Verset à verset Double colonne
Ce chapitre est avec le précédent dans le même rapport que les complaintes sur Tyr et sur l’Égypte avec l’annonce de leur jugement. Seulement le but d’Ézéchiel n’est pas ici d’exprimer la compassion envers les vaincus, mais uniquement de faire voir la grandeur de leur défaite. C’est une description dramatique et triomphante du jugement de Gog, de son armée et de son pays lui-même.
Et d’abord, la menace du jugement (versets 1 à 8) ; c’est le développement de Ézéchiel 38.21-23. Puis, on brûle les armes et ensevelit les cadavres, versets 9 à 16. Enfin les animaux féroces sont conviés au grand repas que l’Éternel leur a préparé, versets 17 à 20. Dans la conclusion, versets 21 à 29, est décrit l’avenir de paix et de gloire qui suivra pour le peuple d’Israël cette dernière victoire.
Prince souverain. L’Éternel répète son nom et ses titres, comme on le fait dans le prononcé d’une sentence.
Je te promènerai. Gog croit aller et venir à sa fantaisie ; mais c’est l’Éternel qui dirige ses mouvements.
Ton arc, tes flèches. Les anciens historiens appelaient ces peuples archers à cheval.
Après l’invasion de Gog dans la Terre Sainte, c’est ici l’invasion de l’Éternel en Magog. Sous quelle forme ? Le prophète ne le dit pas.
Pendant sept ans, Israël ne brûle d’autre bois que celui des armes et des chariots de l’ennemi et il vit du butin de ceux qui venaient le piller.
Le mot armes est le terme général ; il désigne tout l’équipement ; les six autres termes vont par paires.
Bâtons. On peut entendre par là, soit une massue, soit le bâton armé d’une pointe dont ils se servaient pour exciter leurs chevaux.
L’inhumation des cadavres, jusqu’au verset 16.
Un lieu de sépulture ; littéralement : un lieu où il y aura la sépulture. Là où Gog cherchait une terre à piller, il trouvera un lieu où il y aura pour lui sépulture.
La vallée des Passants. Aucune vallée connue ne portait ce nom. On a supposé qu’il désignait l’endroit où les voyageurs passaient le Jourdain près de Jéricho ; mais cet endroit est une plaine, non une vallée ; d’ailleurs, le prophète ajoute : à l’orient de la mer (Morte) ; or il eût fallu dire dans ce sens : au nord de la mer. Si nous partons de ces mots : à l’orient de la mer, nous placerons la vallée dans le pays de Moab. Là passe une route de caravanes des plus fréquentées, allant du nord au sud, de Damas à la mer Rouge et en Arabie ; ce pourrait être l’origine du nom : vallée des Passants. Mais il est peu probable que le prophète fasse allusion à cette route assez éloignée de la mer et qu’il l’appelle une vallée. Ce nom de vallée des Passants ne serait-il point formé par Ézéchiel lui-même et ces passants ne seraient-ils pas dans sa pensée les hordes de Gog qui ne traversaient les pays que pour les ravager ? On enterrera tous ces cadavres dans l’une des vallées située sur la rive orientale de la mer Morte, en dehors, mais sur les confins de la Terre Sainte, qui ne doit pas être souillée par cette multitude de cadavres. Les mots : en Israël, ne sont pas une objection à cette interprétation. Une localité si rapprochée appartient encore à la terre d’Israël.
Cela bouchera le chemin… Ce sens nous paraît préférable à celui-ci qui a été aussi proposé : Cela fera que les passants se boucheront le nez (à cause de la puanteur). Le monceau de terre formé par ce sépulcre gigantesque fermera le chemin aux passants, aux voyageurs qui traverseront la contrée. Il y a ici un jeu de mots : les passants empêcheront les passants de passer.
De plus ce lieu aura un nom par lequel le souvenir de cette catastrophe se perpétuera jusqu’aux générations les plus reculées.
Pour purifier le pays. Car les corps de ces païens tués auraient été une souillure permanente pour la Terre Sainte.
Sept mois durant. Ce nombre sept, comme celui de sept ans, rappelle le caractère divin du jugement qui donne lieu à cette inhumation prolongée.
