Verset à verset Double colonne
Le dernier effort de l’Éternel pour sauver son peuple déjà voué à la destruction.
Les trois premiers versets décrivent d’une manière figurée et dramatique ce qui résultera de l’insuccès de cette tentative suprême. Ce sera la destruction de tout le pays. On est frappé du contraste complet de ton entre ce préambule et le tableau précédent, qui ne renfermait que victoires et bénédictions. C’est que, dans ce qui précède, le décret divin en faveur de Juda restauré avait été présenté sans faire entrevoir encore la possibilité d’un conflit nouveau entre la conduite du peuple et l’accomplissement des promesses divines ; mais Zacharie se serait mis en opposition avec toutes les prophéties antérieures (comparez, par exemple, Ésaïe 53.1 ; Ésaïe 65.1-2) et avec lui-même (comparez chapitre 5, les visions du rouleau volant et de l’épha), s’il n’avait prévu cette dissonance terrible dans la réalisation des destinées de Juda et ne lui avait donné sa place dans ce tableau. L’entrée en matière a lieu d’une manière brusque ; c’est comme une vue subite qui saisit le prophète, après ces glorieux tableaux de l’avenir.
Le rejet du Messie, cause d’une nouvelle ruine d’Israël.
Ouvre tes portes, Liban. On croirait au premier coup d’œil que le Liban est désigné ici comme la porte du pays d’Israël du côté du nord et que le prophète annonce ainsi une invasion arrivant de ce côté-là et qui doit, avant tout, frapper le pays des dix tribus ; mais la suite prouve que le Liban est nommé ici comme le symbole de tout ce qu’il y a de plus élevé dans le peuple entier, en particulier la capitale, Jérusalem et même, comme l’ont pensé les anciens interprètes juifs, le temple. Le palais de Salomon sur Sion avait reçu le nom de maison de la forêt du Liban, à cause de l’abondance de bois de cèdre qui y avait été employée (1 Rois 7.2 ; comparez Jérémie 22.23, où les habitants de Sion sont appelés ceux qui habitent dans le Liban.
Cèdres… cyprès. Après les cèdres, qui sont les arbres les plus majestueux du Liban, sont nommés les cyprès, puis les arbres magnifiques, tous les grands arbres en dehors de ceux qui sont nommés ici et les chênes de Basan : autant de symboles des différentes classes du peuple qui, toutes, doivent subir les effets terribles du châtiment divin.
La forêt impénétrable. Cette image désigne le peuple entier qui était impénétrable à l’ennemi tant que Dieu lui servait de rempart.
Le prophète applique la menace de la désolation aux campagnes et aux rives du Jourdain.
Ce qui était la gloire des bergers : les pâturages abondants où ils conduisaient leurs troupeaux.
L’orgueil du Jourdain. On traduit aussi la parure du Jourdain. Ce fleuve coule dans un enfoncement qui forme dans toute la grande vallée comme un sillon profond allant du nord au sud, du lac de Génésareth à la mer Morte. Cette espèce de rainure est couverte, sur ses deux pentes, d’une magnifique végétation, de sorte que, depuis les hauteurs qui dominent la plaine, le cours du fleuve produit l’effet d’une bande verte qui la coupe en deux dans sa longueur ; c’est là ce que les prophètes appellent l’orgueil du Jourdain. Ce taillis est habité par les animaux féroces ; il l’était même autrefois par des lions (Jérémie 12.5 ; Jérémie 50.44). Il n’est pas impossible que, par les lionceaux, Zacharie veuille désigner ici les princes de la maison royale et les puissants du pays.
C’est le prophète qui parle : le mot, mon Dieu indique l’intimité de sa relation avec l’Éternel qui lui confie cette mission.
Fais paître les brebis à tuer. Israël ressemble à un troupeau qui court à la mort et le prophète doit chercher, par un dernier effort, à l’arracher au sort qui le menace en le conduisant dans un pâturage abondant et sûr. Les brebis à tuer expriment ici la même chose qu’aux versets 1 et 2 les cèdres, cyprès, etc. Comme tous ces arbres étaient destinés à être abattus, ainsi les brebis le sont à périr.
