Verset à verset Double colonne
La prostituée assise sur la bête
Un des anges des coupes invite Jean à venir voir le jugement de la grande prostituée. Il le transporte en esprit dans le désert, où Jean voit une femme assise sur une bête écarlate à sept têtes et à dix cornes. La femme est vêtue de pourpre et parée de pierres précieuses ; elle tient à la main une coupe remplie d’abominations ; sur son front, un nom mystérieux : Babylone la grande, la mère des impudiques. Elle est ivre du sang des témoins de Christ. Étonnement de Jean à sa vue (1-6).
Explication du mystère de la bête et de la femme
L’un des sept anges qui tenaient les sept coupes montre à Jean la vision suivante. Cette vision n’est donc que le développement de l’un des effets déjà mentionnés de la septième coupe : « Dieu se souvint de Babylone la grande, pour lui donner la coupe du vin de la fureur de sa colère » (Apocalypse 16.19). L’auteur ne dit pas lequel des sept anges vint assez près de lui pour pouvoir parler avec lui ; mais des paroles que l’ange prononce, il ressort que c’est le dernier.
L’épithète de grande prostituée est donnée ici pour la première fois à Babylone (verset 5) ; mais ce qui était dit d’elle, dans Apocalypse 14.8, préparait le lecteur à l’entendre désigner ainsi. Comparer verset 2.
Trait emprunté, suivant les uns, à la situation géographique de la Babylone de l’Euphrate (Jérémie 51.3) ; suivant d’autres, à la circonstance que Rome sortait, pour le voyant, de la grande mer de l’occident (Apocalypse 13.1, notes). Quelle que soit l’origine de ce trait, l’explication donnée au verset 15 montre que les grandes eaux symbolisent la multitude des peuples.
La fornication est une expression figurée pour désigner l’idolâtrie et spécialement les hommages divins rendus à Rome et à l’empereur (Apocalypse 13.7-8 ; Apocalypse 13.14-15).
Le vin de sa fornication est l’image empruntée à Jérémie 51.7 et déjà employée en Apocalypse 14.7.
Le voyant est mis à nouveau en extase, en esprit, comparez Apocalypse 1.10 ; Apocalypse 4.2. Ici commence donc une nouvelle vision. C’est dans le désert qu’il est transporté pour voir Babylone, soit parce que la Babylone de l’Euphrate était située au-delà du désert de Syrie (Ésaïe 21.1), soit plutôt parce que ce désert, où elle apparaît au voyant, est un présage du sort qui lui est réservé (Apocalypse 17.16 ; Apocalypse 18.2 ; Apocalypse 18.19).
La femme, c’est la Babylone de l’Apocalypse, la ville de Rome. Elle est assise sur une bête écarlate, qui porte ainsi sa livrée. Cette couleur est l’insigne de la domination (Matthieu 27.28), plutôt que la marque du sang répandu par la bête (verset 6). La bête, c’est l’empire romain d’après Apocalypse 13.1 La gloire de la ville de Rome repose sur l’empire dont elle est la capitale.
Les noms de blasphèmes déjà mentionnés Apocalypse 13.1 sont indiqués avant les têtes et les cornes, parce qu’ils représentent le crime principal de Rome, pour lequel elle va être punie (verset 2, note).
Dans la suite de la vision (verset 9), il sera expliqué au voyant ce que figurent les sept têtes et les dix cornes.
L’auteur reprend la description de la femme. Elle est vêtue de pourpre et d’écarlate et (grec) dorée d’or et de pierre précieuse et de perles : symboles de son opulence (Luc 16.19) et de sa dignité royale (Ézéchiel 28.13).
L’usage qu’elle a fait de cette coupe a déjà été indiqué Apocalypse 14.8, elle l’a présentée aux peuples et elle leur en a fait boire jusqu’à les enivrer. La coupe est pleine des abominations et des impuretés de sa fornication (A, minuscules versions Q porte : de la fornication de la terre. Codex Sinaiticus : de la fornication d’elle-même et de la terre).
La fornication désigne avant tout l’idolâtrie et le culte rendu aux empereurs (verset 2, note) ; mais la description détaillée qui en est faite pourrait renfermer aussi une allusion à la corruption des mœurs, dont la ville de Rome était un des principaux foyers.
Si les mots abominations et fornication sont souvent pris au figuré et appliqués au service des faux dieux, c’est que ce service entraînait presque toujours les souillures morales qui sont la conséquence de l’adoration de la créature.
