Verset à verset Double colonne
1 Les hommes d’Éphraïm dirent à Gédéon : Que signifie cette manière d’agir envers nous, de ne pas nous appeler, lorsque tu allais combattre Madian ? Et ils le querellèrent avec violence.Le mécontentement des Éphraïmites provenait soit de ce que, n’ayant pas été appelés à prendre part à la bataille, ils n’avaient pas participé au butin, soit plutôt de ce qu’un pareil fait d’armes avait eu lieu sans eux, qui aspiraient à jouer le premier rôle en Israël.
Le grapillage d’Éphraïm : la victoire complémentaire que les gens d’Éphraïm viennent de remporter sur les fuyards ; peut-être avec une fine allusion au riche butin qu’eux aussi avaient recueilli dans cette affaire.
La vendange d’Abiézer : la victoire principale, remportée par l’Abiézérite Gédéon et ses trois cents hommes. Ce fut probablement l’armée éphraïmite qui tua le plus grand nombre d’ennemis. Ésaïe 10.26 mentionne cette journée comme un coup très sensible dont l’Éternel frappa Madian.
S’apaisa : à l’ouïe de cette réponse flatteuse et spirituelle.
Arriva au Jourdain. Avec ses trois cents hommes, Gédéon avait poursuivi un corps de Madianites qui avait réussi à passer le Jourdain au nord de Beth-Bara et qui sur la rive fuyait vers le sud.
Succoth. Dans sa poursuite ardente, avec sa petite troupe exténuée, il arrive à Succoth (Genèse 33.17, note), ville de la tribu de Gad, à l’est du Jourdain (Josué 13.27), qui devait être considérable, puisqu’elle était administrée par un conseil de soixante-dix-sept Anciens (verset 14).
Gédéon, combattant pour la délivrance de son peuple, avait le droit de recevoir des secours de la part de ses compatriotes, à qui profitait sa victoire.
La conduite des gens de Succoth témoigne d’un manque absolu de patriotisme et d’une grande lâcheté. Ne voyant avec Gédéon que trois cents hommes, ils ne se fient pas à sa victoire finale et craignent un retour de l’ennemi. Le corps des Madianites était considérable et avait à sa tête leurs deux rois.
Je fouetterai. La fustigation avec des verges d’épines était un supplice aussi humiliant que douloureux ; il pouvait même entraîner la mort.
Pénuel : localité voisine de Succoth, plus au sud, près du Jabbok, également dans le territoire de Gad. Elle avait reçu son nom de Jacob après sa lutte avec l’ange (Genèse 32.30-31).
Quand je reviendrai en paix : sain et sauf.
Cette tour-là : le château fort dont ils étaient fiers et où la population se réfugiait en temps de guerre.
Karkor : localité inconnue. On a retrouvé à quelques lieues au nord-ouest de Rabbath-Ammon des ruines du nom de Karkagueisch.
Le chemin de ceux qui habitent sous des tentes : le chemin par lequel les caravanes montent du Jourdain sur le plateau de Galaad.
Nobach : ne peut être la même que celle de Nombres 32.42, qui est beaucoup plus au nord.
Jogbéha : aujourd’hui Djabéhat, située, comme Karkor, au nord-ouest de Rabbath-Ammon ; voir Nombres 32.35, note.
Hérès : inconnue. C’était une montée, voisine de Succoth, où il captura le jeune homme qui le renseigna.
Et il lui écrivit. Ce trait suppose un degré assez élevé d’instruction primaire en Israël à cette époque.
Châtiments mérités ; ces Israélites venaient d’agir indignement envers leurs propres compatriotes et à la lâcheté avaient joint la moquerie.
Tués au Thabor : la scène ici rappelée s’était passée pendant les sept ans de la domination madianite. Gédéon agit comme vengeur du sang (Nombres 35.19).
Fils de ma mère. Cette expression, dans les pays où règne la polygamie, indique un lien plus étroit encore que celui de frère. On remarque dans ce dialogue à la fois la modération calme et la justice de Gédéon et le sang-froid plein de dignité des deux rois en face de la mort.
Ordonner à son jeune fils de frapper à mort les meurtriers de ses oncles, c’était lui conférer un honneur et en même temps infliger une humiliation aux deux rois.
Tel qu’est l’homme, telle est sa force, c’est-à-dire : Un enfant n’a qu’une force d’enfant ; il faut un homme fait, comme toi, pour faire acte d’homme fait.
Les croissants : plus exactement les ronds, les lunes. Nous retrouvons ce mot, dans Ésaïe 3.18, où il est appliqué à des ornements portés par des hommes ou des femmes. On verra plus tard (verset 26) le but de ce détail.
Les hommes d’Israël : en particulier les tribus du nord, qui avaient le plus souffert de l’oppression madianite.
Toi et ton fils… Il s’agit d’une royauté héréditaire.
