Verset à verset Double colonne
Le signe de la femme
Il paraît dans le ciel une femme entourée du soleil. Elle souffre les douleurs de l’enfantement (1, 2).
Le signe du dragon
Un grand dragon rouge paraît dans le ciel ; sa queue entraîne le tiers des étoiles. Il guette, pour le dévorer, l’enfant que la femme va mettre au jour (3, 4).
Naissance de l’enfant, fuite de la femme
Elle enfante un mâle qui aura les attributs du Messie ; cet enfant est enlevé vers Dieu. La femme fuit au désert, où Dieu lui ménage une retraite pendant mille deux cent soixante jours (5, 6).
Bataille dans le ciel
Michel et ses anges vainquent le dragon et les siens, qui sont précipités sur terre (7, 9).
Chant de victoire dans le ciel
Une voix proclame le règne de Dieu et la défaite de l’accusateur des élus. Eux-mêmes l’ont vaincu par leur foi au Rédempteur, et leur fidélité jusqu’à la mort. Les cieux sont invités à se réjouir, mais malheur à la terre, où Satan est allé exercer ses ravages (10-12).
Le ciel venait de se rouvrir aux yeux de Jean avec son temple (Apocalypse 11.19) et c’est dans le ciel que se déroule la vision suivante. L’auteur relève spécialement le caractère symbolique de l’apparition qu’il va décrire en l’appelant un grand signe, mot qui ne se retrouve, dans cette acception, qu’au verset 3 et Apocalypse 15.1. Comparer Apocalypse 9.16 ; Apocalypse 9.17.
Il faut probablement se représenter la femme comme apparaissant dans le soleil, qui lui fait une gigantesque auréole. L’idée est que la femme (voir à la note du verset 5, ce qu’elle figure) resplendit de toute la lumière céleste représentée par les astres qui éclairent le jour et la nuit (Genèse 1.16).
Pour l’expression enveloppée du soleil, comparez Psaumes 104.2 et pour la couronne de douze étoiles, voir verset 5, note.
Les douleurs de l’enfantement sont une image employée par les prophètes pour désigner les souffrances auxquelles Israël est soumis (Ésaïe 26.17) ou l’appréhension du châtiment dont il est menacé (Michée 4.9).
Dans Ésaïe 66.7 ; Ésaïe 66.8, cette image est appliquée à l’apparition du Messie. Comparer Matthieu 24.8 ; Actes 2.24, notes.
Rouge, grec couleur de feu. C’est aussi la couleur du sang (Apocalypse 6.4) ; elle désigne le dragon comme le destructeur, le meurtrier (Jean 8.44), celui qui suscite contre l’Église de sanglantes persécutions. L’être que représente le dragon est nommé au verset 9 : c’est Satan.
À Apocalypse 13.1, le voyant décrit « la bête qui monte de la mer » et lui attribue, comme au dragon, sept têtes et dix cornes. Ces têtes et ces cornes, d’après l’explication donnée à Apocalypse 17.10 ; Apocalypse 17.12 figurent les empereurs romains et des rois alliés de l’Antéchrist et la bête elle-même l’empire romain.
Si déjà dans notre chapitre, où il n’est pas question de Rome, le dragon, qui représente Satan, apparaît avec sept têtes et dix cornes, c’est pour marquer qu’il est « le prince de ce monde » (Jean 12.31), dont la puissance s’identifiait aux yeux de Jean, avec le pouvoir de Rome.
Les dix cornes rappellent la quatrième bête de Daniel 7.7, mais les autres traits ne se retrouvent pas dans Daniel et les deux visions ont des significations toutes différentes.
Cette figure de la queue du dragon qui entraîne le tiers des étoiles est inspirée, probablement, par la constellation du dragon.
Quant à la chute des étoiles, elle est, dans Daniel 8.10, l’œuvre de la petite corne. Il est impossible d’en établir le sens avec quelque certitude. Les uns y voient la détection d’anges entraînés par Satan dans sa révolte d’autres, l’idée que Satan cause des désordres dans le royaume de Dieu ; d’autres encore, qu’il se sert, pour l’accomplissement de son œuvre sur la terre, des forces du monde invisible.
Les mots : qui doit gouverner les nations avec un sceptre de fer, empruntés au Psaumes 2.9 (comparez Apocalypse 2.26 ; Apocalypse 2.27), désignent clairement ce fils comme le Messie. Il est appelé, de plus, un mâle (comparer Jérémie 20.15).
Cette qualité le rendait particulièrement apte à remplir le rôle de pasteur des peuples. L’enfantement est la naissance de Jésus dans la crèche de Bethléhem, en d’autres termes l’apparition du Christ historique.
Le trait du dragon qui guette l’enfant afin de le dévorer, peut avoir été suggéré par la tentative d’Hérode (Matthieu 2), mais doit s’entendre de toutes les tentatives faites par Satan pour détruire Jésus et son œuvre.