Acheteurs et vendeurs : les conquérants étrangers qui massacrent le peuple et en font trafic sans encourir aucune responsabilité et en se réjouissant de leurs bénéfices. Il est bien évident que, s’il en est ainsi, c’est que Dieu s’est déjà retiré de son peuple et l’a livré à leur bon plaisir. Le prophète semble faire allusion à Jérémie 2.3 : Israël était un peuple consacré au Seigneur, les prémices de son revenu ; quiconque en mangeait se rendait coupable ; le malheur fondait sur lui, dit l’Éternel.
C’était là l’état original et normal, maintenant passé.
Car : Car, si tu ne réussis pas, il ne me restera plus qu’à livrer ce troupeau au sort qu’il s’est préparé. C’est donc ici le suprême effort de la grâce divine.
Les habitants du pays. Tout le peuple de Dieu périra par deux causes :
Ils écraseront : ce conquérant avec son armée désolera le pays et détruira le peuple.
Et aussi les plus misérables. On envisage souvent ces mots comme désignant tout le troupeau à paître, qui ne comprendrait ainsi que des brebis misérables, cette épithète se rapportant non à leur état actuel, mais au sort qui les menace, verset 4 : brebis à tuer ; ce qui fait que l’on traduit aussi : le plus misérable des troupeaux. Mais le verset 11 montre bien que les brebis misérables ne désignent qu’une partie du troupeau, celles qui regardèrent avec foi au berger de l’Éternel, tandis que la grande masse des brebis était dégoûtée de lui et le rejetait. Le mot laken, rendu par aussi, signifie proprement en conséquence. En prenant sous sa garde tout le troupeau, il veillait, en conséquence, aussi sur celles dont on aurait été tenté de ne faire aucun cas, tant elles avaient chétive apparence.
Et je pris deux houlettes. Comme deux dangers menacent le peuple (verset 6), le prophète prend deux houlettes pour les écarter. La première houlette, Faveur, représente la grâce divine protégeant le peuple et tenant encore à distance le conquérant étranger ; la seconde, Liens, représente l’union intérieure qui fait la force.
Et je retranchai les trois bergers en un seul mois. L’article les montre qu’il s’agit de trois bergers connus qui sont déjà là, présents par conséquent ; ce sont eux qui paissent le troupeau et le berger de Jéhova vient prendre leur place. Durant un mois, il paît le troupeau, tout en destituant les bergers précédents qui, sans doute, s’opposaient à l’accomplissement de son office.
Et je perdis patience avec eux et eux aussi s’étaient lassés. Après ce mois d’épreuve, l’expérience est faite : Israël ne se laisse pas rassembler (Ésaïe 49.5) et le berger se décide à renoncer à son emploi. On pourrait rapporter le mot eux aux trois bergers, en admettant que la suite indique la raison pour laquelle le berger les a retranchés ; mais ce retour en arrière n’est pas naturel ; le eux aussi doit être rapporté au gros du troupeau qui était aussi dégoûté du berger que le berger en était las. Le pluriel masculin eux aussi s’explique par un passage de l’image à la réalité. Sans doute Dieu avait déjà livré le peuple aux puissances étrangères (verset 4), mais non pas encore pour le détruire. C’est cette permission qu’il donne maintenant.
Et je dis. En renonçant à sa charge, le berger sait qu’il livre le troupeau à son sort. La première proposition se rapporte à la portion du troupeau qui périra par l’invasion ennemie ; la seconde, à celle qui disparaîtra du pays, emmenée en captivité, la troisième, à la portion qui restera pour se détruire elle-même.
Cette sentence de mort est suivie d’un premier acte qui la rend sensible aux yeux du peuple : le brisement, de la houlette Faveur, représentant la protection divine.
L’alliance que j’avais faite avec tous les peuples. Le prophète représente comme un contrat que l’Éternel avait conclu avec les nations la défense qu’il leur avait faite de toucher à son peuple, aussi longtemps que celui-ci lui resterait, fidèle (Jérémie 2.3).
Elle fut brisée. Le prophète relève ce fait avec solennité, car la barrière est maintenant levée et le torrent des armées ennemies va se précipiter.
