Verset à verset Double colonne
Ne vous laissez pas séduire par l’erreur, car toutes choses se trouvent en Christ
Les Églises doivent connaître le grand objet que Paul a en vue dans ses travaux et ses combats : c’est qu’elles soient affermies en la foi, bien unies dans la charité, connaissant toujours mieux le mystère de l’Évangile, qui renferme toute vérité (1-3).
Il parle ainsi, afin que ses lecteurs ne se laissent pas séduire ; car présent ou absent, il se réjouit de leurs progrès. Qu’ont-ils à faire ? Comme ils ont reçu et appris Christ, qu’ils restent enracinés et fondés en lui et qu’ils rendent grâces à Dieu (4-7).
Qu’ils ne soient pas séduits par de faux systèmes, car en Christ est la plénitude de la divinité et eux-mêmes ont part à cette plénitude (8-11).
C’est en Christ qu’ils ont part à toute l’œuvre de salut que Dieu accomplit en eux et pour eux ; en eux par la vraie circoncision, par leur renouvellement moral, les ayant ressuscites, vivifiés avec Christ, leur ayant accordé le pardon de leurs péchés ; pour eux, il a détruit l’obligation de la loi qui les condamnait ; il l’a clouée à la croix et a triomphé de tous leurs ennemis (12-15).
Paul venait de parler, d’une manière générale, du travail et des combats de son apostolat (Colossiens 1.29). Il désire spécialement que les Églises de Colosses, de Laodicée, qu’il n’avait pas fondées lui-même et tous ceux qui, dans ces Églises et ailleurs, n’ont pas vu son visage en la chair, ne le connaissent pas personnellement, sachent aussi qu’il soutient pour eux un grand combat et les entoure de sa vive sollicitude et de ses prières (comparer : Colossiens 4.12 ; Romains 15.30).
Ces Églises, n’ayant point été fondées ni affermies par l’apôtre, étaient d’autant plus accessibles aux séductions de l’erreur. La tendre sollicitude que Paul leur exprime ici était bien propre à ouvrir les cœurs aux exhortations qui vont suivre.
Il nomme spécialement l’Église de Laodicée, où cette lettre devait être lue (Colossiens 4.16), peut-être parce qu’il la croyait exposée aux plus grands dangers. Quoi qu’il en soit, une mère de famille réserve ses soins les plus tendres aux enfants les plus faibles ; il en doit être ainsi des pasteurs à l’égard des membres malades de leurs troupeaux.
Ou « exhortés », affermis. Le mot grec signifie également : consoler et exhorter (1 Thessaloniciens 3.2 ; 2 Thessaloniciens 2.17).
L’objet des combats intérieurs (verset 1) et des prières de l’apôtre était donc que les chrétiens fussent affermis dans la foi, étroitement unis dans l’amour et toujours plus enrichis d’une pleine certitude.
Ces trois grâces de Dieu, qui embrassent toutes les facultés de l’homme pour les sanctifier, se développent parallèlement dans la communion avec le Sauveur ; mais aussi l’erreur a toujours l’effet directement opposé : elle ébranle la foi, désunit les chrétiens et appauvrit l’intelligence. De là les craintes et les ardentes prières de Paul.
Ces mots d’une surabondante énergie : toute la richesse d’une pleine certitude d’intelligence, expriment admirablement la plénitude de la vérité divine, reçue, comprise, à la fois par l’intelligence et par l’expérience vivante du cœur (verset 3, note).
Le grand objet de la connaissance ou de l’intelligence chrétienne, c’est le mystère de la rédemption que Paul annonçait (Colossiens 1.26-27 ; Colossiens 4.3 ; comparez Éphésiens 1.9 ; Éphésiens 3.4-9 ; Éphésiens 6.19, note ; 1 Timothée 3.16, note).
D’après le texte reçu, ce mystère serait désigné comme mystère du Dieu et Père et de Christ, marquant le rapport mutuel et la participation simultanée du Père et du Fils dans l’œuvre de la rédemption.
Mais on trouve encore dans les divers manuscrits les plus importants les variantes qui suivent : de Dieu et de Christ ; de Dieu Père de Christ, de Dieu qui est Christ, de Dieu Christ et enfin simplement de Dieu.