Un jour glorieux. La gloire de celle œuvre appartient toute à Dieu qui a tout fait ; mais elle est partagée par ceux en faveur de qui il l’a fait.
Les sept mois une fois écoulés, le peuple cessera d’enterrer ; mais on désignera des hommes exprès pour rechercher les cadavres, non aperçus jusqu’ici, dont la présence pourrait souiller encore le pays.
Les passants passeront. Ces investigateurs sont de nouveau appelés des passants ; encore une fois par allusion au nom qu’Ézéchiel a donné aux ennemis détruits. Ce sont les parcoureurs qui cherchent les parcoureurs d’une autre sorte.
Comme le lieu d’inhumation se trouvera fort éloigné, ces parcoureurs d’office se borneront à élever un monceau de pierres comme signal auprès du cadavre découvert et les fossoyeurs qui viendront après eux le porteront à la vallée désignée pour la sépulture.
On ne se contentera pas de donner un nom à cette vallée ; on y construira une ville, dont le nom Hamona, multitude sera le monument de cette suprême victoire remportée sur la rébellion humaine. Peut-être le prophète fait-il allusion à la ville de Beth-Séan, dans la vallée du Jourdain, qui avait reçu le nom de ville des Scythes, Scythopolis, en souvenir du passage d’une horde de ce peuple (au moins d’après l’étymologie le plus généralement admise).
Pendant ce long travail d’inhumation, les animaux carnassiers de la Terre Sainte ont le temps de faire leur repas de tous ces cadavres. Ézéchiel les représente comme des invités à qui l’Éternel a préparé un festin ; comparez Ésaïe 34.6 ; Apocalypse 19.17-18
Béliers, agneaux et boucs,… : toute la hiérarchie des compagnons de Gog, depuis les chefs jusqu’aux simples soldats.
Dans le passage suivant, Ézéchiel décrit le complet établissement du règne de Dieu sur la terre d’Israël purifiée et chez les restes des païens qui habitent le monde.
Toutes les nations comprendront maintenant que ce n’était pas par l’impuissance de son Dieu qu’Israël avait subi de si terribles exils ; mais que c’était à cause de ses défections volontaires que ce Dieu l’avait châtié de la sorte.
La maison d’Israël elle-même, arrivée au terme de ses longues souffrances, reconnaît la sainte fidélité de son Dieu et jouit à jamais, dans la totalité de ses membres, de l’état parfait que crée en eux l’Esprit de Dieu.
Il faudrait être bien inexpérimenté dans l’étude de la prophétie pour ne pas comprendre que sous cette multitude de détails matériels et de figures étranges se cachent des intuitions morales saintes et sublimes qu’elle a voulu à la fois révéler et déguiser afin de les laisser deviner ; comparez Zacharie 14.20-21 et tant d’autres passages analogues. Le passage parallèle de l’Apocalypse jette une lumière sur le sens véritable de ce tableau. Israël, temporellement et spirituellement rétabli, ne forme plus qu’un seul corps avec tous les croyants de la gentilité ; c’est là le peuple de Dieu, la cité bien-aimée. Mais un reste de révolte habite encore dans le cœur de l’humanité ; il doit se manifester pour être détruit. C’est ce suprême effort du mal qui est représenté sous l’image de la lutte décrite ici par le prophète. Le jugement qui frappe Gog n’est autre que celui qui amènera la purification complète de l’univers moral et fraiera la voie au renouvellement de toutes choses. C’est donc ici le parallèle d’Ésaïe 66.24 ; la nécropole mystérieuse d’Hamona, avec son colossal sépulcre, ne paraît être autre que ce lieu de condamnation, où le ver ne meurt point et où le feu ne s’éteint point, le Gué-Hinnom de la terre à jamais sanctifiée. On comprend ainsi cette antithèse : pas un seul cadavre oublié (verset 15) et pas un seul fidèle laissé en arrière (verset 28). Le triage définitif est consommé ; comparez Apocalypse 20.11-15. Ainsi le terrain est enfin déblayé pour l’apparition de l’édifice parfait, pour l’exaucement de la troisième demande de l’oraison dominicale.