Et ainsi les plus misérables. Tandis que tout le reste du troupeau demeure dans l’aveuglement, sans se douter de ce qui se passe, les brebis qui ont le sentiment de leur péché et de celui du peuple, ceux qui, comme le dit Ézéchiel 9.4, gémissent et soupirent à cause de toutes les abominations qui se commettent, celles-là discernent, dans l’abandon que fait le prophète de son emploi le signal que Dieu donne lui-même de la destruction imminente.
Et je leur dis. Le berger veut encore donner au peuple l’occasion d’exprimer, par un fait significatif, le cas qu’il fait de ce dernier effort tenté par son Dieu pour le sauver. Il faut que le sentiment s’affirme par un acte pour que la culpabilité du peuple soit pleinement constaté.
Et ils pesèrent. C’est l’acte du troupeau tout entier représenté par ceux qui agissent en son nom. Ils pesèrent, soit parce qu’un certain poids de métal précieux devait remplacer l’argent monnayé, soit pour vérifier le poids légal des pièces monnayées.
Trente sicles d’argent : C’était le prix d’un esclave ; car d’après Exode 21.32, c’était là le montant de la somme par laquelle on devait dédommager le propriétaire d’un esclave dont on avait causé la mort. Ainsi, le travail de l’Éternel en la personne de son envoyé, apprécié à la valeur du travail d’un esclave ! On a supposé parfois que ces trente pièces d’argent correspondaient aux trente jours du mois (verset 8) ; mais ce dernier passage ne dit pas que le berger n’ait fait paître le troupeau que pendant trente jours et d’ailleurs, si l’on demeure dans l’image, le salaire n’aurait pas été si méprisable.
Et je les jetai dans la maison de l’Éternel. Ce n’était donc pas dans le royaume des dix tribus que se passait cette scène, mais à Jérusalem. La tentative du berger se rapportait au peuple entier, tel qu’il existait alors. Le prophète, par cet acte, rend à l’Éternel ce qui lui revient, car il n’avait fait lui-même qu’exécuter l’ordre de Dieu ; c’était Dieu lui-même qui avait agi par lui. Aussi l’Éternel lui dit-il : Le prix auquel j’ai été estimé. Le prophète est là comme représentant de l’Éternel et c’est comme tel qu’il est taxé par le peuple. Ce dernier acte est l’expression suprême du mépris avec lequel le peuple élu a constamment répondu, dans la majeure partie de ses membres, aux avances miséricordieuses dont il a été l’objet.
Au potier. Il est évident que ce potier avait son atelier dans l’entourage du temple ou même peut-être dans le parvis. Comme on usait de beaucoup de vases de terre dans les cérémonies du culte, il y avait sans doute un potier établi en permanence en cet endroit. L’Éternel faisait cadeau à cet artisan de la somme à laquelle son travail avait été taxé.
Plusieurs interprètes ont cru ne pas pouvoir obtenir un sens convenable en maintenant le texte transmis et, par le changement d’une voyelle et d’une consonne, ont transformé le mot de potier en celui de trésor : Je les jetai dans la maison de l’Éternel au trésor. Mais ce changement de lettre est arbitraire, et le sens qui en résulte convient beaucoup moins bien ; car l’Éternel ne voudrait certainement pas faire entrer dans le trésor de sa maison un pareil argent et il est bien plus significatif qu’il en fasse cadeau à un pauvre ouvrier. C’est rendre mépris pour mépris.
Le verset 13 est cité Matthieu 27.9 comme se trouvant dans le livre de Jérémie. Tous les essais de résoudre cette différence ayant échoué, il faut admettre qu’il y a ici ou une erreur de mémoire de l’évangéliste ou une négligence de l’un des plus anciens copistes de l’évangile. Il n’y a pas lieu de s’étonner de la différence entre le mode de l’accomplissement historique (le salaire de Judas employé à acheter un champ appartenant au potier établi dans la vallée au-dessous du temple) et le trait correspondant de la scène prophétique (l’argent jeté au potier).