Les critiques se sont tour à tour décidés pour l’une ou l’autre de ces leçons, mais sans que les raisons d’aucun d’eux soient parfaitement concluantes, ce qui, du reste, importe assez peu pour la pensée de l’apôtre (voir la note suivante).
Ou « de la connaissance ».
Dans lequel se rapporte au mystère du verset précédent ; d’autres interprètes qui lisent Christ à la fin de ce verset proposent d’y rapporter dans lequel ; cela revient absolument au même, puisque la substance du mystère, c’est « Dieu manifesté en chair », en d’autres termes, la personne de Christ et son œuvre.
C’est dans ce mystère que sont cachés tous les trésors de la sagesse et de la science (voir sur ces deux mots que l’apôtre réunit très souvent Colossiens 1.9 ; 1 Corinthiens 12.8, note ; Éphésiens 1.17, note), ce qui ne veut pas dire que ces trésors soient inaccessibles à l’homme, puisque l’Évangile n’a d’autre but que de l’en mettre en possession.
Mais ce mot cachés signifie certainement que cette sagesse et cette science échappent à celui qui ne veut pas renoncer à sa propre sagesse, ou qui prétend puiser à d’autres sources la science du salut. Le soleil, même dans toute sa splendeur, n’éclaire pas l’aveugle (comparer 1 Corinthiens 2.7, note).
« Ces choses restent cachées aux sages et aux intelligents et Dieu les révèle aux petits enfants » (Matthieu 11.25).
L’âme qui sait lire dans ce livre profond, Dieu en Christ, y découvre bientôt la vraie science et se trouve placée au vrai point de vue pour apercevoir et saisit de là toute vérité, soit divine, soit humaine, aussi bien que tous les développements qui peuvent en ressortir. Ce livre s’ouvre à l’humilité, la foi le lit, l’amour le comprend.
Ce passage réfute, du reste, abondamment tous les genres de fanatisme qui s’imaginent pouvoir attendre une révélation de Dieu plus haute, plus vaste que celle qui a eu lieu en Christ, c’est-à-dire au siècle du Saint-Esprit. Tout ce que le Saint-Esprit révèle, il le prend de ce qui est à Christ (Jean 16.15), car en lui sont cachés tous les trésors de la sagesse et de la science.
Grec : « Que personne ne vous paralogise, ne vous trompe par des paralogismes, par de faux raisonnements, fondés en apparence sur la vérité chrétienne ; et par des discours persuasifs, qui pourtant ne sont pas puisés dans la sagesse et la science » (verset 3. Comparer 1 Corinthiens 2.4).
Par ces mots : Or je dis ceci, l’apôtre entend ce qu’il vient d’exprimer (versets 1-3), et c’est ainsi qu’il passe à la mention des erreurs qu’il a en vue.
La particule car qui lie ce verset à ce qui précède, indique que le motif de toute cette sérieuse exhortation est dans la vive sollicitude que Paul éprouve pour ceux dont il est séparé, étant absent de corps (verset 1) ; il n’en prend pas moins part à tout ce qui regarde leur état spirituel comme s’il était au milieu d’eux. Il y est en effet par la communion de son esprit avec eux et dans cette communion, il se réjouit au sujet de tous ceux qui sont restés fermes en la foi.
Votre ordre est un mot emprunté au service militaire, c’est l’ordre de bataille qui consiste dans les rangs serrés des combattants.
Le mot que nous traduisons par fermeté signifie proprement fortification, forteresse.
Souvent l’apôtre en appelle à l’expérience personnelle que les chrétiens ont faite de la vérité évangélique pour les y affermir davantage (Galates 3.1 et suivants ; Éphésiens 1.13 ; Éphésiens 2.11 et suivants ; Éphésiens 4.20 et suivants ; 1 Thessaloniciens 2.13).
Ce qu’ils ont reçu, ce qui leur a été enseigné, ce n’est pas un système religieux sur Christ, ou la doctrine de Christ, mais Christ lui-même (verset 6 ; comparez Éphésiens 4.20-24), Christ tout entier, ce qui est ici exprimé par tous ses noms dans leur pleine signification : le Christ, Jésus, le Seigneur (verset 6).