L’enfant enlevé vers Dieu et vers son trône représente Jésus mis, par son élévation à la droite de Dieu, hors de toutes les atteintes de l’ennemi.
Les autres explications que l’on a proposées de cette scène sont arbitraires et ne permettent pas de tenir compte des divers traits du tableau. Ainsi celles qui font de l’enfantement de l’enfant l’entrée de Christ dans sa gloire ou sa naissance dans le cœur des croyants.
Si l’enfant est le Christ historique, la femme, sa mère, ne peut être la vierge Marie, comme l’entendent les catholiques. On ne s’expliquerait pas que le dragon « aille faire la guerre au reste de ses enfants » (verset 17), ni qu’elle soit apparue d’abord (verset 1) « enveloppée du soleil et ayant une couronne de douze étoiles sur la tête ». C’est une figure symbolique, qui doit être interprétée d’après le langage des prophètes hébreux. Ceux-ci représentent les relations de Dieu avec son peuple sous l’image de l’union conjugale.
La femme, c’est donc l’Israël croyant, le vrai peuple de Dieu sous l’ancienne Alliance, qui attendait le Messie et le donna au monde en le reconnaissant dans la personne de Jésus de Nazareth. Il formait, quand l’Apocalypse fut écrite, l’Église judéo-chrétienne. C’est cette dernière que la femme représente spécialement au verset 6 et au verset 13 et suivants.
Les douze étoiles qui lui font une couronne (verset 1) sont peut-être une allusion aux douze tribus (Apocalypse 7.4 et suivants).
Ce verset rapporte brièvement le fait qui sera raconté avec plus de détails dans les versets verset 13 et suivants La fuite de la femme sera l’accomplissement de l’ordre donné par Jésus dans Matthieu 24.15 et suivants.
Le désert est pour la femme un lieu de retraite ; le séjour qu’elle y fait dure mille deux cent soixante jours, le temps des gentils (Apocalypse 11.2, note).
Pendant tout ce temps l’Église judéo-chrétienne demeurera cachée. On la nourrit (grec ils la nourrissent), forme impersonnelle, qui se retrouve en Jean 15.6. Dieu prend soin de sa subsistance. Peut-être l’auteur pense-t-il à quelque aliment céleste, apporté par des anges (Psaumes 78.24 ; Marc 1.13).
Par sa vie sainte, par sa mort, par sa résurrection, par toute l’œuvre, qu’il a accomplie pour la rédemption des hommes, Jésus-Christ a vaincu Satan et son empire (Jean 12.31 ; Hébreux 2.14 ; 1 Jean 3.8 ; Apocalypse 3.21 ; Apocalypse 5.5).
Cette victoire a été confirmée par son retour triomphant auprès de Dieu (verset 5). Les conséquences en sont exposées dans la scène symbolique des versets 7 à 12. Le combat contre Satan est mené par Michel, l’archange dont le nom signifie : « Qui est semblable à Dieu ! » Michel apparaît, dans Daniel 10.13-21 ; Daniel 12.1 (comparez Jude 1.9) ; comme le champion du peuple de Dieu.
Pour relever l’importance de la défaite de l’adversaire, l’auteur énumère tous ses titres (verset 9 ; comparez Apocalypse 20.2). Il le nomme le serpent ancien par allusion à Genèse 3.1 et suivants.
C’est aussi la chute que rappellent les mots : celui qui séduit le monde entier, en même temps qu’ils caractérisent l’action constante et universelle de l’Ennemi de Dieu. Celui-ci est encore appelé diable, c’est-à-dire calomniateur (comparez verset 10, note) et Satan, ce qui signifie l’adversaire.
Ce chant de victoire, qui retentit dans le ciel, entonné probablement par les anges, célèbre les résultats acquis par l’œuvre de Christ.
Les versets 10 et 11 expliquent ainsi la scène symbolique des versets 7 à 9. Satan est dépossédé de son pouvoir d’accusateur des hommes. Ce rôle lui est attribué dans maint passage (Job 1.12 et suivants ; Zacharie 3.1 ; Zacharie 3.2 ; Luc 22.31 ; Jean 14.30).
Le péché lui donnait prise sur l’homme, en lui fournissant des occasions de l’accuser justement ; mais la rédemption lui a enlevé ce droit et le jour viendra où son empire sur le peuple de Dieu cessera tout à fait (Apocalypse 20.10).
La conscience des pécheurs confirmait les accusations de Satan ; les fautes commises, qui s’élevaient en témoignage contre eux, fournissaient à l’Ennemi le moyen de les tenir sous sa domination (Hébreux 2.14 ; Hébreux 2.15).
Comment l’ont-ils vaincu ? par le sang de l’Agneau. Ce sang, qui « purifie de tout péché » (1 Jean 1.7), les a réconciliés avec Dieu, et, d’esclaves de Satan, a fait d’eux des enfants de Dieu (Apocalypse 1.6 ; Apocalypse 5.9 ; Apocalypse 7.14).
