Verset à verset Double colonne
Le groupe des chapitres 46 à 51 correspond à celui des chapitres 13 à 23 d’Ésaïe et à celui des chapitres 25 à 32 d’Ézéchiel. Il comprend dix morceaux relatifs à neuf peuples et composés évidemment en différents temps.
L’Égypte ouvre, Babylone clôt la série : ce sont les deux grandes puissances en lutte à cette époque et dont le conflit pèse du plus grand poids sur les destinées d’Israël. Entre ces deux monarchies sont groupés les petits États de l’Asie occidentale ; ce sont d’abord les pays limitrophes de la Palestine : à l’ouest, les Philistins avec les Phéniciens, les premiers compromis par la défaite de l’Égypte ; à l’orient, Moab, Ammon, Édom ; puis vient une seconde zone, Damas, Kédar et Hatsor et enfin, dans le lointain orient, Elam ou la Perse. Nous retrouvons ici les peuples mentionnés sommairement Jérémie 25.19-26 à peu près dans le même ordre, l’Égypte en tête, Babylone à la fin.
Titre général de toute la collection des prophéties chapitres 46 à 51.
À l’Égypte. Titre particulier du morceau Jérémie 46.2-12.
Pharaon Néco. Néco II, fils de Psammétique, le fondateur de la 26e dynastie égyptienne, régna de 612 à 595 avant Jésus-Christ. Inquiet des progrès de la puissance babylonienne sur l’Euphrate, Néco résolut de prendre l’offensive contre la Babylonie, tout en soumettant les pays entre l’Égypte et l’Euphrate (voir introduction à Jérémie).
Carkémis (voir Ésaïe 10.9). L’armée éqyptienne s’arrêta à cet important passage de l’Euphrate. Néco, sans doute pour des raisons stratégiques, voulait attendre là le choc de l’armée chaldéenne. Dans la prophétie suivante Jérémie annonce la défaite complète de Néco, dont les conséquences doivent être si graves pour l’histoire du monde ; il décrit d’abord les préparatifs formidables du combat et la marche impétueuse des Égyptiens, versets 3 à 6 ; puis, dans une seconde strophe, il contemple et décrit la déroute de cette grande armée, versets 7 à 12.
Préparez… Jérémie excite les Égyptiens à la bataille, comme s’il les commandait lui-même. D’abord l’écu, le petit bouclier rond ; puis le grand bouclier carré qui couvre tout le corps.
Attelez… Les Égyptiens, comme la plupart des peuples de l’antiquité, se servaient de chars pour la guerre (Exode 14.6-7 ; Exode 15.4 ; Ésaïe 36.9). Les différents ordres s’adressent aux combattants en char, à cheval et à pied, qui composent l’armée égyptienne. Ce sont des préparatifs complets.
Que vois-je ? Le prophète change subitement de ton ; la fuite d’une si belle armée le remplit d’étonnement.
Terreur de toutes parts. Locution qu’affectionne Jérémie (voir Jérémie 6.25 ; Jérémie 20.3 ; Jérémie 20.10 ; Jérémie 49.29), exprimant l’idée d’un danger inévitable. Ici c’est comme un cri de guerre poussé par l’Éternel, qui cerne lui-même les Égyptiens.
Que l’homme agile… C’est le décret de Dieu, que nul n’échappera ni par l’agilité ni par la force.
Au nord…, c’est-à-dire à Carkémis, située au nord par rapport à l’Égypte et à la Palestine.
Ici commence une seconde strophe. Jérémie remonte jusqu’au moment où cette brillante armée égyptienne se mettait en marche pour son expédition lointaine.
Qui est-ce qui… ? L’image d’un fleuve qui déborde est souvent employée pour figurer l’invasion d’une puissante armée ; comparez Jérémie 47.2 ; Ésaïe 8.7-8 ; Daniel 11.22. Ce fleuve est ici le Nil, comme symbole de la puissance égyptienne.
Chevaux… Ordres pour la bataille, adressés à tous les combattants à cheval, en char et à pied, comme versets 3 et 4.
Éthiopiens… L’armée égyptienne est accompagnée de contingents des peuples voisins, ses alliés. Comparez Ézéchiel 30.5 ; Nahum 3.9. Les Éthiopiens, au sud de l’Égypte, habitant la Nubie et l’Abyssinie actuelles. Les Lybiens, en hébreu Put (Genèse 10.6), peuple du nord de l’Afrique, habitant le Barka actuel. Les Lydiens, non pas ceux de l’Asie-Mineure, mais un peuple africain du même nom (Genèse 10.13).
Malgré ce débordement de force et cette affluence d’alliés, l’armée égyptienne, s’avance au-devant d’une catastrophe certaine, car Dieu va se venger. Comparez Ésaïe 34.5-8.
Ses ennemis… L’Égypte a été de tout temps l’ennemie particulière de Dieu et de son peuple.
Monte… Exhortation ironique.
Galaad, contrée de l’autre côté du Jourdain, où l’on recueillait les plantes qui composaient le meilleur baume pour les blessures (Jérémie 8.22 ; Genèse 37.25). Mais nul remède ne peut guérir l’Égypte. Elle est blessée à mort.
Vierge : Comparez Ésaïe 23.12, note.
La défaite de l’Égypte ne peut plus être cachée ; d’ailleurs ses cris de douceur et de rage la trahissent.
Le guerrier se heurte… Le grand nombre même des soldats embarrasse leur fuite.
La première prophétie décrivait la défaite de l’armée égyptienne ; le sujet de celle-ci est l’invasion de l’Égypte elle-même par Nébucadnetsar, à la suite de sa victoire de Carkémis. Celle qui envahissait (verset 7) est envahie à son tour.