Mais cela ne suffit pas à l’apôtre ; dans son ardent désir de voir ses frères préservés de l’erreur, il accumule ici tous les termes qui peuvent exprimer leur affermissement et leurs progrès en Christ.
Marcher en lui, par la communion avec lui et par la conduite de chaque jour ; être enracinés et fondés en lui (voir sur cette double image Éphésiens 3.18) et ainsi affermis par la foi, qui est le lien de notre union avec lui (le texte reçu dit : affermis dans la foi ; cette leçon a pour elle d’importants manuscrits et est adaptée par beaucoup d’exégètes) ; enfin abonder en lui, faire de continuels progrès dans sa communion (d’autres, selon la variante du texte reçu, traduisent : en elle, la foi ; d’autres enfin lisent : « abondant dans l’action de grâces ») ; tout cela inspire à l’âme une joyeuse reconnaissance, qui s’exprime par des actions de grâces.
Grec : « Prenez garde qu’il n’y ait quelqu’un qui vous emmène comme une proie par la philosophie et une vaine tromperie ».
C’est cette vaine tromperie même que l’apôtre a en vue en parlant des fausses spéculations décorées par leurs auteurs du nom pompeux de philosophie.
Ces deux termes, dont l’un explique l’autre, n’expriment qu’une seule et même idée. Paul, en effet, ne veut pas condamner, sous le nom de philosophie, toute recherche spéculatives de la vérité, tout effort de l’intelligence humaine pour arriver à une solution plus complète des grandes questions qui s’imposent forcément à elle. Il ne veut sûrement pas non plus réprouver le désir et le besoin qu’a la pensée chrétienne de se rendre compte des vérités et des faits de la révélation, afin de se les approprier toujours plus entièrement.
Mais que des hommes qui professent d’admettre cette révélation rejettent par incrédulité ou par orgueil ce qui en fait l’essence, le mystère de l’incarnation et de la rédemption (verset 2), et veuillent substituer dans les Églises leur sagesse et leur science à celles dont tous les trésors sont renfermés dans ce mystère (verset 3), voilà la vaine tromperie contre laquelle Paul met en garde les croyants. Il s’oppose énergiquement à ces chrétiens judaïsants (voir l’introduction à cette épître) qui, amalgamant les traditions de leur cabale avec les données de la spéculation païenne et avec certaines vérités du christianisme, construisaient de tout cela un système théosophique qu’ils estimaient plus élevé et plus profond que le simple Évangile. Ce système reposait tout entier sur les éléments du monde (voir pour le sens de ce terme Galates 4.3, note) et non sur Christ.
Il reste vrai encore, aujourd’hui comme alors, que toute sagesse et toute philosophie qui, pour accommoder le christianisme à ses vues, en retranche le mystère de la crèche de Bethléhem et de la croix du Calvaire et ne fait ainsi que l’obscurcir et le dénaturer, mérite l’épithète sévère de vaine tromperie, surtout si une telle philosophie prétend se substituer à l’Évangile dans l’Église (comparer pour le développement de la même pensée de l’apôtre 1 Corinthiens 1.22-28, notes).
Ce verset et ceux qui suivent motivent l’exhortation du verset 8 (car) et c’est pourquoi l’apôtre ne craint pas de revenir à une pensée déjà exprimée au sujet de la personne de Christ (Colossiens 1.18 ; Colossiens 1.19). « Prenez garde de vous laisser séduire par de fausses spéculations, puisque vous avez tout en Christ » (verset 10).
La plénitude de la divinité (comparez Colossiens 1.19) ne peut exprimer que tout l’ensemble des attributs et des perfections de Dieu, ce que saint Jean appelle « sa gloire ».
Cette plénitude divine habite (non pas a habité) corporellement en Christ, c’est-à-dire essentiellement, substantiellement ; bien plus, elle a pris un corps en Jésus-Christ. En d’autres termes et pour parler avec saint Jean, « la Parole a été faite chair et nous avons vu sa gloire, la gloire de l’Unique-né du Père » (Jean 1.14). En Christ, la divinité, unie à un homme doué d’un corps et d’une âme, a formé avec lui un seul être, en qui elle habite encore corporellement, maintenant que cet Être est glorifié (Philippiens 3.21).