Ils ont fidèlement professé leur foi en Celui qui les a sauvés ; ainsi la parole de leur témoignage (Apocalypse 6.9) a été, avec le sang de l’Agneau, la cause de leur victoire. Ce témoignage, ils l’ont rendu en exposant leur vie.
Grec : Ils n’ont point aimé leur vie jusqu’à la mort ; ils n’ont point préféré la vie à la mort, quand il s’agissait de la sacrifier pour le nom du Sauveur. Ils ont pratiqué les préceptes de Jésus (Matthieu 10.28-39 ; Matthieu 16.25 ; Jean 12.25).
Le texte reçu (minuscules) porte : Malheur à ceux qui habitent la terre et la mer.
C’est pourquoi, parce que Satan a été vaincu, les cieux et ceux qui y habitent, les anges ou les saints glorifiés, sont invités à se réjouir (Psaumes 96.11 ; Apocalypse 18.20).
Mais ceux qui habitent la terre et la mer (les îles) ont à trembler encore, car le diable, irrité de sa défaite, n’ayant plus de pouvoir sur leurs âmes, va s’acharner sur leurs corps, par les persécutions qu’il suscitera, et cela, avec une fureur d’autant plus grande qu’il sait qu’il a peu de temps jusqu’au moment où il sera lié (Apocalypse 20.2), puis jeté dans l’étang de feu et de soufre (Apocalypse 20.10).
La fuite de la femme
Le dragon, précipité sur la terre, poursuit la femme, mais elle reçoit les deux ailes du grand aigle pour gagner sa retraite dans le désert. Le dragon lance de sa gueule, pour atteindre la femme, un fleuve d’eau, mais la terre, venant au secours-de la femme, engloutit le fleuve (13-16).
La guerre aux enfants de la femme
Très irrité contre la femme, le dragon s’attaque au reste de ses enfants, à ceux qui obéissent à Dieu et sont fidèles dans la foi en Jésus-Christ. Il va se placer au bord de la mer (17, 18).
Le démon, ne pouvant rien contre l’enfant, contre le Sauveur, mis pour toujours hors de son atteinte, poursuit la femme qui l’avait enfanté, l’Israël croyant devenu l’Église judéo-chrétienne (verset 5. note).
Cette poursuite précéda la fuite mentionnée, par anticipation, au verset 6 et qui va être racontée au verset 14.
Dans ces ailes données, par Dieu, à la femme, il faut voir simplement un moyen de fuite, de protection divine, qui est caractérisé d’après Exode 19.4 ; Deutéronome 32.11 et suivants La durée du séjour de la femme au désert est indiquée dans les termes mêmes de Daniel, Daniel 7.25 ; Daniel 12.7.
Un temps, des temps et la moitié d’un temps veut dire trois ans et demi, qui équivalent aux mille deux cent soixante jours du verset 6 et aux quarante-deux mois de Apocalypse 11.2 (voir la note à ce dernier passage).
Ce trait aurait été inspiré par le souvenir de la mer Rouge, qui menaçait d’engloutir les Israélites ou de les livrer à leurs ennemis, en les empêchant de se réfugier dans le désert (Exode 14). Mais ce fait n’offre qu’une vague ressemblance avec la scène décrite dans versets 15 et 16.
Celle-ci doit son origine plutôt à l’image par laquelle les calamités qui atteignent les fidèles sont dépeintes dans les psaumes (Psaumes 18.5-17 ; Psaumes 32.6 ; Psaumes 42.8 ; Psaumes 124.4). Quant à l’événement préfiguré, il est impossible de le déterminer avec quelque certitude.
L’Église judéo-chrétienne ayant échappé à ses poursuites, Satan s’en va faire la guerre au reste de ses enfants.
L’auteur ne peut avoir en vue que les Églises du monde païen, filles, pour la plupart, de l’Église mère de Judée, d’où étaient sortis les apôtres qui les fondèrent.
Les chrétiens d’entre les païens, désignés comme ceux qui gardent les commandements de Dieu (Apocalypse 14.12) et qui ont ou retiennent le témoignage de Jésus (Apocalypse 6.9), seront exposés alors à de grandes persécutions suscitées par Satan.
Il se tint est la leçon de Codex Sinaiticus, A, C, vulgate, versions syriaques, adoptée par la plupart des éditeurs modernes. Le sujet du verbe est le dragon, qui prend position sur le rivage, pour attendre la bête qui va monter de la mer et qui sera son alliée et son instrument dans la guerre qu’il veut faire aux enfants de la femme (Apocalypse 13.17).
Tischendorf, Bousset préfèrent la leçon de Q et quelques autres documents : je me tins. Ce serait Jean qui, dans la vision, se placerait sur le bord de la mer pour assister à la scène qu’il va décrire (Apocalypse 13).