Sur la venue… Voir les notes sur Jérémie 43.9-13. Il est probable que ce second discours a été écrit en même temps que le précédent, tôt après la bataille de Carkémis. La conquête de l’Égypte, que Jérémie prédit comme la conséquence de la défaite de l’armée égyptienne, n’a eu lieu que 33 ans plus tard, en 572.
Cette prophétie a deux strophes : la menace, versets 14 et 19 et l’exécution, versets 20 à 26 ; sur verset 27 et suivants, voir notes.
On vient donner l’alarme en Égypte. L’armée qui s’est portée contre Nébucadnetsar a été défaite ; bientôt l’Égypte va être envahie.
Publiez… Les villes frontières du nord de l’Égypte, Migdol et Tachpanès et la capitale, Noph ou Memphis, sont averties qu’elles doivent se préparer au choc de l’ennemi qui s’avance par la Syrie et la Palestine (voyez Jérémie 44.1, note).
Dites… Appel aux armes pour la défensive, comme versets 3 et 9 pour l’offensive.
Tes voisins… C’est-à-dire, Juda, Édom, la Philistie, déjà soumis.
Mais quoi… Exclamation du prophète analogue à celle du verset 5.
Ton chef… Le général de l’armée égyptienne. Quelques-uns, entre autres les LXX, traduisent : ton taureau, entendant par là le bœuf Apis, adoré dans la Basse-Égypte. Il y a probablement ici un jeu de mots, tout au moins une allusion.
Chacun tombe… Même bagarre que versets 6 et 12.
Et ils disent… Les soldats mercenaires de l’armée égyptienne se hâtent de s’enfuir et de regagner leur pays natal pour se mettre à l’abri des coups de l’ennemi.
Là ils crient… Rentrés dans leur patrie, ils publient la nouvelle de la grande déroute de Pharaon.
Il a fait son temps : c’en est fait de lui ; sa ruine est fatale et irrémédiable.
Tel que le Thabor… Le Thabor, en Galilée, est élevé de 405 mètres au-dessus de la plaine d’Esdraélon.
Le Carmel domine de 150 mètres la Méditerranée et s’aperçoit de loin en mer. De même la puissance de Nébucadnetsar domine celle de tous les petits souverains de la terre.
Il vient. L’absence de nom rend la menace plus redoutable encore.
Nébucadnetsar fond maintenant sur l’Égypte, comme un taon sur une génisse. Les mercenaires établis dans l’intérieur du pays ne peuvent s’opposer à son entrée ; et tant qu’ils s’enfuient, l’Égypte est rasée comme une forêt par les bûcherons qui y pénètrent.
Une génisse. Peut-être encore allusion au bœuf Apis, adoré précisément à Noph (verset 19).
Un taon… Le mot que nous traduisons ainsi a été rendu aussi par ruine et boucher. Mais il paraît désigner ici un insecte dont la piqûre affole l’Égypte.
Vient, vient… La répétition indique une marche en avant que rien n’arrête.
Ses mercenaires au milieu d’elle. Il restait une dernière ressource à l’Égypte, les troupes mercenaires, non celles qui ont été défaites par Nébucadnetsar (verset 9), mais celles qui sont demeurées en Égypte pour la garder. Si l’Égypte est une génisse, ses mercenaires sont des veaux qu’on engraisse, d’aussi bonne mine, mais aussi paresseux et lâches. Rassasiés comme ils sont, ils deviennent incapables de combattre. C’étaient des Grecs, Cariens et Ioniens, attirés en Égypte par Psammétique, père de Néco qui s’était servi d’eux pour faire la guerre aux onze rois, ses rivaux et qui leur avait concédé le long de la branche pélusiaque du Nil des territoires qu’ils avaient fortifiés. Des colons de Milet étaient venus également aborder avec 30 navires à l’embouchure de la branche bolbitine et y avaient fondé un comptoir retranché : le camp des Milésiens.
Le bruit d’un serpent. C’est le bruissement du serpent sur le sol, lorsqu’il fuit devant le danger (les bûcherons qui envahissent la forêt).
Amon de No… Ammon, la principale divinité de la Haute-Égypte, dieu du soleil, que les Grecs ont comparé à Jupiter et qui était adoré surtout dans la ville de No-Amon (demeure d’Ammon, Nahum 3.8), appelée par les Grecs Diospolis ou la Thèbes aux cent portes. Ses ruines immenses font l’étonnement des voyageurs.
Pharaon. Le nom du roi est mentionné une première fois dans l’énumération de toutes les puissances de l’Égypte ; puis il est répété une seconde fois, afin de le rapprocher de ceux qui ont mis follement en lui leur confiance, à savoir les Juifs et tous les petits États de l’Asie occidentale.
Elle sera chez elle : elle redeviendra prospère et peuplée comme aux jours d’autrefois ; l’étranger ne la foulera plus (comparez Ésaïe 19.18-25). Comparez les promesses parallèles, à la fin des discours sur Moab (Jérémie 48.47). Ammon (Jérémie 49.6) et Elam (Jérémie 49.39). Ici comme là, le regard du prophète plonge jusque dans les temps messianiques où le salut s’étendra finalement à tous.
Paroles destinées à relever le courage du véritable Israël. Ces deux versets se lisent déjà Jérémie 30.10-11, dans une prophétie sur le retour de l’exil de Babylone. Bien des interprètes les considèrent comme ajoutés postérieurement au texte de la précédente prophétie, qui paraît terminée avec le verset 26.