Elle est apparue en lui, non d’une manière symbolique, comme jadis dans le temple ou sur l’arche de l’alliance, mais en réalité ; non par ses influences sur lui, mais par une union personnelle avec lui ; non pour un temps seulement, mais d’une manière permanente. Cette vérité, ou plutôt ce fait, forme le contraste le plus absolu avec les erreurs gnostiques, docétiques, ariennes, sociniennes, qui se sont, tour à tour, produites dans la manière de concevoir la personne de Jésus-Christ et est également opposé au naturalisme et au panthéisme païens.
Cette version rend bien la pensée de l’apôtre et motive l’avertissement du verset 8. Mais l’original est plus expressif encore ; il porte « Vous êtes en lui remplis », mot formé de la même racine que celui de plénitude (verset 9).
Par son union vivante avec Christ, le croyant devient moralement et spirituellement participant de la plénitude de la divinité qui habite en Christ (Jean 1.16 ; Éphésiens 3.19). C’est pourquoi cette union avec le Sauveur par la foi peut seule remplir tous les besoins de notre âme (Jean 4.13-14 ; Jean 6.35).
Comparer Colossiens 1.16, note ; Éphésiens 1.21 ; Éphésiens 1.22, note.
La circoncision, à laquelle les docteurs judaïsants de Colosses attachaient sans doute une haute importance, mais sans en reconnaître la signification spirituelle, était le symbole de la purification de la chair, du renouvellement de l’homme pécheur.
Tout cela se réalise dans le croyant par son union vivante avec Christ, sans que le signe opéré par la main des hommes soit encore nécessaire. Cette régénération de notre être entier par le dépouillement du vieil homme, que l’apôtre appelle ici le corps de la chair et par la naissance de l’homme nouveau, est plus complètement développée Colossiens 3.9 ; Colossiens 3.10 et dans sa causalité intime, ici même, verset 12.
Le texte reçu porte : « le corps des péchés de la chair » ; les mots soulignés, non authentiques ici, ont été empruntés à Romains 6.6, où l’idée est à peu près la même (voir la note).
C’est ce renouvellement moral, dont la circoncision était l’image, que Paul appelle circoncision de Christ, parce que c’est lui qui l’opère.
Toute cette profonde pensée : le chrétien enseveli avec Christ par le baptême et ressuscité avec lui, par la même puissance de résurrection et de vie qui a ramené Christ d’entre les morts, se trouve développée Romains 6.1-11 (voir les notes et comparez Éphésiens 2.6).
Seulement l’apôtre indique ici le moyen qui nous unit personnellement à Christ, de manière que cette transformation de notre être en lui ne soit pas seulement une image, une idée, mais une vivante réalité ; ce moyen, c’est la foi ; cette foi, à son tour ; n’est point une notion de l’intelligence, mais une opération de Dieu en nous. C’est ainsi qu’il faut entendre ces mots : la foi de l’efficace de Dieu, mots que Luther traduit : « la foi que Dieu opère ». Bengel, Olshausen, de Wette adoptent ce sens (comparer Colossiens 1.29 ; Éphésiens 1.19 ; Éphésiens 3.7 ; Philippiens 3.21).
D’autres interprètes Chrysostome, Meyer, Oltramare, préfèrent le sens exprimé dans la version d’Ostervald : « la foi que vous avez en la puissance de Dieu ».
Il faut remarquer encore que Paul, en substituant ici le baptême chrétien à la circoncision juive (versets 11 et 12), en nous montrant dans le premier la réalisation spirituelle de la seconde, autorise assurément le rapport souvent établi entre ces deux signes d’admission à l’alliance de grâce, bien que ce rapport ait été nié de nos jours et nié plutôt dans un intérêt dogmatique relatif au baptême que par une connaissance approfondie du sujet.
Grec : « Dans le prépuce de votre chair », n’ayant pas même, comme païens, reçu le signe extérieur de la circoncision, étant étrangers au peuple de Dieu (Éphésiens 2.12), ce qui rend d’autant plus grande la grâce qui vous a été faite.
