Il a bien des projets semblables, vient de dire Job. Cette assertion va être justifiée par deux séries de tableaux prouvant que l’injustice règne impunément dans le monde (versets 1 à 12, puis versets 13 à 25).
1 Pourquoi n’y a-t-il pas des temps réservés de la part du Puissant ? Pourquoi ses amis ne voient-ils par les jours de sa justice ?
Première série (1-12)
Des temps réservés. Les véritables amis de Dieu soupirent après le temps où la justice régnera sur la terre ; mais ces jours n’arrivent pas.
2 On déplace les bornes, On vole un troupeau et on le fait paître ;
On déplace les bornes : délit particulièrement grave dans un pays agricole où l’on tient avec un soin jaloux à la propriété
On le fait paître. On pousse l’audace jusqu’à mener paître ouvertement des bestiaux volés.
3 On enlève l’âne des orphelins, On prend pour gage le bœuf de la veuve.
Actes de lâcheté (3-4)
4 On chasse les pauvres du chemin ; Tous les misérables du pays se cachent. 5 Voici, pareils aux onagres du désert, Ils sortent pour leur, travail cherchant leur proie ; Le désert doit leur fournir le pain pour leurs enfants.
Ces misérables, qui ne peuvent se défendre et se faire rendre leurs biens, vivent comme des parias.
6 Ils recueillent leur pâture dans les champs, Ils grappillent dans la vigne du méchant. 7 Nus ils passent la nuit, faute de manteau ; Ils n’ont point de couverture contre le froid. 8 Ils sont percés par la pluie des montagnes ; N’ayant pas de refuge, ils se blottissent contre le rocher, 9 On arrache l’orphelin à la mamelle ; On prend des gages sur les malheureux.
Ce verset revient aux agissements des méchants (versets 2 et 4). Non contents de mettre la main sur le maigre avoir des pauvres, ils s’attaquent à leurs personnes et leur ôtent leur liberté.
10 Ceux-ci s’en vont nus, faute d’habits ; Affamés, ils portent des gerbes.
Ceux-ci : l’orphelin et les malheureux du verset 9.
Affamés, ils portent des gerbes. C’est le comble de la souffrance : ces esclaves sont obligés de porter du blé dont jamais ils ne peuvent se rassasier.
11 Dans les enclos [des méchants] ils font de l’huile, Ils foulent au pressoir et ont soif. 12 De la ville s’élèvent les soupirs des mourants ; L’âme des blessés crie vengeance, Et Dieu ne prend pas garde à ces infamies !
Des mourants : Nous traduisons ainsi en lisant méthim au lieu de methim (hommes).
13 D’autres sont devenus ennemis de la lumière, Ils n’en connaissent pas les voies, Ils ne restent pas dans ses sentiers.
Crimes d’un autre genre, mais également impunis (13-25)
14 À l’aube le meurtrier se lève, Il tue le malheureux et le pauvre, Et la nuit il rôde comme un voleur. 15 L’œil de l’adultère épie le crépuscule ; Il dit : Nul œil ne me verra ! Il met un voile sur sa figure.
Un voile sur sa figure, ou un masque. Bien qu’opérant de nuit, il craint encore, d’être reconnu.
16 On fait effraction la nuit ; De jour on s’enferme, On ne connait pas la lumière. 17 Le matin est pour eux tous l’ombre de la mort : Dès qu’ils le voient, ils éprouvent les terreurs de la mort.
Ils redoutent la lumière autant qu’en général on redoute la nuit.
18 Il est emporté rapidement sur la face des eaux, Sa part sur la terre est maudite… Il n’ira plus visiter ses vignes !
Ces quatre versets étonnent. Il semble que Job devrait dire au contraire que les méchants ne sont pas punis, ce qu’il dira effectivement versets 22 à 25. Veut-il montrer ironiquement qu’il sait, quand il lui plaît, dépeindre le sort fatal des méchants aussi bien que l’ont fait ses interlocuteurs ? La chose est douteuse. D’autres, avec quelques anciennes traductions, prennent ces versets comme un vœu : Qu’il soit emporté… Que sa part sur la terre soit maudite ! Vœux auxquels la réalité ne répond pas (versets 22 à 24). Mais cette traduction ne se justifie pas. D’autres enfin pensent que ces versets faisaient primitivement partie du discours de Bildad, qui ne se compose que de quelques lignes (chapitre 25), ou de celui de Tsophar qui a peut-être entièrement disparu.
Sa part : ses propriétés.
19 La sécheresse et la chaleur enlèvent les eaux de neige : Le sépulcre, ceux qui ont péché.
Le séjour des morts entraîne et attire à lui les pécheurs aussi rapidement que la neige fond sous l’action de la chaleur.
20 Le sein maternel les oublie, Les vers font d’eux leurs délices. On ne pense plus à eux ; Le crime est brisé comme un arbre.
Le crime, pour le criminel.
21 C’est qu’ils dévoraient la femme stérile qui n’avait pas d’enfants, Et ne faisaient pas de bien à la veuve.
Lâcheté : dépouiller une femme qui n’a pas de fils pour prendre sa défense.
22 Mais [Dieu] prolonge par sa force l’existence des violents ; Il les relève quand ils désespéraient de la vie.
Ici nous rentrons dans le courant des idées de Job : ces méchants, ou bien meurent sans souffrance, ou bien quittent cette terre rassasiés d’heureux jours.
23 Il leur donne la paix, tellement qu’ils sont affermis ; Ses yeux reposent sur leurs voies.
Ses yeux reposent avec satisfaction sur leurs voies.
24 Ils se sont élevés ; en un instant ils ont disparu ; Ils tombent, ils s’affaissent comme tous les hommes, Ils sont coupés comme le haut des épis.
Ils ont disparu, doucement.
25 N’en est-il pas ainsi ? Qui me convaincra de mensonge ? Qui réduira ma parole à néant ?