Sur son front (Apocalypse 13.16, note) était écrit un nom, un mystère, c’est-à-dire un nom qui ne doit pas être entendu au sens propre, mais dans un sens spirituel, allégorique (Apocalypse 11.8, note) ; il constitue un mystère, qui sera révélé bientôt au voyant (verset 7).
Babylone est appelée la mère des impudiques (le mot grec peut être masculin ou féminin : on le traduit par fornicateurs ou par prostituées) et des abominations de la terre, parce que l’exemple qu’elle donne et l’influence qu’elle exerce, comme capitale de l’empire, entrains tous les peuples dans son culte idolâtre et dans sa corruption morale.
Après avoir montré Babylone qui enivrait les habitants de la terre (verset 2 ; comparez Apocalypse 11.8), Jean la voit à son tour ivre du sang des saints et des témoins de Jésus. Cette dernière image ne se rencontre pas ailleurs dans l’Écriture.
Les saints et les témoins (grec martyrs) de Jésus peuvent être les mêmes personnes désignées d’après leur condition morale et la vocation commune à tous les chrétiens d’abord, puis d’après le témoignage qu’elles eurent à rendre au sein d’un monde hostile.
Mais il se pourrait aussi que le premier de ces termes désignât les chrétiens en général, le second les apôtres Pierre et Paul, qui terminèrent leur carrière par le martyre à Rome.
Il y a en effet, dans ce verset, une allusion évidente aux persécutions exercées à Rome contre les chrétiens et spécialement aux cruelles exécutions ordonnées par Néron en 64. Celles-ci eurent du retentissement dans toute la chrétienté et le grand étonnement, dont le voyant est saisi, est comme un prolongement de la stupeur causée par ce fait terrible.
Comparer versets 3-5.
Au lieu des mots : et qu’elle reparaîtra, le texte reçu porte : quoiqu’elle soit. Ces mots ne se trouvent dans aucun document et ne sont qu’une faute de l’édition d’Erasme (15.16).
La plupart des interprètes identifient la bête qui a été et n’est plus et doit monter de l’abîme, avec la « tête blessée à mort et dont la plaie mortelle fut guérie » de Apocalypse 13.3 et avec celui des « sept rois, qui n’est plus », mais reviendra comme « le huitième » (versets 10 et 11) ; ils voient en elle Néron ressuscité (comparer Apocalypse 13.3, note).
Mais cette interprétation met une grande confusion dans les images employées :
Ce dernier trait montre que la bête, au verset 8, ne saurait être un individu, ni Néron ou l’un des Césars contemporains de l’Apocalypse, ni l’Antéchrist, mais un être collectif, l’empire romain, comme dans Apocalypse 13.1-3. Ici cependant, il ne s’agit pas de l’empire en lui-même.
Quelque graves que fussent la crise provoquée par le suicide de Néron et les guerres civiles entre les généraux qui se disputaient le pouvoir, Jean ne pouvait dire de l’empire : il était et n’est plus. D’ailleurs, au moment où il écrivait, Vespasien avait rétabli l’ordre et raffermi le trône impérial.
La bête, dans notre passage, c’est donc plus spécialement l’empire persécuteur de l’Église, tel qu’il s’était montré sous Néron, quand la ville de Rome s’était « enivrée du sang des saints et du sang des témoins de Jésus » (verset 6). Cet empire persécuteur n’est plus, car, sous les premiers successeurs de Néron, les chrétiens goûtèrent quelques années de repos ; mais il reparaîtra, la bête, qui a été et n’est plus, doit monter de l’abîme, suscitée par les puissances diaboliques (Apocalypse 9.1 et suivants).
Une persécution générale éclatera (Apocalypse 13.7 ; Apocalypse 13.15), qui sera si terrible, que les habitants de la terre s’étonneront en voyant la bête, tous ceux du moins dont le nom n’est pas écrit dans le livre de la vie (Apocalypse 13.8).
Ces derniers serviteurs de l’Agneau immolé, disciples d’un maître crucifié, savent qu’ils ne doivent pas s’étonner si le monde les hait (Matthieu 10.17 et suivants ; Matthieu 24.9 ; Jean 15.18 et suivants) et que c’est par beaucoup de tribulations qu’ils entreront dans la vie (Actes 14.22 ; Jean 16.33 ; Apocalypse 7.14).
Mais cette grande persécution sera le dernier effort de la bête : elle s’en va à la perdition. L’empire persécuteur périra des tentatives mêmes qu’il aura faites d’écraser le christianisme.