Voir sur la pensée de ce verset Éphésiens 2.1 ; Éphésiens 2.5-6, notes.
« Il vous a vivifiés avec lui », lui désigne Jésus-Christ ; le sujet de cette proposition, comme aussi des suivantes jusqu’au verset 15, c’est Dieu.
Le pardon des offenses, de tous les péchés, est noté ici et partout dans l’Écriture, aussi bien que dans l’expérience de tous les chrétiens, comme le point de départ, la source de la vie nouvelle. Et cela est dans la nature des choses. Paul écrit : « nous ayant pardonné » (et non : vous, comme dit le texte reçu), se considérant lui-même et tous les chrétiens comme les objets de ce pardon.
Cette manière fait mieux sentir l’étendue et la grandeur du pardon de Dieu.
Grec : « Il l’a ôtée du milieu, l’ayant clouée à la croix ».
Cette obligation contre nous et qui nous était contraire, c’est la loi ; Paul l’indique clairement en rappelant ces ordonnances (grec : « ces dogmes, décrets », verset 20, note), ces commandements qui nous condamnaient, parce que nous les avons tous violés. Dieu a effacé cette obligation ; comment il l’a fait, par quel acte surtout, c’est ce que Paul indique assez par cette énergique figure : il l’a clouée à la croix (comparer pour la pensée générale Éphésiens 2.15, note).
Il a vaincu toutes les puissances des ténèbres qui s’opposent à son règne. C’est ainsi qu’il faut entendre ces principautés et autorités (1 Jean 3.8. Comparer Éphésiens 6.12).
Il les a dépouillées de leur puissance et exposées, non seulement en spectacle, mais à la honte, à l’ignominie (comparer Matthieu 1.19 ; Hébreux 6.6, où se trouve le même verbe grec). Et ce triomphe sur elles, il l’a remporté en et par la croix de son Fils.
Nous traduisons : en la croix, bien qu’il n’y ait ici qu’un pronom (en elle, la croix du verset 14) ; d’autres traduisent : en lui (Christ), avec moins de raison.
Nul donc n’a le droit de vous juger au sujet de la loi cérémonielle ; ce n’est là que l’ombre, la réalité est en Christ (16, 17).
Ne vous laissez pas enlever le prix par une fausse humilité, par un faux culte, selon les visions de ceux qui sont enflés d’orgueil, qui ne retiennent pas le Chef (la tête), en qui tout le corps, bien uni, grandit par la puissance de Dieu (18, 19).
Vous qui êtes morts avec Christ aux éléments du monde, pourquoi vous asservir à des préceptes, des interdictions, des ordonnances humaines, qui n’ont que l’apparence de la sagesse, de l’humilité, de la dévotion, par la mortification du corps (20-23).
Par ces mots l’apôtre, après avoir exposé sa doctrine de la personne de Christ et de son œuvre (versets 9-15), revient à l’exhortation directe, commencée à. verset 8, contre les erreurs qui menaçaient d’envahir l’Église de Colosses. Il conclut (donc) du fait que la loi a été abolie par la croix de Christ (verset 14) et que nous avons tout pleinement en lui (verset 10), que personne ne doit voir dans l’observation de préceptes et de règles ascétiques la marque de la piété et de la vie chrétienne (versets 16-21).
Quant à la nature des erreurs que Paul combat, les versets suivants ne la déterminent pas clairement, parce que cela n’était pas nécessaire pour des lecteurs qui les connaissaient très bien. Il est évident, toutefois, que Paul a en vue des docteurs judaïsants, qui unissaient un faux spiritualisme à une légalité servile, également contraires à la vérité et à la liberté chrétiennes (voir les notes qui suivent et comparez verset 8, note, ainsi que l’introduction à cette épître).