Gédéon refuse par fidélité à l’Éternel, conformément à la vraie constitution israélite qui ne reconnaissait comme roi sur Israël que Dieu lui-même. Sur la relation de ce refus avec la loi du Deutéronome, voir la note sur la royauté, fin du chapitre 17 de Deutéronome. Mais, tout en résistant à la tentation de devenir roi, Gédéon ne peut s’empêcher de chercher à conserver quelque chose de la position supérieure à laquelle l’ont élevé ses victoires et il trouve cette compensation dans le domaine religieux. Nous venons de voir qu’il n’entretenait pas les meilleurs rapports avec la tribu d’Éphraïm ; or c’était au sein de cette tribu, à Silo, que résidait alors le sanctuaire, centre religieux du peuple. Gédéon demande donc à l’armée qui rentrait, la guerre terminée, de lui céder une certaine partie du butin, les ornements d’or qui avaient été pris sur les Ismaélites (ce nom désigne ici, comme souvent tous les peuples du désert). Quant aux vêtements somptueux et aux ornements des deux rois vaincus, ils lui appartenaient naturellement ; voir Juges 5.30, note. L’armée lui accorde volontiers sa demande ; il reçut, environ 25 kilogrammes d’or.
Croissants : voir plus haut verset 21.
Colliers qui étaient au cou de leurs chameaux. Aujourd’hui encore les Arabes ornent le cou de leurs chameaux d’un collier de drap ou de cuir garni de coquillages, auxquels les chefs joignent des ornements d’or ou d’argent.
Un éphod. On a parfois, en raison de ce qui suit (tout Israël se prostitua), donné à ce mot le sens de statue ou d’idole. Mais jamais ce terme n’a un pareil sens ; il désigne toujours un vêtement sacerdotal ; ainsi dans le costume officiel du grand sacrificateur (Exode 28.6-10, note). La grande quantité d’or employée doit faire supposer que Gédéon fit son éphod entièrement d’or, ce qui lui donnait un éclat bien supérieur à celui de Silo. Peut-être un pectoral et un moyen de consulter Dieu étaient-ils joints aussi à l’éphod de Gédéon.
Il le plaça dans sa ville. Le mot placer, ne signifie point dresser, comme s’il s’agissait d’une idole, mais simplement mettre (comparez Juges 6.37 : Gédéon mit la toison dans l’aire, où est employé le même mot). Cet objet remarquable, placé dans un lieu public, attirait le peuple qui venait en ce lieu, consacré par l’apparition de l’ange de l’Éternel et par l’autel qui y avait été élevé, consulter Dieu et rendre un culte quelconque. Nous ignorons si c’était Gédéon lui-même ou un sacrificateur appelé par lui qui se revêtait de cet éphod magnifique pour officier. En tout cas c’était un sanctuaire rival, qui détournait le peuple du sanctuaire légitime. Ce fut un prélude de la séparation religieuse qui se renouvela plus tard depuis Jéroboam sur une plus grande échelle. L’auteur appelle ce culte une prostitution. Ce terme désigne ordinairement l’idolâtrie proprement dite. Mais Gédéon était, d’après le récit tout entier, un fidèle serviteur de l’Éternel et il est dit expressément (verset 33) que l’adoration d’autres divinités que l’Éternel ne cornmença qu’après sa mort. Le péché consista donc dans l’établissement d’un sanctuaire rival de celui de Silo ; ce culte séparatiste dégénéra bientôt en un culte idolâtre.
Tout Israël : surtout les tribus du nord ; comparez verset 22, l’expression : les hommes d’Israël.
Pour Gédéon et pour sa maison : les malheurs de sa famille, racontés au chapitre 9, furent l’effet et le châtiment de cette position illégale qu’il avait prise.
Sa concubine. Cette femme n’habitait pas avec lui à Ophra, mais à Sichem.
Abimélec : père de roi ; nous ignorons l’origine de ce nom.
Ces détails sur la famille de Gédéon prouvent qu’il était arrivé à un haut degré de fortune, peut-être ensuite des riches offrandes que lui procurait le culte établi à Ophra.
Baal-Berith : le Baal de l’alliance ; voir Juges 2.11-13, note. Nous ne savons à quelle circonstance le Baal adoré à Sichem devait ce nom. Était-ce, comme le Zeus orkios des Grecs, la divinité qu’invoquaient les Cananéens de la contrée dans les traités d’alliance qu’ils concluaient entre eux ou avec des voisins, comme les villes phéniciennes ? On lui avait élevé un temple à Sichem même (Juges 9.4).
N’usèrent pas de gratuité : on le verra dans le chapitre suivant, à la manière dont ils traitèrent ses fils.
Jérubbaal-Gédéon. Ces deux noms ici réunis servent à rappeler les services signalés que cet homme avait rendus à son peuple.