L’auteur fait de nouveau (comparez Apocalypse 13.18) appel à l’intelligence qui a de la sagesse, en vue de l’explication qu’il va donner des sept têtes de la bête. Il en donne même deux explications.
Les sept têtes figurent sept montagnes sur lesquelles la femme est assise. On ne saurait dire plus clairement que la femme (versets 1-6), c’est Rome, la ville bâtie sur sept collines.
Cette indication précise s’oppose à toutes les applications qu’on a tenté de faire de ce symbole à l’Église déchue ; elle prouve que l’auteur avait en vue l’empire et sa capitale.
Il faut remarquer aussi que cette première explication s’écarte de la signification attribuée aux quatre bêtes de Da (7.3-7) qui représentaient quatre rois (Daniel 7.17) ou royaumes (Daniel 7.23) ; ce sens devait naturellement passer aux sept têtes de la bête de l’Apocalypse, puisque ces sept têtes sont la somme des têtes des quatre animaux de Daniel 7.3-7 (comparer Apocalypse 13.1, note).
C’est à ce sens, plus conforme à la tradition, que l’auteur revient dans sa seconde explication des sept têtes (verset 10). S’il fait ce rapprochement entre les sept têtes de la bête et les sept collines de la ville de Rome, c’est qu’il a trouvé dans la coïncidence du nombre des têtes et de celui des collines l’indice auquel il a reconnu que les sept têtes ne représentaient pas sept rois gouvernant des royaumes différents, comme les quatre rois de Daniel, mais sept empereurs de Rome.
On explique ces versets de deux manières.
I. Les sept rois sont, comme les quatre rois de Daniel 7.17 ; Daniel 7.23, des royaumes, des empires, qui occupent successivement la scène de ce monde. On en établit la nomenclature comme suit (Kübel) : Assyrie (Nemrod), Babylone (Nébucadnetsar) Mèdes et Perses (Cyrus), Grèce (Alexandre), Syrie (Antiochus Épiphane). Voilà les cinq qui sont tombés. On remarque que ce terme s’entend mieux de l’écroulement d’un empire que de la mort d’un empereur (Apocalypse 14.8 ; Apocalypse 16.19 ; Apocalypse 18.2).
Le sixième, qui est, serait l’empire romain, qui était encore debout et dominait sur tout le monde connu au temps où écrivait Jean.
Le septième roi, qui n’est point encore venu et qui, quand il sera venu, ne doit rester que peu de temps est très diversement interprété, on se refuse même à l’interpréter (Kübel).
Enfin le huitième, c’est l’Antéchrist, dont le règne, encore à venir, précédera la fin. Il reproduira les caractères du sixième empire, de l’empire romain, tel qu’il s’est montré sous Néron, dont l’Antéchrist sera la réincarnation. C’est pourquoi le huitième roi est identifié (verset 11) avec la bête qui était et qui n’est plus et désigné comme l’un des sept.
Cette interprétation étend le tableau prophétique de manière à lui faire embrasser tout le cours de l’histoire jusqu’à la fin des temps ; elle évite d’attribuer à Jean une erreur de perspective, d’après laquelle il aurait attendu la fin de l’empire et du monde dans un avenir prochain.
Mais elle donne lieu à bien des objections :
II. Nous sommes ainsi conduits à voir dans les sept rois sept empereurs romains.
Pour les cinq qui sont tombés, les interprètes s’accordent généralement à les énumérer comme suit : Auguste, Tibère, Caligula, Claude et Néron.
Pour le sixième, les opinions divergent. Plusieurs y voient le successeur immédiat de Néron, Galba, qui régna du 9 juin 68 au 15 janvier 69. Ce serait pendant le court règne de cet empereur que l’Apocalypse aurait été écrite.
Le septième roi, qui ne doit rester que peu de temps, serait Othon ou Vitellius, les compétiteurs de Galba.
Enfin Jean aurait attendu comme le huitième, Néron, reparaissant après sa retraite chez les Parthes ou ressuscité des morts, selon la forme de cette fable populaire à laquelle il se serait attaché. Ce huitième roi, c’est la bête qui était et qui n’est plus et dont on peut dire qu’elle était l’un des sept, puisqu’il avait déjà régné comme le cinquième de la série.
Ceux qui ne peuvent admettre que l’auteur de l’Apocalypse ait cru à l’absurde fable du retour de Néron, enfantée par la superstition populaire, pensent qu’il substitue à cette fable la prophétie de l’avènement de l’Antéchrist, dont Néron aurait été le prototype (Apocalypse 13.3, note).