Qu’il s’agisse ici des prescriptions mosaïques, c’est ce que montre évidemment verset 17. Mais le but des faux docteurs n’était pas, comme précédemment chez les Galates et ailleurs, d’imposer la loi de Moïse aux chrétiens d’origine païenne, comme une condition de leur salut ; ils prétendaient enseigner une sainteté supérieure qui consistait dans l’observance de certains préceptes et il paraît qu’ils ne s’en tenaient pas même aux dispositions légales de l’Ancien Testament ; car, tandis que la loi renfermait des directions sur les aliments (Lévitique 7.10 et suivants ; Lévitique 11.1 et suivants), on n’y trouve point de règles relatives aux boissons, si ce n’est dans le vœu du naziréat (Nombres 6.3).
C’était donc à quelque système juif ou païen, à tendance ascétique et dualiste, que les faux docteurs empruntaient leurs idées à cet égard. Quelques interprètes pensent à la secte des Esséniens, qui vivaient retirés du monde dans des couvents au bord de la mer Morte. Mais il n’est nullement prouvé que leur influence se soit étendue jusqu’en Asie Mineure. Quoi qu’il en soit, l’apôtre rejette, comme contraires à la liberté évangélique, ces règles humaines qui devaient nécessairement ramener les âmes sous le joug de la légalité ou les entretenir dans une spiritualité trompeuse (comparer 1 Timothée 4.3 ; Hébreux 13.9). Paul traite ailleurs (Romains 14) la même question à un point de vue tout différent.
L’apôtre désigne trois espèces des fêtes juives : d’abord, les grandes solennités de Pâques, de Pentecôte et des Tabernacles ; puis les fêtes mensuelles (nouvelle lune, Nombres 28.11-15) et enfin les sabbats ordinaires (comparer Romains 14.5 ; Romains 14.6 ; Galates 4.10).
S’il s’agit ici de la simple observation des sabbats ordinaires, l’apôtre la rangeait au nombre de ces institutions judaïques à l’égard desquelles le chrétien est entièrement libre. Telle est l’opinion la plus généralement admise par les interprètes modernes, même par des hommes pleins de foi, Gerlach, Olshausen, Neander.
Calvin lui-même écrit dans son commentaire sur ce passage :
Mais dira quelqu’un, nous retenons encore quelque observation de jours. Je réponds, que nous ne gardons point les jours, comme s’il y avait quelque religion ou sainteté des jours de fête, ou comme s’il n’était loisible de travailler en eux : mais qu’on a égard à la police et à l’ordre et non pas aux jours.
Il est certain que le sabbat juif ne peut subsister avec l’Évangile et la liberté chrétienne. Comme tous les moyens de grâce, l’institution divine et permanente d’un jour de repos est pour le chrétien un privilège et non une obligation légale.
Grec : « Le corps est de Christ ». C’est-à-dire la réalité (par opposition à l’ombre) vient de Christ, lui appartient, se trouve tout entière dans sa personne et dans son œuvre.
L’ombre, l’image, était vraie, exacte, mais en soi-même de nulle valeur sans le corps qu’elle devait révéler, auquel elle devait conduire.
Telles sont toutes les institutions de l’ancienne alliance dans leur relation avec la nouvelle (comparer Jean 1.17 ; Hébreux 8.5 ; Hébreux 9.8-9 ; Hébreux 10.1).
Le verbe employé par l’apôtre est composé d’un substantif qui désigne l’arbitre des combats, le juge des jeux et ce verbe signifie décider contre quelqu’un, lui refuser le prix, le condamner. Tel est le rôle que Paul attribue aux faux docteurs ; ils agissent ainsi « voulant » (le faire), ou bien (en reliant le mot à ce qui suit) « prenant plaisir à l’humilité et à un culte des anges ».
D’autres traduisent : « Que personne ne s’établisse de sa propre volonté juge du prix » (verset 16), et cela, « par un esprit de (fausse), humilité et par un culte rendu aux anges ».
Le sens des deux versions est à peu près le même.
L’erreur peut enlever au chrétien le prix de la course (1 Corinthiens 9.24 ; Philippiens 3.14), et le danger, à Colosses, en était d’autant plus grand que cette erreur se présentait sous les apparences d’une fausse humilité, qui consistait à ne vouloir pas s’adresser à Dieu directement, mais par l’intermédiaire des anges, auxquels on était ainsi conduit à rendre un culte idolâtre. Ce culte des anges avait à sa base des spéculations philosophiques, comme le prouvent les paroles qui suivent (voir l’Introduction).
