistait à préserver l’innocent de ses conséquences funestes. Dans notre loi, c’est Dieu qui frappe de la peine en même temps qu’il prononce la sentence de culpabilité et les eaux amères, inoffensives en elles-mêmes, ne deviennent malsaines que pour la coupable.
Cette loi tout entière porte le cachet d’une haute antiquité. Un détail doit faire admettre qu’elle a été, écrite avant la construction du temple : le temple était dallé et c’est dans le Tabernacle seulement que l’on pouvait ramasser de la poussière du sol. Après l’exil, les Juifs cherchèrent à restreindre beaucoup le nombre des cas où cette loi était appliquée et ils finirent par l’abolir complètement, peu avant la ruine de Jérusalem.