Mais toute l’hypothèse de la composition de l’Apocalypse sous Galba, qui serait le sixième roi nous paraît extrêmement contestable.
D’après le texte, ce sixième roi, sous lequel l’auteur écrit a eu un règne d’une durée normale. C’est son successeur qui ne doit rester que peu de temps. Le règne de Galba ne présente pas un tel contraste avec les règnes de ses deux compétiteurs, soit Othon soit Vitellius. Et surtout, il nous semble inadmissible que Jean ait annoncé que le retour de Néron, ou l’avènement de l’Antéchrist, aurait lieu immédiatement après le règne de Galba. L’événement aurait démené sa prophétie. Lui-même eût pu le constater, puisqu’il vécut encore une trentaine d’années ; et dès lors aurait-il laissé circuler un livre qui reposait en grande partie sur une erreur ? Il est beaucoup plus naturel de supposer que, dans l’énumération des empereurs, il ne tient pas compte de l’interrègne qui suivit la mort de Néron et pendant lequel l’empire romain lui parut comme la bête qui a reçu une blessure mortelle (Apocalypse 13.3, note). Le sixième roi, c’est pour lui Vespasien, le restaurateur de la puissance impériale.
Le septième, c’est Titus, qui ne devait régner que peu de temps et le huitième ? Domitien. Le caractère sombre, cruel, ambitieux de ce second fils de Vespasien s’était affirmé dans la lutte contre Vitellius où, comme le dit Suétone (Domitien 1) ;
il avait déployé dans l’exercice du pouvoir tant de licence et de violence qu’il avait montré déjà ce qu’il devait être.
Le même historien (Titus 9) rapporte que Domitien ne cessait de dresser des embûches à son frère Titus. Guidé par ces indices, éclairé aussi par l’esprit prophétique, Jean pouvait fort bien avoir eu l’intuition, dès le commencement du règne de Vespasien, que Titus, son fils aîné, n’occuperait pas longtemps le trône et que son successeur, Domitien, serait un nouveau Néron, un tyran cruel et persécuteur.
Une circonstance confirmait à ses yeux ce pressentiment : Domitien serait un huitième empereur ; il dépasserait donc la série des sept empereurs destinés par Dieu à l’empire, preuve certaine qu’il serait une incarnation satanique de la bête elle-même, de l’empire persécuteur, tel qu’il était sous Néron, tel qu’il n’est plus pour le moment, mais tel qu’il reparaîtra (comparer verset 8, note). Cet empire, il l’identifie avec le huitième empereur qu’il désigne comme la bête au sens absolu. Il dit d’elle : elle est des sept.
On invoque surtout cette parole pour prouver qu’il croyait au retour de Néron. Elle peut signifier : « elle est du nombre des sept ». Comparer Actes 21.8. Mais si Jean avait voulu rapporter un fait aussi inouï que la réapparition de l’un des empereurs défunts, n’aurait-il pas dû dire plus explicitement : elle est l’un des sept ; tandis que l’expression employée, dans laquelle se trouve une préposition marquant la provenance, signifie plutôt que l’empereur en qui la bête est incarnée est de la lignée des sept, qu’il procède d’eux, qu’il possède leur caractère leur dignité.
Enfin Jean ajoute : Elle s’en va à la perdition, voulant indiquer par là que Domitien serait le dernier des empereurs et que l’empire finirait avec lui, parce que le Seigneur reviendrait pour anéantir toute puissance opposée à la sienne et assurer le triomphe de son Église.
Dans cette dernière prédiction, nous trouvons le même défaut de perspective qu’on constate dans la plupart des prophéties de l’Ancien et du Nouveau Testament. Les voyants confondaient les diverses phases du tableau dans lequel l’avenir leur était révélé ; ils apercevaient, comme se succédant immédiatement des faits qu’un intervalle de plusieurs siècles devait séparer. C’est par une erreur semblable que les deux premiers évangélistes, omettant « les temps des nations » (Luc 21.24), font dire à Jésus que son retour glorieux aurait lieu « aussitôt après » la ruine de Jérusalem par les Romains (Matthieu 24.29 et suivants ; Marc 13.24 et suivants).