Ce qui montre combien l’avertissement de l’apôtre était fondé et nécessaire, c’est que ce culte des anges se perpétua dans l’Asie Mineure, surtout en Phrygie et en Pisidie, au point que le concile de Laodicée, en 364, dut interdire aux Églises l’usage d’adresser des prières aux anges.
Dans les mystères du monde des esprits, dont Dieu ne nous a révélé que ce qui peut nous servir d’avertissement, ou nous inspirer du courage pour tendre vers la perfection.
Plusieurs manuscrits de la plus grande autorité omettent dans cette phrase la particule négative, en sorte qu’il faudrait traduire : « Pénétrant, scrutant des choses qu’il a vues », mais qu’il a vues dans ses visions fantastiques. Ce mot ainsi employé renferme une ironie, tandis qu’ailleurs il a son sens sérieux (Apocalypse 1.2 ; Apocalypse 9.17). Cette variante est mieux autorisée que celle du texte reçu.
Grec : « Enflé par l’entendement de sa chair », c’est-à-dire sa raison influencée par la chair et non éclairée par l’Esprit de Dieu. Et dès lors enflé follement, ou sans raison. Il n’est pire orgueil que celui qui se voile sous une fausse humilité, ou s’alimente d’une spiritualité fantastique.
Les faux docteurs de Colosses ne professaient point d’avoir rejeté Jésus-Christ ; autrement, ils n’eussent plus exercé aucune influence et Paul n’aurait pas pris la peine de les combattre ; mais, comme toute erreur essentielle nous éloigne de Christ, nous le voile, celle qu’ils prêchaient les avait déjà séparés du Chef, dans la communion duquel seul le corps et les membres peuvent posséder la vie et se développer (voir sur l’ensemble de ce passage Éphésiens 4.15 ; Éphésiens 4.16, note).
On peut traduire aussi : « bien uni au moyen des jointures et ligaments, dont il est abondamment pourvu ».
Un accroissement de Dieu, c’est, suivant les uns, le développement de la vie intérieure que Dieu lui-même opère, dont il est l’auteur et la source. D’après d’autres, ce serait l’accroissement « agréable à Dieu » (Calvin) « que Dieu demande » (Oltramare), comme les œuvres de Dieu (Jean 6.28), ce qui s’accorderait mieux avec le commencement du verset, où Paul a déjà indiqué la source de laquelle le corps tire son accroissement, savoir Jésus-Christ, le Chef.
Comparer sur cette mort du chrétien avec son Sauveur Colossiens 2.12 ; Romains 6.1-11 ; Galates 6.14.
Et sur ce terme, les éléments du monde, verset 8 et Galates 4.3, note.
Ces éléments du monde, dont Dieu s’était servi dans sa loi, durant l’enfance de son peuple, devaient conduire ce dernier à de plus hautes vérités ; y retourner après que l’Évangile a donné la réalité, la vie qu’ils préfiguraient, c’est retomber dans la servitude. Cette rechute s’est vue et se voit encore partout où Christ est voilé par d’autres moyens de salut, partout où d’autres médiateurs que lui viennent se placer entre Dieu et nous.
Grec : « Pourquoi êtes-vous encore dogmatisés, comme si… » L’apôtre emploie ce terme pour rappeler les ordonnances qu’il a présentées au verset 14 comme abolies par la mort de Christ ; ces ordonnances se nomment en grec des dogmes.
Ce dernier mot n’a jamais, dans l’Écriture, le sens qu’il a reçu depuis dans le langage ecclésiastique : il vaudrait la peine de s’en souvenir (comparer Éphésiens 2.15, note).
Au verset suivant, Paul exprime d’une manière frappante le légalisme de ces ordonnances ou de ces défenses minutieuses qui rappellent si bien celles dont les pharisiens chargeaient les consciences.
Qu’on remarque la progression : Ne point manger, ne point goûter, ne point toucher ! (comparer verset 16)
Il s’agit en effet ici de minutieuses interdictions concernant le manger et le boire. Et voilà ce qui constituerait la sainteté !