Après avoir rompu la relation entre le peuple et son Dieu, le prophète rompt celle qui unissait les deux grandes parties du peuple. Que l’on place le prophète avant ou après la captivité, on a peine à comprendre le sens de ces mots. Dans le premier cas, la fraternité entre les deux royaumes n’était-elle pas rompue depuis le jour de leur séparation sous Roboam, lorsque les dix tribus du nord avaient abandonné la houlette des rois de Juda pour se placer sous le sceptre d’autres dynasties ? Dans le second cas, on se demande si une partie assez considérable du peuple des dix tribus était revenue dans la patrie pour qu’il pût être question d’une rupture entre elle et ceux qui étaient rentrés de Juda (voir plus bas l’application de la scène).
À cette première scène en succède une seconde, en relation étroite avec la précédente. Une place reste vide, après que les trois bergers antérieurs ont été retranchés et que le berger envoyé par l’Éternel a abdiqué. Le prophète nous montre maintenant comment cette place sera remplie.
L’Éternel me dit : Prends… L’Éternel, comme berger, s’est retiré de son peuple ; mais c’est encore lui, pourtant, qui dispose du sort des brebis.
Dans l’ordre du verset 4 : Pais les brebis à tuer, était implicitement contenu pour celui à qui il était adressé, l’ordre de se revêtir du costume et de prendre les instruments dont se sert un berger intelligent et fidèle. C’est à cet ordre implicite que se rapporte le mot encore. Le prophète doit, après avoir joué le rôle d’un berger fidèle, jouer celui d’un mauvais berger et, par conséquent, prendre en main des instruments impropres a l’office d’un vrai berger, par exemple une houlette incapable de servir.
Un mauvais berger. Le mot hébreu désigne un berger sans conscience, un étourdi. Le terme insensé, par lequel on traduit ordinairement, ne rendrait pas exactement cette nuance.
La description de la conduite de ce nouveau berger est opposée à la conduite du berger de l’Éternel tandis qu’il paissait le troupeau. Elle caractérise ici, comme Jérémie 23.1-2 ; Ézéchiel 34.1-10, la conduite des chefs égoïstes du peuple qui ne s’occupent que de leurs propres intérêts et qui exploitent à leur profit le troupeau qui leur est confié.
Et fendra leur sabot : pour exploiter jusqu’à la dernière parcelle de substance nutritive qui peut se trouver dans ses victimes.
Au berger qui abandonne. Ce n’est pas ici une idée toute nouvelle, celle d’un berger qui s’enfuirait loin du troupeau. Abandonner signifie n’avoir pas soin de. Comme il traite le troupeau, il sera traité lui-même ; il le laisse dépérir, il dépérira par la malédiction divine, il traînera une vie malheureuse. Nous avons traduit par le dépérissement le mot chéreb qu’on traduit ordinairement par l’épée ; l’image de l’épée ne convient point pour expliquer le dessèchement des membres. Ce terme se retrouve Deutéronome 28.22, très probablement dans le sens que nous lui donnons ici et qui est habituellement celui qu’exprime le mot très voisin choreb, de charab, être sec, aride.
Observons d’abord que cette scène n’est point donnée expressément, pour une vision. Elle n’est pas présentée non plus comme devant être réalisée extérieurement, ainsi que celle du couronnement de Jéhosua, au chapitre 6. Elle a un caractère intermédiaire : c’est un tableau allégorique dans le genre de ceux d’Osée chapitres 1 et 2, ou de Jean chapitre 10. Le prophète exprime, sous une forme symbolique, la relation entre Dieu et son peuple au moment en vue duquel il parle, afin de rendre la pensée plus saisissante pour le cœur des auditeurs.
La question est de savoir s’il veut, par ce tableau, décrire des événements déjà accomplis et dont il annoncerait les désastreuses conséquences dans un prochain avenir, ou s’il a en vue, dans le tableau tout entier, un événement futur auquel aboutira l’histoire d’Israël rétabli après l’exil.