Jean, qui, avec toute l’Église primitive, croyait à l’imminence du retour de Christ, pouvait fort bien l’attendre sous le règne de Domitien. L’espérance qu’il nourrissait et par laquelle il releva le courage des Églises persécutées, renfermait une part de vérité. L’événement l’a confirmée, en ce sens que la victoire finale est demeurée à l’Église, que les puissances hostiles, si formidables qu’elles fussent, ont été anéanties et que l’empire romain s’en est allé à la perdition par l’action même des empereurs qui ont tenté d’extirper le christianisme en le persécutant (comparer verset 8, note).
Les dix cornes de la bête (Apocalypse 13.1 ; Apocalypse 17.3) avaient besoin d’être expliquées, comme les sept têtes.
L’explication que l’auteur en donne est obscure. Ce sont dix rois, dit-il. S’ils sont représentés par des cornes et non par des têtes, c’est qu’ils n’ont pas encore reçu de royaume, mais seulement un pouvoir royal, une autorité comme des rois, pour une heure, avec la bête.
Les interprètes qui ont vu dans les sept rois une succession de royaumes considèrent de même les dix cornes, d’après Daniel 7.24, comme dix royaumes qui s’élèveront successivement.
Mais dans la suite du tableau de l’apocalypse les dix rois paraissent être contemporains de la bête, à laquelle ils confèrent le pouvoir (verset 13) et avec laquelle ils s’allient pour faire la guerre à l’Agneau et enfin pour détruire Rome.
Il paraît donc plus conforme aux données du texte d’admettre que Jean a vu en eux dix lieutenants impériaux, ou les proconsuls qui étaient à la tète des dix provinces sénatoriales et qui étaient renouvelés d’année en année.
C’est pour cela qu’il dit d’eux : ils reçoivent autorité comme des rois, avec la bête, pour une heure. S’il les appelle des rois qui n’ont pas encore reçu de royaumes, il ne veut pas dire qu’ils sont tous destinés à en recevoir. Mais il avait vu trois de ces lieutenants impériaux revêtir la pourpre ; il pouvait donc les considérer tous comme des candidats éventuels au trône.
Les gouverneurs de province (note précédente), au lieu de chercher à conquérir le pouvoir suprême chacun pour son compte, ont, par une dispensation de Dieu (verset 17), un même dessein ; ils s’accordent entre eux pour élever sur le trône Domitien ; ils donnent leur puissance et leur autorité à la bête.
Les lieutenants de l’empereur dans les provinces ordonnèrent et dirigèrent souvent les persécutions contre les chrétiens, comme le montre, entre autres, la célèbre correspondance de Pline le Jeune avec l’empereur Trajan.
L’apôtre voit en eux les principaux agents de la grande persécution finale ; mais ils n’atteindront pas leur but (versets 8 et 11, notes) ; l’Agneau les vaincra, car il est le Seigneur des seigneurs et le Roi des rois et il a pour alliés des appelés et des élus et des fidèles, qui tiendront bon jusque dans la mort (Apocalypse 2.10).
Et il me dit : c’est l’ange qui a parlé au voyant, depuis verset 7 et lui a expliqué le mystère de la femme et de la bête qui la porte.
Dans versets 8-14, il a dit surtout ce qui concernait la bête, il en vient maintenant à la femme. Les eaux sur lesquelles elle est assise (verset 1, 3e note) représentent les peuples divers sur lesquels Rome a étendu sa domination.
Après avoir rappelé la puissance de Rome (verset 15), l’ange annonce sa ruine : elle aura pour auteurs les dix cornes et la bête, c’est-à-dire les dix gouverneurs qui se sont conjurés pour faire Domitien empereur et qui marcheront avec lui contre Rome. Ils la réduiront en désert (comparez verset 3, 1re note), et la consumeront par le feu, renouvelant, en l’aggravant, l’exploit de Néron, qui avait incendié sa capitale.
Ils ne sont que les exécuteurs du plan de Dieu. C’est Dieu qui a créé entre ces ambitieux, naturellement rivaux, l’accord admirable grâce auquel ils ont un même dessein : donner leur royaume à la bête.
Mais le règne de celle-ci subsistera seulement jusqu’à ce que les paroles de Dieu, c’est-à-dire les prophéties relatives à la chute de Babylone (Apocalypse 18), soient accomplies.
Ce verset donne enfin la clef du « mystère de la femme », verset 7.
La grande ville qui a la royauté sur les rois de la terre est une périphrase par laquelle les écrivains du temps, païens ou Juifs, désignaient Rome. Cette désignation, si catégorique, s’oppose aux hypothèses de ceux qui voient dans la femme l’Église déchue.