Il n’y a plus de fin dès que les hommes se mettent à inventer des tyrannies pour les consciences ; chaque jour de nouvelles lois s’ajoutent aux anciennes, chaque jour il en sort de nouveaux décrets. Quel parfait miroir de cette chose nous offre la papauté ! Et avec quelle élégance de langage Paul nous montre dans ces traditions humaines un labyrinthe où les consciences s’égarent ; bien plus, ce sont des filets qui d’abord serrent de toutes parts et qui, avec le temps, finissent par étrangler.
Ce verset a donné lieu à diverses interprétations ; en voici d’abord la traduction littérale : « Lesquelles sont toutes pour la corruption, par l’usage (ou par l’abus), selon les commandements et les doctrines des hommes ».
On peut entendre par lesquelles, les choses qu’il serait défendu de manger, de goûter, de toucher (en un mot, les aliments) et Paul déclarerait que ces choses, destinées à être détruites par l’usage journalier qu’on en fait, ne méritent pas que l’on y attache une importance religieuse (comparer 1 Corinthiens 6.13 ; Matthieu 15.11).
Dans cette interprétation, il faut rattacher le dernier membre de la phrase (selon les commandements et les doctrines des hommes), non à ce qui précède immédiatement, non à ces choses qui périssent, mais au verset 20.
Ainsi, dans cette explication de notre verset, qui est celle de Calvin, l’apôtre combattrait ces interdictions légales par ces deux arguments : ce sont des choses matérielles destinées à périr et elles ne sont défendues que par des préceptes humains.
Une autre interprétation consiste à voir dans ces choses les défenses elles-mêmes que Paul cite. Et dans ce cas, il déclarerait que ces choses conduisent à la corruption morale, par l’usage (ou par l’abus) qu’on en fait, selon les commandements et les doctrines des hommes (comparer Galates 6.8).
Si la première de ces interprétations parait d’abord la plus naturelle, l’autre est plus conforme à la construction du texte original et surtout à la réflexion qui suit (verset 23). Quelle que soit, du reste, la signification qu’on préfère, on y trouvera toujours une puissante réfutation de l’erreur pernicieuse que l’apôtre combat.
Ce dernier verset achève de développer le jugement de Paul sur ces commandements et ces doctrines des hommes.
Ils ont bien quelque apparence (ou quelque renom) de sagesse ; on veut même y voir une sagesse plus profonde que dans le simple Évangile de Christ ; en quoi consiste-t-elle ? En un culte ou une dévotion volontaire, arbitraire (comparez verset 18, où se retrouvent les mêmes termes et où est mentionnée une forme de ce culte), qui va au-delà même de ce que Dieu commande (ainsi les « conseils de l’Église », à côté des commandements de Dieu) ; en une humilité qui affecte de voir de l’orgueil dans la liberté du chrétien sauvé par grâce (comparez verset 18) ; en un traitement du corps sans ménagement, puisqu’on lui impose de dures privations, même dans le manger et le boire (verset 21), et qu’on n’a aucun égard à ce qui peut satisfaire la chair.
Cette dernière phrase, littéralement traduite, porte : « Non en quelque honneur pour le rassasiement de la chair ».
D’après plusieurs commentateurs, Paul énoncerait ici la proposition qui doit répondre à celle introduite par il est vrai. Ils traduisent : « mais ces ordonnances sont sans valeur aucune, elles tendent au rassasiement de la chair ».
Ce langage de l’apôtre renferme une pénétrante ironie et l’on dirait que ces paroles sont toutes dirigées contre des doctrines qui ont cours aujourd’hui dans une immense fraction de la chrétienté. Certes, malgré ces principes si larges, Paul ne saurait être accusé d’indulgence pour la chair, car il prêche en toute occasion et ici même (verset 20, note), la mort, le crucifiement du vieil homme (comparer 1 Corinthiens 9.27).
Mais ce qu’il combat avec tant d’énergie, c’est une fausse spiritualité qui consiste à mépriser le corps et à chercher la sainteté dans de faciles macérations, qui, loin de crucifier l’orgueil, lui servent plutôt d’aliment. Ce n’est que par une communion intime avec Christ que peut se produire en nous toute la puissance de sa mort et de sa résurrection.