Voici l’explication que l’on donne au premier point de vue. C’étaient les derniers temps du royaume des dix tribus, à peu près la même époque que celle où Osée prophétisa. Le royaume du nord était livré aux discordes civiles et à l’anarchie et déjà à demi conquis par l’Assyrie. Un prophète qui nous est inconnu se sent appelé de l’Éternel, avant que le coup fatal frappe le peuple à faire un dernier effort pour le sauver. Pendant un certain temps, il travaille avec zèle dans ce sens ; mais les plus pauvres du peuple seulement se laissent émouvoir, la masse de la nation ne lui témoigne qu’indifférence et dégoût. Pendant cette période très courte, trois souverains sont successivement renversés. Ce pourraient être Zacharie, Sallum et Ménahem, qui se succédèrent rapidement ; ou bien, comme l’espace d’un mois est absolument insuffisant pour y faire rentrer ces trois règnes, on pourrait penser à des prétendants inconnus régnant chacun sur une partie du pays, puis renversés dans ce court espace de temps. Le prophète, n’ayant point réussi à ramener le peuple des dix tribus sous la domination de l’Éternel, abandonne sa mission et y met fin solennellement, en avertissant le peuple et en lui déclarant que la conséquence de cet abandon sera de le livrer à l’ennemi étranger qui le menace. Le trait du salaire payé ne se rapporte à aucun fait extérieur réel ;il exprime dramatiquement un fait d’ordre spirituel, l’ingratitude d’Éphraïm envers l’Éternel. La rupture de la houlette Liens indique qu’Éphraïm va être définitivement retranché et que Juda va exister seul, étranger désormais à Éphraïm dispersé. Le mauvais berger, auquel est livré Éphraïm, est l’un des derniers rois d’Israël, peut-être Pékach.
Cette explication, si répandue qu’elle soit aujourd’hui, nous paraît se heurter à tous les traits du tableau, ce qui serait d’autant plus étrange que, d’après ses partisans, le tableau ainsi appliqué serait de l’histoire, non de la prophétie.
L’autre mode d’interprétation qui applique ce tableau à l’avenir de Juda restauré, se présente sous deux formes. Voici la première, déjà esquissée par Calvin. Depuis la captivité, le peuple avait été livré aux puissances étrangères qui avaient disposé de lui selon leur caprice. Jéhova veut maintenant reprendre le gouvernement de son peuple. Il commence par destituer les trois monarchies babylonienne, persane et grecque, et cela, en un mois, parce que chacune succède immédiatement à l’autre après les dix jours représentant le temps de suprématie qui lui est accordé. L’office du berger représente toute la conduite de Dieu à l’égard du peuple restauré, durant l’époque du second temple, y compris le ministère de Jésus-Christ. Le salaire accordé aurait dû être la foi, l’amour et l’obéissance du peuple et a été, en réalité, son ingratitude et sa rébellion constante. Le brisement de la première houlette Faveur représente la permission accordée de nouveau aux puissances étrangères (les Romains) d’envahir Israël. La rupture de la seconde houlette se rapporte à l’apparition des nombreux partis, qui suivit, en Israël, le rejet de Jésus-Christ et prépara la ruine du peuple. Le mauvais berger du verset 16 désigne la puissance terrestre aux mains de laquelle Israël a été désormais livré pour avoir repoussé son Dieu dans la personne du Messie.
Il y a là, on ne saurait le nier, une intuition grandiose qui contraste avec le caractère mesquin de l’explication précédente et qui convient à la grandeur imposante du tableau prophétique. Cependant, cette explication ne nous paraît pas non plus admissible.
Nous pensons qu’il faut rattacher le tableau qui termine ce cycle à celui par lequel il a été ouvert : l’annonce du Roi juste, monté sur l’ânon, qui fait son entrée à Jérusalem pour sauver Juda. Voilà le personnage que contemple Zacharie, non plus au moment de sa venue, mais dans l’exercice de son office. Juda restauré est semblable à un troupeau qui court à la ruine et que l’Éternel cherche à sauver par un suprême effort. Il a passé successivement des mains des Babyloniens à celles des Perses ; des mains des Perses à celles des Grecs (Javan, chapitre 10) ; de celles-ci à celles d’autres peuples orientaux. Il est maintenant soumis à un conquérant et divisé dans son propre sein (11.6). Le Christ commence son œuvre ; il cherche à ramener sur lui la faveur divine et dans son sein l’amour mutuel. Mais il rencontre des adversaires (les autorités existantes) qu’il est obligé de mettre de côté pour se substituer à eux et s’approprier lui-même leurs charges dont ils ne sont pas dignes : ce sont ceux que Jérémie (chapitre 23) avait appelés les bergers d’Israël, avant tout ses autorités politiques, puis les sacrificateurs et les faux prophètes, en observant seulement qu’à l’époque de Jésus, ces derniers ne se présentaient plus sous la même forme qu’au temps de Jérémie ; c’étaient les docteurs de la loi. Le Messie devient lui-même le prophète, le sacrificateur et le roi de la partie du troupeau qui s’attache à lui et qui doit continuer le développement du règne de Dieu et il rejette ces anciens bergers avec la masse du troupeau qui continue à les suivre. L’expression durant un mois doit s’expliquer non d’après l’accomplissement historique, mais d’après l’image totale du tableau symbolique ; dans ce tableau, la tentative du berger pour sauver le troupeau dure environ un mois, ce qui est suffisant pour un essai pareil. Ce mois représente, dans l’accomplissement, tout le temps qu’a duré la dernière tentative faite par l’Éternel pour sauver son peuple par le moyen du Messie. Dans la scène du salaire payé, il ne faut pas chercher une concordance exacte entre le tableau prophétique et l’histoire ; dans la prophétie, ce n’est point un traître qui vend à vil prix le berger à ses ennemis ; c’est le troupeau et ses bergers qui taxent indignement le travail du serviteur de l’Éternel. Mais entre le tableau prophétique et la scène réelle, il y a cette relation : que, dans les deux cas, la somme d’argent représente la valeur à laquelle sont taxées la personne et l’œuvre du berger. Le fait que Juda jette cet argent dans le temple correspond littéralement au don que fait le berger au potier. Mais il faut observer ici, comme nous l’avons fait à l’occasion de l’entrée du Messie sur l’ânon, au chapitre 9, que ce n’est pas dans cette coïncidence matérielle que consiste l’accomplissement de la prophétie ; c’est dans le sentiment de dégoût que fait naître, dans les deux cas, là dans le cœur de l’Éternel, ici chez les membres du Sanhédrin eux-mêmes, cette somme d’argent. Le brisement de la houlette Liens ne peut désigner proprement une rupture entre Juda et Israël, car les membres du royaume des dix tribus n’étaient revenus de l’exil qu’en petite partie et s’étaient fondus avec ceux de la tribu de Juda. C’est une nouvelle séparation au sein même du peuple restauré que contemple le prophète, séparation analogue à celle qui se forma autrefois entre Juda et Israël, lorsque celui-là resta fidèle à la famille de David et que celui-ci rejeta cette souveraineté légitime. À l’occasion de la venue du Messie et de son rejet par l’ensemble de la nation, Zacharie voit se former dans le sein du peuple une rupture entre la portion qui s’attache au nouveau David et lui reste fidèle (les humbles du troupeau) et la masse qui rompt avec lui et suit désormais ses propres voies ; cette dernière est livrée à un mauvais berger. Ce berger, ce ne sont pas les Romains, puisque les bergers figurent plutôt les autorités indigènes, mais ce sont de nouveaux pasteurs sous la conduite desquels Israël va vivre désormais, après avoir repoussé celui que Dieu lui avait donné. En se représentant le ministère légal sous lequel a vécu et vit encore Israël, on comprend les images de dépérissement et de dessèchement et l’opposition totale établie dans le verset 16 entre l’office de ces bergers-là et le tendre et miséricordieux office du Christ au sein de son Église.
Nous comprendrions que l’on trouvât cette vue, si distincte et si complète, trop surnaturelle, si un tel tableau était isolé dans l’ensemble des révélations prophétiques ; mais quand on se rappelle, dans notre prophète même, le tableau de l’entrée du Messie, chapitre 9, celui du couronnement royal du souverain sacrificateur, chapitre 6, celui du Messie accomplissant en un seul jour le grand sacrifice d’expiation, chapitre 3 ; quand on pense aux chapitres 49 et 53 d’Ésaïe, aux Psaumes 22 et 110 et à tant d’autres tableaux messianiques, cette objection ne saurait en être une, à moins qu’on ne soit résolu à dire, par un raisonnement plus dogmatique qu’exégétique : Cela ne peut pas être, donc cela n’est pas.